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Full text of "Le mahabharata poème épique de KrishnaDwaipayana plus communément appelé VédaVyasa, c'estadire le compilateur et l'ordonnateur des Védas traduit complètament pour la première fois du sanscrit en francais par Hippolite Fauche Vol. 4"

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XX/ 

// 


Ï.E  MAHA-BHAUATA 


POtME  ÉPIQUE. 


"'VNXX 


IM  reproduction  et  la  Ircduelion  même  de  cette  traduction  sont 
interdites  en  Fraticc  et  dans  les  pays  étrangers. 


arm.  — japiiaraie  ji  ca>B(i. 


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LE 


MAHA-Ba^RATA 


P*i»fE  ÉPIfCE 

DE  KRISHNA-DWAIPAYANA 


PLUS  Gomniin^T  APPsii 


c'est-a-dire  le  compilateur  et  l'ordonnateur  des  védas 

Trtdnil  complétemeot  pour  la  première  fois  da  sanscrit  en  françai<( 

PAt 

HIPPOLTTE  FAUCHE 

Trsdaetear  da  Rioftytoa,  des  aCuvres  eomptfctes  de  KAlidlM,  etc. 
Abrèriatear  da  Râmiyaaa 


QUATIU^.ME  VOLUME 


PARIS 

LIBRAIRIE  DE  A.  DURAND 


Roe  des  Grèa-Sorboane,  7 


ET  LIBRAIRIE  DE  M-"  V BENJAMIN  DUPRAT 

Rse  Foalucs  (àncienoa  me  du  CluUre'Saiot-Beaolt),  7 


1805 


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A NOS  LECTEURS. 


Nous  avons  composé  tout  ce  quatrième  volume  en 
cinq  mois. 

Nous  étions  heureux,  nous  étions  même  presque 
fier  de  présenter  à nos  souscripteurs  le  volume,  en- 
vironné de  cette  conquête  d’un  grand  mois  sur  le 
temps  demandé  pour  sa  rédaction.  Malheureuse- 
ment, une  grève  inattendue  est  tombée  tout-à-coup 
sur  notre  imprimerie  ; elle  a tenu  en  suspens  l’im- 
pression de  l’ouvrage  deux  mois  durant  et,  quand 
elle  eut  cessé,  nous  n’avons  pu  obtenir,  en  réponse  à 
nos  justes  instances,  que  l’immense  effort  de  deux 
feuilles  par  semaine  ou  trente-deux  pages  ! Tant  il 
est  vrai  que  la  promptitude  de  l’écrivain  est  une 
chose  à peu  près  stérile,  si  elle  n’est  appuyée  sur  la 
promptitude  subordonnée  des  typographes. 


VI 


A NOS  LECTEURS. 


Ce  Tolume,  que  nous  avons  l’honneur  d'offrir  au 
public  en  ce  moment,  nous  semble,  malgré  les  obs- 
curités fréquentes  du  texte,  les  altérations  du  manus- 
crit imprimé,  et  les  intrusions  de  matières,  qui  tran- 
chent amphibologiquement  ou  ténébreusement  la 
suite  des  idées,  supérieur  par  le  nombre  et  la  va- 
riété des  épisodes  aux  trois  volumes,  qui  ont  déjà 
précédé  ce  quatrième  tôme.  Si  nous  prenons  à part 
l’épisode  des  Entretiens  de  Mârkandhéya,  qui  est  à 
lui  seul  une  vaste  galerie  de  narrations,  nous  dis- 
tinguons au  milieu  d’elle  le  beau  récit  du  vendeur 
de  chair,  Dharma-Vyâda  ou  le  vertueux  chasseur, 
ce  paria,  de  qui  l’histoire  n’est  pas  autre  chose, 
par  un  singulier  hasard,  que  le  sujet  même  traité 
dans  la  Chaumière  indienne  ^làT  Bernardin  de  Saint- 
Pierre,  sans  se  douter  que  son  idée  avait  déjà  été 
mise  en  œuvre  dans  un  poème,  dont  sans  doute  il 
ne  connaissait  pas  encore  le  seul  titre. 

Une  fois  toute  la  traduction  du  Mahâ-Bhârata 
complètement  achevée,  nous  avons  pris  avec  un  li- 
braire l’engagement  de  tenter  sur  ce  poème  le  même 
travail,  que  nous  avons  déjà  opéré  sur  le  Râmâ- 
yana,  de  le  réduire  en  quatre  volumes,  de  retrouver 
dans  cette  indigeste  compilation,  les  éléments  primi- 
tifs de  cétte  grande  épopée,  et  de  resaisir  les  mem- 
bres du  poète  disséminés  çà  et  là,  disjecti  membra 
poetœ. 


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A NOS  LECTEURS. 


vu 


II  sera  facile  de  seolir  la  nécessité  d’un  pareil 
ouvrage,  quand  on  aura  lu,  dans  le  présent  volumui 
l’épisode  de  la.  royale  anacborèle  DraâupadI,  qui 
envoie  Bhiniaséna,  son  époux,  lui  chercher  des  lo- 
tus célestes,  et,  immédiatement  après,  un  nouveau 
chapitre,  le  combat  de  ce  Pàndouide  avec  l’Yaksha, 
où  l’on  pense  aborder  de  plein  pied  un  tout  autre 
sujet  ; mais  on  n’y  a pas  au  fond  deux  récits  de  choses 
diverses  ; on  n’en  possède  ici  qu’une  seule  : c’est  la 
même  version  sous  deux  titres  difTérents;  et,  quand 
on  est  arrivé  dans  l’une  à la  fln,  il  n’est  rien  de 
plus  fastidieux  que  d’avoir  à remonter  dans  l'autre 
au  commencement  de  sa  lecture.  L’attention  se  fa- 
tigue, le  dégoût  se  met  de  la  partie,  et  l’esprit  dis- 
trait laisse  échapper  le  fil  des  idées. 

Dans  un  banquet  de  Société  agricole,  un  de  nos 
amis  disait  à M.  le  maire  de  Juilly,  notre  voisin: 
< Une  chose  m’étonne,  c’est  que  les  ouvrages  de  M. 
Hippolyte  Fauche  sont  moins  connus  en  France 
qu'à  l’étranger  ! » 

S'il  en  était  ainsi,  la  chose  ne  serait  pas  éton- 
nante ; bien  au  contraire,  elle  serait  toute  simple  et 
l’effet  dériverait  naturellement  de  sa  cause.  En  effet, 
il  n’est  pas  un  seul  exemplaire  du  Mahâ-Bhârata,  que 
nous  ayons  donné  en  France,  en  Angleterre,  en 
Allemagne,  ou  nulle  autre  part,  à quelque  feuille 
périodique  cl  journal  que  ce  soit,  non,  certes!  dans 


vm 


A NOS  LECTEURS. 


■ un  esprit  de  dédain  ; mais  nous  ne  possédons  qu’un 
nombre  à peine  suffisant,  où  il  ne  reste  plus  de  gé- 
nérosités ù se  permettre.  Comment  alors  et  pourquoi 
les  journaux  français  eussent- ils  parlé  d’un  ouvrage, 
qui  n’est  pas  soumis  à leur  jugement  ? D’ailleurs  le 
Mahâ-Bhârata  n'exige-t-il  pas,  comme  en  général 
toute  la  littérature  sanscrite,  des  études  spéciales,  et 
qui  sont  en  dehors  des  occupations  courantes  de  la 
critique  journalière? 

Si  un  journal  en  eût  parlé,  sa  voix  aurait  été  & 
peu  près  stérile  ; il  eût  tiré  notre  nom  de  l’obscurité, 
mais  sans  nous  procurer  la  vente  d’un  seul  exem- 
plaire. 

La  Revue  d’Orient  et  le  Journal  des  Savants  veu- 
lent bien  annoncer  la  publication  de  chacun  de  nos 
volumes  à son  apparition.  Cette  bienveillante  men- 
tion nous  suBU,  et,  grâce  à ces  deux  revues,  il  n’est 
peut-être  pas  en  Europe  une  seule  personne,  adon- 
née aux  lettres  sanscrites,  ou  qui  veuille  étudier 
l’histoire  d’un  grand  peuple  dans  sa  littérature,  à 
laquelle  aujourd’hui  il  ne  soit  parfaitement  connu 
que  nous  sommes  occupés  sérieusement  de  la  tra- 
duction du  Mahâ-Bhârala. 

Les  lettres  sanscrites  ont  éprouvé,  avouons-le, 
à l’Académie  Française  un  échec,  que  nous  étions 
assez  loin  de  présumer. 

Il  y a plus  d’un  an,  à l’époque,  où  l’on  imprimait 


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A NOS  LECTEURS. 


IX 


le  Râmâyana  réduit,  nous  avions  lu  dans  notre  jour- 
nal que  l'Académie  accordait  un  prix  Monthyon  à 
l’homme  distingué,  qui  avait  traduit  l’Enfer  du 
Dante.  Cette  mention  nous  mit  sur  le  champ  à l’es- 
prit  de  porter  bientôt  à l’illustre  société  notre  petit 
RAmâyana.  C’était,  dira-t-on,  un  ouvrage  savant  ! 
Mais  l’ouvrage  du  poète  Florentin  n’est-il  pas  un 
ouvrage  beaucoup  moins  populaire? 

L’Inde,  objectera-t-on  encore,  est  si  éloignée  de 
nous  et  ses  mœurs  si  opposées  aux  nôtres  ! 

Mais  pas  tant  qu’on  ne  puisse  dire  les  Indiens 
en  quelque  sorte  les  chrétiens  de  l’antiquité,  car 
l’homme  de  ces  temps  y coudoie  encore  de  bien  près 
le  Français  de  nos  jours. 

Et,  d’ailleurs,  si  l’on  veut  trouver  du  plaisir  dans 
une  lecture  du  poème  Dantesque,  il  faut  connaître 
non-seulement  l’histoire  publique  de  l’Italie  à cette 
époque,  mais  encore  l’histoire  privée  de  Florence, 
et  ne  rien  ignorer  de  ces  personnes,  je  dirai  mieux, 
de  ces  individus  et  de  ces  faits  particuliers,  dont  le 
souvenir  pour  beaucoup  n’a  point  vécu  jusqu’à  nous. 

Je  déposai  l'ouvrage  et  je  reçus  du  secrétaire  per- 
pétuel une  lettre,  m’annonçant  qu’il  était  inscrit 
pour  concourir  au  prix  Monthyon. 

Le  temps  marche  vite,  quand  on  est  très-occupé, 
et  j’arrivai  bientôt,  dix  mois  après,  à l’époque  d’une 
nouvelle  distribution  de  ces  récompenses:  je  lus  tous 


X 


A NOS  LECTEURS. 


les  litres  des  nombreux  ouvrages,  juslement  hono- 
rés des  prix  Monlhyon  ; mais  je  n’en  trouvai  pas  un 
seul,  le  plus  insignifiant  même,  pour  le  Rüniâyana. 
La  politesse  d’une  mention  honorable,  qui  ne  coûte 
rien  et  n'engage  à rien,  ne  lui  était  pas  faite  seule- 
ment. 

Les  quarante  Immortels,  tout  Académie  Fran- 
çaise qu’ils  soient,  avaient-ils  eu  raison  dans  ce  dé- 
daigneux silence? 

Quelle  description  supérieure  d’un  caractère  allié 
à la  perfection  des  vertus  que  1a  peinture  de  ce. 
Râma,  demandé  et  promis  pour  la  Royauté  de  la 
Jeunesse?  Quelle  énergie  dans  Viçvâmitra,  qui  suc- 
combe à l’amour,  se  laisse  surprendre  à la  colère  et 
se  replonge  encore  une  troisième  fois  dans  ses  in- 
domptables pénitences!  Quel  excellent  père  que  ce 
Daçaralba  I Comme  il  est  étroitement  lié  à sa  parole 
donnée  ! Avec  quelle  respectueuse  obéissance  Râma 
accepte  l’ordre  contraint  de  son  royal  père,  qui  le 
condamne  à quatorze  années  d’hermitage  au  sein 
des  forêts  ! Avec  quelle  fermeté  calme,  où  l’on  sent 
néanmoins  la  nature  humaine,  il  tombe  du  sommet 
des  honneurs,  qu’il  était  si  près  d'atteindre!  Quel 
oubli  des  injures!  quel  pardon  des  offenses!  Comme 
il  ne  cesse  pas  d’étre  un  fils  vertueux  et  soumis  à 
l'égard  de  celte  Kékéyî,  sa  marâtre  ! Quelle  piéié 
filiale!  quel  tendre  rappel  aux  lois  de  lafamilledans 


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A NOS  LECTEURS. 


U 


les  adieux,  qu’il  adresse  à Kaâuçalyâ,  sa  mère  ! 
Quel  dévouemenl  fraternel  de  Lakshrnana  ! Quel 
désintéressement  idéal  que  celui  de  l’honnéle  Bha- 
rata ! Quel  saint  débat,  quelle  pieuse  contestation 
entre  ces  deux  bons  frères,  dont  l’un  veut  rester 
ce  que  son  père  l’a  fait,  anachorète  des  bois,  et  dont 
l’autre  veut  lui  remettre  son  vaste  empire  ; mais, 
n’ayant  pu  le  vaincre,  endosse  un  vêtement  d’ber- 
mite,  se  relire  dans  un  village  et  règne  aux  pieds  du 
trône,  sur  lequel  sont  inaugurées  les  deux  chaus- 
sures de  Râma  ! Quelles  douces  et  bienveillantes  pa- 
roles que  celles  de  Silâ,  pour  rappeler  son  époux  à 
la  mansuétude  de  l’ascète,  quand  il  voyage  armé  au 
sein  des  forêts  ! Quelle  chasteté,  quelle  soumission, 
quelle  fidélité  conjugale,  mais  quelle  intrépidité  de- 
vant le  monarque  aux  dix  têtes  ! Quel  respect  de 
l’opinion  publique,  quand  l’époux  impose  l’épreuve 
du  feu  à l’épouse  injustement  soupçonnée  ! Quel 
culte  plus  grand  de  la  vérité  ! Pas  une  vertu,  qui  ne 
soit  mise  en  action,  jusqu’au  dévouement  aveugle 
du  vassal  à l’égard  de  son  haut  suzerain  : 

< Placé  entre  la  force  épouvantable  de  Rima  et  l'ordre  terri- 
ble de  mon  Seigneur,  mon  devoir  est  ici  de  préférer  l'obéissance 
i la  vie  même  (1). 

Mais,  dira-t-on,  le  Râmâyana  complet  forme  neuf 


(1)  R&miyana  réduit,  tome  I,  p.  39A. 


XII 


A NOS  LECTEURS. 


volumes  et  votre  poème  réduit  n’en  compose  que 
deux  ! Quoi  1 sept  volumes  jetés  dans  la  corbeille  aux 
papiers  inutiles  ! Est-il  possible  qu’une  telle  masse 
d’intrusions  aitpu.de  siècle  en  siècle,  naître  e.l  pren- 
dre vie  aux  branches  du  poème  trop  complaisant! 

Sans  aucun  doute  ! 11  y a une  chose  certaine, 
c’est  qu’il  ne  s’y  rencontre  pas  de  nous-même  ajouté 
un  seul  mol,  fùt-ce  pour  servir  simplement  de  liai- 
son. Notre  facile  travail  fut  celui  de  nos  ciseaux; 
nous  avons  coupé  dans  l’étoffe,  sans  y coudre  un  seul 
lambeau,  soit  pour  établir  une  transition,  soit  pour 
faciliter  un  rapprochement.  Le  poème  s’y  trouve  en 
tous  ses  membres  ; il  n’y  manque  rien  : bras  ou 
jambes,  tête  ou  galbe  ! 

Imaginez-vous  un  indigène,  que  la  nature  eut 
fait  pour  charmer  les  yeux  par  la  régularité  de  ses 
proportions;  mais  qui,  dans  une  longue  suite  d’an- 
nées, s’est  couvert  de  loupes  par  tous  ses  membres, 
d’excroissances  hideuses,  de  superfétations  dégoû- 
tantes, à tel  point  que  celte  belle  personne  n'ait 
plus,  en  quelque  façon,  apparence  de  forme  hu- 
maine. Un  chirurgien  d’Europe  survient;  il  ne  re- 
cule pas  devant  la  cure,  il  retranche  ces  loupes,  il 
passe  le  fer  chaud  sur  les  excroissances,  il  extirpe 
impitoyablement  les  superfétations  et  parvient  à 
rendre  la  beauté  primitive  è ce  qui  n’élait  plus 
qu’une,  masse  informe. 


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A NOS  LECTEURS. 


xui 


Il  nous  avait  semblé  que  cette  opération  toute 
manuelle,  il  est  vrai,  u’en  était  pas  moins  digne  de 
quelque  petite  mention.  Nous  avions  été  dans 
l’erreur  : voilà  tout  ! , i 

Mais  c’est  égal  ; j’ai  beau  faire,  je  ne  puis  m'em- 
pècherde  penser  que  vous,  les  quarante  Immortels, 
vous  avez  eu  tort  de  ne  pas  mentionner  cet  ouvrage, 
toute  Académie  Française,  que  vous  soyez,...  et  peut- 
être  aussi  parce  que  vous  ètesTAcadémie  Française  I 
Mais  si,  de  ce  côté,  je  n’ai  pas  de  remerclment  à 
faire,  il  n’en  est  point  ainsi  du  côté  de  mes  sous- 
cripteurs. En  effet,  plusieurs, à l’apparition  de  cha- 
que volume,  m’ont  écrit  des  lettres  de  sympathie  et 
de  félicitations.  Malheureusement,  elles  sont  restées 
sans  réponse,  non  par  une  flegmatique  indifférence, 
tant  s’en  faut  ! mais  nous  sommes  tellement  occu- 
pé et  nous  avons  un  si  vif  désir  de  mener  à bonne 
fin  notre  longue  entreprise,  que  nous  avons  compté 
sur  leur  philosophique  indulgence. 

Nous  les  prions  d’en  vouloir  bien  recevoir  ici  nos 
remerclments  sincères.  Ces  lettres  ne  sont  pas  tom- 
bées entre  les  mains  d’un  indifférent  ; elles  nous  ont 
rattaché  d’une  manière  plus  étroite  à notre  pénible 
tâche;  elles  ont  ranimé  notre  ardeur,  elles  ont  em- 
pêché notre  courage  de  s’éteiudre  ; et,  comme  le 
bruit  imposteur  a couru  dans  tout  Paris  que  nous 
avions  renoncé  à notre  difficile  ouvrage,  et  que  le 
troisième  volume  en  serait  le  nec  plus  ultra,  nous 


*1V  A NOS  LECTEURS. 

profitons  de  celte  nouvelle  pour  renouveler  ici  la 
promesse,  que  nousavons  déjà  faite  solenuellemenl: 
« Nous  conduirons  jusqu'à  sa  complète  fincetim> 
mense  labeur,  s’il  plaît  à Dieu  ! » restriction,  sans  la- 
quelle il  est  impossible  à l’homme  de  rien  promettre. 

Nous  demandions,  et  vous  ne  l’avez  pas  oublié, 
dans  notre  Prospectus  cent  souscripteurs  seulement. 
Eh  bien  ! uous avons  trouvé  un  nombre  une  fois  plus 
grand  ! Nous  avons  enregistré  sur  notre  liste  deux 
cent  douze  souscripteurs  ou  acheteurs.  Ce  résultat 
suffit  presque  à couvrir  les  frais  d’une  impression, 
non  point  à six  cents,  (nous  y avons  prudemment  re- 
noncé,) mais  à trois  cents  exemplaires.  Il  n’y  a point 
encore  là  de  gain  pour  nous  ; mais,  dans  ces  sortes 
de  choses,  l'absence  de  perle  est  déjà  un  bénéfice. 

D’ailleurs,  n’avons-nous  pas  appris  sur  les  bancs 
du  collège  ces  deux  vers,  que  nous  récitions  en  éco- 
lier rhétoricien,  absolument  désintéressé  dans  la 
matière  : distique,  dont  l’expression  pompeuse  ne 
convient  pas  à notre  ambition  fort  modeste,  dont 
le  style  est,  je  n’ose  dire  par  respect,  ridiculement 
affublé  de  la  mythologie  des  classes,  et  dont  le  se- 
cond hémistiche  du  premier  vers  manque  en  ce 
temps-ci  de  vérité  : 

Aux  plus  savants  auteurs,  comme  aux  plus  grands  guerriers, 
Apollon  ne  promet  qu'un  nom  et  des  lauriers?  Boiuian. 

Juilly,  3t  septembre  1865.  ‘ 

. .'ïiî. 


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PETIT  INDEX 


DI  QUELQUES  MOTS  PSD  CONNUS  DANS  CE  PRÉSENT  VOLUME. 


ç 

Çatvya  | 

et  > noms  des  chevaux  de  Krishna. 

Çougrlva\ 

Çarva,  un  des  surnoms,  que  porte  Çiva. 

Çatchi  ou  Çatcht,  l'épouse  du  roi  des  Dieux  : d’où  vient 
son  appellation  de  Çatchipati,  l’époux  de  Çatchi. 

Çri,  la  Cérès  des  Latins,  nom  de  Lakshmi,  la  Déesse  de 
la  beauté. 

K 

Kârttika,  nom  d’un  mois,  octobre-novembre,  quand  la  lune 
accomplit  sa  pléoménie  près  des  Pléiades. 

Kiràta,  un  sauvage,  un  homme  des  tribus  barbares,  qui 
habite  les  bois,  les  montagnes,  et  qui  vit  de  la  chasse  ; 
les  Kirradœ  d’Arrien. 

Kouniâra,  un  jeune  enfant,  qui  n’a  pas  encore  atteint  la 
cinquième  année  : c’est  un  surnom  fréquemment  donné 
à Kârttikéya,  le  Dieu  de  la  guerre. 

M 

Mabaséna,  autre  surnom  de  Kârttikéya. 

O 

Oupânçou,  un  vœu  in-petlo,  un  vœu  de  choses  secrètes. 

P 

Pardjanya,  un  nom  d’Indra. 

Pâtàla,  l’Enfer,  le  Tartare,  la  région  située  au-dessous  de 
la  terre  et  la  demeure  des  Nâgas  ou  des  serpents. 

Poundarika,  un  lotus  en  général,  d’où  Vi.shnou  fut  sur- 
nommé Poundarikilkfhii,  Dieu  aux  yeux  de  lotus  bieut. 


XVI 


PETIT  INDEX. 


Pourohita,  antfpofùut.  le  brahme,  qui  dans  la  maison  est 
préposé  au-dessus  de  tous  les  autres  et  préside  à la  di- 
rection suprême  des  cérémonies  religieuses. 

R 

Radjas,  la  seconde  condition  de  l'esprit  humain,  la  qualité 
de  passion,  qui  produit  les  désirs  sensuels,  les  appétits 
mondains,  l’orgueil,  la  fausseté,  et  qui  est  la  cause  de 
la  douleur. 

S 

Sattwa,  un  des  trois  gounas  ou  propriétés  de  l’homme  et 
de  la  nature,  la  qualité  d’excellence  ou  de  bonté,  qui 
éclaire,  constitue  l’intelligence,  et  est  la  cause  de  la  vé- 
rité. Sa  prédominance  rend  la  personne,  en  qui  elle  se 
trouve,  vertueuse,  bumidne,  pieuse,  charitable,  chaste, 
honnête,  et  donne  à ses  actions  la  pureté,  la  douceur 
et  le  caractère  de  toutes  les  vertus. 

T 

Tamas,  la  troisième  des  qualités  attachées  à l’état  de 
l'humanité  ou  la  propriété  de  l’obscurité,  d’où  procède 
la  folie,  l’ignorance,  l’aveuglement  de  l’esprit,  les  illu- 
sions du  monde,  etc. 

Tchaltya,  arbre  consacré,  ordinairement  un  figuier  reli- 
gieux, planté  soit  devant  un  village,  soit  à la  proximité 
d’une  ville,  soit  dans  un  cimetière,  ou  autre  lieu  public. 

Tchakra,  disque  acéré,  armede  guerre,  tranchante  de  tous 
les  cùtéii  : c’est  l’arme  terrible  de  Vishnou. 

Tchitrayodhin,  bellator  varii  pugnant,  un  des  noms,  que 
portait  .\rjouna. 

V 

Viçravas,  le  père  de  Kouvéra,  d’où  est  dérivé  son  nom  de 

Valçravana  ou  le  Yiçravanide. 

Vivaçvat,  qui  potaède  un  vêtement  de  lumière  : c’est  un 
des  noms  donnés  au  soleil. 


- Digitize 


LE  MAHA-BHARATA 


POÈME  SANSCRIT 


LE  PÈLERINAGE  AFX  TIRTHAS 


(suite). 


Youddhishthira  dit  : 

« On  peut  aller,  Vrikaudara,  vers  des  êtres  invisibles, 
grands  et  vigoureux,  avec  le  feu  et  la  pénitence.  10,840. 

n Écarte  la  faim  et  la  soif,  fils  de  Kounti,  avec  l’aide 
de  la  force;  ensuite  appuie-toi,  Ventre-de-Loup,  sur  la 
force  et  l’adresse.  10,841. 

» Tu  as  entendu  la  parole  du  rishi  près  du  mont  Kal- 
lâsa  : considère  avec  intelligence  comment,  seigneur, 
Krishnà  pourra  faire  la  route,  accompagnée  de  Sahadéva, 
de  Dhaâumya,  des  cochers,  des  cuisiniers  et  de  tous  les 
serviteurs.  10,842 — 10,843. 

i>  Toi,  Bbtma,  escorté  des  chars,  des  chevaux  et  des 
autres  brahmes,  sur  qui  la  route  fait  peser  l'a  peine,  pro- 
mène tes  grands  yeux  derrière  toi  sur  tous.  10,844. 

» Lomaça  aux  grandes  pénitences,  Nakoula  et  moi, 
IV  1 


2 


LE  MAHA-BHARATA. 


nous  trois,  nous  irons  dans  la  montagne,  nos  vœux  com- 
primés et  nous  refusant  la  nourriture.  10,8Aô. 

» Habite  ici  dans  l’attente  de  mon  retour  aux  portes  de 
la  Gangâ  et  garde  avec  attention  DraAupadt  jusqu’à  ce 
que  je  revienne.  » 10,8&6. 

Bblma  répondit  : 

U L’éminente  princesse  marche,  fils  de  Bharata,  sous 
le  poids  de  la  douleur,  accablée  de  lassitude,  appelant  de 
ses  désirs  la  vue  du  héros  aux  blancs  coursiers.  10,847. 

» Ton  anxiété  n’est  pas  moins  cruelle  de  ne  pas  voir  le 
magnanime  Goudàkéça,  qui  ne  recule  jamais  dans  les  ba- 
tailles. 10,848. 

» Combien  plus  grande  sera-t-elle,  quand  tu  ne  verras 
plus,  Bharatide,  ni  Sahadéva,  ni  moi,  ni  Krishn.à?  Que 
les  brahmes  et  tous  les  serviteurs,  les  cochers,  les  cuisi- 
niers et  celui  d’entre  nous,  que  ta  majesté  jugera  conve- 
nable, s’en  aillent  à leur  fantaisie!  Quant  à moi,  je  n’ai 
aucun  désir  de  t’abandonner  jamais  dans  cette  montagne 
remplie  de  Rakshasas,  dans  ces  escarpements  et  dans  ces 
précipices.  Cette  vertueuse  fille  de  roi,  elle-même,  fidèle 
à son  époux,  10,840 — 10,850 — 10,851. 

U Ne  pourrait  s’éloigner  d’ici  sans  toi,  tigre  des  hommes. 
Il  en  est  ainsi  de  Sahadéva,  ce  prince,  qui  t’est  insépara- 
blement dévoué.  10,852. 

» Ce  beaa  jeune  homme  ne  s’écartera  jamais  de  toi,  ni 
moi  de  lui  : il  y a plus,  grand  roi  ; comme  l’envie  de  voir 
l'ambidextre  allume  les  désirs  de  nous  tous,  nous  irons 
avec  toi  ; et  s’il  est  imposs'ible  de  tenir  sur  des  chars  la 
montagne  aux  mille  bras,  nous  irons  à pied  seulement. 
N’aie  aucune  inquiétude,  sire,  je  porterai  la  Pântchàlaine 
dans  tous  les  endroits,  où  elle  ne  pourrait  marcher. 


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VANA-PARVA. 


S 


» Telle  est  ma  résolution  : n'aie  aucune  inquiétude, 
sire.  Ainsi  ferai-je  pour  ces  deux  jeunes  princes,  héroïques 
enfants  de  Mâdrl.  10,863 — 10,866 — 10,866—10,866. 

» Ils  passeront,  grâce  à moi,  en  ces  lieux  diOiciles,  où 
ils  ne  pourraient  aller  d’eux-mémes.  » — « Bhtma,  6 toi, 
qui  parles  ainsi,  reprit  Touddhishthira,  que  ta  vigueur 
s’augmente,  afin  que  tu  puisses  voiturer  l’illustre  Pin- 
tchâlaine  et  les  deux  jumeaux  eux-mémes  I La  félicité  des- 
cende sur  toi!  Nulle  part,  il  n’existe  un  homme,  capable  de 
porter  un  tel  fardeau.  10,867 — 10,868. 

» Puisse  s’accroître,  guerrier  aux  longs  bras,  ta  race, 
ta  renommée,  ta  vertu  de  kshatrya  et  ta  gloire,  afin  que 
ta  sois  en  état  de  conduire  en  ces  lieux  difficiles  Krishnà 
et  ses  deux  frères!  N’aie  pas  de  langueur  et  ne  sois  pas 
vaincu  dans  cette  charge  ! » Ensuite,  la  ravissante  Krishnâ 
tint  en  riant  ce  langage  ; 10,860 — 10,860. 

« Je  marcherai  bien!  Ne  conçois  pas  d’inquiétude  à 
mon  égard,  fils  de  Bharata  !»  — « On  peut  aller  sur  le 
mont  Gandhamâdana,  armés  de  pénitence,  dit  Lomaça. 

» Nous  nous  munirons  tous  de  pénitence,  fils  de  Kountl  ; 
et  Nakoula,  Sahadéva,  Bhlmaséna,  moi,  prince,  et  toi, 
nous  verrons  Arjouna  I » Tandis  que  ces  héros  s’entrete- 
naient ainsi,  ils  virent  avec  joie,  sire,  la  terre  de  Soubâ- 
hou,  contrée  vaste,  pleine  d’éléphants  et  de  chevaux  en 
grande  quantité,  remplie  de  Tanganas  (1)  et  de  Kirâtas  (2) , 
mêlée  de  cent  espèces  de  Poulindas  (S), 

10,861—10,862—10,863—10,806. 

Peuplée  des  bufiBes  de  l’Hymàlaya  et  douée  de  diffé- 
rentes merveilles.  A leur  vue,  le  souverain  des  Kalindas, 


(l>-2^3)  Nomi  de  hordee  MUTagei. 


4 LE  MAHA-BHARATA. 

Soubàhou,  commence  par  manifester  sa  joie  et  les  reçoit 
avec  honneur  à la  frontière  de  ses  États.  Bien  accueillis, 
après  une  tranquille  habitation  chez  lui,  ces  héros,  lais- 
sant au  roi,  monarque  des  Kalindas,  leurs  domestiques, 
h la  tête  de  qui  était  Indraséna,  les  préposés  à l’office,  les 
cuisiniers  et  la  suite  entière  de  Draâupadi,  se  mirent  en 
route,  sire,  avec  un  soleil  fortuné,  pour  le  mont  Hima- 
laya. 10,866—10,866—10,867—10,868. 

Ces  guerriers  aux  longs  bias,  enfants  de  Kourou,  mar- 
chaient de  leur  pied  seul  ; et,  par  égard  pour  Krishna,  ils 
s’avancèrent  lentement  de  ces  lieux,  transportés  d’allé- 
gresse, avec  le  désir  de  voir  Dhanandjaya. 

10,869—10,870. 

« Bhlmaséna,  et  vous,  les  deux  jumeaux,  et  toi,  la 
Pântchàlaine,  écoutez-moi!  dit  A’ouddhishthira  : voyez! 
nous  marchons  dans  les  bois;  et  nous  n’avons  perdu  au- 
cune vie.  10,871. 

« Nous  sommes  faibles,  accablés  de  peines!  » dit-on, 
parce  que  nous  marchons  çà  et  là,  parce  que  nous  allons 
dans  l’impossible,  avec  le  désir  de  voir  Dhanandjaya. 

» L'n  feu,  pareil  à la  flamme,  qui  dévore  des  balles  de 
coton,  brûle  mes  membres,  parce  que  je  ne  vois  pas  à 
mes  côtés  le  héros  Dhanandjaya.  10,872 — 10,873. 

» La  soif  de  sa  vue  me  brûle  dans  ce  bois,  où  je  suis 
venu  avec  mes  frères  puinés;  il  me  brûle,  ce  héros,  objet 
de  la  patience  d’A'àjnasénl.  10,874. 

U Je  suis  consumé  de  douleur,  Vrikaudara,  parce  que 
je  ne  vois  pas  ce  fils  invincible  de  Prithâ  à l’arc  terrible, 
à la  force  sans  mesure  et  de  qui  la  naissance  a précédé 
celle  de  Nakoula  ! 10,875.  ■' 

» Je  parcours  avec  vous,  tourmenté  du  désir  de  sa 


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VANA-PARVA. 


5 


vue,  les  tirthas  charmants,  les  forêts  et  les  lacs.  10,870. 

» Je  suis  consumé  de  douleur,  Vrikaiidara,  parce  que 
je  ne  vois  pas,  depuis  cinq  années,  Dhanandjaya-Bt- 
bhatsou,  ce  héros  fidèle  à la  vérité.  10,877. 

» Je  suis  consumé  de  douleur,  Vrikaudara,  parce  que 
je  ne  vois  pas  Goudâkéça  aux  longs  bras,  au  teint  d’azur, 
à la  démarche  héroïque  du  lion.  10,878. 

» Je  suis  consumé  de  douleur,  Vrikaudara,  parce  que 
je  ne  vois  pas  le  meilleur  des  Kourouides,  le  plus  .adroit 
des  archers,  ce  guerrier  habile,  qui  a terminé  l’élude  des 
armes  et  qui  est  sans  compai-aison  dans  la  guerre  ; 10,879. 

» Dhanandjaya,  aux  épaules  de  lion,  semblable  à un 
éléphant  ivre,  et  qui  parcourt  les  troupes  des  ennemis, 
tel  que  la  destruction  irritée  au  temps  de  la  mort  ! 10,880. 

» Je  suis  consumé  de  douleur,  parce  que  je  ne  vois 
pas,  s.aisi  d’un  grand  ch.agrin,  cet  invincible  Phàlgouna  à 
l’arc  terrible,  ce  fils  de  Prithâ  aux  chevaux  bhancs,  ù la 
vaillance  sans  mesure,  de  qui  la  naissance  a devancé  la 
naissance  des  deux  jumeaux  et  qui  n’est  p.as  inférieur  à 
Çakra  en  force  et  en  richesse.  10,881 — 10,882. 

» Lui,  qui,  jctéçàetl.l  par  un  enfant,  est  doué  toujours 
de  palienc:  ; lui,  qui  donne  la  joie  et  la  .sécurité  à un 
ennemi,  qui  s’incline  vers  la  voie  droite;  10,883. 

» Mais  il  serait  le  poison  de  la  mort  pour  le  Dieu 
même,  qui  porte  la  foudre,  s’il  voulait  par  la  magie,  lui 
ôter  la  vie  et  s’il  entrait  dans  une  voie  tortueu.se.  10,884. 

» L’auguste  et  vigoureux  Bibhatsou  à l’âme  sans  me- 
sure n’est  pas  cruel  pour  l’ennemi,  qui  s’abaisse  ; il  lui 
donne  la  sécurité.  10,835. 

» De  nous  tous,  il  est  l’asile  dans  le  combat;  c’est  son 
bras,  qui  dans  la  bataille  broie  les  ennemis  : c’est  lui,  qui 


6 


LE  MAHA-BHARATA. 


nous  apporte  toutes  les  pierreries;  c'est  lui,  qui  nous 
donne  le  pl;ûsir  à tous.  10,8S($. 

I)  C’est  à son  courage,  que  j’ai  dû  jadis  ces  pierreries 
célestes,  en  grand  nombre,  de  toutes  les  espèces,  qui 
sont  aujourd’hui  au  pouvoir  de  Souyodhana!  10,887. 

» C’est  par  la  force  de  son  bras,  héros,  fils  de  Pàndou, 
que  jadis  fut  bâti  pour  moi  ce  palais  fait  de  toutes  les 
pierreries  et  célèbre  dans  les  trois  mondes.  10,888. 

» Je  ne  vois  point  iri  Phâlgouna,  invincible,  sans  me- 
sure dans  les  batailles,  l’égal  du  Vasoudévide  en  courage, 
l'égal  de  Karttavlrja  dans  la  guerre.  10,889. 

U Cet  immolateur  des  ennemis,  qui  par  sa  vaillance  te 
suit,  toi  l’invaincu,  Bhtma,  et  Sanltarshana  à la  grande  va- 
leur, et  le  fils  de  Vasoudéva  ; 10,890. 

n Lui,  de  qui  Pourandara  est  l’égal  pour  la  force  du 
bras  et  la  puissance,  le  vent  pour  la  rapidité,  la  lune 
pour  la  beauté  du  visage,  et  la  mort  éternelle  pour  la 
colère.  10,891. 

» Le  désir  de  voir  cet  héroïque  ügre  des  hommes  nous 
conduira  tous,  guerrier  aux  longs  bras,  dans  le  mont 
Gandhamâdana  ; 10,892. 

» Où,  sur  la  rive  de  la  grande  Varadt,  Nara  et  Nâ- 
râyana  avaient  mis  leur  hermitage.  Nous  verrons  cette 
excellente  montagne,  toujours  habitée  par  les  Yakshas. 

» Nous  irons  de  notre  pied  seul,  pratiquant  une  sévère 
pénitence,  au  lac  charmant  des  lotus  de  Kouvéra,  fré- 
quenté par  les  Démons  rakshasas.  10,893 — 10,89A. 

» 11  est  impossible  d’aller  en  ce  lieu,  Vrikaudara,  à un 
homme,  qui  possède  un  char,  qui  est  cruel,  ou  de  qui 
l’avarice,  fils  de  Bharata,  dévore  le  cœur.  10,895. 

» Nous  irons  tous  là,  Bhlma,  accompagnés  des  brahmes 


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VANA-PARVA- 


7 


aux  grands  vœux,  chercher  Arjouna,  munis  de  nos  armes 
avec  le  cimeterre  lié  à notre  cou  I 10,896. 

» L’homme,  de  qui  l’àme  n’est  pas  comprimée,  ren- 
contre la  morsure  des  mouches,  les  cousins,  les  lions,  les 
tigres,  les  serpents;  mais  l’homme  dompté,  fils  de  Prîthâ, 
ne  les  voit  pas.  10,897. 

» Nous,  tenant  nos  Ames  comprimées  et  nous  mesurant 
la  nourriture,  nous  entrerons  par  le  désir  de  voir  Dha- 
nandjaya  dans  le  mont  Gandhamàdana.  » 10,898. 

Lomaça  dit  : 

« Vous  avez  tous  vu  les  montagnes , les  rivières,  les 
forêts  et  les  villes,  les  charmants  ttrtbas  et  l’eau,  qu'on 
touche  avec  les  mains.  10,899. 

» Voici  la  route,  qui  nout  conduira  au  céleste  mont 
Mandera!  Fils  de  Pàndou,  soyez  tous  attentifs  et  sans 
trouble.  10,900. 

» Il  faudra  que  vous  alliez  A cette  habitation  des 
Dieux,  à cette  habitation  des  célestes  rishis  aux  œuvres 
pures.  10,901. 

Il  Cette  grande  rivière,  qui  a sa  source  dans  la  mon- 
tagne Vadnri,  aimable  sire,  et  dont  les  rives  sont  habitées 
par  des  Dévarsbis,  coule  pour  s'augmenter  avec  l’eau  de 
Çiva.  10,902. 

» Elle  est  honorée  par  les  magnanimes  BAlikhilyas, 
toujours  habitant  les  airs,  et  ses  bords  sont  recherchés 
par  les  Gandharvas  aux  grands  cœurs.  10,903. 

» C'est  ici  que  Haritchi,  Poulaha,  Bhrigou  et  Angiras 
lui-méme,  mariant  leurs  saintes  voix,  ont  jadis  chanté  le 
Sâma.  10,906. 

» Le  plus  grand  des  Dieux  y murmure  journellement 
la  prière  avec  le  chœur  des  Marouttes  ; les  SAdhyas  et  les 


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8 


LE  MAHA-BHâRATA. 


deux  Açwios  accourent  alors  et  l'environnent.  10,006. 

s La  lune  avec  le  soleil  et  les  étoiles,  accompagnées 
des  planètes,  suivent  les  bords  de  cette  rivière  selon  les 
portions  de  la  nuit  et  du  jour.  10,90fi. 

» Çiva,  par  qui  la  stabilité  du  monde  sera  donnée  aux 
portes  de  la  Gangâ,  a soutenu  sur  sa  tète,  éminente 
personne,  l’eau  pesante  de  cette  rivière.  10,907. 

» Que  toutes  vos  grandeurs  s'approchent  donc,  avec 
une  âme  soumise,  de  cet  adorable  fleuve  et  s’inclinent 
devant  lui.  » 10,908. 

Quand  ils  eurent  entendu  ces  paroles  du  magnanime 
Lomaça,  les  Pândouides  de  s’incliner  avec  dévotion  devant 
la  Gangâ  des  airs.  10,900. 

Après  que  tous  les  vertueux  fils  de  Pândou  eurent  payé 
cet  hommage,  ils  se  mirent  eu  route  de  nouveau  tous  avec 
joie,  accompagnés  des  troupes  de  rishis.  10,910. 

Ces  excellents  princes  virent  de  loin  s’étendre  de  tous 
côtés  la  plage,  qui  paraissait  blanche  et  semblable  au  Mé- 
rou. 10,011. 

Habile  à manier  le  discours,  Lomaça,  devinant  que  les 
Pândouides  avaient  envie  de  l’interroger,  tint  alors  ce 
langage  : « Écoutez,  fils  de  Pândou,  10,912. 

» Ce  vaste  et  bien  fortuné  lieu,  que  je  vois  se  dresser, 
6 le  plus  excellent  des  hommes,  pareil  à une  montagne  et 
semblable  aux  cimes  du  Kallàsa.  10,913. 

» Ce  sont  les  ossements  de  Naraka,  le  magnanime  Dat- 
tya!  Cet  ossuaire,  changé  aux  pierres  d’une  montagne, 
brille  aux  yeux  comme  une  montagne.  10,916. 

» Ce  Daltya,  mon  père,  fut  tué  par  l’antique  Dieu, 
l’âme  universelle,  Vishnou,  désirant  le  bien  du  roi  des 
Dieux.  10,015. 


vana-parva. 


9 


>1  Après  que  ce  Démon  au  grand  cœur  eut  cultivé  une 
rigoureuse  pénitence,  qui  avait  duré  dix  mille  ans,  il  dé- 
sira, pour  la  récompense  de  ses  macérations  et  la  persis- 
tance de  sa  lecture,  la  place,  qu'occupait  Indra;  10,916. 

U Et,  toujours  hautain,  le  fils  de  Dit!  s’en  empara, 
grâce  à la  rare  vigueur  de  sa  pénitence,  à la  grande  force 
et  à la  fougue  de  ses  bras.  10,917. 

» G)nnaissant  sa  force  et  son  vœu  suivi  dans  le  devoir, 
Indra  en  fut  alors  troublé,  mortel  sans  péché,  et  envahi 
par  la  crainte.  10,018. 

» Il  tourna  donc  sa  pensée  vers  l'impérissable  Dieu, 
Vishnou  ; et  le  fortuné  Seigneur,  de  qui  tout  est  parcouru, 
vint  se  présenter  devant  lui.  10,919. 

a Tous  les  saints  et  tous  les  habitants  du  ciel  enton- 
nèrent ses  louanges.  A sa  vue,  l’adorable  Feu  d’une 
beauté  flamboyante  10,920. 

» Perdit  sa  splendeur,  et  sa  splendeur  fut  éclipsée.  A 
l’aspect  du  divin  Vishnou,  le  donateur  des  grâces,  le 
maître  des  chœurs  de  Dieux,  10,921. 

» Le  porteur  du  tonnerre,  joignant  ses  mains  au  front, 
lui  fit  l’adoration  avec  dévotion  et  lui  tint  ce  langage  ; 
a Être  suprême,  que  le  danger  soit  renvoyé  à celui,  qui 
me  l'apporte  I » 10,922. 

» Vishnou  lui  répondit  : 

a Je  sais,  Indra,  le  danger,  que  tu  cours  de  ce  Naraka, 
le  roi  des  Daltyas;  il  désire  se  mettre  à la  place  d'Indra 
ptar  l’œuvre  parfaite  de  sa  pénitence.  10,923. 

U Je  vais,  par  affection  pour  toi,  le  séparer  de  son 
corps,  quoiqu’il  soit,  assurément,  parfait  dans  sa  péni- 
tence : attends  un  moment.  Dieu  Indra!  » 10,92i. 

» Vishnou  à la  grande  splendeur  d’enlever  an  Daltya 


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10 


LE  MAHA-BHABATA. 


rime  avec  sa  main;  et  il  toml>a  sur  le  champ  à terre 
frappé,  comme  le  roi  des  montagnes.  10,026. 

» Ce  que  nous  voyons  est  l'assemblage  des  ossements 
de  ce  Démon,  tué  par  compassion.  Il  est  un  autre  fait, 
compté  comme  le  second  parmi  les  faits  de  Vishnou. 

n La  terre,  perdue  toute  entière,  était  abîmée  dans  le 
Pâtâla;  elle  en  fut  retirée  par  le  seul  boutoir  d’un  san- 
glier, dont  il  avait  pris  la  forme.  » 10,926 — 10,927. 
Youddhishthira  l'interrompit  : 
n Vénérable,  dit-il,  raconte-moi  suivant  la  vérité  cette 
narration  avec  étendue  : comment  la  terre  fut-elle  perdue 
alors  par  le  maître  des  Dieux  7 10,028. 

» Comment  lut-elle  repêchée  alors , brahme,  à cent 
yodjanas?  Par  quel  moyen  la  terre  fortunée,  éminente, 
divine,  productrice  de  tous  les  fruits,  a-t-elle  été  refaite 
un  anneau  certain  du  monde?  Parla  puissance  de  qui  fut- 
elle  relevée  jusqu’à  cent  yodjanas?  10,929 — 10,930. 

« Par  qui  cette  substance  de  l’énergie  fut-elle  montrée 
au  Paramâtman  ? Je  désire , é le  plus  excellent  des 
brahmes,  entendre  tout  cela,  suivant  la  vérité,  avec  éten- 
due ; car  toute  cette  science  est  contenue  en  toi  ! » 

Lomaça  lui  répondit  : 

« Entends  de  ma  bouche  entièrement,  Youddhishthira, 
le  récit  de  toutes  ces  choses,  sur  lesquelles  tu  m’inter- 
roges. Jadis,  mon  père,  l’àge  Rrita  fut  terrible. 

1 0,931—1 0,932—10,933. 

» Au  commencement,  l’antique  et  premier  Dieu  fît  une 
exemption  de  la  mort  ; et  quand  ce  sage  Dieu  des  Dieux 
eut  exempté  du  trépas  tous  les  êtres  animés,  10,93i. 

» 11  n’y  eut  plus  de  mort,  Atebyouta,  mais  la  naissance 
avait  lieu  toujours  ; on  vit  s’augmenter  les  troupes  des  oi- 


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VANA-PARVA. 


11 


seaux,  les  vaches,  les  taureaux,  le  bétail,  les  chevaux,  les 
bœufs,  les  animaux,  qui  vivent  de  chair,  et  les  enfants 
de  Manou,  tigre  des  hommes  et  fléau  des  ennemis. 

10,935— 10,93«. 

» Ils  s'augmentaient,  comme  l'eau,  par  mille  et  par 
myriade.  Taudis  que  cette  effrayante  plénitude  existait, 
la  terre,  descendue  à cent  yodjanas  par  l'excès  de  la 
charge,  tous  ses  membres  agités  par  la  douleur,  et  l'âme 
envahie  par  la  pesanteur  du  faix,  s'en  fut  implorer,  sou- 
mise, le  secours  du  Dieu  Nàrâyana  et  lui  tint  ce  dis- 
cours : « Adorable,  je  dois  rester  bien  long-temps  ici 
d'après  la  faveur,  dont  je  fus  l'objet. 

10,937—10,938—10,939. 

» Je  ne  puis  durer  sous  le  poids,  qui  m'accable  ; daigne, 
adorable,  éloigner  de  moi  ce  fardeau.  10,940. 

» Je  suis  venue  sous  ta  protection  ; daigne,  seigneur, 
m'accorder  ta  faveur.  » Quand  il  eut  ouï  ce  langage 
d'elle,  l'adorable,  l'auguste  et  l'immortel  10,941. 

» Répondit  ce  discours  formé  de  syllabes  dignes  d'ètre 
entendues  : « Tu  ne  dois  concevoir  nulle  crainte  de  moi 
dans  le  fardeau,  qui  t'accable,  ô toi,  qui  portes  les  ri- 
chesses de  la  terre.  10,942. 

» Moi,  j'agirai  de  telle  sorte  que  tu  deviendras  légère. 
D'abord,  ayant  abandonné  la  terre  au  collier  de  mon- 
tagnes 10,943. 

n Et  m’étant  changé  en  un  sanglier  à la  grande  force,  à 
l'admirable  boutoir,  j'arracherai,  pour  ainsi  dire,  la 
crainte  de  tes  yeux  rouges.  » 10,944. 

» Enflammant  parLakshmilafumée.ils’accruten  ce  lieu 
même.  Ensuite,  prenant  la  terre  sur  son  admirable  et  lu- 
mineux boutoir,  l’immortel  de  la  relever,  héros,  à cent 


IS  LE  MAHA-BHARATA. 

yodjaoas.  Tandis  quelle  était  exhaussée,  une  agitation 
naquit  au  sein  d’elle.  10,0Aô — lO.OAU. 

» Tous  les  Dieux  et  les  saints,  riches  de  pénitences, 
furent  secoués  ; et  le  ciel,  les  airs  et  la  terre,  tout  de 
s’écrier  : « Hélas  ! hélas  ! » 10,947. 

s 11  n'y  eut  pas  un  homme,  ni  même  un  Dieu,  qui  resta 
debout.  Les  Dieux  et  les  chœurs  des  saints  s’avancèrent 
un  par  un  vers  Brahma  assis  et,  pour  ainsi  dire,  flam- 
boyant de  beauté,  et,  quand  ils  se  furent  approchés  de 
Brahma,  le  maître  des  Dieux  et  le  témoin  des  mondes, 
tous  de  réunir  leurs  mains  au  front  et  d’articuler  ce  dis- 
cours : Il  Tous  les  mondes  sont  agités,  les  êtres  immo- 
biles et  mobiles  sont  dans  le  trouble.  » 

10,948—10,949—10,950. 

n La  tempête  règne  sur  les  mers  et  cette  terre  toute  en- 
tière, sou^■erain  des  Tridaças,  est  remontée  à cent  yo- 
djanas.  10,951. 

» Quelle  est  cette  chose?  Pourquoi?  Qui  trouble  ce 
monde  par  sa  puissance?  Que  la  divinité  veuille  bien 
nous  le  dire!  Nous  sommes  absolument  ici  sans  aucune 
connaissance  ! » 10,952. 

Il  11  n’est  point  d’Asouras,  d’où  vous  ayez  nul  danger  à 
craindre  ici  quehjuc  part  : écoutez.  Immortels,  qui  a fait 
naître  cette  agitation  ? 10,953. 

» Ce  fortuné  Vishnou,  qui  se  tient  avec  une  âme  im- 
mortelle et  par  qui  tout  est  pénétré,  est  celui,  par  la  puis- 
sance duquel  lut  produite  celte  agitation  du  Tridiva. 

1)  C’est  l’âme  universelle,  Vishnou,  qui  a relevé  toute 
cette  terre,  qui  s’était  affaissée  jusqu’à  cent  yodjanas. 

10,954—10,955. 

» Son  redressement  est  la  cause  de  cette  agitation  ; 


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VANA-PARVA. 


13 


que  vos  divinités  le  sachent  ainsi  et  que  votre  doute  soit 
dissipé.  » 10,956. 

((  Où  cela  est-il  arrivé  7 lui  dirent  les  Dieux.  Où  joyeux 
a-t-il  retiré  la  terre?  Que  ta  révérence  nous  dise  l’endroit, 
et  nous  irons  adorer  ce  lieu.  » 10,957. 

« Eh  I bien  ! allez,  répondit  Brahma.  La  félicité  des- 
cende sur  vous!  Voyez  dans  le  Nandana;  il  s'y  tient.  C’est 
là  que  brille  le  vénérable  et  fortuné  Garouda.  10,958. 

U C'est  là  que  resplendit  maintenant,  comme  le  feu  de 
la  mort,  l'adorable  auteur  des  mondes,  après  qu'il  a retiré 
le  globe  de  la  terre  sous  la  forme  d'un  sanglier,  10,959. 

» Sur  sa  poitrine  reluit  ce  fameux  çrlvatsa.  Voyez  tous. 
Dieux,  cet  être,  duquel  n'approché  point  la  maladie.  » 

» Ensuite,  ayant  vu  et  entendu  le  magnanime  ayeul  des 
mondes,  lui  ayant  dit  adieu  et  décerné  le  premier  rang, 
les  Dieux  immortels  de  s'en  aller  comme  ils  étaient  ve- 
nus. I)  10x960 — 10,961. 

Dès  qu'ils  eurent  ouï  cette  narration,  Djanamédjaya, 
tous  les  fils  de  Pàndou  marchèrent  joyeusement,  d'un  pied 
agile,  comme  à l'ordre  de  Ixtmaça.  10,962. 

Alors  ces  héros  à la  vigueur  sans  mesure,  les  plus 
adroits  de  tous  les  archers,  ayant  pris  avec  eux  les  plus 
vertueux  des  brahmes,  attaché  leurs  épées,  ceint  les  car- 
quois, tenant  leurs  arcs  et  leurs  flèches,  la  manique,  dé- 
fense de  leurs  doigts,  liée  autour  de  leur  main,  s'avan- 
cèrent, accompagnée  de  la  Pàntchâlaine,  sire,  vers  le  mon/ 
Gandhamâdana.  10,968 — 10,964. 

Ils  virent  sur  le  front  de  la  montagne  des  lacs,  des  ri- 
vières, des  sommets,  des  bois  et  des  arbres  aux  épais  om- 
brages: 10,965. 

Lieux,  continuellement  revêtus  de  fleurs  et  de  fruits. 


n 


LE  MAHA-BHARATA. 


toujours  habités  par  des  Dévarshis.  Ces  héros,  tirant  de  la 
fermeté  d’eux-mèmes,  y vécurent  de  fruits  et  de  racines. 

Ils  allèrent  par  des  lieux  aux  formes  diverses,  précipices 
ou  défilés;  ils  virent  de  nombreuses  et  différentes  espèces 
d'animaux.  10,966 — 10,967. 

Ces  magnanimes  entrèrent  dans  cette  montagne,  par- 
courue des  kinuaras,  chère  aux  Apsarns  et  aux  Gandhar- 
vas,  la  résidence  des  saints,  des  Siddhas  et  des  Immor- 
tels. 10,966. 

A peine  étaient-ils  entrés  dans  ce  mont  Gandhamâ- 
dana,  un  vent  furieux,  accompagné  d’une  violente  pluie, 
se  manifesta  soudain,  monarque  des  hommes.  10,969. 

Il  souleva  un  nuage  0e  poussière,  mêlé  d'une  grande 
quantité  de  feuilles  : la  terre,  l'atmosphère,  le  ciel,  en 
furent  couverts  tout  à coup.  10,970. 

On  ne  voytdt  plus  rien  dans  le  ciel  enveloppé  de  pous- 
sière; ils  ne  pouvaient  plus  même  s’adresser  l’im  à l'autre 
la  parole.  10,971. 

Leur  œil,  couvert  par  l'obscurité,  ne  se  distinguait  plus 
les  uns  des  autres;  ils  étaient  entraînés  par  le  vent  si  fort, 
Bharatide,  qu'il  mettait  en  poudre  les  pierres  mêmes. 

C'était  un  bruit  continuel  d’arbres  rompus  du  vent, 
renversés  sur  la  surface  du  sol,  et  des  autres  pi  oduits  de 
la  terre.  10,972 — 10,973. 

« Est-ce  que  le  ciel  s’écroule  î Est-ce  que  la  terre  se 
fend?  Est-ce  que  la  montagne  s’entrouvre?  » Ainsi  tous 
ils  pensaient  dans  le  délire,  où  ils  étaient  jetés  par  le 
vent.  10,974. 

Effrayés  de  l’ouragan  et  cherchant  avec  leurs  mains,  ils 
se  couchaient  contre  les  arbres  sans  intervalle,  contre  les 
fourmillières,  contre  les  lieux  inégaux.  10,976. 


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VANA-PARVA. 


15 


Bhîmaséna  ù la  grande  force  s’arma  de  son  arc  et, 
s’étant  chargé  de  Krishnâ,  il  s’approcha  d’un  arbre,  U 
chercha  un  asyle  et  s’y  tint.  10,976. 

Dharmaràdja,  et  Dhaàumya,  et  Sahadéva,  ayant  pris 
les  feux  perpétuels,  se  couchèrent  sur  la  montagne  dans 
la  grande  forêt.  10,977. 

Nakoula,  et  les  autres  brahmes,  et  Lomaça  aux  grandes 
pénitences,  s’étant  avancés  avec  elïroi  vers  les  arbres,  se 
couchèrent  à leur  pied  çà  et  là.  10,978. 

Enfin  le  vent  faiblit,  la  poussière  s’apaise,  et  une  pluie 
survient,  avec  une  multitude  de  grandes  gouttes  d’eau. 

C’est  un  bruit  continuel  de  crépitement,  comme  si  on 
lançait  des  tonnerres  : ensuite  les  mobiles  clartés  de 
l’éclair  circulent  au  milieu  des  nuages.  10,979 — 10,980, 

De  larges  gouttes  de  pluie,  accompagnées  de  pierre, 
couvrent  le  sol  de  tous  les  côtés,  et  tombent  continuelle- 
ment, envoyées  là  par  le  vent  orageux.  10,981. 

Partout  se  confondant,  troublées,  écumeuses,  les 
eaux,  monarque  des  hommes,  se  manifestent  comme  des 
fleuves,  10,982. 

Et  courent  à la  ronde  avec  grand  bruit,  arrachant  les 
arbres  et  promenant  une  eau  profonde,  où  se  jouent  des 
portions  d’écumes,  semblables  à des  lunes.  10,983. 

Le  bruit  cesse,  le  vent  revient  au  calme,  l’eau  se  ras- 
semble dans  les  lieux  bas  et  le  soleil  reparaît  dans  le 
ciel;  10,98à. 

Tous  les  héros  sortent  lentement  de  leurs  retraitest  ils 
se  réunissent,  fils  de  Bharata,  et  se  mettent  en  route  de 
nouveau  pour  le  mont  Gandhamàdana.  10,985. 

A peine  les  magnanimes  enfants  de  Pàndou  s’étaient- 
ils  avancés  à la  distance  d'un  kroça,  quand  Draâupadi, 


1« 


LE  M VHA-BHARATA. 


qui  n'était  pas  accoutumée  de  marcher  à pied,  s'ar- 
rêta. 10,986. 

Fatiguée,  allligée  de  peine  par  le  vent  et  la  ploie,  la 
vertueuse  Pântchâll  s’évanouit  par  la  délicatesse  de  m 
constitution.  10,987. 

Ébranlée  par  le  délire,  cette  dame  aux  yeux  noirs  ap- 
puya ses  cuisses  de  ses  deux  bras  assortis  et  ronds. 

Quand  elle  se  fut  appuyé  de  concert  les  deux  cuisses, 
pareilles  à des  trompes  d'éléphants,  elle  tomba  soudain 
sur  la  terre,  tremblante  comme  un  bananier. 

10,988—10,989. 

Le  vigoureux  Nakoula  de  courir  et  de  recevoir  cette 
dame  à la  taille  svelte  au  moment  quelle  tombait,  sem- 
blable à une  liane  coupée.  10,990. 

« Sire,  dit-il,  cette  fille  aux  yeux  noirs  du  roi  de  Pân- 
tchâla  est  fatiguée  ; elle  tombe  sur  la  terre  ; regarde-la, 
fils  de  Bharata.  10,991. 

» Digne  du  plaisir,  cette  princesse  à la  démarche  douce 
est  tombée  dans  la  peine  la  plus  amère  : console-la,  grand 
roi,  car  elle  est  déchirée  par  la  fatigue.  » 10,992. 

A sa  voix,  pénétré  d'une  vive  douleur,  le  roi  courut 
aussitôt  avec  Bhima  et  Sahadéva  ; 10,993. 

Le  vertueux  fils  de  Rountl  la  vit  maigre  et  le  visage 
sans  couleur  ; il  la  posa  dans  son  sein  et  gémit  sur  elle, 
malade  de  sa  peine  : 10,99â. 

A’ouddhishthira  dit  : 

ft  Comment  ! cette  dame  de  la  plus  haute  des  castes, 
digne  du  plaisir,  accoutumée  aux  couvertures  moëlleuses 
dans  nos  palais  bien  gardés,  la  voilà  maintenant,  qui  gît, 
tombée  sur  la  terre.  10,995. 

» Comment  les  pieds  si  délicats  de  cette  femme  digne 


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VANA-PARVA. 


17 


des  meilleures  choses  et  sa  face,  pareille  au  lotus,  ont-ils 
pu  à cause  de  moi  passer  à la  noirceur  7 10,996. 

» Qu’ai-je  fait,  sans  réflexion,  passionné  pour  le  jeu, 
quand  j’ai  parcouru,  accompagné  de  Krishnâ,  celte  forêt, 
pleine  de  carnassiers  par  bandes  ? 10,997. 

(I  Cette  noble  femme,  elle  obtiendra  le  bonheur,  quand 
elle  aura  acquis  les  ûls  de  PAndou  pour  époux  t » C’est 
ainsi  que  parlait  son  père,  le  roi  Droupada,  en  nous  don- 
nant cette  vierge  aux  grands  yeux.  10,998. 

» Et  la  voici,  qui,  par  mes  œuvres  coupables,  gtt,  ren- 
versée sur  la  terre,  déchirée  par  le  chagrin,  la  fatigue  et 
la  route,  sans  qu’elle  ait  rien  obtenu  de  tout  cela.  » 

Tandis  que  Dharmarâdja-Youddhishthira  gémissait 
ainsi,  Dhaâumya  et  tous  les  autres  plus  vertueux  des 
brahmes  s’avancèrent.  10,999 — 11,000. 

Ils  consolèrent  Dra&upadl,  l’honorèrent  même  de  leurs 
bénédictions,  prononcèrent  les  formules,  qui  éloignent 
les  Rakshasas,  et  firent  les  cérémonies  religieuses. 

Quand  les  rishis  du  plus  haut  rang  ont  récité  les  man- 
tras  pour  la  paix,  les  Pândouides  la  touchent  mainte  et 
mainte  fois  de  leurs  mains  fraîches.  11,001 — 11,002. 

Caressée  par  un  vent  doux,  mêlé  avec  l’eau,  Pântchâlî 
en  éprouva  du  plaisir  et  reprit  peu  à peu  sa  connais- 
sance. 11,003. 

Les  fils  de  Prithâ  étendirent  Krishnâ  affligée  sur  un  lit 
de  peaux  de  gazelles  et  délassèrent  de  ses  fatigues  la 
femme  pénitente,  qui  avait  recouvré  l’esprit.  11,00A. 

Ils  portèrent  lentement  sur  leurs  mains,  qui  gardaient 
les  traces  des  cicatrices,  ses  deux  pieds  à la  rouge  surface 
et  dont  les  signes  de  beauté  étaient  honorés  de  loue. 

Dharmarâdja-Youddhishthira  de  la  consoler,  et  l’atné 
IV  2 


18 


LE  MAHA-BHARATA. 


des  Kourouidcs  adressa  ce  langage  à Bhlmaséna  : 

11,005—11,006. 

« Les  montagnes  sont  en  grand  nombre,  elles  sont 
inégales,  les  neiges  obstruent  les  routes  : comment 
Krishnâ,  guerrier  aux  longs  bras,  y pourra-t-elle  mar- 
cher?» 11,007. 

Bhlmaséna  lui  répondit  : 

« Je  t’y  conduirai  moi-même,  toi,  sire,  le  plus  grand 
des  hommes,  et  la  Tille  des  rois,  et  les  deux  jumeaux  : ne 
plonge  pas,  Indra  des  rois,  ton  âme  dans  l'aflUction.  11,008. 

» Le  fils  de  Hidimbâ  â la  grande  vigueur,  égal  en  force 
à moi,  voyage  dans  les  airs  ; Ghatautkatcha  nous  por- 
tera tous  à ta  voix,  mortel  sans  péché.  » 11,009. 

Il  en  obtint  la  permission  de  Dharmarâdja  et  tourna 
aussitôt  son  souvenir  vers  le  Rakshasa,  son  fils.  A peine 
le  vertueux  Ghatautkatcha  cut-il  été  lappelé  à la  mémoire 
de  son  père,  il  se  présenta,  les  mains  jointes,  à ses  yeux. 
Le  héros  aux  longs  bras  s'inclina  devant  les  fils  de  Pâiidou 
et  devant  les  brahmes;  puis,  salué  par  eux,  il  tint  ce 
langage  à Bhlmaséna,  son  père,  à la  vaillance  épouvan- 
table : Il  Ta  grandeur  s’est  souvenue  de  moi,  et,  docile, 
je  suis  promptement  arrivé.  11,010—11,011 — 11,012. 

» Donne-moi  tes  ordres  ; je  les  exécuterai  entièrement, 
n’en  doute  pas  !»  A ces  mots,  Bhlmaséna  d’embrasser  le 
Rakshasa.  11,018. 

Youddhishthira  lui  dit  : 

« Ce  Héros  puissant,  qui  sait  le  devoir,  est  en  vérité 
le  premier  des  Rakshasas  ! Ce  fils  sorti  de  tes  entrailles, 
Bhtma,  nous  est  dévoué  : qu’il  nous  prenne,  sans  tar- 
der! ll,01i. 

» Guerrier  au  courage  plus  qu'épouvantable,  je  veux 


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VANA-PARVA. 


aller  sain  et  sauf  avec  Pântchâll  au  Gandhamâdana,  grâce 
à la  force  de  tes  bras.  » 11,015. 

Alors  connaissant  le  désir  de  son  frère,  Bhtmaséna,  le 
tigre  des  hommes,  commanda  à son  fils  Ghatautkatcha, 
qui  traîne  le  corps  des  ennemis  tiir  un  champ  de  ba- 
taille : 11,016. 

« Fils  de  Hidimbâ,  voici  ta  mère,  qui  est  fatiguée, 
vaincue  par  sa  faiblesse.  Tu  vas  dans  les  routes,  qu’il  te 
plaît,  mon  fils  ; porte-la  vigoureusement  par  les  voies  du 
ciel.  11,017. 

» Fais-la  monter  sur  tes  épaules,  vole  par  les  airs  au 
milieu  de  nous  dans  une  route  basse,  et  mets  tes  soins  à 
ne  point  la  contrister.  » 11,018. 

« Je  sullis  à porter,  fussé-je  seul , Dharmarâdja,  et 
Dhaâumya,*et  Krishnâ,  et  les  deux  jumeaux,  dit  Gha- 
tautkatcba  : combien  plus  maintenant  que  j’ai  un  compa- 
gnon. 11,019. 

» 11  y a d’autres  héros  par  centaines,  mortel  sans  péché, 
voyageant  par  les  airs  et  changeant  de  formes  à volonté, 
pour  vous  conduire  tous,  accompagnés  des  brahmes.  » 

>>  A ces  mots,  Ghatautkatcha,  ce  héros,  qui  allait  au 
milieu  des  Pàndouides,  dit  à Krishnâ  et  aux  autres  enfants 
dePândou:  11,0-20—11,021. 

« Lomaça  â la  splendeur  incomparable  a voyagé  par  la 
voie  des  Siddhas,  grâce  à son  énergie  seule,  comme  un 
second  soleil  par  sa  puissance  ! ■>  11,022. 

Les  Rakshasas  prirent  tous  les  brahmes  eux-mêmes  et 
partirent  avec  une  force  épouvantable  à l’ordre  de  l’indra 
des  Rakshasas.  11,023. 

Ils  allaient  à la  grande  Vadart , contemplant  ainsi  les 
bois  et  les  bocages  les  plus  délicieux.  11,025. 


20 


LE  MAHA-BHARATA. 


Ces  héros,  abrégeant  ainsi  leur  long  voyage,  s'avan- 
çaient lestement,  portés  par  les  Rakshasas  à la  marche 
prompte,  à la  grande  rapidité.  11,025. 

Us  virent  des  lieux,  pleins  de  peuples  barbares,  ornés 
de  toutes  les  sortes  de  pierreries,  couverts  de  métaux 
divers,  qui  imprimaient  leurs  pas  sur  la  montagne. 

Us  étaient  remplis  de  Vidgâdharas,  sillonné.s  de  tous 
les  côtés  par  des  singes,  des  Rinnaras,  des  Rimpourou- 
sbas  et  des  Gandharvas.  11,026 — 11,027. 

Us  étaient  couverts  de  paons,  de  vaches  grognantes, 
de  grands  oraugs,  de  sangliers,  de  gayals  et  de  buffles. 

Us  étaient  parsemés  d’une  multitude  de  rivières,  doués 
de  volatiles  en  toutes  les  sortes,  peuplés  de  quadrupèdes 
en  toutes  les  espèces  et  embellis  par  des  singes. 

11,028—11,029. 

Les  pèlerins  descendus  virent  ces  endroits  nombreux, 
pleins  d’oiseaux  ei  d’arbres,  les  Outtara.s-Rourous,  la 
grande  montagne  duRailàsaavecsesmerveillesdivei'ses, et 
près  d’elle  ils  admirèrent  l’hermitage  de  Nara  et  de  Nâ- 
râyana,  doué  d’arbres  célestes,  toujours  accompagnés  de 
fleurs  et  de  fruits.  Us  virent  la  ravissante  Vadari  avec  ses 
rondes  branches,  douce  de  ses  épais  ombrages,  parée 
d’une  supérieure  beauté,  brillante  de  ses  feuilles  chéries, 
tendres  et  touffues.  11,030 — 11,031 — 11,032 — 11,033. 

GUe  était  remplie  de  grandes  branches,  douée  d’une  vive 
splendeur,  couverte  de  fruits  entassés,  célestes  et  très- 
doux,  11, OSA. 

Divine,  toujours  distillant  le  miel,  habitée  par  des 
troupes  de  Maharshis,  encombrée  de  bandes  d’oiseaux  en 
touteslesespèces,continuellementjoyeuxd’ivre.sse.ll,035. 

Arrivés  dans  ce  lieu,  orné  de  mosquites  sans  morsure. 


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VANA-PARVA. 


21 


abondant  en  eaux,  en  fhiits,  en  racines,  jonché  d’un 
gazon  récent  d'émeraude,  peuplé  de  Gandharvas  et  de 
Dieux,  dans  ce  lieu  débarrassé  d’épines,  bien  disposé  de 
sa  nature,  où  les  portions  de  terre' étaient  parfaitement 
égalisés,  et  d’une  fraîcheur  agréable  au  toucher,  ces 
magnanimes,  dis-je,  an’ivés  sous  un  tel  régime  avec  les 
principaux  des  brahmes,  descendirent  lentement  des 
épaules  du  Kaksbasa.  11,036 — 11037 — 11,038. 

Ensuite,  accompagnés  de  ces  chefs  des  brahmes,  les 
PAndouides,  sire,  visitèrent  le  charmant  hermitage,  où 
s’étaient  confinés  Nara  et  Nâràyana,  11,039. 

Lieu,  défendu  par  l’ombre,  impénétrable  aux  rayons 
du  soleil,  destructeur  du  chagrin,  à l’abri  des  inconvé- 
nients du  chaud  et  du  froid,  de  la  faim  et  de  la  soif. 

Rempli  par  des  troupes  de  Mahanshis,  doué  d’une 
beauté  brahmiquc,  et  dont  l’entrée,  grand  roi,  est  difii- 
cile  à des  hommes,  qui  ont  chassé  la  justice. 

10,0â0— 10,0âl. 

11  était  honoré  d’oblations  et  de  beurre  clarifié,  d’on- 
guents pour  le  corps  d’une  extrême  pimeté,  et  brillait 
partout  d’offrandes  de  fleurs  célestes.  11,042. 

11  était  couvert  de  vastes  chapelles  pour  le  feu,  de  cuil- 
lers pour  les  sacrifices  et  de  plats  resplendissants  ; il  était 
embelli  de  vases  en  argile  et  de  grandes  aiguières,  pleines 
d’eau.  11,043. 

C’était  un  hermitage  céleste,  secourable  pour  tous  les 
êtres,  retentissant  du  murmure  des  Védas,  destructeur 
de  la  fatigue,  auquel  on  devait  recourir.  11,044. 

11  était  accompmgné  de  la  prospérité,  indéfinissable, 
embelli  par  un  service  divin,  doué  de  vertueux  récita- 
teurs  des  Védas,  identifiés  à l’Être  suprême,  vivants  de 


22 


LE  M4HA-BHARm. 


racines  et  de  fruits,  revêtus  de  belles  peaux  d’antilope 
noire,  esprits  méditatifs,  semblables  par  la  pénitence  au 
Feu  ou  au  Soleil,  de  Maharshis,  qui  avaient  pour  leur 
principal  objet  l'émitncipation  finale,  et  d’Yatis  aux  or- 
ganes comprimés.  Le  vertueux  fils  d’Yama,  Youddhis- 
thira  à la  grande  splendeur,  vint,  pur,  accompagné  de 
ses  frères,  trouver  avec  dévotion  ces  éminents  rishis. 
Tous  ces  grands  saints,  qui  trouvaient  beaucoup  de  plaisir 
dans  leur  lecture  et,  doués  d’une  science  divins,  ayant 
vu  pat  elle  qu’Youddhishthira  était  arrivé,  se  portèrent 
à sa  rencontre,  pleins  de  joie,  et  donnant  des  paroles  de 
bénédiction.  {De  la  stance  11,0A5  ii  la  stance  11  ,050.) 

Joyeux  et  semblables  au  feu,  ils  reçurent  suivant  l’éti- 
quette son  offrande,  l’eau  pure,  les  racines,  les  fruits  et 
les  fleurs.  11,050. 

Dharmaràdja-Youddhishthira  d’accepter  en  échange 
avec  joie  et  dévotion  le  présent  offert  par  ces  maharshis. 

Le  Pândouide  entra  joyeux,  mortel  sans  péché,  accom- 
pagné de  Krishnâ  et  de  ses  frères,  suivi  par  millier  de 
brahmes,  qui  étaient  parvenus  à l’autre  bord  des  Védas 
et  des  Védângas,  dans  cet  hermitage  semblable  au  palais 
de  Çakra,  pur,  charmant,  plein  d’une  odeur  céleste,  orné 
de  splendeur  et  pareil  au  Swarga. 

11,051—11,052—11,053. 

Ce  juste  vit  là  cette  résidence  de  Nara  et  de  Nârâyana, 
embelli  par  la  Bhàgiratht,  et  honoré  par  les  Dévarshis  et 
les  Dieux.  11, OSA. 

Ces  héroïques  PAndouides  se  plurent  à contempler  cet 
hermitage  céleste  aux  fruits  distillant  le  miel,  habité  par 
des  troupes  de  Brahmarshis.  11,056. 

Arrivés  là,  ces  magnanimes  habitèrent  avec  les  brahmes  ; 


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VANA-PARVA. 


28 


pleins  de  joie,  ils  eurent  alors  du  plaisir  à contempler  ce 
Malnàka,  peuplé  de  bandes  d'oiseaux  divers,  sa  cime 
d’or  et  son  fortuné  lac  Vindou.  11,056 — 11,057. 

Tandis  que  les  Pàndonides  passaient  le  temps  avec 
Krishnà  dans  la  ravissante  et  délicieuse  forêt,  flamboyante 
de  fleurs  empruntées  à toutes  les  saisons,  embellie  par- 
tout d’arbres  aux  fleurs  épanouies,  aux  feuilles  douces, 
séduisantes,  touflfues,  pleines  de  frais  ombrages,  aux 
branches  courbées  sous  le  poids  des  fruits,  cousues  de 
troupes  charmantes  de  kokilas  mâles,  ils  se  complurent  à 
voir  là  des  lacs  divers,  aux  belles  formes,  aux  ondes  lim- 
pides, brillant  partout  de  lotus  et  de  nélumbos. 

11,058—11,059—11,060—11,061. 

L’ baleine  du  vent  y touchait  doucement  avec  des  sen- 
teurs pures,  réjouissant,  seigneur,  tous  les  fils  de  Pândou 
avec  Draâupadl.  11,062. 

Pendant  que  ces  magnanimes  contemplûent,  le  long' 
de  la  grande  Vadarl,  la  Bhâglrathl  aux  charmants  tlrthas, 
aux  bras  immaculés,  aux  jongles  de  perle  et  de  corail, 
fraîche,  ornée  d'arbres,  pleine  de  fleurs  célestes,  accrois- 
sant la  joie  de  l’âme,  11,068 — 11,06A. 

Les  fils  de  Kountl,  voués  à la  plus  grande  pureté,  ras- 
sasièrent les  Dieux  et  les  rishis  avec  l’onde  pure  de  la 
Bhâglrathl  dans  ce  lieu,  où  il  était  extrêmement  difficile 
de  marcher,  où  circulaient  les  Dévarshis.  Là,  rassasiant 
d’eau  et  murmurant  la  prière,  les  héroïques  rejetons  de 
Kourou,  les  plus  grands  des  hommes,  habitèrent,  accom- 
pagnés des  brahmes.  Les  Pândouides,  tigre  des  hommes, 
semblables  à des  Immortels,  s'y  plurent  à contempler  les 
divers  amusements  de  Krishnâ. 

11,065—11,066—11,067—11,068. 


U LE  MAHA-BHARATA. 

Ces  vaillants  héros,  voués  à la  plus  grande  pureté,  ha- 
bitèrent là  six  jours,  avec  le  désir  de  voir  Dhanandjaya. 

Le  vent,  souillant  au  nord-est  en  liberté,  apporta  un  lotus 
divin  à mille  feuilles,  image  du  soleil.  11,069 — 11,070. 

Pàntchâli  vit  cet  enfant  des  eaux  ravissant,  pur,  à la 
céleste  odeur,  que  le  vent  avait  apporté  et  qui  était  tombé 
sur  la  terre.  11,071. 

La  belle,  à l'aspect  de  ce  beau  lotus  nompareil,  tint, 
dans  sa  joie  profonde,  sire,  ce  langage  à Bhlmaséna  : 

« Vois,  Bhtma,  cette  fleur  divine,  bien  éclatante,  sans 
égale,  douée  de  la  conservation  du  parfum  et  qui  est  la 
joie  de  mon  âme.  11,072 — 11,073. 

» Je  la  donnerm  à Dharmarâdja,  quand  nous  serons 
de  retour  à l'hermitage  de  KAmyaka  : va  chercher  de  ces 
fleurs,  fléau  des  ennemis,  pour  l'amour  de  moi,  ll,07â. 

» Si  je  te  suis  agréable,  fils  de  Prithâ,  fais  cette  chose, 
qui  est  considérable  à met  yeux;  je  désire  rapporter  cette 
fleur  à l'hermitage  du  Kâmyaka.  » 11,076. 

Quand  elle  eut  parlé  ainsi  à Bhlmaséna,  la  Dame  sans 
défaut,  aux  angles  charmants  des  yeux,  s'approcha  de  la 
fleur  et  la  recueillit  alors  pour  Dhamarâdja.  11,076. 

Connaissant  le  dessein  de  l'épouse  royale  et  désirant 
faire  une  chose  agréable  à celle,  qu'il  aimait,  Bhtma  à la 
grande  force  s'avança,  la  face  tournée  au  vent,  d'où  cette 
fleur  était  venue,  et  s’approcha  avec  empressement,  dési- 
reux de  cueillir  les  autres  fleurs.  11,077 — 11,078. 

Irrité  comme  le  roi  des  animaux  ou  comme  un  éléphant 
en  rut,  il  prit  son  arc  au  dos  en  or  et  ses  flèches  pareilles 
au  poison  des  serpents.  11,070. 

Tous  les  êtres  virent  ce  héros  au  grand  arc,  aux  grandes 
flèches  : ni  l’émotion,  ni  le  trouble,  ni  la  langueur,  ni 


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VA^A-PAHVA. 


26 


l’effroi,  n'habita  jamais  dans  ce  Pritbide,  fils  du  Vent;  et, 
se  confiant  à la  force  de  ses  bras,  il  désirait  faire  une 
chose  agréable  à Draâopadi.  11,080 — 11,081. 

Affranchi  du  délire  de  la  peur,  l’homme  fort  vola  sur 
la  montagne  à la  surface  de  saphyr,  cachée  sous  les  arbres, 
les  arbrisseaux  et  les  lianes.  11,082. 

Le  vainqueur  des  ennemis  parcourut  cette  belle  mon- 
tagne, hantée  par  les  Kinnaras,  variée  de  métaux,  d’arbres, 
de  quadrupèdes  et  d’oiseaux,  composant  toutes  les  es- 
pèces, 11,083. 

Douée  de  toutes  les  parures,  élevée  comme  un  bras  de 
la  terre.  Les  yeux  fixés  en  bat,  songeant  au  projet  de  la 
reine,  il  allait  partout  dans  ces  plateaux  délicieux  du  Gan- 
dhamâdana,  parcourus  des  abeilles  et  résonnant  des  rai- 
mages  du  kokila  mâle.  11,08A — 11,083. 

Cet  homme  à la  valeur  sans  mesure  y tenait  ses  yeux, 
son  âme,  son  oreille  attachés;  ce  héros  à la  grande  splen- 
deur respirait,  comme  un  éléphant  libre  au  temps  du  rut, 
l'odeur,  qui  s’élevait,  née  des  fleurs  de  toutes  les  espèces. 
Il  était  éventé  par  l’haleine,  que  soufflait  son  père  sur  le 
Gandhamâdana,  vent  très-pur,  frais  au  toucher  et  qui 
sentait  le  parfum  des  fleurs  en  tontes  les  saisons  : son 
père  lui  enlevait  la  fatigue,  et  la  joie  hérissait  son  poil  sur 
les  membres.  11,086 — 11,087 — 11,088. 

Ce  dompteur  des  ennemis,  il  vit  alors  pour  une  fleur  ce 
lieu,  qu’habitaient  les  Yakshas,  les  Gandharvas,  les 
chœurs  des  brahmarshis  et  les  Dieux.  11,080. 

Il  y avait  des  séparations  de  brillants  métaux,  d’argent, 
d’antimoine  et  d’or,  faites  par  des  feuilles  inégales,  comme 
par  des  doigts  imprégnés  d’onguent.  11,090. 

Couvert  des  eaux  sorties  des  sources  et  répandues  sur 


20 


LE  MAHA-BHARATA. 


les  flancs,  telles  que  des  colliers  de  perles  attachés  aux 
seins,  il  semblait  danser  avec  une  partenaire.  11,091. 

11  avait  des  grottes  d’eaux  et  des  cataractes,  qui  fai- 
saient éruption  de  la  voûte  des  belles  cavernes,  comme  de 
magniliques  paons,  qui  dansaient  au  bruit  des  noùpouras 
agités  aux  pieds  des  Apsaras.  11,092. 

La  surface  des  rochers  en  pierreries,  broyée  par  le  bout 
de  la  trompe  des  éléphants  éthérés,  ressemblait  à un  an- 
(ouka  détaché  par  les  eaux  mouvantes  sorties  des  rivières. 

l.e  guerrier  était  regardé  avec  curiosité  par  des  anti- 
lopes, qui  ne  connaissaient  pas  la  peur,  qui  se  prome- 
naient sans  crainte,  achevant  leur  bouchée  d’herbe. 

Le  fortuné  fils  du  Vent  marchait,  l’âme  joyeuse,  plus 
d’une  fois  en  .se  Jouant,  agitant  par  sa  fougue  les  diffé- 
rentes espèces  de  lianes.  11,093 — 11,00A — 11,093. 

Jeune,  ayant  le  corps  d’un  lion,  la  couleur  semblable  à 
celle  de  l’or,  grand,  avec  de  beaux  yeux,  s’efforçant  d’ac- 
complir le  désir  de  son  épouse.  11,090. 

Il  avait  le  courage  d’un  éléph.int  en  rut,  l’impétuosité 
d’un  éléphant  en  rut,  les  yeux  rouges  d’un  éléphant  en 
rut,  la  résistance  d’un  éléphant  en  rut.  11,097. 

11  était  contemplé  par  les  épouses  des  Yakshas  et  des 
Gandharvas,  défendues  aux  regards,  assises  à côté  de 
leurs  époux  et  subjuguées  par  ses  actions.  11,098. 

Jouant  comme  une  nouvelle  incarnation  de  la  beauté,  le 
Pândouide  allait  sur  les  délicieux  plateaux  du  Gandhamâ- 
dana,  se  rappelant  les  divers  et  nombreux  déboires  causés 
par  Douryodhana  et  s’efforçant  de  faire  ce  qui  était 
agréable  à DraâupadI,  dans  son  séjour  au  milieu  des 
forêts.  11,099—11,100. 

11  pensait  ; « Que  va  faire  le  noble  Youddhishthira, 


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VANA-PAHVA. 


27 


inainteDant  qu’Arjounaest  monté  au  Swarga  et  que  je  sois 
parti  à la  recherche  d’une  fleur? 

» Par  amitié  et  par  défiance  de  sa  force,  Youddhish- 
thira,  le  meilleur  des  hommes,  ne  permettra  sans  doute 
pas  à Nakoula  et  à Sahadéva  de  s’éloigner.  11,102. 

» Comment  obtiendrai-je  promptement  cette  fleur?  » 
Ainsi  songeant,  le  tigre  des  hommes  se  mit  en  route  et 
l’éclat  de  .son  visage  tomba.  11,103. 

Attachant  la  vue  de  son  éme  sur  les  plateau.x  fleuris  de 
cette  montagne,  Bhtma  allait  à grands  pas  faire  la  provi- 
sion, que  Draâupadt  lui  avait  demandée.  ll,10i. 

Vrikaudara,  qui  avait  la  rapidité  du  vent,  ébranlait  la 
terre  sous  ses  pas,  comme  un  vent  d’orage,  et  semait  la 
terreur  parmi  les  troupeaux  d'éléphants.  11 ,105. 

Guerrier  à la  grande  force,  il  écrasait  les  quadrupèdes, 
les  tigres  et  les  lions;  agile  et  vigoureux,  il  broyait,  il  dé- 
racinait les  grands  arbres.  11,100. 

Le  fils  de  Pàndou  arrachait  par  sa  fougue  les  lianes  et 
les  plantes  grimpantes  ; elles  gémissaient  sur  le  haut  des 
montagnes,  comme  un  éléphant,  qui  pousse  des  cris  fu- 
rieux, tels  que  le  nuage  avec  l’éclair.  Réveillés  par  ce 
vaste  bruit  de  Bhlma,  11,107 — 11,108. 

Les  tigres  abandonnaient  leurs  cavernes,  les  hétes  des 
bois  se  couchaient,  les  oiseaux  prenaient  leur  volée,  les 
troupes  de  gazelles  s’enfuyaient  effrayées.  11,109. 

Les  ours  désertaient  les  arbres,  les  serpents  quittaient 
leurs  repaires,  les  grands  lions  bâillaient  et  les  bufifles 
regardaient.  11,110. 

Intimidés  par  lui,  les  éléphants,  environnés  de  leurs 
éléphantes,  abandonnaient  ce  bois  et  s’en  allaient  dans 
une  autre  grande  forêt.  11 ,111. 


28 


LE  MAH4-BHARATA. 


C’était  un  cri  confus  de  sangliers,  d'antilopes,  de  lions, 
de  tigres,  de  chacals  en  troupes,  de  gayals  et  de  buffles, 
habitants  du  bois.  11,11*2. 

Les  oies  rouges,  les  coqs,  les  poules  d’eau,  les  cygnes, 
les  canards,  les  pélicans,  les  perroquets,  les  kokilas,  les 
hérons  de  courir  éperdus  à tous  les  points  de  l’es- 
pace. 11,113. 

Les  autres  éléphants  orgueilleux,  accablés  des  reproches 
de  leurs  éléphanles,  les  tigres  et  les  lions  irrités,  se  por- 
taieut  contre  Bhluaséna,  11,11A. 

Lâchant  la  fiente  et  l'urine,  l’ânie  agitée  par  la  terreur, 
la  gueule  béante,  grandement  épouvantables,  ils  jetaient 
des  rugissements  d’épouvante.  11,116. 

Ensuite  le  vigoureux  Pândouide,  fils  du  Vent,  recourant 
à la  force  de  ses  bras,  tua  de  colère  à coups  de  poing  les 
autres  éléphants  par  un  éléphant  et  les  autres  lions  par 
un  lion.  Frappés  par  Bhluia,  les  hyènes,  les  tigres  et  les 
lions  abandonnaient  d'une  manière  effroyable  la  fiente  et 
l’urine  sous  la  crainte,  et  périssaient.  Le  fortuné  et  vigou- 
reux fils  de  Pândou,  laissant  leurs  cadavres,  entra 
promptemeut  dans  la  forêt,  emplissant  de  bruit  tous  les 
points  de  l'espace.  Le  guerrier  aux  longs  bras  vit  sur  les 
plateaux  du  Gandhamàdana , 

11,116—11,117—11,118—11,11!). 

Un  beau  groupe  de  bananiers,  haut  de  plusieurs  yo- 
djanas,  et  l'homme  à la  grande  force  s’approcha  de  lui 
rapidement  pour  l’ébranler.  11,120. 

11  brisa  différents  arbres,  comme  un  éléphant  assiégé, 
et  déracina  le  tronc  de  ce  bananier,  qui  surpassait  en 
hauteur  un  grand  nombre  de  palmiers  surétagés.  11,121. 

Bhlma  à la  bien  vive  splendeur,  le  plus  fort  des  forts. 


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VANA-PARVA. 


29 


criant  tel  qu’un  fier  Vishnou,  l’eut  bientôt  arraché  de 
tous  les  côtés.  11,122. 

.Iprès,  il  attaqua  de  nombreux  et  gigantesques  animaux  : 
rourous,  éléphants,  lions,  hippopotames,  qui  avment  leurs 
repaires  dans  les  eaux.  11,128. 

A ce  fracas,  à ce  tumulte  de  Bhlma,  les  volatiles  et  les 
quadrupèdes,  placés  dans  les  autres  bois,  de  trembler. 

A peine  entendu  ce  bruit,  envoyé  par  les  oiseaux  et  les 
gazelles,  les  volatiles  de  fuir  en  l’air  par  milliers,  leurs 
ailes  humides  d’eau.  11,124 — 11,125. 

Le  plus  grand  des  Bharatides,  observant  que  ces 
troupes  d’oiseaux  étaient  mouillées,  les  suivit  elles-mêmes, 
et  se  trouva  dans  un  délicieux  et  vaste  lac,  11,120. 

Dont  les  eaux  stagnantes  étaient,  pour  ainsi  dire, 
éventées  par  des  groupes  de  bananiers  d’or,  secoués  au 
léger  souille  du  vent  et  qui  passaient  de  l’un  ^ l’autre  i-i- 
vage.  11,127. 

Descendu  en  ce  lac  aux  nombreux  lotus  et  nélumbos, 
le  vigoureux  s’y  joua  avec  sa  force,  comme  un  grand  élé- 
phant en  liberté.  11,128. 

Quand  il  s’y  fut  amusé  bien  long-temps,  l’homme  à la 
splendeur  infinie  remonta  et  se  rendit  promptement  au 
bois,  ombragé  d’arbres  nombreux.  11,129. 

Le  Pàndouide  remplit  sa  conque  de  tout  son  souille,  il 
sonna  et  le  vigoureux  Bhlma  lit  retentir  les  points  de 
l’espace  au  bruit  de  ses  bras  frappés  avec  ses  mains. 

Les  cavernes  de  la  montagne  mugirent,  pour  ainsi  dire, 
au  bruit  de  sa  conque,  au  son  de  Bblmaséna,  au  fracas 
terrible  de  ses  bras.  11,130 — 11,131. 

A l’audition  de  ce  bruit  des  mains  sur  les  bras,  sem- 
blable au  rugissement  de  la  foudre,  les  lions,  endormis 


30 


LE  MAHA-BHARATA. 


d&ns  les  cavernes  des  montagnes,  répondirent  par  un 
vaste  cri.  11,132. 

Un  long  barrit,  qui  remplit  la  montagne,  fut  aussi 
rendu  par  les  éléphants,  Bharatide,  tremblant  d'eflroi  au 
cri  des  lions.  11,133. 

A cette  plainte,  jetée  par  les  plus  forts  des  pachydermes, 
reconnaissant  Bhtmaséna,  son  frère,  Hanoûmat  de  fermer, 
à cause  de  Bhiroa,  la  voie,  qui  mène  au  ciel  ; « Qu’il 
n’aille  pas,  se  dit-il,  par  cette  route  ! » 11,134 — 11,185. 

Le  chemin,  orné  avec  des  groupes  de  bananiers, 
n’ayant  plus  qu’une  voie,  quand  il  eut  fermé  le  chemin, 
pour  la  conservation  de  Bhtma,  son  frère  : 11,136. 

«Que  le  fils  de  Pândou  n’encourre  pas,  ou  la  violence, 
ou  la  malédiction  ! » Ainsi  au  milieu  des  groupes  de  bana- 
niers pensait  le  singe  au  grimd  corps,  appelé  Hanoûmat  ; 
et  il  bâillait,  car,  dans  les  massifs  de  bananiers,  il  ne  peut 
manquer  d’être  sous  la  puissance  du  sommeil. 

11,137—11,138. 

Et,  tout  en  bâillant,  il  se  battait  le$  flancs  avec  le 
bruit  du  tonnerre  d’Indra,  sous  les  coups  de  sa  bien  large 
queue,  élevée  comme  un  drapeau  de  Çakra.  11,139. 

La  montagne  renvoya  de  tous  les  côtés  par  les  bouches 
de  ses  cavernes  le  bruit  de  cette  queue,  tel  qu’un  taureau 
mugit  un  .son  delà  goi'ge.  11,140. 

Au  fracas  du  battement  de  cette  queue,  la  grande  mon- 
tagne émue,  aux  etmes  bouleversées,  se  rompit  de  toutes 
parts.  11,141. 

Le  bruit  de  cette  queue  se  répandit  .sur  les  plateaux  di- 
vers de  la  montagne,  étouil'ant  le  bruit  des  éléphants  dans 
la  fièvre  du  rut.  11,142. 

Ce  fracas  entendu,  tous  les  poils  horripilés  sur  tous  les 


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VANA-PARVA.  SI 

membres,  Bhlmaséna  de  gagner  le  bois  des  kadalls,  cher- 
chant la  cause  d’où  venait  un  tel  son.  11,113. 

Le  guerrier  aux  bien  longs  bras  vit  alors  ce  roi  des 
singes,  qui  se  tenait  au  milieu  du  bois  des  bananiers  sur 
la  vaste  surface  d'une  roche.  11,144. 

Il  était  difficile  à regarder  comme  la  chute  delafoudre; 
il  était  d'un  noir,  qui  se  déteint  sur  le  jaune,  comme  la 
chute  de  la  foudre  ; il  avait  le  bruit  de  la  chute  de  la 
foudre  ; il  était  mobile  comme  la  chute  de  la  foudre. 

Il  avait  le  col  court,  gras  ; un  swastika  était  déposé  au 
centre  de  ses  bras  ; .ses  lombes  et  le  milieu  de  sa  taille  se 
rattachaient  parfaitement  au  corps  des  épaules. 

11,145—11,146. 

Sa  tète  était  légèrement  inclinée,  ses  longs  poils  étaient 
droits  ; sa  queue,  remontant  jusqu'au  milieu  du  corps, 
brillait  comme  un  drapeau.  11,147. 

Ses  lèvres  étaient  courtes,  sa  langue  couleur  de  cuivre; 
son  visage  était  rouge  de  terre;  son  sourcil,  mobile;  il 
faisait  claquer  ses  longues  dents;  les  ordinmres  étaient 
embellies  de  sommets  aigus  et  blancs.  11,148. 

Bhlma  vit  sa  face  comme  une  lune,  environnée  de 
rayons  : elle  était  ornée  de  dents  blanches,  plantées  dans 
les  intervalles  de  sa  bouche.  11,149. 

Ce  singe  à la  grande  splendeur  avait  comme  des  fais- 
ceaux d’açokas,  mêlés  au  faisceau  de  ses  cheveux,  et  se 
tenait  d’un  corps  enflammé  au  milieu  des  bananiers  faits 
d'or,  comme  un  feu  entouré  de  ses  brillantes  splendeurs. 
Il  regardait  de  ses  yeux  doux  et  bruns  le  vainqueur  des 
ennemis.  11,160 — 11,151. 

Le  sage  Bhtma  aux  longs  bras  vit  seul  dans  ce  vaste 
bois  ce  singe  au  corps  immense,  à la  grande  force,  qui 


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32 


LE  MAHA-BHARATA. 


fermait  la  route  du  Swarga  et  se  tenait  immobile  comme 
THimâlaya.  Le  vigoureux  guerrier  s’avança  vers  lui  d'un 
pas  rapide  et  sans  crainte.  11,152 — 11,163. 

Le  fort  de  lui  adresser  un  terrible  cri  de  guerre,  sem- 
blable au  fracas  de  la  foudre.  A ce  bruit  de  Bhtma,  les 
volatiles  et  les  quadrupèdes  de  trembler.  11,166. 

Hanoùmat,  au  grand  courage,  ouvrant  un  peu  les  yeux, 
vit  de  ses  regards  doux  et  bruns  ce  héros,  qu'agitait  le 
mépris.  11,156. 

Bhima  s’approcha  de  lui  en  souriant  et  le  singe  lui  tint 
ce  langage  : « Pourquoi  es-tu  en  colère  ? J’étais  ptdsible- 
nient  endormi,  et  tu  m’as  réveillé.  11,156. 

■>  Toi,  qui  as  la  science,  ne  dois-tu  pas  exercer  la  com- 
passion envers  tous  les  êtres  ? Nous  ne  connaissons  pas  le 
devoir,  nous,  qui  avons  des  animaux  pour,  mère.  11,167. 

H Mais  les  hommes,  doués  de  raison,  pratiquent  la 
comfMission  à l'égard  des  êtres,  comment  te  livres-tu  à des 
actions  cruelles,  qui  souillent  le  corps,  la  parole  et  l’âme? 

U Les  gens  sensés  de  ton  espèce  s’attachent  à réprimer 
ceux,  qui  étouffent  le  devoir.  Mais  tu  ne  connais  pas  le 
devoir,  ni  tm,  ni  les  savants,  instruits  par  toi, 

11,168—11,169. 

» Vous,  qui  tuez  les  animaux  dans  votre  ignorance  par 
étroitesse  d’esprit!  Dis!  qui  es-tu?  Pourquoi  es-tu  venu 
dans  cette  forêt  ? Quel  est  ce  detsein,  11 ,100. 

» Abandonné  par  les  enfanfs  de  Manou  et  par  les 
hommes  d’une  telle  nature  ? Où  faut-il  aujourd'hui  que  tu 
ailles  ? Ois-le-moi,  é le  plus  grand  des  hommes.  11,161. 

» On  ne  |>eut  s’avancer  plus  loin  dans  cette  montagne 
d’un  accès  bien  difficile  : il  n’y  a pas  d'autre  chemin  ici, 
héros,  que  la  voie  fortunée.  11,162. 


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VANV-PAHVA. 


U 


» Cette  route  du  monde  des  Dieux  fut  toujoui’s  impos- 
sible à tenir  par  les  enfants  de  Manou  : c’est  par  compas- 
sion que  je  te  l’ai  fermée!  écoute-moi,  héros.  11,163. 

» Tu  ne  peux  aller  au-delà;  renonce  à ton  dessein, 
seigneur  ; que  la  bien-venue  te  soit  donnée  ici  maintenant 
de  toutes  les  manières  I 11 ,164. 

» Mange  ces  fruits  et  ces  racines,  semblables  à ceux  des 
Immortels,  et  retourne  sur  tes  pas  ; tn  n’obtiendras  point 
la  mort  en  vain,  11,165. 

» Si  je  puis  le  faire  accepter  une  parole  utile,  ô le  plus 
grand  des  enfants  de  Manou.  » 11,166. 

Ce  langage  du  sage  Indra  des  singes  entendu,  le  héros 
Bhlmaséna,  qui  traîne  sur  un  champ  de  bataille  le  coi’))s 
des  ennemis,  répondit  en  ces  termes  ; 11,167. 

« Qui  es-tu  I Ou  pourquoi  as-tu  pris  ce  corps  d’ un  singe  ? 
Le  kshatrya,  de  qui  la  caste  suit  immédiatement  celle  du 
brahme,  t’interroge.  11,168. 

» Je  suis  un  rejeton  de  Kourou,  je  suis  de  la  famille  de 
Lunus,  je  fus  porté  enfant  dans  le  sein  de  Kountt  ; je  suis 
un  Pândouide,  fils  du  Vent,  et  je  me  suis  rendu  célèbre 
sous  le  nom  de  Bhîmaséna.  » 11,160. 

Dès  qu’il  eut,  en  souriant,  reçu  ces  mots  du  héros  de 
Kourou,  le  fils  du  vent,  Hanoûmat  répondit  ainsi  à l’autre 
fils  du  vent  : 11,170. 

«Je  suis  un  singe;  je  ne  te  donnerai  pas  la  route, 
comme  tu  la  désires,  allons  1 va!  retourne  sur  tes  pas; 
échappe  au  fer,  qui  menace  ta  vie  ! » 11,171. 

« Le  fer  soit  I répondit  Bhîmaséna,  ou  telle  autre  chose, 
sur  laquelle  je  ne  t’interroge  pas.  Accorde-moi  la  route, 
singe  : lève-toi  ! Ne  reçois  pas  de  moi  un  trouble  de  l’esprit  ! » 

a II  m’estimpossible  de  me  lever  ; une  maladie  m’accable, 

3 


IV 


ih 


LE  MAH  V-BHAMTA. 


reprit  Haooùmat  S'il  faut  que  tu  ailles  nécessairement, 
saute  et  passe  par-dessus  moi.  » 11,172 — 11,173. 

Bhluiadit  : 

Il  Le  paraoiâtuia  était  sans  qualités  : il  prit  un  corps  et 
des  qualités  avec  lui.  Je  ne  dédaigne  pas  ce  qui  est  à dis- 
tinguer par  la  science,  et  je  ne  le  franchis  pas  d’un  saut. 

» Mais,  si  je  ne  puis  connaître  ici  pur  les  divins  (Jàstras 
la  cause  idéale  des  êtres,  je  franchirai,  et  toi  et  la  mon- 
tagne, comme  jadis  Hanoùmat  a franchi  la  mer.  » 

11,174 — 11,175. 

Hanoùmat  reprit  alors  : 

Il  Quel  était  ce  nommé  Hanoùmat,  par  qui  la  mer  fut 
traversée?  Je  t’adresse  cette  demande,  ô le  plus  vertueux 
des  hommes  : raconte-moi  cela,  s'il  t’est  po.ssible.  « 

Il  Ce  héros  fortuné  des  singes,  répondit  Bhima,  était 
mon  frère,  digne  d’éloges  ; il  était  doué  de  force,  de  cou- 
rage et  d’intelligence;  il  est  beaucoup  parlé  de  lui  dans  le 
Bâmâyana.  11,176 — 11,177. 

» I.a  mer  étendue  sur  cent  yodjanas,  fut,  d’un  seul  vol, 
franchie  par  cet  Indra  des  singes  pour  l’épouse  de 
Kùma.  11,178. 

» Ce  héros  à la  grande  vigueur  étaitl’égal  de  mon  frère  ; 
je  ressemble  à celui-ci  par  la  force  ; et  je  suis  capable  de 
t’arrêter  par  le  combat,  la  puissance  et  l’énergie.  11,179. 

» Lève-toi  ! Livre-moi  le  passage  1 Vois  ma  valeur  & 
l’instant  même  ! ou  je  te  précipiterai  dans  les  demeures 
d’Yama,  si  tu  n’accomplis  ma  parole.  » 11,180. 

Voyant  qu’il  était  enivré  de  sa  force,  orgueilleux  de  la 
vigueur  de  ses  bras,  Hauoùmat  rit  dans  son  cœur  et  lui 
répondit  en  ces  ternies  : 11,181. 

« Pardonne-moi  I I-a  vieillesse  m’ôte  la  force  de  me  le- 


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VANA-PARVA. 


35 


ver,  uiortel  sans  péché.  Mais,  par  couipassion,  lève  un 
peu  cette  queue  ; et  passe  ! » 11,182, 

A ces  mots  d’Hanoûmat,  Bhima,  fier  de  la  vigueui'  de 
ses  bras,  pensa  dans  son  esprit  qu’il  était  absolument  dé- 
pourvu de  force  et  de  puissance.  11,183. 

11  s’empressa  de  prendre  par  la  queue  ce  singe,  dé- 
nué de  force  et  de  vigueur  : « Je  vais  le  conduire  ici 
dans  l’instant  même,  pema-t-il^  à partager  la  demeure 
de  la  mort  ! » 11,18A. 

11  prit  cette  queue  de  la  main  gauche;  mais,  en  dépit  de 
sonmépris,  Bhîma  neputremuerce  membredu grand  singe. 

Il  voulut  avec  ses  deux  bras  lever  en  l’air  cette  queue 
haute  comme  l’arc  d’Indra;  mais  le  vigoureux  Bhima  ne 
put  même  la  soulever  avec  ses  deux  bras. 

11,185—11,186. 

Le  sourcil  levé,  roulant  ses  yeux,  ridant  son  visage  par  ' 
la  contraction  des  sourcils,  Bhima  couvrit  ses  membres  de 
sueur,  sans  réussir  à la  soulever.  11,187. 

Bien  doué,  redoublant  d’efforts,  essayant  de  relever 
cette  queue,  le  fils  de  Kountl  finit  par  se  placer  à côté  du 
singe,  le  visage  incliné  par  la  honte,  et,  se  prosternant, 
les  mains  jointes,  lui  parla  en  ces  termes  : « Sois-moi  fa- 
vorable, tigre  des  singes  : que  mes  mauvaises  paroles  me 
soient  pardonnées  ! 11,188 — 11,189. 

» Si  tu  es  un  Siddha,  ou  un  Dieu,  ou  un  Gandharva,  ou 
même  un  Gouhyaka,  réponds  d’après  mon  désir,  toi,  que 
j’interroge:  qui  es-tu,  toi,  qui  portes  la  forme  d’un  singe? 

» Si  ce  n’est  pas  un  mystère,  héros  aux  longs  bras,  si 
cela  peut  être  entendu  par  moi,  je  te  le  demande,  mortel 
sans  péché,  je  suis  comme  un  disciple  venu  vei*s  toi.  » 

11,190—11,191. 


5(i  IV.  MAHA-BHVRATA. 

Hanoûmat  répondit  : 

« Écoute  entièrement,  fils  vaillant  de  Pândou,  tout  ce 
qui  est  dans  ma  connaissance  1 objet  de  ta  curiosité. 

» Le  Vent  m’a  donné  le  jour  dans  l'âge  du  monde  au 
sein  de  l'épouse  de  Kéçarl  et  mon  nom  de  singe,  guerrier 
aux  yeux  de  lotus,  est  Hanoûmat.  11,192 — 11,198. 

» Les  rois  des  singes  et  les  bergers  des  troupeaux  de 
singes,  tous  ces  optimales  àla  grande  vigueur  partageaient 
leurs  hommages  entre  Sougriva,  le  fils  du  soleil,  et  Bâli, 
le  fils  du  vent  ; mais  une  amitié,  û toi,  qui  traînes  les  ca- 
davres des  ennemis,  telle  que  l'amitié  du  feu  et  du  vent, 
m'unissait  à Sougriva,  11,19A — 11,195. 

» En  but  pour  un  certain  motif  aux  persécutions  de  son 
frère,  Sougriva  longtemps  h.abita  avec  moi  sur  le  Rishya- 
moûka.  11,196. 

» Dam  ce  tewp$  vivait  un  héros  â la  grande  force, 
nommé  Ràma,  le  fils  de  Daçaratha  î c était  Vishnou 
même,  qui  sous  la  forme  humaine,  parcourait  la  surface 
de  la  terre.  11,197. 

U Le  plus  habile  des  archers,  il  se  confina  dans  le  bois 
Dandaka  avec  son  épouse,  avec  son  frère  puîné,  avec  son 
arc,  désirant  faire  une  chose  agréable  à son  père. 

» Son  épouse  lui  fut  alors  enlevée  du  Djanasthâna  avec 
le  secours  de  la  violence  et  l'aide  d'un  travestissement 
par  rindra  des  Raksha.sas,  le  puissant  et  cruel  Râvana, 

11,193—11,199. 

» Qui  employa,  monarque  des  borames,  le  Démon  Ma- 
rltcha  à tromper  ce  tigre  des  hommes  sous  la  forme  d'une 
gazelle  admirablement  faite  avec  des  portions  variées  de 
pierreries  et  d’or.  11,200. 

» Veuf  de  son  épouse  enlevée,  le  rejeton  de  Uaghou, 


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VA.NA-PARVA. 


87 


accon>pagné  de  son  frère,  et  cherchant  sa  femme,  vit  sur 
la  cime  d'une  montagne  Sougrtva,  le  plus  grand  des 
singes.  11,201. 

» Une  amitié  fut  nouée  entre  lui  et  le  Raghouide,  par 
qui  Bàli  fut  tué  et  Sougrlva  consacré  sur  le  tréne. 

» Ayant  pris  les  rênes  du  royaume,  Sougrlva  d’envoyer 
les  singes  par  centaines  et  par  milliers  à la  recherche  de 
Sltà.  11,202—11,203. 

» Alors,  suivi  par  des  kotis  de  simiens,  je  m’avançai, 
puissant  héios,  vers  la  contrée  méridionale,  cherchant  la 
princesse  enlevée.  ll,20â. 

X Là,  un  bien  magnanime  vautour,  nommé  Sampâti, 
nous  donna  la  nouvelle  que  Sltà  était  dans  le  palais  de 
Râvana.  11,205. 

» Moi,  pour  le  succès  de  l’affaire  tentée  par  Râma  aux 
travaux  infatigables,  je  me  hâtai  de  franchir  la  mer, 
étendue  sur  une  largeur  de  cent  yodjanas.  11,206, 

» Quand  j’eus  traversé  par  ma  vigueur  l’onde  salée, 
habitation  des  makaras,  je  vis  dans  le  palais  de  Ràvana, 
ù le  meilleur  des  Bharaiides,  la  iilie  du  roi  Djaiiaka,  Sttâ, 
semblable  à une  fille  des  Dieux.  Je  m’abouchai  avec  la 
princesse  du  Yidéha,  épouse  du  Raghouide. 

11,207—11,208. 

X Je  brûlai  entièrement  Lankà  avec  ses  portes  arcadées, 
ses  remparts  et  ses  chambres  sur  les  terrasses  ; j’y  re- 
tournai et  j’y  proclamai  de  nouveau  le  nom  de  Râma  ! 

» A peine  eut-il  entendu  mon  discours,  ce  prince  aux 
yeux  de  lotus  bleu  fit  construire  au.ssitût  dans  le  sein  de 
la  mer  pour  son  armée  un  pont,  que  la  réflexion  avait  pré- 
cédé. 11,200—11,210. 

» Environné  par  des  kotis  de  simiens,  le  héros  traversa 


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38 


LE  MAHA-BHARATA. 


la  grande  onde  salée;  il  tua  les  Rakshasas  mêmes.  11,211. 

» Il  iinuiola  en  bataille  l'auteur  des  larmes  du  monde, 
Ràvana,  le  monarque  des  noctivagues  avec  ses  parents, 
ses  frères,  ses  lils  et  sou  armée  de  Rakshasas.  11,212. 

» Il  sacra  sur  le  trêne  à Lanka  pour  roi  des  Raksha- 
sas  le  vertueux  Vibliîshana,  rempli  de  dévouement  et  qui 
aimaitlesgens,quele  dévouementattachait  aux  personnes. 

» Quand  il  eut  lecouvré  son  épouse,  perdue  coiimie 
l’audition  des  Védas,  le  rejeton  de  Raghou,  Ràma  A la 
haute  renommée,  s’en  retourna  avec  elle  en  grande  hâte 
A sa  ville  ; et  le  seigneur  habita  désormais  Ayodhya,  im- 
prenable aux  ennemis.  11,213 — 11,21& — 11,215. 

» Quand  Ràma  aux  yeux  de  lotus  bleu  fut  rétabli  dans 
son  royaume,  je  sollicitai  une  grâce  de  ce  prince,  le  plus 
vertueux  des  rois  : 11,216. 

« Puissé-je  vivre  aussi  long-temps,  meurtrier  des  enne- 
mis, que  les  mondes  rediront  tes  actions,  Ràma.  » Voilà 
comme  je  lui  parlai,  et  il  me  répondit  : « Qu’il  en  soit 
ainsi  I » 11,217. 

» Toujours  placé  ici,  je  trouve  en  ces  lieux,  par  la 
grâce  de  Sllà,  une  nourriture  céleste,  Bhlma,  et  telle  que 
je  l'ai  désirée.  11,218. 

U Dix  milliers  et  dix  centaines  d' aimées , Kâma  a 
exercé  l’empire;  ensuite,  il  s’en  est  retourné  dans  son  pa- 
lais du  ciel.  11,219. 

» Toujours  chantant  ici  les  actions  de  ce  héros,  les  Ap- 
saras  et  les  (landhanas,  mon  irréprochable  frère,  en- 
chantent mes  oreilles.  11,220. 

» Ce  chemin,  rejeton  de  Kourou,  ne  doit  pas  être  foulé 
par  les  mortels  : c'est  pour  cela  que  je  t’ai  fermé  cette 
route,  hantée  par  les  Dieux.  11,221. 


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VANA  PARVA. 


39 


» Que  personne  n’ait  occasion  d’opprimer  ou  de  mau- 
dire ! me  suis-je  dit,  enfant  de  Bharata,  (ielte  route  cé- 
leste est  résen’ée  aux  Dieux  : les  fils  de  Manou  n’y  entrent 
pas!  11,222. 

» Tel  est  ce  lac,  cause  de  ta  venue  en  ces  lieux.  » 

A ces  mots,  l’auguste  Bhlmaséna  aux  long  bras,  joyeux, 
l’âme  allègre,  s’étant  incliné  devant  son  frère,  dit  avec 
une  voix  tendre  au  roi  des  singes,  Hanoiimat  : « Il  n'est 
pas  d’homme  plus  fortuné  que  moi,  qui  ai  pu  voir  ta  noble 
personne.  11,223 — 11,22A — 11,226. 

» La  satisfaction,  qui  me  procure  ta  vue,  est  une  bien 
grande  faveur,  qui  m’est  donnée.  Mais  je  voudrais  qu’il 
te  plût  maintenant  d’accomplir  ainsi  les  désirs  de  mon 
âme.  11,226. 

» Je  voudrais  contempler  la  forme  incomparable,  que 
tu  pris,  héros,  alors  que  tu  traversas  la  grande  mer,  sé- 
jour des  makaras.  11,227. 

» Je  serai  ainsi  satisfait,  et  j’écouterai  la  parole.  » A 
ces  mots,  le  singe  vigoureux  lui  répondit  en  ri.ant  : 

<1  11  n’est  possible,  ni  à toi,  ni  à un  autre,  quel  qu’il 
soit,  de  voir  cette  forme.  La  condition  du  temps  était 
alors  différente  ; elle  n’existe  plus  maintenant. 

11,228—11,229. 

» Autre  était  le  temps  de  l’âge  Krita,  autre  celui  du 
cycle  Trélâ,  autre  le  temps  de  l’âge  Dwâpara  : ce  siècle 
est  celui  de  la  destruction  ; et  cette  forme  n’existe  plus 
maintenant  pour  moi.  11,230. 

» La  terre,  les  arbres,  les  rivières,  les  montagnes,  les 
Siddhas,  les  Dieux  et  les  maharshis  suivent  le  temps, 
comme  les  existences  dans  chaque  youga.  11,281. 

» Les  esprits,  les  corps,  les  formes  meurent  et  re- 


âO  LE  M\HA-BHARATA. 

iiaisseot  tour  à tour.  Aiusi,  qu'il  te  suffise  de  voir,  propa- 
gateur de  la  race  de  Kourou,  la  forme,  que  j'ai  luainie- 
nant.  11,?.32. 

» Je  suis  mon  joug.a  : il  est,  certes  ! bien  difficile  de 
vaincre  le  temps.  » — « Raconte  quel  fut  l'esprit  de 
chaque  youga,  reprit  Bhlma,  quelle  était  la  manière  de  vivre 
en  tel  ou  tel  youga,  quels  sentiments  on  avait  sur  le  juste, 
l’utile  et  l’agréable;  en  quoi  consistait  l’muvre,  l’énergie, 
ce  qui  était  et  n’était  pas.  » Hanoûmat  répondit  : « L’Age 
Krita,  mon  enfant,  était  celui,  où  régnait  la  vertu  éter- 
nelle. 11,2.33—11,234. 

« Dans  ce  temps,  le  plus  grand  des  yougas,  tout  est 
fait  et  n’est  pas  laissé  à faire.  Là  ne  s’affiiissent  pas  les 
vertus,  ne  périssent  pas  les  créatures.  11,235. 

» C'est  de  là  que  vint  le  nom  de  Krita-youga.  Le  temps 
allait  aux  qualités.  Il  n’y  avait  alors,  mon  enfant,  ni  Dieux, 
ni  Dànavas,  ni  Gandharvas,  ni  Vakshas,  ni  Rakshasas,  ni 
Pannagas;  il  n’y  avait,  ni  vente,  ni  achat;  on  ne  distin- 
guait pas  un  1 adjous,  ni  un  Hig,  ni  un  Sâma  : on  n’y 
connaissait  pas  les  sacrifices  humains.  11,236 — 11,237. 

Il  Le  devoir  était  alors  de  renoncer  au  fruit,  après 
qu’on  avait  médité  sur  le  fruit  : il  n’y  eut,  toute  la  durée 
de  cet  youga,  ni  maladies,  ni  perte  des  sens.  1 1 ,238. 

■)  11  n’y  avait  alors,  ni  malédiction,  ni  pleurs,  ni  or- 
gueil, ni  aversion,  ni  guerre,  combien  moins  la  pai'esse! 
ni  haine,  ni  improbité,  11,239. 

n .Ni  crainte,  ni  même  souci,  ni  jalousie,  ni  envie.  La 
cause  incorporelle  régnait  seule  ; c'était  la  route  suprême 
des  Yoguis.  11,240. 

» L'âme  de  tous  les  êtres,  Nârâyana  était  blanc  alors, 
brahme,  le  kshatrya,  le  vat^ya  et  le  çoùdra  con- 


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VANA-PARVA.  • 


Al 


Mrvaient  cbacaa  ses  distinctions  originelles.  il,2Ai. 

» Dans  cet  âge  Krita,  les  créatures  aimaient  leurs 
occupations  : elies  n'avaient  qu'une  même  habitation,  un 
même  genre  de  vie,  une  même  science.  11,2A2.  > 

• Livrées  alors  aux  mêmes  œuvres,  les  castes  atteignaient 
le  devoir  : elles  n'avaient  qu'un  même  Dieu  ; elles  sui- 
vaient les  mêmes  cérémonies,  la  même  règle,  la  même 
prière.  lt,2AS. 

» Les  devoirs,  qui  sont  aujourd hui  séparés,  suivaient 
les  mêmes  Védas;  on  était  livré  seulement  au  devoir;  on 
obtenait  la  voie  suprême  d'un  fruit  involontaire  par  une 
œuvre,  unie  au  temps  et  jointe  aux  quatre  conditions  de 
la  vie.  Ce  devoir  aimable  était  associé  .â  l'absorption  dans 
l'âme  universelle.  il,2AA — 11,2A6. 

I)  Dans  l'àge  krita,  le  quadrupède  était  soumis  toujours 
aux  quatre  classes.  Tel  était  ce  cycle,  nommé  l'âge  Krita, 
dépourvu  des  trois  qualités.  11,2A6. 

V Éconte  maintenant  ce  que  fut  l'Age  Trétâ.  Le  sacriûce 
a lieu  dans  cet  âge  : la  vertu  est  diminuée  d'un  pied  et 
Atcbyouta  y prend  de  ia  passion.  11,2A7. 

» Les  hommes,  occupés  de  la  vérité,  y sont  livrés  A 
l'observance  des  cérémonies  : c’est  alors  que  commencent 
les  sacrifices,  les  devoirs  et  les  différenls  rites.  11,2A8. 

g Dans  l’Age  Trétâ,  le  fruit  de  la  charité  et  des  céré- 
monies suit  les  volontés  des  êtres;  et  les  hommes  adonnés 
à l’aumêne  et  à la  pénitence  ne  s'éloignent  jamais  de  la 
vertu.  11,2A9. 

a Ils  furent  dans  cet  âge  fermes  dans  le  devoir  et 
occupés  de  cérémonies  religieuses.  Le  devoir  est  sur  deux 
pieds  en  l’Age  Dwàpnra.  11,250. 

» Vishnou  prend  lacou’eur  jaune  et  le  Véda  est  par- 


LE  MAHA-BHARATA. 


A2 

tagé  en  quatre.  Différents  Védas  circulent,  comme  les 
Quatre-Védas,  le  Véda  des  femmes,  les  Deux-Védas,  les 
Seuls-Védas,  le  Véda-sans-Ritch,  et  d’autres.  Dans  les 
Câstras  ainsi  brisés,  la  cérémonie  est  entraînée  de  divers 
côtés.  11,251—11,252. 

» Les  créatures,  qui  ont  commencé  par  l’aumône  et  la 
pénitence,  tombent  dans  la  qualité  de  passion  ; et  le  com- 
mandement, que  prescrit  un  seul  Véda,  donne  naissance  à 
plusieurs  rédactions  des  Védas.  11,253. 

» La  chute  de  la  qualité  Sattwa  empêche  tout  homme 
de  rester  ferme  dans  la  vérité;  et,  déchus  de  cette  qualité 
Sattwa,  ils  sont  envahis  par  les  nombreuses  maladies. 

» Alors  coururent  les  désirs,  ouvrage  du  Destin,- par 
lesquels,  sans  cesse  tourmentés,  les  enfants  de  Manou  en- 
durent de  bien  cruelles  soufirances.  11,264 — 11,255. 

» Aux  uns  le  désir  de  l’amour,  aux  autres  le  désir  du 
Swarga  fait  célébrer  des  sacrifices,  et  c’est  ainsi  que,  par- 
venus à l’âge  Dwâpara,  les  créatures  périssent  hors  de  la 
justice.  11,256. 

H La  vertu,  fils  de  Kountl,  se  tient  sur  un  seul  pied 
dans  l’âge  Kali.  Arrivé  dans  cet  âge  ténébreux,  Kéçava 
devient  noir.  11,257. 

» Le  devoir,  la  cérémonie,  le  sacrifice  et  la  conduite 
suivant  les  Védas  s’éteignent  : on  voit  circuler  dans  le 
monde  les  calamités  des  temps,  les  maladies,  la  paresse, 
les  péchés,  la  colère  et  sa  suite,  les  soucis,  la  crainte  et 
la  famine.  Ces  temps  arrivés,  la  vertu  périt  do  nouveau. 

11,258—11,259. 

» La  vertu  n’étant  plus,  le  monde  périt  à son  tour; 
avec  le  monde  expiré,  meurent  ensuite  les  puissances  di- 
vines, qui  donnent  le  mouvement  au  monde.  11,260. 


VANA-PARVA. 


A3 


B Les  vertus,  faites  pour  la  perte  de  l’yoaga  détruisent 
les  désirs.  Tel  est  cet  âge,  nommé  Kali,  qui  a commencé, 
il  n’y  a pas  long-temps.  11, '261. 

» (’æux,  qui  vivent  d’une  longue  vie,  éteignent  en  eux 
cette  impulsion  à suivre  l’youga.  Voilà,  dompteur  des 
ennemis,  les  choses  à ma  connai.saance,  sur  lesquelles 
était  dirigée  ta  curiosité.  11 ,262. 

0 Quel  homme,  s’il  a de  la  science,  attacherait  son  dé- 
sir à des  choses  inutiles?  Je  t’ai  raconté,  guerrier  aux 
longs  bras,  tous  les  quatre  Yougas,  sur  lesquels  tu  m’as 
interrogé.  Que  le  bonheur  t’accompagne  I Va  ! » 

11,263— 11  ,'264. 

Bblmaséna  lui  répondit  ; 

« Je  ne  m'en  irai  à aucun  prix  sans  que  je  n’aie  vu  ton 
ancienne  forme.  Si  tu  veux  m’étre  agréable,-  montre-toi  à 
mes  yeux  toi-même.  » 11, '265. 

A ces  mots  de  Bhlma,  le  singe  fit  un  sourire,  et  lui 
apparut  sous  la  forme,  qu’il  portait  dans  la  traversée  de 
la  mer.  11,266. 

Désirant  exécuter  une  chose  agréable  à son  frère,  il  se 
fit  un  bien  grand  volume,  et  augmenta  au  plus  haut  d^ré 
son  corps  par  l’extension  de  sa  longueur.  11,267. 

Le  singe  à la  splendeur  sans  mesure  se  tint  devant  lui, 
couvrant  le  massif  des  arbres  bananiers  et  dépassant  la 
montagne  par  son  élévation.  11,268. 

Les  yeux  rouges,  les  dents  aiguës,  le  visage  courbé  par 
la  contraction  des  sourcils,  son  grand  corps  ressemblait 
par  sa  hauteur  à une  seconde  montagne,  11,269. 

Déroulant  sa  longue  queue,  le  singe  demeura,  occupant 
tous  les  pmnts  de  l'espace.  Le  rejeton  de  Konrou,  Bhlma, 
vit  cette  grande  forme  de  son  frère,  comme  un  soleil 


bh 


LE  MAHA-BHARAT  V. 


par  ses  rayons  et  telle  qu'une  montagne  d'or;  U resta, 
saisi  d'étonnement  et  s'en  réjouit  mainte  et  mainte  fois. 

11,270—11,271. 

Ayant  vu  l'air  comme  enflammé,  il  ferma  les  yeux,  et 
Hanoûmat  lui  dit,  en  riant  : 11,272. 

« Tu  peux  voir  cette  forme,  que  j'ai  ici,  mortel  sans 
péché;  mais  je  m'accrois  encore  plus,  autant  que  c'est  le 
désir  de  mon  cœur.  11,273. 

» Mon  corps,  Bhima,  augmente  en  force  incroyable- 
ment au  milieu  des  ennemis.  » Quand  Bhlma,  le  fils  du 
Vent,  eut  vu,  le  poil  hérissé  d'étonnement,  ce  corps  mer- 
veilleux d'Hanoûmat,  très-épouvantable  et  pareil  au  mont 
Vindhya,  il  dit,  joignant  les  mains  et  r<àmc  troublée,  au 
singe,  qui  se  tenait  devant  lui  : « Raccourcis  toi-même, 
auguste  seigneur  à la  grande  vigueur,  cette  vaste  mesure 
de  ton  corps;  je  ne  puis  eu  effet  soutenir  ta  vue,  comme 
celle  du  soleil  élevé  sur  l'horizon. 

1 1,274—1 1,276—1 1,276—11,277. 

» Tu  es  immesurable,  héros,  inabordable;  tu  res- 
sembles au  mont  Malnaka;  l'étonnement  de  mon  âme  est 
maintenant  immense.  11,278. 

» Je  ne  m'étonne  pin*  que  Rima,  toi-même  étant  à ses 
cités,  ait  affronté  Ràvana!  Appuyé  sur  la  force  de  ton 
bras,  tu  es  capable  d’exterminer  en  un  seul  instant  Lankâ, 
ses  chai's  et  .ses  gueniers.  Fils  de  Mâroute,  il  n’existe 
rien,  que  tu  ne  puisses  atteindre.  11,279—11,280. 

» Ràvana  ne  suffisait  pas  en  bataille  avec  son  armée 
contre  toi  seul  !»  A ces  mots  de  Bhtmaséna,  Hanoûmat,  le 
pins  grand  des  singes,  11,231. 

Répondit  ces  mots  d'une  voix  douce  et  profonde  ; « Il 
en  est  ainsi  que  tu  le  dis,  rejeton  puissant  de  Bharata,  ce 


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VANA-PARVA. 


A5 


vil  Rakshasa  n’était  pas  suflisant  contre  moi.  Mais  si 
Râvana,  l'épine  du  monde,  fût  tombé  sous  mes  coups, 

11,282—11,283. 

» La  gloire  du  Raghonide  s'éteignait  ; c’est  là  ce  que 
j'ai  considéré.  Cet  opprobre  des  Rakshasas,  au  contraire, 
tombant  avec  son  armée,  sous  les  coups  de  ce  héros, 

» Il  remmènera  SUA  dans  sa  ville  et  fera  dire  sa  gloire 
aux  hommes.  Va  donc,  mortel  à la  grande  science,  qpi  te 
compims  en  ce  qui  est  agréable  et  utile  à ton  frère. 

ll,28â— 11,285. 

U Que  le  Vent  te  protège  en  ce  voyage  heureux  et  sans 
blessure  ! Voici  la  route,  é le  plus  vertueux  des  Kourouides, 
qui  mène  à la  forêt  des  lotus  célestes.  1 1 ,286. 

> Tu  verras  le  jardin  de  l'ImmorleL  qui  distribue  à 
son  gré  les  richesses;  il  est  défendu  par  des  Yakshas  et 
des  Rakshasas.  Tu  ne  dois  pas  y faire  une  collecte  de 
fleurs  par  la  violence.  11,287. 

» 11  faut  les  considérer,  un  homme  smtout  ! comme 
des  choses  célestes.  C’est  par  les  prières,  6 le  plus  grand 
des  Bharatides,  l’oITrande  en  l'honneur  de  tous  les  êtres, 
l’oblation  de  beurre  clarifié  et  la  dévotion,  qu’on  se  rend 
favorables  les  objets  divins.  Ne  commets  pas  de  violence, 
mon  enfant  : observe  ton  devoir,  11,288 — 11,289. 

U Attaché  au  devoir  de  ta  caste,  pense  que  c'est  le  pre- 
mier devoir  et  suis-le.  Quiconque  connaît  le  devoir,  re- 
cherche les  vieillards.  11,290. 

» Là  où  le  vice  est  appelé  vertu  et  la  vertu  est  nommée 
le  vice,  il  est  possible,  mais  à des  hommes  semblables  à 
Vrihaspati,  de  connaître  le  juste  et  l'utile.  11,291. 

0 C’est  le  hasard,  qui  sert  à discerner  là,  où  les  hommes 
sans  intelligence  sont  livrés  à l'erreur  de  l'esprit  : 


[,E  MAHA-BHARm. 


AO 

le  devoir  procède  de  la  conduite,  les  Védas  sont  fondés 
sur  le  devoir;  11,202. 

» Les  sacrifices  naissent  des  Védas,  les  Dienx  commen- 
cent avec  les  sacrifices.  Les  divinités  ont  pour  base  les  sa- 
crifices appelés  la  règle  de  la  conduite  suivant  les  Védas. 

» Les  hommes  vivent  de  préceptes  édictés  par  Uuçanas 
et  Vrihaspati.  Il  faut  retirer  la  brebis,  la  chèvre  et  la 
vache  avec  leurs  nourritures  des  choses,  qui  sont  à .acheter 
dans  la  multitude  des  objets  vendables.  11,203 — 11,20A. 

» Tout  est  soutenu  par  l’agriculture,  ont  dit  les  brahmes, 
qui  ont  parlé  sur  les  devoirs.  11  y a trois  sortes  d’ agricul- 
ture, un  système  d'administration  et  trois  sciences  pour 
les  hommes  instruits.  11,205. 

s sont  elles  convenablement  employées,  qui  règlent 
la  marche  du  monde  ; si  elle  n’était  pas  conforme  au 
devoir,  il  n'y  aurait  pas  sur  la  terre  d’obligations  enjdntes 
par  les  Védas.  11,206. 

» Sans  un  système  d'administration,  le  monde  n'aurait 
aucune  borne  dans  ses  actes  ; ces  créatures  cesseraient 
d'exister,  si  elles  ne  restaient  dans  le  devoir  de  l’agricul- 
ture. 11,207. 

» I,as  ci-éatures  enfantent  le  devoir  par  ces  trois  ienti- 
menls  bien  déterminés  : la  vérité  est  le  seul  devoir,  le 
scribe  unique  des  brahmes.  11,208. 

» L’ aumône,  la  lecture  et  le  s.'icrifice  sont  appelés  choses 
communes  5 tous  ; mais  la  célébration  des  sacrifices  et 
l'enseignement  des  livres  saints  appartiennent  légitime- 
ment aux  brahmes.  11,200. 

» Défendre  est  le  devoir  des  kshatryas,  nourrir  celui 
des  valçyas,  mais  la  soumission  anx  trois  castes  régéné- 
rées est  dite  le  devoir  des  cofldras.  11,300. 


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VANA-P.VRVA. 


47 


» Quant  aux  hommes  célèbres  comme  des  gourous  et 
méoie  dépourvus  des  vœux  de  la  niendicité  et  du  feu 
perpétuel,  ton  devoir  est  ici  le  devoir  du  ksbatrya  : c’est 
de  les  défendre.  11,301, 

D Modeste  et  les  sens  domptés,  garde  ton  devoir  et 
prends  conseil  des  vieillards,  des  .sages,  des  gens,  qui 
ont  de  l’intelligence  et  qui  sont  doués  delà  science. 

K Un  roi  appliqué,  s'il  emploie  convenablement  la 
faveur  et  la  répression,  règne  le  châtiment  en  main,  et 
le  vicieux  sous  lui  est  méprisé.  11,302 — 11,303. 

» Les  bornes  du  monde  sont  alors  invariables.  Il  faut 
donc  qu’un  habile  espion  vous  informe  toujours  de  l'état 
des  choses  sur  les  armées,  les  forteresses  de  l'ennemi,  les 
lieux,  qu'il  occupe,  les  défilés,  qu’il  garde,  sur  ce  qui 
doit  être  son  augmentation  ou  sa  perte,  sur  les  oupàyas, 
les  espions,  l'intelligence,  les  conseils  et  la  vigueur  des 
rois  : 11,304 — 11,305. 

» Comment  ils  protègent  ou  répriment.  C’est  par  l'inté- 
grité, qu’on  mène  les  choses  à leur  fin.  Il  faut  exécuter 
lesaifaires  suivant  funion  de  l'ensemble  et  des  détails 
par  la  conciliation,  la  libéralité,  la  division,  la  rigueur  et 
la  clémence.  Les  systèmes  de  gouvernement  et  les  espions, 
6 le  plus  grand  des  fils  de  Bharata,  ont  pour  racine  le 
conseil.  11,306 — 11,307. 

» 11  faut  délibérer  avec  les  brahmes  un  succès  marqué 
d’une  bonne  consultation  ; mais  ne  délibérez  pas  sur  des 
secrets  avec  une  femme,  un  sut,  un  enfant,  un  cupide,  un 
volage,  tous  gens  frappés  avec  le  sceau  de  l'imprudence. 
Qu’un  homme  délibère  sur  ses  affaires  avec  des  savants 
et  qu’il  en  confie  l’exécution  à des  forts  ; 

11,308—11,300. 


48 


LE  MUiA-BHAllATA. 


» Et  à des  gens  capables.  Évitez  de  toutes  les  manières 
de  confier  l'administration  à des  sots.  Qu’il  prépose  aux 
choses  du  devoir  des  hommes  adonnés  au  devoir,  et  re- 
mette aux  savants  celles,  qui  ont  l’intérêt  pour  objet; 
(|u'il  donne  aux  femmes  des  eunuques  et  confie  les  choses 
dures  à des  gens  dure.  De  mime  que  la  force  ou  l’im- 
puissance des  ennemis,  ain$i  l'intelligence  dans  les  alTaires 
se  laisse  connaître  soit  par  les  autres,  soit  par  les  siens. 
Répands  ta  faveur  sur  des  hommes  de  bien,  qui  sont  deve- 
nus tiens,  grâce  à l’intelligence.  11,310-11,311-11,312. 

» E.xercc  la  répression  sur  des  hommes  vils,  sortis  des 
règles.  Quand  le  roi  se  tient,  comme  il  faut,  dans  la 
répression  ou  la  faveur,  la  borne  du  monde  est  alors  bien 
observée.  Ce  que  je  viens  de  t'exposer,  Prithide,  est  ton 
devoir  rigoureux  et  difficile  à suivre.  11,313 — 11,314. 

» Conservant  la  modestie,  maintiens,  en  partageant  Ion 
cœur,  les  obseiTances  de  ta  caste.  Tels  que  les  brahmes 
obtiennent  le  ciel  par  des  sacrifices,  la  répression  des 
sens,  le  devoir  et  la  pénitence;  tels  que  les  vaiçyas  en- 
trent dans  la  voie  fortunée  par  les  devoirs,  qui  leur  »ont 
propres,  les  cérémonies,  l’hospitalité  et  l'aumône  : ainsi 
les  kshatryas  vont  au  Swarga  sur  la  terre,  en  mettant 
leure  soins  â réprimer  et  défendre.  11,31.5 — 11,316. 

» S’ils  châtient,  comme  il  convient,  alTrauchis  de  la 
haine  et  de  l’amotir,  sans  cupidité,  libres  de  colère,  ils 
obtiennent  de  partager  le  monde  des  gens  de  bien.  » 

Ensuite,  ayant  réduit  son  grand  corps  à sa  volonté,  le 
singe  étreignit  de  nouveau  Bhtmaséna  dans  ses  bras. 

A peine  son  frère  l’eut-il  embrassé,  aussitôt  expira  la 
fatigue  de  Bhlma,  et  tout  lui  devint  favorable. 

11,317—11,318—11,319. 


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VANA-PARVA. 


4P 


> Il  o’existe  pas  sur  i»  terre,  pensa-t-il,  un  grand 
d’une  force  immense,  qni  soit  égal  à moi  ! u Le  singe, 
ses  yeux  noyés  de  larmes,  lui  adressa  la  parole  en- 
suite; 11,320. 

11  dit  avec  amitié  à Bhima  d'une  voix,  que  ses  pleurs 
rendaient  balbutiante  ; « Retourne  à tou  habitation,  héros, 
mais  que  mon  souvenir  revive  en  tes  récits.  11,321. 

» Tant  que  je  me  tiendrai  ici,  ô le  plus  excellent  des 
Kourouides,  je  ne  serai  jamais  célébré.  C’est  ici  le  mo- 
ment et  le  lieu,  guerrier  à la  grande  force,  de  t’en  aller 
loin  de  l’habitation  du  Dieu,  qui  préside  aux  richesses, 
et  des  épouses  les  plus  distinguées  des  Dieux  et  des  Gan- 
dbarvas.  Allant  avec  toi,  Bhima,  toucher  ses  membres 
humains,  je  me  rappellerai  au  souvenir  de  ce  Vishnou, 
sous  le  nom  de  Ràma,  le  descendant  de  Raghou,  mon  œil 
fécond,  qui  fait  s’épanouir  la  joie  au  cœur  du  monde,  ce 
soleil  du  lotus,  qui  brillait  au  visage  de  Sità,  cet  astre  du 
jour,  qui  dissipait  la  nuit  du  monstre  aux  dix  tètes  ! Que 
celte  vue  de  moi,  héros,  fils  de  kountt,  enfante  pour  toi 
son  fruit!  11,322—11,323—11,324—11,325. 

a Comptant  pour  beaucoup,  le  sentiment  fraternel, 
choisis  une  grâce,  fils  de  Bharata.  Si' tu  veux,  j’irai  4 la 
ville,  qui  tire  son  noui  des  éléphants  et  je  tuerai  ces  vils 
enfants  de  Dhritaràshtra.  S'il  le  faut,  je  vais  briser  la  cité 
àcoups  de  pierres  I >,  ll,32t> — 11,327. 

» Ou  j'amènerai  en  ta  présence  Douryodhana  enchaîné  ! 
Je  ferai  à l’heure  même  ce  que  tu  désires,  guerrier  à la 
grande  force.  » 11,328. 

Dès  qu'il  eut  ouï  les  paroles  de  ce  magnanime,  Bhima- 
séna  d'une  âme  joyeuse  répondit  â Ilanoûmat.  11,320. 

« Tu  as  tout  fait  pour  moi,  6 le  plus  grand  des  singes; 

à 


IV 


50 


LE  MAHA-BHAHAÏA. 


la  félicité  descende  sur  toi  ! Je  t’aime,  héros  aux  longs 
bras,  sois-moi  favorable  ! 11,330. 

U Tous  les  enfants  de  Pândou  ont  un  protecteur  en  toi, 
qui  étends  sur  chacun  d’eux  ta  protection,  puissant  qua- 
drumane. Grâce  à ta  force,  nous  vaincrons  tous  les  en- 
nemis. » 11,331. 

A ces  mots,  Hanoûraat  répondit  â Bhimaséna  : « Comme 
ton  frère  et  ton  ami,  je  ferai  ce  qui  t’est  agréable.  11,332. 

n Me  plongeant  dans  l’armée  des  ennemis,  hérissée  de 
traits  hostiles,  je  rendrai  par  mon  cri  ton  cri  plus  terrible, 
quand  tu  jetteras,  héros  à la  grande  force,  ton  cri  de 
guerre.  Placé  comme  le  drapeau  de  la  victoire,  je  pous- 
serai des  clameurs  épouvantables,  qui  ôteront  la  vie  aux 
ennemis  et  grâce  auxquelles  vous  tuerez  à plaisir.  » 
Alors  que  flaooûmat  eut  parlé  de  cette  manière  au  Cls 
de  Pândou,  il  indiqua  sa  route  à Bhtma  et  disparut  â 
l'instant  même.  11,333—11,335 — 11,335 — 11,336. 

Quand  le  plus  excellent  des  singes  fut  parti,  Bhtma,  le 
plus  fort  des  forts,  s’en  alla  par  ce  chemin  au  grand  Gan- 
dhamâdana.  11,337. 

Rappelant  à sa  mémoire  le  corps  de  ce  Daçarathide, 
et  sa  beauté  incomparable,  il  marchait,  retraçant  à son 
souvenirla magnanimité  et  la  dignité  de  ce  héros.  11,338. 

Par  le  désb'  d'atteindre  à la  forêt  des  lotus  célestes,  il 
promenait  ses  yeux  sur  les  bois  et  les  charmants  bocages. 

Sur  les  différents  arbres  en  fleurs,  sur  les  lacs,  les 
fleuves,  les  fourrés  fleuris,  variés  par  toutes  les  sortes  de 
fleurs,  11,339—11,340. 

Sur  les  troupeaux  d’éléphants  en  rut,  humides  de  boue. 

Il  vit  alors,  Bharatide,  des  bandes  de  nuages,  versant, 
pour  ainsi  dire,  la  pluie.  11,341. 


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VANA-PARVA. 


51 


Le  fortuné  marchait  d'un  pied  rapide  et,  dans  sa  route, 
il  regardait  ce  bois  habité  par  des  tigres,  des  sangliers, 
des  buffles,  des  antilopes  mâles,  accompagnées  de  leurs 
femelles,  aux  mobiles  angles  extérieurs  des  yeux  et  la 
bouche  remplie  de  nouveau  gazon.  Aflranchi  de  peur, 
Bblmaséna  d’entrer  avec  courage  dans  la  montagne. 

11,842—11343. 

Sollicité,  en  quelque  sorte,  par  les  arbres  des  forêts,  que 
le  vent  secouait,  avec  leurs  tendres  pousses  rouges,  aux 
senteurs  infinies  des  fleurs,  il  franchit  dans  sa  route  des 
bois  délicieux,  des  tlrthas,  des  champs  de  lotus,  hantés 
d’abeilles  enivrées,  où  des  nymphées  formaient  eux-mêmes 
conmie  des  coupes  d’andjalis.  11,344 — 11,345. 

Ses  yeux  et  son  cœur  plongés  dans  les  plateaux  fleuris 
de  la  montagne,  Bhtnia  s’en  allait  à grands  pas,  n’ayant 
pour  viatique  en  son  voyage  que  les  paroles  de  Draâupadt. 

Après  un  jour  écoulé  en  ce  bois  rempli  de  gazelles,  il 
vit  une  grande  rivière,  toute  semée  de  lotus  purs  et  fûts 
d’or.  11,346—11,347. 

Elle  était  pleine  de  canu'ds  et  de  cygnes  ; des  tchakra- 
vâkas  l’embellissaient;  elle  semblait  une  guirlande  de 
lotus  sans  tache,  tressée  à cette  montagne.  11,348. 

Le  guerrier  à la  grande  énergie  vit  dans  cette  rivière 
un  vaste  champ  de  lotus  célestes  : générateur  de  la  joie, 
il  avait  une  splendeur  égale  au  soleil  enfant.  11,349. 

A cette  vue,  le  fils  de  Pàiidou,  le  cœur  désireux  d’en 
cueillir,  se  transporta  de  pensée  vers  son  épouse  toute 
affligée  d'habiter  les  bois.  11,350. 

11  s’en  alla  vers  un  champ  délicieux  de  lotus  et  vit, 
près  de  la  cime  du  Rallâsa,  une  belle  forêt,  confiée  à la 
garde  des  Rakshasas.  11,361. 


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52  LE  MAHA-RHARATA. 

Plantée  dans  une  cataracte  de  la  montagne,  non  loin 
du  palais  de  Kouvéra,  elle  était  odorante,  aux  vastes  om- 
brages, remplie  de  lianes  et  d’arbres  variés,  11,352. 

Couverte  de  lotus  jaunes,  céleste,  jonchée  de  nélumbos 
d’or,  habitée  par  des  bandes  d’oiscau.x  en  toutes  les  es- 
pèces, limpide,  ornée  de  beau.\  tirlhas,  11,353. 

Ravis.sante  au  plus  haut  degré,  jolie,  admirable  aux 
yeux,  arrasée  de  belles  eaux,  lancée  sur  les  plateaux  de  la 
montagne  et  devenue  une  merveille  du  monde.  11,355. 

Ici,  le  rds  de  kountî  vit  une  eau  claire,  belle,  légère, 
fraîche,  à la  saveur  d’ambroisie,  et  le  lils  de  Pânduu  en 
but  à longs  traits,  11,355. 

A la  vue  de  cette  phdne  ravissante  de  nymphées,  revê- 
tue de  lotus  célestes,  couverte  de  uéluuibos  faits  d’or  et 
d’une  senteur  iidinie;  à La  vue  de  ce  jardin  du  magnauime. 
Kouvéra,  le  roi  des  rois,  semé  des  nymphées  les  plus 
beaux  de  lapis-lazuli,  séduisant  par  toutes  sortes  de  mer- 
veilles, le  bej'ceau  des  canards  et  des  cygnes,  qui  faisaient 
voler  une  poussière  sans  ordure,  l’objet  des  profonds 
hommages  des  Apsaras,  des  Gandharvas  et  des  Dieux, 
hanté  par  des  rishis  divins,  des  Yakshaset  des  Kiuipou- 
roushas,  défendu  par  des  Kakshasas,  des  Kinnaris  et  le 
fjls  de  Viçravas  ; à sa  vue,  dis-je,  le  lils  de  Konnti,  Bht- 
maséna  aux  longs  bras  fut  enchanté  au  plus  haut  point  de 
contempler  ce  lac  céleste. 

11,350—11,357—11,358—11,359  -11,360. 

Alors  furent  saisis  de  colère,  les  Raksha.sas  au  nombre 
de  cent  mille,  serviteurs  au.x  armes  diver.ses,  que  les 
ordres  du  riche  monarque  avaient  préposés  à la  garde  du 
lac.  11,361. 

Ils  voient  le  fils  de  Kountl,  l’héroïque  Bhlma  au  cou- 


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VANA-PARVA. 


68 


rage  épouvantable,  habillé  avec  dea  peaux  de  gazelle  et 
porteur  de  bracelets  faits  d’Or,  11 ,862. 

<’«  dompteur  sans  crainte  des  ennemis,  ceint  du  cioie-^ 
terre,  muni  de  ses  armes,  qui  s’approchait,  poussé  par 
l'envie  de  cueillir  des  lotus,  et  ils  s’écrièrent  de  l’un  h 
l’autre  : 11,863. 

« Voici  un  homme  vigoureux,  armé,  revêtu  d’une  peau 
d’antilope!  Veuillez  sur  le  champ  lui  demander  à Tfenvie 
de  quelle  chose  nous  devons  son  arrivée  ici!  * 11,868. 

Tous  alois  s’étant  approchés  de  Vrikaudara.  aux  longs 
bras,  demandèrent  au  guerrier,  doué  de  splendeur  ; «Qui 
es-tu?  Veuille  nous  le  dire!  11,305. 

» Car  nous  te  voyons  porter  avec  des  armes  le  costume 
des  anachorètes.  Raconte-nous  donc,  homme  à la  gronde 
sagesse,  pourquoi  tu  es  venu.  » 11,366. 

Bhltiia  répondit  : 

« Je  suis  Bhima.séna,  le  fils  de  Pândou  et  le  premier 
des  puînés  de  Dharmaràdja.  Je  suis  venu,  Rakshasas, 
avec  mes  frères,  à la  grande  Vadart.  11,367. 

» Là,  Pântchàll  vit  un  lotus  céleste  d’une  beauté  su- 
prême , que  le  souffle  du  vent  avait  apporté  ! elle  eut  donc 
envie  d’en  posséder  plusieurs.  11,308. 

» Sachez,  Noctivagues,  que,  soumis  au  plaisir  de  mon 
épouse  légitime,  je  suis  venu  chercher  ici  des  fleurs  pour 
cette  dame  aux  membres  distingués.  » 11,369. 

« C’est  le  jardin  chéri  de  Kouvéra,  homme  éminent, 
reprirent  les  Rakshasas;  un  homme,  sous  l’empire  de  la 
mort,  ne  peut  s’y  divertir.  11,370. 

U Les  rishis  divins,  les  Yakshas  et  les  Dieux,  Vrikau- 
dara, y boivent  et  s’y  amusent,  après  qu’ils  ont  salué  le 
roi  des  Yakshas.  11,371. 


bi 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Ici,  fils  de  Pândou,  se  divertissent  les  Gandharvas  et 
les  Apsaras.  Tout  homme  de  mauvaise  vie,  qui  désirerait 
s’ébattre  ici  contre  les  convenances,  après  qu’il  a méprisé 
le  souverain  des  richesses,  y trouverait  la  mort,  il  n’y  a 
pas  de  doute  I Sans  nul  égard  pour  ce  Dieu,  faisant  cas 
de  ta  force  seulement,  tu  veux  enlever  s<«  lotus! 

11,372—11,873. 

» Comment  peux-tu  dire  que  tu  es  le  frère  de  Dharma- 
ràdja?  Salue  d'abord  le  monarque  des  Yakshas,  bois  en- 
suite et  prends  des  lotus  ! 11,373. 

» Autrement,  il  est  impossible  à toi  de  jeter  un  seul 
regard  sur  la  Piscine-des-lotus!  » — » Rakshasas,  répon- 
dit Bhlmaséna,  je  ne  vois  pas  le  maître  des  richesses  ici 
devant  moi.  11,375. 

I)  Et  même,  si  je  voyais  ce  grand  roi,  je  ne  imurrais  le 
supplier.  En  effet,  les  rois  ne  supplient  pas  : c’est  la  loi 
étemelle.  11,376. 

I)  Et  je  ne  veux  jamais  déserter  le  devoir  du  kshatrya. 
L'n  ravissant  lac  de  lotus  existe  ici  dans  une  cataracte  de 
la  montagne.  11,377. 

» Elle  n’e.st  pas  auprès  du  palais  habité  par  le  magna- 
nime Kouvéra  : elle  appartient  donc  également  à tous  les 
êtres  et  au  fils  de  Viçravas.  11,378. 

1)  Il  en  est  ainsi  de  toutes  les  richesses  : libre  à cha- 
cun d’en  rechercher  quelqu’une.  » A i>eine  eut-il  ainsi 
parlé  avec  colère  à tous  les  Rakshasas,  Rhtmaséna  aux 
longs  bras,  à la  grande  force,  de  se  plonger  dans  cette 
piscine  aux  lotus.  Ensuite,  arrêté  par  la  voix  des  Baksha- 
sas,  qui  le  menaçaient  de  tous  les  côtés  avec  fureur  : 
« Empêchez-moi  ainsi  I » dit  l’auguste  au  courage  épou- 
vantable, et,  méprisant  tous  les  Démons,  le  guerrier  à la 


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VANA-PARVA. 


56 


grande  splendeur  entra  dans  le  lac.  Tous  les  Maksha.sas 
le  cernent,  i 1 , 37»— 1 1,380—11 ,381— 11 ,382. 

- Qu’il  soit  pris!  Qu’on  l’enchaîne!  Qu’on  le  mette  en 
pièces!  Fai.sons  cuire!  Mangeons  Bhimaséna!  » A ces 
mots,  pleins  de  colère,  ils  fondent  précipitamment  sur 
lui,  roulant  les  yeux  et  levant  leurs  armes.  11,383. 

Mais,  saisissant  une  grande  et  lourde  massue,  retenue 
avec  des  cordons  en  or  et  pareille  au  bâton  d’Yama, 
celui-ci  courut  avec  impétuosité  sur  eux,  en  criant  : 
«Ferme!  tiens  ferme!  « 11,38A. 

Eux,  brandissant  des  leviers  de  fer,  des  pattiças  et  des 
flèches,  tombèrent  sur  lui  rapidement,  et,  brûlants  de  le 
tuer,  en  proie  à la  colère,  terribles  et  bien  épouvantables, 
iis  entourèrent  Bhlma  de  tous  les  côtés.  11,385. 

Le  puissant  et  bouillant  héros,  invulnérable  en  courage 
h l'ennemi,  qui  trouvait  son  plaisir  dans  le  devoir  et  la 
vérité,  lui,  qui  était  véritablement  né  du  Vent  au  sein  de 
Kountl,  se  montra  l'immolateur  des  ennemis.  11,386. 

I.e  magnanime  Bhlma  de  fermer  les  différents  chemins 
à l’ennemi  et  de  couper  la  voie  à ses  flèches  en  sorte  qu’il 
tua  un  cent  et  plus  des  chefs  près  de  l’étang  aux  lotus. 

Reconnaissant  la  valeur  et  la  force  du  guerrier,  sentant 
leur  faiblesse  et  la  puissance  de  ses  bras,  les  héros,  ne 
ponvant  résister  à ses  coups,  mettent  promptement  fin  au 
combat  et  s’enfuient  de  toutes  parts  avec  légèreté. 

11,387—11,388. 

Déchirés,  rompus,  en  vain  s’élancèrent-ils  dans  les  airs 
pour  le  frapper  ; ils  coururent,  saisis  de  fureur,  maltraités 
par  Bhimaséna  et  la  connaissance  perdue,  aux  cimes  du 
Katlàsa.  11,38». 

('«mme  Indra,  quand  il  eut  surmonté  les  armées  des 


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M 


LE  MAHA-BHABATA. 


Daltyas  et  des  Dânavas,  le  Pândouide,  vainqueur  des 
tourbes  d'ennemis  en  bataille,  entra  victorieux  dans 
l'étang,  où  il  cueillit  des  lotus  à sa  fantaisie.  11,390. 

11  but  de  cette  eau,  semblable  à l’ambroisie,  et  il  en 
reçut  un  courage  et  une  vigueur  encore  plus  grands. 
Ensuite,  ayant  déraciné  ces  fleurs  odorantes  et  nompa- 
reilles,  il  prit  de  ces  lotus,  nommés  Saâugandhikas. 

Chassés  par  la  force  du  héros,  les  Rakshasas,  étant 
venus,  saisis  de  colère,  trouver  le  Dieu,  qui  préside  aux 
richesses,  lui  racontèrent  exactement,  sous  l’impression 
d’une  immense  terreur,  quels  étaient  dans  le  combat  la 
vigueur  et  le  courage  de  Bhima.  11,391 — 11,392. 

Dès  qu’il  eut  ouï  leurs  paioles,  le  Dieu  répondit  en 
riant  aux  Rakshasas  : « Que  Bhîma  prenne  à son  gré  des 
lotus;  je  lui  en  accorde  la  permission  I » 11,393. 

Ayant  reçu  congé  du  maître  des  richesses,  ils  allèrent, 
sans  colère,  au  lieu  où  était  le  héros  des  Kourouides,  et 
virent  Bhtma,  qui,  seul,  à coeur  joie,  s'ébattait  dans  ce 
lac.  11,39A. 

Vaiçampâyana  dit  : 

Y ouddhühthira^  éminent  Bharatide,  reçut  alors  des 
présages  immaculés  de  poussière,  en  grand  nombre,  de 
formes  diverses,  célestes  et  de  haut  prix.  11,395. 

11  s’éleva  un  vent  impétueux,  rapide,  rasant  par  en  bas 
la  terre  sablonneuse,  souille  chaud,  annonçant  le  combat. 

Un  grand  météore  tomba,  accompagné  d’un  épouvan- 
table ouragan  ; les  rayons  couverts  du  soleil  furent  sans 
lumière,  enveloppés  d’obscurité.  11,396 — 11,397. 

L’ouragan  fut  terrible  au  moment,  où  Bhima  déployait 
sa  valeur;  la  terre  elle-même  trembla  et  une  pluie  de 
poussière  toiaba  du  firmament,  11,398. 


VANA-PARVA.  : » 


57 


Les  plages  du  ciel  étaient  rouges;  dures  étaient  les 
voix  des  quadrupèdes  et  des  volatiles  ; l’obscurité  rem- 
plissait tout,  et  l’on  ne  reconnaissait  pins  rien.  11,899. 

D’autres  prodiges  en  grand  nombre  et  non  moim 
effrayants  parurent  en  ce  moment.  A la  vue  de  ces  choses 
merveilleuses,  Youddhishthira,  le  fils  d’Yama  : « Qui  va 
nous  attaquer?  dit  ce  plus  éloquent  des  hommes.  La  léü- 
cité  descende  sur  vous  1 Tenez- vous  prêts,  fils  de  Pândou, 
à l’ivresse  terrible  dans  les  combats!  ll,flOO — 11,A01. 

» D’après  les  signes,  qui  frappent  mes  yeux,  l’ennemi, 
qui  doit  nous  attaquer,  n’est  pas  éloigné.  » Et,  ce  disant, 
le  roi  de  promener  ses  regards  de  tous  les  côtés.  11,402. 

Youddhishthira,  le  fils  d’Yama,  ne  vit  point  Bhîma.  Ce 
dompteur  des  ennemis  interrogea  DraâupadI  et  les  deux 
jumeaux,  qui  se  tenaient  à ses  côtés,  sur  son  frère  aux 
œuvres  épouvantables  dans  la  guerre  ; « Bhlma  n’est-il 
point  ici?  Où  est-il?  Est-ce  que  Pântchâll  désire  faire 
quelque  chose?  11,403 — 11,404. 

» Ou  ce  héros  a-t-41  commis  une  violence?  Il  aime  les 
• actes  violents.  Et  les  prodiges,  qui  sont  à l’instant  sous 
nos  yeux,  manifestent  une  grande  guerre!  11,406. 

» ils  se  révèlent  de  tous  les  côtés  et  nous  font  voir  un 
vaste  danger!  » Au  roi,  qui  parlait  ainsi,  l’intelligente 
K rishnâ  répondit.  11,406. 

» Épouse  chérie  de  rois,  désireuse  de  faire  une  chose 
agréable,  elle  dit  avec  un  charmant  sourire  : « Ce  Saâu- 
gandhika  fut  apporté  ici  par  le  souffle  du  vent,  sire.  11,407. 

» Il  fut  présenté  aujourd’hui  par  moi  joyeuse  à Bhîma- 
séna  et  je  dis  en  outre  à ce  héros  : « Si  tu  vois  dans  ta 
route  de  ces  lotus  en  grand  nombre,  prends-les  tous  et 
reviens  promptement!  » l*eutrêtre  ce  Pàndouide  aux  longs 


58 


LE  MAHA-BHARATA. 


bras  est-il  allé  pour  mon  plaisir  dans  la  région  du  nord- 
est,  sire,  afin  d’en  rapporter  des  lotus.  » Le  monarque,  à 
ces  mots  d’elle,  tint  ce  langage  aux  deux  jumeaux  : 

11,408—11,409—11,410. 

(c  Suivons  de  compagnie  et  d’une  marche  accélérée  la 
route  par  où  s’en  est  allé  Vrikaudara.  Que  les  Baksbasas 
portent  les  brabmes  en  tant  que  brisés  de  fatigue,  en  tant 
qu’exténués  de  maigreur!  11,411. 

» Toi,  qui  réassembles  à un  Immortel,  Ghatotkatcha, 
porte  Krishnâ  : il  est  évident  que  Bhlma  est  passé  loin 
d’ici;  tel  est  mon  sentiment.  » 11,412. 

» Ce  moment  est  celui  du  retour  depuis  long-temps 
pour  le  rapide  héros:  il  est  égal  en  légèreté  au  Vent,  et  le 
fils  de  Vinatà  seul  a , sur  la  terre,  un  essor  pareil  au 
sien,  soit  qu’il  veuille  s’élever  dans  les  airs,  soit  qu’il 
veuille  en  descendre.  Suivons-le,  selon  nos  puissances, 
rôdeurs  des  nuits.  11,413 — 11,414. 

» Jamais  Bhlma  n’a  commis  une  faute  contre  les  par- 
faits récitateurs  des  Védas.  » — « Qu’il  en  soit  comme 
tu  veux  ! O lui  répondirent-ils  tous  alors,  le  fils  d’Hidimbà 
A leur  tête.  11,415. 

Ceux-ci  connaissaient  exactement,  éminent  Bharatide, 
les  alentours  du  lac  au  lotus, ynrtfin  de  Kouvéra,  et,  quand 
ils  eurent  pris  sur  leurs  dos  les  Pàndouides  et  plus  d’un 
brabme,  ils  partirent,  l’âme  joyeuse,  accompagnés  de  Lo- 
maça  lui-méme.  Tous,  ils  bâtaient  leur  marche;  ils  virent 
donc  bientôt  la  belle  forêt,  11,416 — 11,417. 

Et  l’étang  de  lotus  bien  ravissant,  qui  renfermait  les 
Saàugandbikas  embaumés.  Ils  virent  sur  la  rive  du  lac 
Bhlma,  le  magnanime  et  fier  héros,  avec  les  Vaksbas  aux 
grands  yeux,  qu’il  avait  immolés;  tous  avaient  le  cou 


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/VANA-P.UiyA.  5» 

broyé,  les  cuisses,  les  bras,  les  yeux,  la  tète  fendus. 

11,418—11,419. 

Le  magnanime  Bhima  se  tenait  sur  ce  rivage,  plein  de 
colère,  les  yeux  immobiles,  mordant  ses  lèvres;  il  se 
tenait  sur  le  rivage  du  lac,  dre.ssant  la  massue  levée  dans 
ses  bras,  comme  la  mort,  son  bâton  à la  main,  au  temps, 
qu’il  abrège  la  durée  des  créatures,  11,4'20 — 11,421. 

Dharmarâdja,  l'ayant  vu  et  embrassé  deux  et  plusieurs 
fois,  lui  dit  avec  une  voix  tendre  : « Fils  de  Kountt,  pour- 
quoi as-tu  fait  cela?  11,422. 

» La  violence,  hélas  I souffre  que  je  le  dise,  est  désa- 
gréable aux  Dieux.  N’agis  plus  à l’avenir  de  cette  manière, 
si  tu  veux  faire  une  chose,  qui  me  soit  agréable.  1 1,423. 

Bhima  répondit  au  fils  de  Kountt,  recueillit  des  lotus 
et,  semblables  â des  Immortels,  ils  s’amusèrent  dans  ce  lac. 

Dans  cet  instant  même,  ayant  saisi  des  pierres  et  leurs 
armes,  parurent  les  gardes  aux  grands  corps  de  ce  jardin. 

Mais,  quand  ils  virent  Youddhishthira  et  la  royale 
é|K)use,  Lomaça,  Nakoula,  Sahadéva  et  les  autres  émi- 
nents brahmes,  ils  se  prosternèrent  tous,  fils  de  Bharata  ; 
inclinés  par  la  modestie  et  flattés  par  Dharmarâdja,  ces 
rèdeurs  de  nuit  prirent  des  visages  satisfaits. 

11,424—11,425  -11,426—11,427. 

Avec  la  permission  de  Kouvéra,  ces  rejetons  illustres  de 
Kourou  habitèrent  là  assez  peu  de  temps;  ils  attendaient, 
en  se  divertissant,  l’arrivée  de  BlbhaLsou  sur  les  plateaux 
du  Gandhamâdana.  11,428—11,429. 

Tandis  que  Youddhishthira-Dharmarâdja  résidait  là,  il 
dit  à ses  frères,  accompagnés  de  Krishnâ  dans  la  société 
des  brahmes  : 11,430. 

• Nous  avons  parcouru  les  tlrthas  purs,  fortunés,  don- 


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eo  LE  MAHA-BHARATA. 

naot  la  joie  aux  âmes,  et  les  bois,  chacun  en  |>articulier, 
U Habités  d’abord  successivement  et  principalement 
par  les  Dietu  ou  les  pénitents  mafi'nanimes,  et  révérés  des 
brabmes.  ll,éSl — tl,é.A2. 

» Nous  avons  entendu  çA  et  là  dans  les  hermitages  for- 
tunés les  anciennes  légendes  des  rishis,  leurs  faits,  leurs 
efforts,  Jes  histoires  des  râdjarshis,  des  fabliaux  divers  et 
charmants  ; nous  avons  fait  nos  ablutions  surtout  avec  les 
brabmes.  ll.ASS— l‘t,A3A. 

» Vous  avez  honoré  les  Dieux  continuellement  par  des 
Heurs  et  toujours  par  des  eaux  : vous  avez  rassasié  les  Mânes 
de  racines  et  de  fruits,  comme  s'ils  n’avaient  rien  cortté. 

n Fok  ptrsûnngs  magnanimes  ont  touché  saintement 
l’eau  sur  les  montagnes  délicieuses,  dans  tous  les  lacs  et 
dans  la  mer  très-pure.  11,A36 — 11,A80. 

B Vont  avez  honoré  ta  terre,  la  SarasvatI,  le  ÿindhou, 
rYamoiinà  et  la  Nannadà  : vous  avez  pieusement  touché 
l’eau  a\  ec  les  brabmes  dans  les  charmants  tirthas  de  toutes 
les  espèces.  11,437. 

» Après  avoir  franchi  la  porte  de  la  Gangâ,  vous  avez 
contemplé  de  nombreuses  et  belles  montagnes,  le  mont 
Himalaya  doué  de  brahmes  en  toutes  les  sortes;  vous  avez 
vu  la  grande  Vadari,  rhermitage  do  Nara  et  de  Nà- 
riyana;  vous  avez  vu  le  céleste  étang  des  lotus,  honoré 
par  las  Siddhas  et  les  Dévarshis.  11,488 — 11,439. 

» Le  magnanime  Lomaça  vous  a montré,  é les  plus 
excellents  des  brahmes,  principalement  et  suivant  l’ordre, 
tous  les  lieux  de  pèlerinage.  11,440, 

» C.omment  irons-nous,  Bhlma,à  cette  habitation  sainte 
de  Rouvéra,  habitée  par  les  Siddhas?  Faut-il  mettre  fin 
à notre  voyage?  » 11,441. 


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VANA-PARVA. 


«1 


Tandis  que  le  roi -des  rois  parlait  ainsi,  une  voix,  qui 
n’était  pas  formée  dans  un  corps,  fit  entendre  ces  paroles  : 
« L’accès  en  est  diflicile  : il  est  impossible  qu’on  arrive 
d’ici  aux  bois  de  Kouvéra  (1).  lt,âA2. 

» Reviens  par  celte  route,  sire,  comme  tu  es  venu.  La 
place  de  Nara  et  de  Nâràyana  est  nommée  la  Vadarî. 

» De-là  tu  iras,  fils  de  kountl,  au  délicieux  hermitage 
de  Vrishaparvan,  abondant  en  fruits  et  en  racines,  habité 
par  les  Siddhas  et  les  Tchàranas.  11,A43 — 

» Quand  tu  l’auras  dépassé,  enfant  de  Pritlià,  mets  ta 
demeure  dans  l’ hermitage  du  lils  de  Rishtiséna;  tu  verras 
ensuite,  fils  de  Kountî,  l’habitation  du  Dieu,  qui  préside 
aux  richesses.  » ll,àâ5.  , 

Au  même  instant,  un  vent  pur  et  frais,  inspirant  le 
plaisir  et  la  joie,  soufflant  une  senteur  céleste,  fit  tomber 
une  pluie  de  fleurs.  11,446. 

A l’audition  de  cette  voix  divine,  qui  descendait  du  ciel, 
tous  furent  saisis  d’étonnement;  et  le  brahme  Dhaàumya, 
écoutant  cette  merveille,  dit  aux  rishis,  aux  brahmes  et 
surtout  aux,  princes  : « Il  est  impossible  de  rien  répondre  : 
qu’il  en  soit  donc  ainsi,  fils  de  Bhai  ata.  » 11, 447-11, 4A8. 

Le  monarque  Youddhishthira  d’approuver  cette  parole. 
H revint,  environné  de  Panlchàli  et  de  tous  ses  frères, 
Bhîmaséna  et  les  autres,  à l’iiermitage  de  Nara  et  de  Nà- 
làyana,  où  les  brahmes  alors  Urcnt  leur  habitation  avec 
plaisir,  11,449-11,450.. 


(1)  Je  li»  dçranubt,  à racciiMlir  pluriel,  comme  veut  le  eena;  mais  l’é<li- 
tioii  porte  ilçramtU,  à l’ablatif  singulier.  Je  pense  que  c’est  une  faute  d'im 
preuiou. 


MORT  DE  DJATASOIJRÂ. 


Vaiçampàyana  dit  : 

Les  Kakshasas  et  le  fils  de  Bhlmaséna  partis,  un  jour 
que  Bhîraaséua  avait  quitté  les  Pàndouides,  qui  habi- 
taient là  en  pleine  sécurité  avec  lesbrahmes  sur  le  roi  d&s 
monts  dans  le  désir  de  l’arrivée  d’ Arjouna , un  Rak- 
shasa  enleva  lui-même  Dharmarâdja,  les  deux  jumeaux  et 
K.rishnâ  : « C’est  un  brahme  habile  dans  les  conseils  ; il 
est  sans  égal  ; il  conuait  tous  les  Çùstras  ! » pensait-on; 
et,  sur  ce  dire,  il  faisait  la  cour  assidûment  aux  (ils  de 
Pàndou,  désirant  leur  enlever,  et  les  carquois,  et  les  arcs. 

11,451— 11,452— H, 453— H, à5â. 

Épiant  une  occasion  pour  le  rapt  de  Draâupadî,  ce 
scélérat  aux  pensées  criminelles  avait  nom  Djatàsoura. 

Iæ  fils  de  Pàndou,  Indra  des  rois,  lui  donnait  la  nourri- 
ture, et  ne  reconnut  pas  ce  méchant,  comme  on  ne  recon- 
naît pas  le  feu,  caché  sous  la  cendre.  11,455 — 11,456. 


VANA-PAKVA. 


03 


Bhtmaséna  étant  sorti  ixmr  la  chasse,  quand  Djatûsoura 
vit,  dumpteur  des  ennemis,  Ghatautkatcha  visiter  les  pla- 
teaux de  la  montagne  et  courir  çA  et  là  par  tous  les  points 
de  l'espace,  les  maharshis,  à compter  de  Lomaça,  donnant 
leur  attention  au  bain,  et  les  hommes,  qui  avait  thésau- 
risé la  pénitence,  sortis  pour  la  cueillette  des  fleurs,  il  se 
revêtit  d’une  forme  nouvelle,  grande,  effrayante,  hideuse, 
s'empara  de  toutes  les  armes  et  ravit  Uraâupadt. 

11,457—11,458—11,459. 

Il  partit,  le  criminel,  emportant  les  trois  Pândouides  : 
mais  Sahadéva  finit  par  lui  échapper  grâce  à ses  eiforts. 

11  s'en  allait,  dépouillé  de  sa  robe  de  soie,  désarmé  de 
son  cimeterre,  et  criait:  « Bhtmaséna!  » exclamation, 
l>ar  laquelle  ce  héros  à la  grande  vigueur  fut  attiré. 

11,460—11,461. 

Youddhishthira-Uharmaràdja  enlevé  dit  au  ravisseur  : 
« Tu  désertes  ledevoir,  insensé,  et  tu  ne  vois  pas  cela  ! 

U Les  antres  hommes  partout,  et  ceux,  qui  sont  nés 
dans  une  matrice  d’animal,  et  les  Rakshasas  principale- 
ment observent  le  devoir.  11,462 — 11,463. 

» Les  Rakshasas  connaissent  la  racine  du  devoir  ; ils 
savent  que  le  devoir  est  la  principale  chose.  Considère  tout 
cela,  et  veuille  ensuite  rester  auprès  de  moi.  11,464. 

» Les  Iffeux,  les  Rishis,  les  Siddlias  et  les  .Mânes,  les 
Gandharvas,  les  Ouragas,  les  Rakshasas,  les  oiseaux  et 
les  bestiaux,  les  animaux  sauvages,  les  insectes,  les  four- 
mis, tout  est  soutenu  par  les  hommes.  Démon,  et  ta  vie 
même  en  dépend.  11,465 — 11,466. 

» La  prospérité  de  notre  monde,  certes  I assure  la 
marche  de  votre  monde.  Les  Dieux  compâtissent  eux- 
mêmes  aux  souffrances  de  ce  monde.  11,467. 


LE  M VHA-BHABATA. 


» Us  craissent,  honorés,  suivant  le  rite,  parles  oblations 
et  les  olTraiMles.  Noua  sommes,  Raksbasa,  les  protecteurs 
et  les  conservateurs  du  royaume.  11,A68. 

» Si  le  royaume  n'était  pas  gardé,  d’où  viendrait  la 
prospérité?  D'où  viendrait  le  plaisir?  Un  Raksbasa,  qui 
u’est  jamais  dans  le  péché,  ne  doit  pas  mépriser  un  roi. 

i>  Il  n’est  pas  même,  mangeur  d'hommes , un  léger  dé- 
faut à noua  reprocher.  Toujours  inclinés  devant  l'autorité 
des  gouroas  et  des  brahmes,  nous  faisons  manger,  sui- 
vant nos  moyens,  les  restes  des  offrandes  mises  sur  les 
autels  des  Dieux  et  des  autres.  11  ne  faut  jamais  haïr  les 
hommes,  qui  ont  mis  en  nous,  soit  leur  amitié,  soit  leui' 
confiance.  11 ,4t>9 — M,470 — 11,471. 

« Notre  habitation  sera,  dù-'on,  celle  de  tous  ceux,  dont 
noua  mangeons  la  nourriture.  » iN’as-tu  p.as  été  honoré  et 
n’as-tu  pas  liabité  paisiblement  dans  notre  maison  ? 

» Comment  veux-tu  nous  enlever,  bomme  àlamauvalse 
science,  quand  tu  as  mangé  de  nos  aliments?  Agir  ainsi, 
n’est-ce  pas  être  d’une  vie  dépravée,  cherclwr  d’iniques 
accroissements,  montrer  un  esprit  faux  ? Ce  n’est  pas  en 
vain  que  tu  auras  mérité  aujourd’hui  une  mort  'ignomi- 
nieuse ! Si  tu  es  d’une  pensée  criminelle,  si  tu  as  renoncé 
à tous  les  devou's,  reiids-iious  nos  armes  et  tente  de  nous 
enlever  Draàupadi  par  un  combat  ! Si  tu  as  fait  cette  ac- 
tion par  iguorance,  sache  qu’elle  te  vaudra  dans  le  uionde 
le  vice  seulement  et  le  déshonneui'!  Souiller  aujourd’hui 
cette  femme  de  la  race  de  .Mauou,  c’est  comme  si  tu  mê- 
lais, RaLshasa,  du  poison  dans  un  vase  pour  l'avaler.  » 
C’est  ainsi  qM’Youddhishthira  donnait  en  maître  des  le- 
çons à ce  mauvais  Génie.  {De  la  ttanee  11,472  à la 
tlance  11,478.) 


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VANA-PARVA. 


65 


L’àine  vaincue  par  son  fardeau,  sa  marche  n'était  pas 
bien  rapide,  et  Youddhishthira  eut  le  temps  de  tenir  ce 
langage  à Nakoula  et  Draàupadt  : 11,578.  • 

« Ne  craignez  pas  les  Rakshasas  par  ignorance  I J'ai 
enlevé  sa  route  à celui-ci.  Non  très-loin  d’ici  est  le  fils  du 
Vent,  qui  lui  montrera  la  force  de  son  bras.  11,579. 

» Ce  moment  arrivé,  le  Rakskasa  ne  sera  plus  ! » Or, 
!>abadéva,  ayant  vu  le  Démon,  de  qui  l'àme  flottait  dans 
l’incertitude,  adressa  ces  mots,  sire,  au  fils  de  Kounti, 
Youddhishthira  : o Pourquoi  doue  la  politesse  du  ksha- 
trya  l'emporte-t-elle  maintenant,  sire?  11,580 — 11,581. 

» S'il  tourne  le  visage  au  combat,  il  quittera  la  vie  ou 
il  vaincra  ses  ennemis.  Ce  Démon  nous  combattra,  fléau 
des  ennemis,  et  nous  le  combattrons.  11,582. 

» Tue-le,  guerrier  aux  longs  bras  ! c’est  ici  le  lieu  et  le 
moment,  sire.  Voici  l'instant  de  montrer  la  vertu  du 
kshatrya,  ô toi,  de  qui  la  valeur  est  une  vérité.  11,588. 

Il  Victorieux  ou  vaincus,  nous  méritons  d’obtenir  la 
voie  fortunée,  [.aisser  vivre  maintenant  ce  Rakshasa,  c’est 
comme  si  le  soleil  descendait  au  couchant.  11,585. 

Il  Je  ne  dirais  plus  jamais  : «Je  suis  un  kshatrya  ! n A ces 
mots,  Bharatide,  s’adressant  au  Démon  ; « Oh  ! oh  I Ra- 
kshasa, arrête  ! je  suis  Sahadéva,  lefilsdePàndou.  11,585. 

Il  Tue-moi  et  tu  l’emmèneras;  ou,  tué  par  moi,  tu  dor- 
miras du  long  sommeil!  n Le  fils  de  Mâdri  parlait  encore 
que  Bhlmaséna  de  lui-même  se  montra,  sa  massue  à la 
main , comme  Indra  avec  sa  foudre.  Il  vit  là  ses  deux 
frères  et  l’illustre  Draâupadl,  11,586 — 11,587. 

Sahadéva,  placé  sur  la  terre,  invectivant  contre  le  Dé- 
mon, et  le  Rakshasa,  incertain  de  sa  route,  semblable  à 
un  homme,  de  qui  l’esprit  est  frappé  par  la  mort.  11,588. 

IV  ô 


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66 


LE  MAHA-BHARAÏA. 


11  errait  çà  et  là,  aveuglé  par  le  Destin.  A peine  Bhîma 
à kl  grande  force  eut-il  vu  ses  frères  et  DraâupadI  enlevés, 
qu’il  fut  saisi  de  colère  et  qu’il  jeta  ces  paroles  au  Ra- 
kshosa  : « Je  t’ai  connu  jadis,  scélérat,  dans  iin  examen 
de  flèches.  Ii,â89 — 11,A90. 

» Tu  fus  sans  considération  pour  moi  : tu  pus  te  retirer, 
et  tu  ne  fus  pas  tué  alors,  (lâché  sous  les  fonnes  d’un 
brahme,  tu  ne  dis  pas  une  chose  désagréable  jjour  nous. 

» Comment  aurais-je  pu  te  donner  la  mort,  hôte  sans 
péché,  sous  les  apparences  d’un  brahme,  te  complaisant  à 
des  choses  amies  et  ne  fai.sant  pas  même  une  seule  action 
d’ennemi?  11,491 — 11,492. 

>•  Quiconque  tuerait  un  Rakshasa,  le  connût-il,  tombe- 
rait au  Naraka.  La  mort  n’existait  pas  encore  pour  toi, 
que  le  temps  n’ .avait  pas  mûri.  11,493. 

» Sans  doute,  puisqu’il  t’est  née  une  telle  pensée,  c’est 
que  tu  es  mûr  aujourd’hui!  C’est  le  temps  aux  œuvres 
merveilleuses,  qui  te  donne  'à  uioi  dans  ce  rapt  de 
Krishna.  11,494. 

n Tu  as  gobé  cet  hameçon,  pendu  au  fil  de  la  mort  : 
comment  pourrais-tu  vivre  maintenant  que  tu  as  ta 
bouche  cousue  par  lui,  comme  un  poisson  dans  l’eau? 

» Te  voilà  parti  pour  une  contrée,  où  ton  àme  t’a  pré- 
cédé ; tu  voyages,  oui!  tu  voyages  enfin  sur  la  route,  où 
sont  allés  Vaka  et  Hidimba!  » 11,495—11,496. 

A ces  mots  de  Bhima,  le  Rakshasa  elTrayé  les  aban- 
donna tous  et,  poussé  par  la  colère,  il  se  tint  prêt  au 
condiat.  11,497. 

Mais,  les  lèvres  tremblantes,  il  répondit  en  fureur  à 
Bhima  ; u Les  plages  du  ciel  n’ont  rien,  qui  .soit  douteux 
|)our  moi,  et,  si  j’hésite,  c’est  à cause  de  toi,  méchant. 


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67‘ 


' VANA-PARVA. 

» Ces  Rakshûsas,  que  tu  as  tués  dans  le  combat,  ai-je 
ouï  dire,  je  leur  ferai  à tous  aujourd’hui  la  cérémonie  de 
l’eau  avec  ton  sang.  » 11,498 — 11,499, 

A ces  mots,  Bhîma,  léchant  de  tous  côtés  les  coins  de 
sa  bouche,  et  riant  cx)mme  de  colère,*  semblable  à la  mort 
en  personne,  qui  met  fin  aux  temps,  et  regardant  ses  bras 
avec  fureur,  courut  sur  le  Rakshasa.  Celui-ci  alors,  ou-’ 
vrant  mainte  et  mainte  fois  sa  bouche,  sur  les  coins  de 
laquelle  il  promenait  sa  langue,  fondit  irrité  sur  Bhîma,  ' 
qui  l’attendait  de  pied  feinne,  désirant  le  combat,  tel  que 
Bali  jadis  courut  sur -le  Dieu,'  qui  porte  la  foudre. 

11,600—11,601—11,502.  ‘ 
line  lutte  bien  épouvantable  s’engagea  entre  eux  : les 
deux  fils  courroucés  de  Mâdrî  d’accourir;  mais  le  fils  de 
Kountî,  Vrikaudara  de  les  arrêter  en  riant  : « Je  suis  ca- 
pable de  résister  à ce  Démon,  leur  dit-il;  regardez! 

» Je  tuerai  le  Rakshasa  par  mes  frères  et  par  moi- 
même,  comme  par  le  sacrifice,  les  bonnes  actions  et  le 
devoir  : je  le  jure,  sire!  » 11,506 — 11,504— 11, 505.’ 

Sur  ces  mots,'  les  deux  héros,  Vrikaudara  et  le' Ra- 
kshasa, à l’envi  l’un  de  l’autre,  s’étreignirent  tous  les 
deux  avec  les  bras.  11,606. 

Il  s’éleva  un  combat  entre  ces  guerriers  irrités,  le  Ra- 
kshasa et  Bhîma,  aussi  insoutenables  dans  la  bataille  qu’un 
Dànava  et'un  Dieu.  11,507, 

Arrachant,  rompant  les  arbres,  ces  deux  puissants  joû- 
tem’s  s’en  frappaient  l’un  l’autre,  poussant  des  cris  tels 
que  les  tonnerres  de  deux  nuages,  11,508. 

Ces  deux  héros,  les  plus  forts  des  forts,  irrités  l’un 
contre  l’autre  et  désirant  mutuellement  leur  mort,  bri- 
saient les  grands  arbres  de  leui-s  cuisses.  11,509.  ' • • 


68 


LE  MAHA-BHARATA. 


Le  combat  fut  donc  à coups  d'arbres,  destiiicUon  des 
forêts,  comme  fut  jadis  celui  des  frères  Bâli  et  Sou- 
grlva,  à qui  le  désir  d'une  femme  avait  mis  les  armes  à la 
main.  11,510. 

Une  heure  durant,  ils  se  jetèrent  et  se  rejetèrent  l'un  à 
l'autre  des  arbres,  et  se  blessèrent  tous  deux,  poussant 
des  cris  redoublés.  11,511. 

Quand  ils  se  furent  lancé  tous  les  arbres  de  ce  lieq 
par  centaines  et  que  le  désir  de  se  donner  réciproquement 
la  mort  en  eut  usé  comme  de  flèches,  ils  prirent  des  ro- 
chers, qu’ils  échangèrent  une  heure  environ,  Bharatide  i 
et  ces  deux  guerriers  à la  grande  force  combattirent,  tels 
que  deux  rois  des  monts  avec  d'épaisses  nuées  orageuses. 

11,512—11,613. 

En  courroux,  ils  se  frappèrent  mutuellement  de  ces 
énormes  rochers,  aux  formes  terribles,  comme  avec  des 
foudres  d'une  grande  rapidité.  11,51A. 

Orgueilleux  de  leur  force  motuelle,  ils  coururent  de 
nouveau  l’un  sur  l’autre,  se  prirent  à bras  le  corps  et 
s'entretirèrent  comme  deux  éléphants.  11,516. 

Ensuite  de  se  frapper  l'un  l’autre  avec  leurs  poings 
très-épouvantables,  et  ce  fut  de  ces  deux  bien  magnanimes 
un  brait  de  chair  triturée  ; 11,516. 

Puis,  retirant  à lui  son  poing  comme  un  serpent  à cinq 
têtes;  Bhtma  d'en  frapper  rapidement  le  cou  du  Rakshasa. 

I.e  Démon,  atteint  par  le  bras  de  Bhtmaséna,  était  fati- 
gué et,  le  voyant  haleter,  son  rival  de  redoubler  ses 
coups.  11,517 — 11,518. 

I.,e  guerrier  aux  longs  bras  de  l'enlever  dans  ses  bras 
en  dépit  de  la  résistance  et  de  le  broyer  sur  le  sol  de  la 
terre.  11,619. 


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VANA-PARVA. 


«fl 


Le  Pàndouide  lui  brisa  tous  les  membres,  et,  frappant 
sa  tête  du  coude,  l’ari-acha  de  son  corps.  11,520. 

Bbimaséna  de  force  emporta  la  tête  de  Djalà-soura, 
tombé  annule  un  fruit  de  l’arbre,  roulant  ses  yeux  et 
mordant  ses  lèvres.  11,521. 

Il  tomba,  souillé  de  sang  et  serrant  ses  lèvres  de  ses 
dents!  truand  il  l'eut  tué,  son  vainqueur,  célébré  par  les 
principaux  des  brahmes,  comme  Indra  l’est  par  les  Ma- 
routes,  s’avança  vers  Youddhishthira.  11,522 — 11,523. 


LE  COMBAT  AVEC  L’TAKSHA. 


Vaîçainpàyana  dit  : 

Ce  RaLshasa  mort,  l’auguste  roi,  fils  de  Kountî,  revint 
à l’hermitage  de  Nai’a  et  de  iNàrâyana,  où  il  mit  son  habi- 
tation. ll,ô'2A. 

Il  rassend)la  tousses  frères,  accompagnés  de  Draâupadi, 
et,  rappelant  à propos  la  victoire  de  Bhlmaséna,  il  tint  ce 
discours  : 11,625. 

((  Quatre  années  se  sont  écoulées  depuis  que  nous  mar- 
chons avec  bonheur  dans  la  forêt  ; et  Btbhatsou,  qui  a 
conclu  cet  aiTangement,  touche  à la  cinquième  année. 

» Maintenant  qu’il  a atteint  le  roi  des  uionts,  le  Swéta, 
la  sourcilleuse  montagne,  pleine  de  massifs  fleuris  d’arbres, 
paré  d’une  fête  continuelle  par  les  abeilles  et  les  kokilas 
dans  Tivresse,  par  les  tchàtakas  et  les  paons,  rempli  de 


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. VANA-PARVA.  : 71 

gazelles,  de  buffles,  de  gayals,  de  sangliers  et  de  tigres, 

11,626—11,527—11,528.  ' 

» Habité  par  des  rourous  et  des  bêtes  de  proie  aux 
formes  cruelles , couvert  de  lotus  en  fleurs,  à cent  et  à 
mille  feuilles,  11,529. 

» De  kamalas  épanouis  et  de  nélumbos  d’azur  ; mon- 
tagne très-sainte,  purificatrice,  hantée  par  les  Asouras  et 
les  Dieux.  11 ,530. 

» Là,  il  conclut  un  accord  avec  des  hommes,  qui  dési- 
raient voir  sa  réunion  ; et  le  fils  de  Prithâ  à la  splendeur 
sans  mesure  fit  cette  convention  : 11,531. 

« J’habiterai  cinq  ans  ici,  étudiant  la  science!  » C’est 
ainsi  que  jadis  je  l’ai  ouï  dire.  Nous  verrons  ici  revenu  du 
monde  des  Dieux  en  ce  monde  le  dompteur  des  ennemis, 
avec  son  arc  Gândîva,  en  possession  des  astras.  » Quand 
il  eut  parlé  de  cette  manière,  le  fils  de  Pàndou  adressa  la 
parole  à tous  les  brahmes.  11,532 — 11,533. 

Il  interrogea  ces  ascètes  sur  les  causes  et,  quand  ils 
furent  satisfaits  de  leur  pénitence  rigoureuse,  les  brahmes 
acceptèrent  avec  bonheur  et  plaisir  le  pradakshina  des 
fils  de  Prithà  : « Éminent  Bharatide,  l’avenir  sera  heu- 
reux, lui  dirent-ils,  et  cette  infortune  ne  doit  pas  durer 
long-temps.  11,534 — 11,535. 

» O toi,  qui  connais  la  vertu,  tu  gouverneras  avec  la 
vertu  du  kshatrya  la  terre,  que  tu  auras  toute  parcou- 
rue. » Aussitôt  qu’il  eut  reçu  cette  parole  des  pénitents, 
le  roi,  fléau  des  ennemis,  défendu  par  Lomaça  et  suivi  des 
Rakshasas,  partit  avec  les  brahmes  et  ses  frères. 

Le  resplendissant  banni,  ferme  dans  ses  vœux,  tantôt 
marchait  à pied,  tantôt  il  était  porté  çà  et  là  par  les  Ra- 
kshasas avec  ses  frères.  11,586—11,637 — 11,538. 


72 


Lb  MAHA-BHAHATA. 


Pensant  à ses  nombreux  soucis,  le  royal  Youddbish- 
thira  s’avançait  vers  la  région  septentrionale,  toute  pleine 
d'éléphants,  de  lions  et  de  tigres.  11,63J). 

Il  contemplait,  et  le  Kailàsa,  et  le  mont  Mainaka,  et  les 
pieds  du  Gandhamàdana,  et  le  mont  Swéta,  et,  sur  la 
montagne,  différents  fleuves  fortunés,  il  niarclia  dix-sepl 
jours  sur  les  flancs  saints  de  THimâlaya.  11,5A0-11,6A1. 

Les  Pàndouides  virent  devant  eux  le  Gandhamàdana  ; 
ils  virent  sur  le  dos  pur  de  TUiinavat,  couvert  de  lianes 
et  d’ai-bres  variés,  le  très-saint  bermitage  de  Vrishapar- 
van,  caché  par  des  arbres  nés  dans  les  tourbillons  d’eaux, 

11,662—11,643. 

Ges  dompteurs  des  ennemis , les  Pàndouides  s'ap- 
prochent du  vertueux  radjàrshi  et,  délivrés  par  ta  vue  de 
leurs  fatigues,  ils  s'inclinent  aux  pieds  de  Vrishapar- 
van.  11,666. 

Le  saint  roi  les  salua,  comme  des  liis,  éminent  Bhara- 
tide,  et  ces  vainqueurs  houorés  d’habiter  chex  lui  sept 
jouis,  11,666. 

Le  huitième  arrivé,  ils  liieut  leurs  adieux  au  rishi,  cé- 
lèbre dans  l’univers,  et  prirent  congé  pour  leur  départ  de 
Viishaparvan.  ll,66d. 

Les  brahmes,  estimés  un  dépôt  et  très-bien  traités,  sui- 
vant les  temps,  comme  des  épouses,  furent  annoncés  l’un 
après  l'autre  à l'anachorète.  11 ,667. 

Les  Pàndouides  remirent  au  magnanime  le  reste  des 
ornements  royaux,  et  laissèrent  en  dépôt  dans  l'hermitage 
de  Vi  ishaparvan,  sire,  les  vases  du  sacrifice,  les  joyaux  et 
les  parures.  Savant,  vertueux,  habile,  connaissant  tous 
les  devoirs,  il  modéra,  comme  des  fils,  dans  l’avenir  et 
dans  le  passé,  ces  taureaux  des  Bharatidesi  et  cesmagna- 


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VAMA-PARVA. 


7# 


Dîmes,  ayant  pris  congé  de  lui,  s’avancèrent  vers  la  con-^ 
trée  du  septentrion.  11,6A8 — ll,6AO — 11,660. 

Vrishaparvan  à la  haute  intelligence  les  accompagna  à 
leur  départ,  et,  quand  le  resplendissant  anachorète  les 
eut  recommandés  aux  brahmes,  il  congédia  ces  (ils  de 
PAudou  et  de  Kounti  ctxnblés  de  ses  bénédictions  et  revint 
à ton  hermilage,  leur  ayant  indiqué  la  route. 

11,661—11,552. 

louddhishthira,  de  qui  le  courage  était  une  vérité,  stii* 
vit  avec  ses  frères  an  chemin  hanté  par  des  troupes  d’ani* 
maux  variés  ; et,  habitant  sur  les  plateaux  des  montagnes 
ombragés  d’arbres  divers,  les  PAndouides  entrèrent  le 
quatrième  jour  dans  les  parages  du  mont  Swéta, 

11,653—11,655. 

Beau,  arrosé  d'eaux,  semblable  A des  ma.sses  de  grands 
uuages,  réunion  de  pierres,  d’argent,  d’or  et  de  joyaux. 

Us  entrèrent  dans  cette  route,  selon  les  paroles  de 
Vrishaparvan,  et  la  suivirent,  contemplant,  selon  les  ré- 
gions, différents  arbres,  et,  sur  la  montagne,  des  caverne.s 
au  plus  haut  degré  inaccessibles.  Ils  allèrent,  et  même 
avec  plaisir,  en  des  lieux  très-nombreux  et  bien  inabor- 
dables. 11,555—11,556—11,557. 

Dhaâumya,  et  Krishnâ,  et  les  fils  de  Prithâ,  et  Lomaça, 
le  grand  rishi,  marchaient  de  compagnie  ; et  personne  ne 
fut  laissé  là  en  arrière.  11,558. 

Ils  arrivèrent  dans  un  vaste  bois  d’étangs,  pur,  ravis- 
sant, rafraîchi  par  un  lac  de  lotus,  habité  par  des  troupes 
de  singes,  ombragé  de  lianes  et  d’arbres  variés,  peuplé 
de  volatiles  et  de  gazelles.  Ces  fortunés  voyageurs  étaient 
sur  la  grande  montagne  du  Mâlyavat.  11,569 — 11,560. 

Ils  virent  enfin  avec  une  horripilation  de  plmsir  le  mont 


74 


Ll^  MAHA-BHAitATA. 


Gandhamàdana,  séjour  des  Kimpourouahas,  où  demeu- 
raient des  Siddhas  et  des  Tchâranas,  11,661. 

Parcouru  par  les  kinnarls  et  les  Vidyâdharas,  plein 
d’éléphants  par  bandes,  rempli  de  troupes  de  tigres  et  de 
lions,  11,562. 

Résonnant  au  chant  des  sauterelles,  peuplé  de  nom- 
breuses gazelles.  Ces  héros  joyeux,  lils  de  Pàndou,  en- 
trèrent successivement  dans  le  bois  du  Gandhamâdana, 
cette  belle  et  secourable  forêt,  qui  portait  la  joie  dans  le 
ernur  et  l'àme,  qui  ressemblait  au  Nandana. 

11,568—11,664. 

Draâupadi  et  les  brahmes  magnaniuies  accompagnaient 
ces  guerriers.  Ils  entendaient  les  sons  gazouillants  des 
oiseaux,  bien  doux,  séduisants  pour  l’oreille,  beaux,  for- 
tunés, avec  le  murmure  de  l’ivresse,  et  qui  engendraient 
le  plaisir;  ils  contemplaient  les  arbres,  opulents  d’une 
charge  de  fruits  en  tous  les  temps  et  flamboyants  de  fleurs, 
quelque  fût  la  saison.  Ils  étaient  courbés  sous  le  faix 
des  fruits  : c’étaient  des  manguiers,  des  àmràtakas  (1), 
des  bbavyas  (2),  des  cocotiers,  des  tindoukas  (3), 

11,565—11,566—11,567. 

Des  moundjâtakas  (4),  des  figuiers,  des  grenadiers, 
remplis  de  grains,  des  arbres  à pains,  des  lacuebas,  des 
maulchas  (5),  des  dattiers,  des  amlavétasas  (6),  11,568. 

» Des  ébéniers,  des  champacas,  des  ravissants  kadam- 


(1)  Sl'Ondùis  mangifet'a. 

(2)  Atxrhoa  carambo/a. 

(2)  Oiojtpyros  glutxnota. 

(4)  Sacc/tarum 

(5)  Hyperan  h^ra  morunga. 
(9)  Aumex  utfjMonW. 


Digitizod  by  CjOOgle 


- VANA-PARVA.  • 


76 


bas,  des  aagle  manuelos,  des  féronies,  des  jambousiers, 
des  gambbàris  arborescentes  et  des  jujubiers,  11,669. 

I)  Des  hibisques,  des  figuiers  glomérés,  des  figuiers  in- 
diens, des  figuiers  religieux,  des  mimusops  kaukis,  des 
séniicarpus  anacardiums,  des  emblics,  des  bélérics  et  des 
cbebulics mirobolants,  ll,ô70. 

» Des  iugu&s,  des  karoudas  et  des  diospyres  gluUneux 
aux  grands  fruits.  Tels  et  d'autres  arbres  étaient  couverts, 
sur  les  plateaux  du  Gandhamàdana,  de  fruits  savoureux 
et  pareils  à l’ambroisie.  C’étaient  des  tchampakas,  des 
açokas,  des  pandanes  très-odorantes  et  des  mimu.sops 
elengi,  11,571—11,572. 

» Des  rottleries,  des  alstonies,  des  kaniyars  et  encore 
des  pandanes,  des  lôdhs  rouges,  des  corayas  séduisants, 
de  brillantes  érytbrines  et  des  lotus  bleus,  11,573, 

« Des  arbres  pàridjàtas  (1) , des  bauhinies  variées,  des 
pins  dévadàrous,  des  sborées,  des  palmiers,  des  mimosas 
noires,  des  pippalas  (2)  et  des  asafœtidas.  11,576. 

C’étaient  des  cotonniers,  des  kinçoukas,  des  açokas, 
des  dalbergies  sisous,  des  pins  à longues  feuilles,  habités 
par  des  tchakoras,  des  paons  et  de  charmantes  abeilles, 
des  kokilas,  des  moineaux,  des  pigeons  verts,  des  faisans, 
des  pryakas  et  d’autres  habitants  des  airs,  qui  gazouil- 
laient sous  les  branches  un  ramage  bien  doux  à l'oreille  ; 
et  les  séduisants  lacs,  sillonnés  de  tous  les  cétés  par  des 
hôtes  variés  des  eaux,  11,575 — 11,576 — 11,577. 

Couverts  en  tous  lieux  par  des  lotus  blancs,  des  uym- 


(1)  Erylkrtna  ful/jau. 

(2)  Ficus  rcligiosa. 


7(5 


LE  MAHA-BHARATA. 


phéas  roug«s,  des  outpalas  (1),  des  kokanadas  (2),  des 
lotus  bleus  et  des  nélumbos  rouges,  11,578. 

Rempli  de  toutes  parts  de  (»rcelles,  de  tchakravàkas, 
d’ardées,  de  mouettes  k tête  noire,  d’aigles  de  mer,  de 
faisans,  de  cygnes  et  de  madgous  (8),  de  ces  hôtes  des 
ondes  et  d’autres  variés,  joyeux  et  pleins  d’indolence  à 
l’ivresse,  dont  les  avait  pénétrés  la  savoureuse  eau  de  la 
cataracte.  11,679 — 11,580. 

Ces  tigres  des  hommes  virent,  sur  les  plateaux  de  la 
montagne,  plusieurs  de  ces  oiseaux,  qui  ressemblaient  à 
des  lotus,  gazouillant  avec  des  voix  douces  et  ravissantes  i 
ils  étaient  colorés  des  roses  filaments  du  lotus  et  du  pollen 
tombé  du  sein  des  nymphées  i ils  étaient  environnés  de 
tous  côtés  par  des  massifs  de  nélumbos.  11,581 — 11,582, 
Ils  voyaient  des  paons  danser  joyeux  et  désirant  les 
bois,  envoyer  au  nuage  leurs  kékas,  chanté  d’une  voix 
mélodieuse,  se  promener  dans  les  miroirs  des  lianes,  ac- 
compagnés de  leurs  épouses  et  pleins  d’une  vigoureuse 
. ivresse,  déployant  leurs  grandes  queues  avec  coquetterie  et 
indolence , au  son  des  quatre  instruments  de  musique  des 
nuages.  Ils  en  voyaient  d'autres  errer,  avec  leurs  épouses, 
placés  avec  des  corayas,  des  plantes  grimpantes  et  ram- 
pantes; ils  en  voyaient  d’autres,  fous  d’ivresse  et  déli- 
cieusement ravissants,  au  milieu  des  branches  aux  jeunes 
pousses  des  corayas,  comme  dans  les  ouvertures,  que  for- 
maient l’orgueil  inné  de  ces  queues. 

11,588— 11,584— 11, 686—11,686— 11,687-11,688. 


(l->2)  Du  lotus  rouge* 

(3)  A aquatic  bird^  the  sab  {Did.  de  Wilson). 


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■VANA-PARVA. 


77 


Dans  les  cimes  des  montagnes,  ils  voyaient  des  fleurs 
semblables  A l'or  en  couleur,  pareilles  aux  flèches  de 
l’Amour,  et  grandes  comme  ces  généreux  coormers,  que 
le  vent  du  Sindhou  fait  naître  sur  ses  rivages.  11,589. 

Ils  virent  épanouis  les  kauiyars,  comme  les  plus  belles 
mimoehas  çirishas  ! Us  virent  fleuries  dans  les  jolies  régions 
de  la  montagne  les  plus  délicieuses  amaranthes  ; 11,690. 

Et  des  bouquets,  <|ui  semblaient  tressés  par  oes  belles 
contrées;  ils  étaient  couuie  des  multitudes  de  flèches  pour 
les  besoins  de  l'amour,  qui  faisaient  le  tourment  des  cœurs 
soumis  A Kàma.  11,59t. 

Ils  voyaient  des  tilas,  (jui  resplendissaient  comme  des 
tilakas)  ils  voyaient  des  manguiers  ravissants,  semblables 
aux  flèches  de  l’Amour,  éclatants  de  jeunes  pousses,  au- 
tour desquelles  mnrmuraieni  les  abeilles.  Les  arbres 
fleuris  des  plateaux  de  la  montagne  brillaient  au  plus 
haut  point  de  fleurs  pareilles  A l'or,  ou  telles  que  l’in- 
cendie d'une  forêt,  ou  semblables  au  collyre,  ou  bien 
rouges,  ou  même  égales  eu  couleur  au  lapis-lazuli. 

11,592—11,593. 

Les  çâlas,  les  xantbocymes,  les  bignonnes  odorantes, 
les  mimusops  étaient  comme  des  guirlandes  attachées  aux 
sommets  des  montagnes.  11,59A. 

Sur  les  plateaux  du  mont,  les  fils  de  Prithâ  contem- 
plaient en  grand  nombre  des  lacs,  semblables  à des  mor- 
ceaux de  cristal,  sillonnés  de  cercelles  et  d'oiseaux  aux 
ailes  blanches,  où  ramageaieut  les  grues  indiennes,  où 
les  nélumbos  se  mêlaient  aux  lotus  eu  des  ondes  fraîches 
h plaisir.  11,595 — 11,596. 

Ainsi  regardant  tom'  à tour  de  toutes  parts,  et  les  guir- 
landes odorantes,  et  les  fruits  savoureux,  et  les  étangs 


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78  LE  MAtfA-BHARATA. 

amœnes,  et  les  arbres  tout  charmants,  les  héros  Pâii- 
douides  entrèrent  tous,  avec  des  yeux  épanouis  d’admi* 
ration,  dans  ce  bois,  caressés  par  un  vent  au  délicieux 
toucher,  qui  exhalait  une  douce  senteur  de  nymphées 
bleus,  de  nénuphars  blancs,  de  néluuibos  et  de  lotus. 

Alors  Youddhishthira  joyeux  tint  ce  langage  à Bblma- 
séna  : n Oh!  que  le  bois  du  Gandhamàdana  est  charmant, 
Bhlma!  11,597— 11,598— 11, 59fl— 11,600. 

» Dans  cette  heureuse  forêt  .sont  des  arbres  célestes, 
enfants  des  bois.  Il  y a des  lianes  aux  formes  diverses, 
où  l'on  voit  marcher  ensemble  les  feuilles,  les  fleurs  et  les 
fruits.  11,601. 

» Ces  fleurs  brillent  épanouies,  troublées  par  la  famille 
du  kokila  mâle  : il  n'est  rien  ici,  qui  soit  avec  des  épines; 
il  n’existe  rien,  qui  ii'ait  des  fleurs.  11,602. 

n Sur  les  plateaux  du  Gandhamàdana,  les  arbres  ont 
des  feuilles  et  des  fruits  doux  : les  viviers  aux  lotus  épa- 
nouis répètent  le  délicieux  murmure  des  abeilles.  11,603. 

» Vois-les  agités  par  des  éléphants  accomjiagiiés  de 
leurs  éléph.antes  : vois  cet  autre  vivier,  qui  étale  ses 
guirlandes  de  lotus  et  de  nélumbos.  ll,60i. 

)>  11  ressemble  â une  seconde  Lakshmi  en  personne, 
revêtue  d'un  corps  et  parée  de  Ijouquets.  Iæs  arbres  de 
ce  vivier,  dans  cette  excellente  forêt,  sont  riches  de  sen- 
teurs exhalées  des  fleurs  variées.  11,606. 

» Ce  bois  suave,  brille,  redi.sant  les  bourdonnements 
des  abeilles,  â'ois,  Bhlma,  ces  lieux  fortunés  de  toutes 
parts  ; ce  sont  les  jardins  des  Dieux.  11,606. 

» Nous  sommes  au  couible  de  nos  vœux,  Vrikaudara  : 
nous  avons  obtenu  une  route  au-dessus  de  l'humanité  ! 
Les  plus  grands  des  arbres  en  fleurs,  fils  de  Prithà,  res- 


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' vana-parva; 


79 


plendissent  sur  les  plateaux  du  Gandhaoiftdana,  embrassés 
par  des  lianes  aux  extrémités  llcories.  Écoute,  Bhtma, 
sur  les  plateaux  de  cette  montagne,  le  cri,  que  jettent  les 
paons,  marchant,  accompagnés  de  leurs  paonesi  Les 
grues  indiennes,  les  kokilas  enivrés,  les  perroquets,  les 
tchakoras  11,607 — 11,608 — 11,609. 

» Abaissent  leur  vol  sur  ces  grands  arbres  feuillus  en 
fleurs.  Les  oiseaux,  perchés  sur  le  bout  des  branches 
fleuries,  fils  de  Prithi,  sont  roses,  ou  jaunes,  ou  rouges. 

» Ces  nombreux  faisans  se  regardent  l’un  l’autre,  écOté 
des  frais  gazons  aux  couleurs  brunes  et  vertes. 

1»  On  voit  se  montrer  les  grues  dans  les  cataractes  de 
la  montagne  ; elles  gazouillent  des  chants  doux,  ravis- 
sants pour  tous  les  êtres.  11,610—11,611 — 11,612. 

» Des  oiseaux,  tels  que  le  malabar,  les  oies  rouges,  les 
hérons,  et  des  éléphants  à quatre  défen.ses,  pareils  aux 
lotus,  accompagnés  de  leurs  éléphantes,  agitent  ce  grand 
lac,  qui  rappelle  la  couleur  du  lapis-lazuli.  Des  courants 
d’eau,  qui  égalent  plusieurs  palmiers  en  liauteur  et  qui 
tombent  des  cimes  de  la  montagne , se  précipitent , 
effrayants , semblables  à des  masses  automnales  de 
nuages  et  pareils  à l’éclat  du  soleil,  dans  les  diverses 
cataractes.  11,613 — ll,61i — 11,61&. 

» Des  métaux  de  nombreuses  couleurs  embellissent  la 
grande  montagne  : ici,  ils  sont  pareils  à l’antimoine  ; là, 
ils  ressemblent  à l’or.  11,616. 

» Ailleurs,  ils  sont  tels  que  l’orpiment  jaune  ou  le  ver- 
millon : plus  loin,  des  grottes  d’arsenic  rouge  figurent 
aux  yeux  une  masse  de  nuages  au  crépuscule.  11 ,617. 

» Des  métaux  de  nombreuses  couleurs  embellissent 
ainsi  la  grande  montagne  : ici,  les  métaux  sont  rouges  et 


80 


LE  M;VH\-BHARATA. 


resaemblent  au  symplocoB  racéineux  ; là,  ils  oai  la  cou- 
leur de  For.  11,618, 

U La  montagne  est  ornée  par  ces  métaux  d’un  grand 
éclat  et  dilTérenta  par  l'espèce,  qui  ressemblent  à des 
uuages  blancs  et  noirs,  ou  qui  ont  une  splendeur  égale  au 
soleil  enfant.  11,619. 

» On  voit  sur  les  sommets  de  la  montagne,  fils  de 
Prithâ,  les  Gandharvas,  accompagnés  de  leurs  épouses, 
avec  les  Rimpouroushas,  selon  ce  que  nous  a dit  Vrisha- 
parvan.  11,620. 

» On  entend  plusieurs  fois,  Bhtma,  son  ravissant  pour 
tous  les  êtres  I un  bruit  de  Sàma,  qu'on  marie  avec  la 
cadence  égale,  battue  par  les  mains.  11,621. 

» Regarde  la  grande,  la  sainte,  la  fortunée  Gangâ,  le 
fleuve  des  Dieux,  sillonné  par  des  troupes  de  cercelles, 
aux  rives  habitées  par  des  rishis-kinuaras.  11,622. 

B Vois,  dompteur  des  ennemis,  fils  de  kountt,  ce  roi 
des  monts,  doué  partout  de  métaux,  de  fleuves,  de  kin- 
naras,  d’oiseaux  et  de  gazelles,  de  Gandharvas,  d’Apsaras, 
de  forêts  délicieuses  et  de  reptiles  aux  formes  diverses,  à 
cent  tètes.  » 11,623 — ll,62i. 

Ges  puissants  héros,  arrivés,  l’âme  joyeuse,  dans  la 
route  la  plus  élevée,  ne  pouvaient  se  rassasier  de  voir  cet 
Indra  des  monts.  11,625. 

Ils  virent  alors  cet  hermitage  du  saint  roi,  fils  de  Rish- 
tishéna,  orné  de  guirlandes  et  riche  d'arbres  couverts  de 
fruit».  11,626. 

Us  s'approchèrent  d'Arshtashéna , qui  cultivait  une 
amère  pénitence,  maigre,  toujours  dans  la  répression  des 
sens,  et  qui  était  parvenu  à la  rive  ultérieure  de  toutes 
les  vertus.  11,627. 


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VANA-PARVA. 


81 


Youddhishthira,  s’étant  avancé  vers  cet  anachorète, 
qui  avait  consumé  toutes  ses  souillures  dans  la  pénitence, 
inclina  joyeux  sa  tête  devant  lui  et  dit  son  nom.  11,628. 

Krishnâ,  et  Bhîma,  et  les  jumeaux,  l’un  et  l’autre  bons 
pénitents,  courbèrent  la  tête  devant  le  saint  roi,  et,  l’ayant 
environné,  ils  se  tinrent  au-dessous  de  lui.  11,629. 

Dhaâumya,  le  sage  pourohita  des  Pàndouides,  le  ver- 
tueux anachorète,  commençant  suivant  la  convenance  par 
le  solitaire  aux  vœux  parfaits  poui’  continuer  aux  fils  de 
Pàndou,  dota  ces  Kourouides  éminents  d’une  intuition 
divine  et  dit  : « Asséyez-vous  icil  » 11,630 — 11,631. 

L’homme  aux  grandes  pénitenc/es,  AmhtUhéna,  ayant 
honoré  le  plus  grand  des  Kourouides,  venu  près  de  lui, 
s’enquit  de  sa  bonne  santé,  quand  il  se  fut  assis  avec  ses 
frères  : 11,632. 

« Ne  passes-tu  point  ta  vie  dans  le  mensonge  ? Suis-tu 
la  vérité  ? La  conduite  de  ton  père  et  de  ta  mère,  fils  de 
Prithâ,  ne  s’éteint-elle  pas  en  toi  ? 11,633. 

» Tas  vieux  et  savants  gourous  sont-ils  tous  honorés? 
Ne  mets-tu  pas  ta  vie,  fils  de  Prithâ,  en  des  actions  cri- 
minelles? 11, 63  A. 

» Sais-tu,  comme  il  convient,  ô le  meilleur  das  Kou- 
rouides, reconnaître  les  bonnes  actions,  et  abandonner  les 
mauvaises?  Ne  te  vantes-tu  pas?  11,635. 

» Honorés  comme  ils  le  méritent,  les  gens  de  bien  se 
réjouissent-ils  en  toi  ? Au  milieu  même  de  ces  bois,  où  tu 
habites,  la  vertu  est-elle  observée  par  toi?  11,636. 

» Dhaâumya  ne  souffre-t-il  pas  de  tes  mœurs,  fils  de 
Prithâ,  de  ce  que  lui  donnent  à supporter  ton  devoir,  ton 
aumône,  ta  pénitence,  ta  droiture  et  ta  pureté?  11,637. 

» Suis-tu,  fils  de  Prithâ,  la  conduite  de  ton  père  et  de 
iv  6 


82 


LE  MAHA-BHARATA. 


tes  aïeux?  Marches-tu,  dompteur  des  ennemis,  dans  le 
chemin  foulé  par  les  saints  rois?  11,638. 

» LSn  fils  ou  même  uu  petit-lils  met,  dans  le  monde  des 
Mânes,  le  rire  ou  la  douleur  sur  le  visage  du  père,  dans 
la  famille  propre  duquel  il  est  né.  11,630. 

» Mais  que  ne  deviez-vous  pas  obtenir  dans  une  mau- 
vaise action?  quelle  brillante  chose,  au  contraire,  deviez- 
vous  obtenir  dans  une  bonne  œuvre?  11 ,640. 

» L'n  père,  une  mère,  le  feu,  le  gourou  et  toi-même  : 
voilà  cinq  personnes,  tils  de  Pritbà,  qui  méritent  les  hon- 
neurs de  celui,  qui  a vauicu  les  deux  mondes,  » 11,641. 

Vouddhishtbira  lui  répondit  : 

« Ta  révérence  a dit  cette  noble  chose  exactement  : je 
prends  la  résolution  du  devoir,  coiume  il  me  sied,  suivant 
ma  force,  selon  la  droite  raison.  » 11,642. 

« Les  rishis,  qui  ne  mangent  pas,  dit  Arshtishéna,  ou 
qui,  nageant  dans  l’air,  vivent  du  vent,  habitent  cette  mou- 
uigne  sourcilleuse  dans  toutes  leo  eoujonctious  de  l'année. 

Il  On  voit  se  tenir  sur  les  crêtes  de  la  montagne,  sem- 
Itlables,  sire,  à des  Kimpouroushas,  les  amants  accompa- 
gnés de  leurs  amantes  et  dévoués  aux  vœux  les  uns  des 
autres.  11,643 — 11,644. 

Il  Ou  y voit,  lils  de  Pritbà,  de  nombreuses  troupes  de 
Gandbarvas  et  d'Apsaras,  vêtus  d'habits  immaculés  de 
poussière  ou  du  robes  de  soie.  11,645. 

Il  On  y voit  des  troupes  de  Vidyàdharas,  parés  de 
bouquets  et  d’un  aspect  agréable  à voir  ; on  y remarque 
des  Souparuas,  de  grauds  Ouragas,  des  reptiles  et  autres. 

V On  entend  sur  cette  montagne  dans  les  conjonctions 
du  mois  un  bruit  de  tambours,  de  conques,  de  tyuibales 
et  de  tambourins.  11,646—11,647. 


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VANA-PARVA. 


AS 


a Ceux  qui  sont  placés  sur  les  cimes  de  ces  montagnes 
doivent  entendre  tous  ces  concerts,  éminents  Bharatides  : 
comment  pourriez-vous  ne  pas  avoir  le  sentiment  de  vous 
avancer  dans  ces  lieux  ? 11 ,6A8. 

» Au-delà,  il  est  impossible  de  continuer  sa  route,  fl 
les  plus  vertueux  des  Bharatides  : c’est  là  que  commen- 
cent les  amusements  des  Dieux  et  ces  lieux  n’ont  pas  de 
route  pour  un  enfant  de  Manou.  Il,6à9. 

» Ici,  Bbaratide,  la  vie  de  l’homme  flotte  au  milieu  de 
quelque  danger.  Les  fiakshasa-s  tuassent  et  détruisent 
toutes  les  créatures.  11  ,(150. 

» Quand  tu  as  franchi  la  route  de  ce  Katllsa,  tu  vois 
paraître,  Youddhishthira,  la  route  des  Siddhas  du  plus 
haut  rang,  les  rishis  des  Dieux.  11,051. 

» Plus  loin,  les  Raksbasas  tuent,  fils  de  Prithâ,  avec 
des  lances  de  fer  et  autres,  celui,  que  sa  mobilité  conduit, 
meurtrier  des  ennemis,  porté  sur  un  char  au-delà  de  ces 
lieux.  11,652. 

U Ici,  l’on  voit  à chaque  conjonction  du  mois  le  fils  de 
Vîçravas,  que  les  hommes  choisissent  pour  guide,  envi- 
ronné des  Apsaras,  au  sein  de  l’abondance.  11,653. 

» lious  les  êtres  voient  ici  ce  maître  des  Yaksbas  et  des 
Raksbasas,  se  tenir  assis,  sur  les  cimes  de  la  montagme, 
comme  un  soleil  levé.  11,055. 

» Tel  est  ce  jardin,  0 le  plus  vertueux  des  Bharatides, 
formé  par  une  cime  de  la  montagne  et  qui  est  celui  des 
Dânavas,  des  Siddhas,  de  Vatçravana  et  des  Dieux. 

i>  On  entend  au  Gandhamàdana,  mon  fils,  les  sons  du 
SAma  chantés  par  Toumbourou,  qui  fait  .sa  cour  au  Dona- 
teur des  richesses  dans  les  conjonctions  du  mois. 

11,655—11,656. 


84  LE  MAHA-BHARATA. 

» Nombre  de  fois,  dans  ces  conjonctions  du  mois,  tous 
les  êtres,  Youddhishlhira,  mon  fils,  ont  vu  se  dérouler 
ici  les  choses  de  cette  manière  dans  une  façon  surpre- 
nante. 11,657. 

» Mangeant,  et  les  aliments  des  anachorètes,  et  les 
fruits  savoureux  des  solitaires,  restez  ici,  6 les  plus  ver- 
tueux des  Pândouides,  aus.si  long-temps,  qu’il  est  besoin 
pour  voir  Arjouna.  11,058. 

» 11  ne  faut  nouer  d’aucune  manière  ici,  mon  fils, 
une  liaison  avec  des  hommes  inconstants.  Habite  ces 
lieux  suivant  ton  amour;  jouis  d'eux  selon  ta  foi  et 
gouverne  la  terre,  que  tes  armes  auront  vaincue.  » 

11,659—11,660. 

Djanamédjaya  dit  : 

« Tous  ces  magnanimes  enfants  de  Pândou,  au  courage 
céleste,  qui  furent  mes  ancêtres  et  qui  m’ont  précédé  dans 
la  vie,  habitèrent  ici  quelque  temps  sur  ce  mont  Gandha- 
mùdana  et  dans  cet  hermitagc  d'Arshiishéna.  Que  firent 
tous  c.es  hommes  d’une  si  grande  énergie  et  dont  la  valeur 
dépassait  la  force?  11,661 — 11,662. 

» Tit  quelles  choses  y servaient  de  nom-riture  à ces 
magnanimes  héros  du  uionde,  pendant  qu’ils  y faisaient 
leur  séjour?  Parle,  ô le  plus  sage  des  hommes!  11,60S. 

» Raconte-moi  en  détail  le  courage  de  Bhimaséna.  Si  ce 
guerrier  aux  longs  bras  n’agit  pas  sur  ce  mont  Himâlaya, 
ce  n’cst  sans  doute  pas  la  crainte  d’un  combat  avec  les 
Yakshas  de  ce  Dieu,  qui  f empêcha,  6 le  plus  vertueux 
des  brahines?N’y  eut-il  pas  une  rencontre  de  ces  héros 
avec  le  Dieu,  qui  départ  les  richesses  ? 11,664 — 11,665. 

U Valçravana,  comme  Arshtishéna  le  dit,  vient  sou- 
vent dans  ces  lieux.  Je  désire  que  tu  me  racontes  cette 


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VANA-PARVA. 


86 


narration  avec  étendue  ; je  ne  puis  me  rassasier  d’entendre 
l’histoire  de  ces  héros.  » 

Valçampâyana  répondit  ; 

A peine  eurent-ils  entendu  ce  discours  utile  pour  eux- 
mêmes  , ces  éminents  Bharatides  de  regarder  comme  un 
ordre  éternel  la  parole  de  cet  homme  à la  splendeur  in- 
comparable. Ils  mangèrent  les  aliments  et  les  fruits  sa- 
voureux des  anachorètes.  11,668 — 11,667 — 11,668. 

Ils  abattaient  sous  des  traits  sans  tache  les  gazelles  aux 
chairs  pures  et  recueillaient  sur  les  flancs  de  l’ Himalaya 
les  rayons  divers  du  miel.  11,669. 

Telle  se  passait  dans  ces  lieux  cette  habitation  des 
fils  de  Pândou;'et  la  cinquième  année  vint  à naître, 
éminent  Bharatide,  pendant  qu’ils  habitaient  là,  écoutant 
les  narrations  diverses,  que  racontait  Lomaça.  « Le  temps 
pour  l’affaire  du  prince  est  déjà  tout  près  d’arriver  I » dit 
Ghatautkatcha,  qui  les  avait  devancés,  seigneur,  avec  tous 
les  Rakshasas.  'Tandis  que  ces  magnanimes  habitaient  dans 
cet  herraitage  d’Arshtishéna,  11,670 — U ,671 — 11,672. 

11  s’écoula  plusieurs  mois  pour  les  fils  de  Pàndou  à 
contempler  de  grandes  merveilles,  pendant  qu’ils  y pas- 
saient leurs  jours  et  s’y  ébattaient  à plaisir.  11 ,673. 

Des  solitaires  vertueux  à l’âme  satisfaite  et  des  Tchâra- 
nas,  aux  vœux  parfaits,  à Tâme  pure,  vinrent,  amenés  par 
la  curiosité  de  voir  les  fils  de  Pândou.  ll,67à. 

Ces  éminents  Bharatides  d’échanger  avec  eux  de  cé- 
lestes légendes.  Ensuite , quelques  jours  après,  Garouda 
d’enlever  lestement  le  grand  serpent  Riddhimat  du  lac 
profond,  où  il  avait  mis  son  habitation.  La  grande  mon- 
tagne en  fut  ébraulée  et  les  grands  arbres  en  furent  eux- 
mêmes  broyés.  11,676 — 11,676. 


8e 


LE  MAHA-BHARATA. 


Les  Pàndouides  et  tous  les  êtres  furent  alors  témoins  de 
cette  merveille  : le  souille  du  vent  apporta  de  la  cime  du 
mont  très-élevé  aux  fds  de  Pândou  toutes  les  espèces  de 
bouquets,  charme  de  l’odorat  et  des  yeux.  11,1577-11,678. 

Les  fils  de  Pândou  et  l’illustre  Draânpadî  virent  avec 
leurs  amis  tomber  ces  fleurs  divines  de  cinq  couleurs  et 
Krishnâ  tint  avec  â-propos  ce  langage  â Bhlmaséna  aux 
longs  bras,  assis  tranquillement  dans  un  lieu  solitaire  de 
la  montagne  : « Le  vent,  qui  a la  fougue  d’Anila  ou  de 
Garouda,  sème  par  sa  grande  puissance,  éminent  Bliara- 
lide,  les  fleurs  des  cinq  couleurs  à la  vue  de  tous  les  êtres, 
le  long  de  la  rivière  Açvarathâ.  11,679-11,680-11,681. 

» Ton  magnanime  frère,  de  qui  le  courage  est  «ne  vé- 
rité, arrête  maintenant  dans  le  Khàndava  les  Rakshasas, 
les  Ouragas,  les  Gaudbarvas  et  le  roi  des  Dieux  1 11,682. 

» Les  enchanteurs  sont  morts,  l’arc  Gândlva  est  obtenu  ! 
Montre  ta  brillante  splendeur  et  la  force  de  tes  longs 
bras;  11,683. 

n Cette  force  intolérable,  inafl'rontable,  de  qui  la  res- 
semblance imite  la  force  de  Çakra!  Que  la  rapidité  de  ton 
bras  vigoureux  porte  l’épouvante  parmi  tous  les  Raksha- 
.sas.  11,68&. 

U Que,  désertant  la  montagne,  Bhima  s'en  aille  aux 
dix  points  de  l’espace!  Que  tes  amis,  affranchis  de  l’émo- 
tion de  l’esprit,  qui  accompagne  la  crainte,  voient  la  cime 
de  la  montagne  fortunée,  parée  do  ses  diverses  guirlandes. 
Telle  est  depuis  long-temps,  Bhima,  tournée  l’attention 
de  mon  âme.  11,685—11,686. 

» Je  désire,  protégée  par  la  force  de  ton  bras,  voir  la 
cime  delà  montagne I » Le  vigoureux  héros  ne  put  endurer 
ces  paroles  stimulantes  de  Pâotchâll,  comme  un  bon  taureau 


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VANA-PARVA. 


87 


ne  supporte  pas  un  seul  coup.  Ce  fortuné  tils  de  Pândou 
avait  la  démarche  d’un  grand  lion;  il  ressemblait  en  cou- 
leur à l’or  le  plus  fin;  c’était  un  héros  plein  d’intelligence, 
de  force,  de  fierté,  d’arrogance;  il  avait  les  yeux  rouges, 
de  larges  épaules,  la  vaillance  d’un  éléphant  enivré. 

Il  avait  les  dents  d’un  lion,  le  tronc  élevé;  il  ressemblait 
à un  éléphant  de  dix  ans;  tous  ses  membres  étaient  beaux, 
il  avait  le  cou  en  forme  de  conque,  ses  bras  étaient  longs  ; 
il  était  magnanime.  11,6S7 — 11,888 — 11,689 — 11,690. 

Il  prit  son  arc  au  dos  en  or,  son  carquois  et  son  cime- 
terre; et,  fier  comme  un  lion  ou  tel  qu’un  éléphant,  dont 
le  rut  a couvert  les  tempes  de  mada,  11 ,691. 

Le  vigoureux  se  mit  en  route  pour  la  montagne,  affran- 
chi du  trouble  de  l’esprit,  qui  accompagne  la  crainte. 
Tous  les  êtres  le  virent,  marcher,  son  arc  et  ses  flèches 
à la  main,  semblable  au  roi  des  animaux  ou  comme  un 
éléphant  en  rut.  Le  Pândouide,  comblant  de  joie  Draàu- 
padl  et  tenant  sa  massue,  11,692 — 11,693. 

Sans  crainte,  ni  trouble  de  l’esprit,  s’avança  vers  la 
reine  des  montagnes.  Ni  langueur,  ni  abattement,  ni  dé- 
faillance, ni  envie  n’aima  jamais  à vivre  dans  le  fils,  en- 
gendré par  le  Vent  au  sein  de  Prithâ.  Le  guerrier  à la 
grande  vigueur  franchit  la  cime  de  la  montagne,  solitaire, 
inégale,  à l’aspect  épouvantable  et  qui  surpassait  en  hau- 
teur plusieurs  palmiers  surétagés.  Là,  quand  il  fut  monté, 
inspirant  la  joie  aux  Kinnaras,  aux  .Mahâ-Nâgas,  aux  soli- 
taires, aux  Gandhanas  et  aux  Rakshasas,  l’éminent  Bha- 
ratide  vit  le  palais  de  Viçravana. 

11,694— 11 ,695— 11,696— 11,697. 

Il  était  orné  d’appartements  d’or  et  de  cristal,  envi- 
ronné de  tous  les  côtés  par  un  rempart  en  or.  11,698. 


8S  LE  MAHA-BHARATA. 

Il  était  flamboyant  de  toutes  les  espèces  de  pierreries  ; 
il  était  entièrement  planté  de  jardins;  il  avait  l'élévation 
d’une  montagne;  il  était  embelli  par  un  grand  nombre  de 
chambres  hautes  sur  les  terrasses  des  maisons.  11, <199. 

Il  était  ombragé  d’étendards  arborés  ; il  avait  des  portes, 
des  portails,  des  portes  arcadées,  et  des  femmes  infini- 
ment gracieuses,  qui  dansaient  de  tous  les  côtés.  11,700. 

Tenant  un  bras,  dont  le  geste  était  courbé,  appuyé  sur 
une  extrémité  de  son  arc,  il  contempla  dans  sa  fatigue  la 
cité  du  souverain  des  richesses  aux  drapeaux  agités  par  le 
souffle  du  vent.  Un  zéphir,  né  sur  le  Gandhamâdana,  le 
plaisir  de  tous  les  êtres,  imprégné  de  tous  les  parfums,  y 
susurrait  sa  très-douce  haleine.  Là,  des  arbres  admirables, 
variés,  inimaginables,  de  la  plus  grande  beauté,  riches 
de  tous  les  boutons,  étalaient  leurs  diverses  couleurs. 
L’éminent  Bhai-atide,  son  arc,  sa  massue,  son  cimeterre  à 
la  main,  abandonnant  le  soin  de  défendre  sa  vie,  contemplait 
cette  résidence  du  souverain  des  Kakshasas,  ornée  de 
guirlandes  variées,  environnée  à la  ronde  de  pierreries 
diverses.  11,701 — 11,702 — 11,703 — 11,704 — 11,705. 

Bhimaséna  restait,  immobile  comme  une  montagne  : 
enfin  il  remplit  de  vent  sa  conque,  au  bruit  de  laquelle  se 
héri.ssaient  les  poils  de  tous  les  ennemis.  11,706. 

11  fit  retentir  sa  corde,  il  en  fit  résonner  la  surface  et  jeta 
le  trouble  dans  l'esprit  de  tous  les  êtres.  Alors  Yakshas, 
Rakshasas  et  Gandharvas,  tous  de  courir,  le  poil  hérissé 
à ce  bruit  ; et,  prenant  les  pilous,  les  massues,  les  cime- 
terres, les  tridents,  les  pieux  ferrés  et  les  haches,  de 
faire  briller  autour  du  Pâiidouide  leurs  bras  d’ Yakshas  et 
de  Rakshasas.  .Au.ssitôt  commença  la  bataille,  Bharatide, 
entre  eux  et  lui.  11,707 — 11,708 — 11,709. 


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VANA-PARVA. 


8ft 

Bhtma  de  trancher  avec  ses  bballas  plus  rapides  les 
haches»  les  épieux  de  fer  et  les  tridents  de  ces  Génies»  mal- 
gré qu’ils  eussent  recours  à la  puissante  magie,  ii  »710. 

Le  guerrier  à la  grande  vigueur  de  percer  avec  ses 
flèches  les  corps  des  Rakshasas  dans  Tair»  où  ils  se  te- 
naient en  masses»  l’invective  à la  bouche.  ll»7ll. 

Une  forte  pluie  de  sang,  dont  la  source  était  dans  le 
corps  de  ces  Rakshasas,  aux  mains  armées  de  pilons  et  de 
massues»  coula  vigoureusement  sur  la  terre.  11,712. 

De  toutes  parts  tombait  cet  orage  échappé  aux  veines 
des  Rakshasas  ; on  ne  voyait  que  des  corps  et  des  têtes 
mutilées  de  Rakshasas  et  d’ Y’akshas»  à qui  la  vigueur  des 
bras  de  Bhîma  faisait  abandonner  les  armes.  Tous  les 
êtres  virent  masqué  par  des  foules  de  Rakshasas  ce  fils  de 
Prithà  à l’aspect  aimable»  comme  le  soleil  est  voilé  par 
des  masses  de  nuages  ; et,  tel  que  l’astre  du  jour  perd  ses 
rayons»  tels  tous  les  traits  sacrificateurs  des  ennemis  man- 
quèrent à ce  guerrier  à la  grande  force»  de  qui  le  courage 
était  une  vérité.  Ses  menaces  arrachaient  à leur  bouche 
de  grands  cris.  11,713— 11»71A— 11,715— 11,716. 

Aucun  des  Rakshasas  n’entrevit  là  un  signe  de  faiblesse 
en  Bhîma  : les  Yakshas»  de  qui  tous  les  corps  étaient  dé- 
chirés, malmenés  par  la  peur  de  Bhîmaséna,  jetaient  leurs 
grandes  armes  et  poussaient  des  cris  de  détresse  épou- 
vantables. Les  bons  archers,  rejetant  de  leurs  mains  les 
massues  et  les  tridents,  les  épées,  les  épieux  de  fer  et  les 
haches,  s'en  allaient  d’effroi  à la  plage  méridionale.  Là, 
une  lance  et  un  pilon  à sa  main,  était  un  Rakshasa  aux 
longs  bras,  à la  vaste  poitrine  : on  l’appelait  Manimat; 
c’était  un  ami  de  Vaîçravana.  Ce  guerrier  à la  grande 
vigueur  fit  voir  et  la  s.iriatendauce,  dont  il  était  re- 


90 


LE  MAHA-BRAAATA. 


vêtu,  et  son  coura^.  11,717 — 11,718 — 11,719 — 11,720. 

Quand  il  les  vit  en  déroute  : « Nombreux,  que  vous  êtes, 
leur  dit-il  en  riant,  un  seul  homme  vous  a vaincus  dans 
le  combat!  11,721.  ‘ 

» Vous,  qui  avez  obtenu  de  partager  l'habitation  du 
fils  de  Viçravas,  pourrez-vous  parler  encore  du  Dieu,  qui 
départ  les  richesses?  » Et,  tout  en  parlant  ainsi,  il  s’appro- 
chait d'eux  tous.  11,722. 

Une  lance,  un  épieu  de  fer,  une  massue  à la  main,  il 
fondit  sur  le  Pàndouide.  Aussitôt  que  Bhlmaséna  le  vit 
rapidement  accourir,  semblable  à un  éléphant  en  rut,  il 
le  frappa  à scs  côtés  de  trois  flèches  à dents  de  tau- 
reau. Manimat  irrité  de  saisir  sa  grande  massue. 

11,723—11,724. 

Le  héros  à la  grande  force  s’en  arma  et  l’envoya  à Bht- 
maséna  ; mais  celui-ci  s’élança  au  milieu  des  airs  au  devant 
de  cette  grande  massue  au  vaste  fracas,  à la  forme  d’éclair, 
et  la  coupa  avec  des  flèches  aux  tranchants  acérés.  Ren- 
contrant l’arme  ennemie,  tous  les  traits  de  la  repousser. 

11,725—11,726. 

Doués  de  vitesse , ces  dards  ne  purent  supporter  la 
fougue  de  cette  massue.  Le  guerrier  vigoureux  observa  sa 
marche  dans  la  bataille.  11,727. 

Armé  d’un  courage  infaillible,  il  en  évita  le  coup,  et  le 
prudent  Rakshasa  de  lancer  dans  le  même  instant  une 
pique  de  fer,  au  sou  effrayant,  à la  poignée  d’or.  Le  trait 
au  fracas  épouvantable  rompit  le  bras  droit  de  Bhtroa.séna. 

11,728—11,729. 

L’arme  à la  flamme  de  feu,  infiniment  horrible,  s'abat- 
tit aussitôt  dans  la  terre.  Quoiqu’il  fût  profondément 
blessé  par  cette  lance  de  fer,  le  héros  sans  mesure  dans 


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VANA-PARVA. 


soo  courage,  le  fils  Kouutl  saisit,  les  yeux  troublés  par  la 
colère,  sa  massue  toute  nouée  de  rubans  d’or  et  faite  pour 
augmenter  la  crainte  des  ennemis.  11,780 — 11,781. 

Bblma  prit,  en  jetant  des  cris,  sa  massue,  liée  par  de 
telles  attaches,  et  courut  légèrement  avec  cette  arme 
toute  de  fer  sur  le  puissant  Manimat.  11,732. 

Le  RaJ^hasa  lui-mème  avait  saisi  un  vaste  trident  en- 
flammé, qu’il  envoya  à Bblmaséna  avec  des  cris  et  une 
grande  rapidité.  11,738. 

Habile  dans  les  combats  à la  massue,  celui-ci  de  rompre 
ce  trident  avec  l’extrémité  de  la  sienne,  et  de  courir  sur 
l’ennemi  pour  le  tuer,  comme  Garouda  sur  un  serpent 

Le  héros  aux  longs  bras  se  jette  d’un  saut  au  milieu 
des  airs,  fait  vibrer  rapidemment  sa  massue  et  l’envoie 
avec  des  cris  sur  le  front  de  la  bataille.  11,73A — 11,735. 

Lancée  avec  la  rapidité  du  vent,  comme  Indra  lance  sa 
foudre  maîtresse,  elle  immola  ce  Rakshasa,  et,  aussitôt 
qu’elle  eut  touché  la  terre,  elle  y entra,  comme  si  elle 
avait  mis  fin  à son  aflaire.  11 ,736. 

Toutes  les  créatures  virent  ce  Démon  à la  grande  force, 
que  Bhtma  avait  tué,  tel  qu'un  lion  massacre  un  buffle  à la 
tète  de  son  troupeau.  11,737. 

A peine  l’eurent-ils  vu  couché  sur  la  terre,  les  nocti- 
vagues,  reste  échappé  au  carnage,  poussant  des  cris  épou- 
vantables de  détresse,  s’enfuirent  à la  plage  orientale. 

A l’audition  de  ces  divers  bruits,  envoyés  par  les  ca- 
vernes de  la  montagne,  le  fils  de  Kountt,  Adjâtaçatrou, 
les  deux  jumeaux  fils  de  Mâdrt,  Dhaâumya,  et  Kri.shnà, 
et  les  brahmes,  et  tous  les  amis,  ne  voyant  pas  Bhtma- 
séna  assis  auprès  d’eux,  en  furent  tous  saisis  de  stupeur. 

11,738—11,739—11,740. 


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LE  MAHA-BHARATA. 


»2 


Ces  héros  anx  grands  chars  confient  Draiupadl  an  saint 
Arshtishéna,  et  tous,  revêtus  de  leurs  armes,  ils  montent 
de  compagnie  sur  la  montagne,  ll,7il. 

Arrivés  sur  la  cime  du  mont,  ces  guerriers  aux  grands 
arcs,  dompteurs  des  ennemis,  cherchent  des  yeux  et  voient 
Bhîmaséna,  11,7A2. 

Les  géants  Rakshasas,  ou  tremblants,  ou  sa^  vie,  ces 
Démons  aux  vastes  forces,  aux  courages  infinis,  tombés 
sous  les  coups  de  Bhîma.  Il,7i3. 

Ce  héros  aux  longs  bras  resplendissait,  tenant  son  arc, 
son  cimeterre  et  sa  massue  à la  main,  tel  que  Maghavat, 
après  qu'il  eut  immolé  tous  les  Dânavas  dans  un  combat. 

Quand  ils  eurent,  et  vu,  et  embrassé  leur  frère,  ces 
guerriers  aux  grands  chars,  fils  de  Kountl,  s'assirent, 
heureux  d'avoir  obtenu  la  voie  suprême.  11,7AA-11,7A5. 

La  cime  de  la  montagne  ne  brillait  pas  moins  par  ces 
héros  que  le  ciel  par  les  plus  éminents  gardiens  du  monde 
ou  les  plus  excellents  des  Dieux.  11,740. 

Après  qu'il  eut  vu  le  palais  de  Kouvéra,  et  les  Rakslia- 
sas  immolés,  l'auguste  frère  YouddhUhthira,  tint  ce  lan- 
gage 4 son  frère  assis  : 11,747. 

Il  As-tu  fait  cette  action  criminelle  par  violence,  ou  lé- 
gèreté d'esprit,  Bhima?  Ce  n’est  pas  indifférent  pour  toi  : 
on  ne  donne  jamais  en  vain  la  mort  comme  à un  mouni. 

» On  ne  doit  jamais  faire  une  chose  odieuse  à un  roi, 
ont  dit  ceux,  qui  ont  parlé  sur  les  devoirs;  et  tu  as  fait, 
Bhîmaséna,  une  action,  qui  déplaît  aux  Tridaças  mêmes. 

» CiClui,  qui  a mis  son  Ame  dans  la  pensée  du  crime, 
n’a  considéré  ni  le  juste  ui  l'utile.  Il  n’existe  aucun  fruit 
assuré,  fils  de  Prithà,  dans  les  œuvres  criminelles. 

11,748—11,749—11,750. 


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I 


VANA-PARVA. 


es 


» Tu  ne  dois  pas  désormais  agir  de  cette  manière,  si  tu 
veux  faire  une  chose,  qui  me  soit  agréaide.  » Quand  ii  eut 
parlé  ainsi  à son  frère  Atchyouta,  l'équitable  frère,  Youd- 
dhishthira  à la  grande  splendeur,  le  fils  de  Kouutt,  qui 
savait  les  portions  où  la  vérité  s’unit  à futile,  se  tut,  pen- 
sant à cette  chose  elle-même.  11,751 — 11,752. 

Les  R^kshasas,  échappés  au  carnage  de  Bhimaséna, 
s’en  allèrent  de  compagnie  au  palais  de  Kouvéra.  11,753. 

Talonnés  par  la  crainte  de  Bhima  et  poussant  des  cris 
épouvantables  de  détresse,  ces  Génies  d’une  grande  vi- 
tesse arrivèrent  promptement  à la  demeure  du  fils  de 
Viçravas.  11,754. 

Épuisés  de  fatigue,  les  armes  et  les  traits  abandonnés, 
les  armures  teintes  de  sang,  les  cheveux  épars,  sire,  ils 
tinrent  ce  langage  au  souverain  des  Yakshas  ; 11,755. 

a Dieu,  on  a frappé  de  mort  tous  tes  capitaines  Ba- 
ksbasas,  qui  avaient  pour  armes  des  traits  barbelés,  des 
leviers  de  fer,  des  cimeterres,  des  pilons  et  des  mas- 
sues! 11,756. 

w Ces  troupes,  qui  dans  le  combat  étaient  sous  l’empire 
de  la  colère,  un  seul  homme  les  a tuées  dans  la  bataille. 
Dieu  des  richesses,  après  qu’il  eut  broyé  légèrement  sous 
ses  pas  la  montagne.  11,757, 

» Les  héros  des  plus  éminents  Rakshasas  et  des  Ya- 
kshas, Dieu,  souverain  des  hommes,  gisent  immolés,  sans 
vie,  le  souffle  de  fexistence  expiré.  11,758. 

» Nous,  qu’on  peut  regarder  comme  des  restes,  nous 
avons  échappé  ; mais  ton  ami  Manimat  est  mort  ! Un  homme 
seul  a fait  cette  prouesse  : arrête  ce  qui  est  à faire  immé- 
diatement! * 11,759. 


9h  LE  MAHA-BB.4RATA. 

A ces  paroles,  violemment  irrité,  le  Dieu,  qui  règne  sur 
toutes  les  troupes  des  Yakshas,  prononça,  les  yeux  rouges 
de  colère,  ce  mot  : « Comment!  » 11,760. 

Quand  le  maître  des  richesses  eut  appris  que  Bhtma 
avait  commis  cette  deuxième  offense,  il  s’irrita  : « Qu’on 
attèle!  » s’écria  le  souverain  des  Yakshas.  11,761. 

Aussitôt,  élevé  comme  la  cime  d’une  montage  et  sem- 
blable à des  masses  de  nuages,  son  char  est  attelé  par 
des  Gandharvas  aux  bouquets  d’or.  11,762. 

Les  plus  puissants  coursiers  aux  yeux  purs,  riches  de 
toutes  les  qualités,  doués  des  vertus  de  la  force  et  de  la 
vigueur,  parés  de  toutes  les  pierreries,  de  briller,  attelés 
à son  char,  et  de  voler  à travers  le  ciel  comme  des  flèches, 
ils  hennissaient  mutuellement  avec  des  hennissements, 
qui  présageaient  la  victoire.  11,768 — 11,764. 

L’adorable  Dieu,  roi  des  rois,  monta  sur  ce  grand  char, 
et  s’avança,  resplendissant  de  lumière,  au  milieu  de  ses 
louanges,  que  chantaient  les  Gandharvas.  11,765. 

Tous  les  Yakshas,  aux  grands  corps,  à la  grande  force, 
à la  grande  vitesse,  aux  yeux  rouges,  pareils  à l’or,  cou- 
verts de  leurs  armes  et  ceints  du  cimeterre,  inférieurs 
chacun  à mille  seulement  et  nageant  au  sein  des  airs, 
se  rassemblent  promptement  autour  du  magnanime  Dieu 
des  richesses,  qui  s’avançait  dans  le  Gandham&dana. 
On  eût  dit  qu’ils  prolongeaient  le  ciel,  qni  ressemblait  à 
un  vaste  filet  pour  la  prise  d’un  lion  et  que  défendait  le 
souverain  des  richesses.  11,766 — 11,767 — 11,768. 

Le  poil  hérissé  d’admiration,  les  fils  de  Pândou  virent 
le  magnanime  Kouvéra  à l’aspect  aimable,  environné  par 
les  troupes  des  Rakshasas  et  des  Yakshas.  11,769. 


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VANA-PARVA. 


96 


Kouvéra  à la  grande  âme  vit  les  héros,  fils  de  Pândou, 
saisir  leurs  arcs  et  leurs  cimeterres;  il  en  fut  alors  tout 
pénétré  de  joie.  11,770. 

Lui,  qui  désirait  faire  la  chose  des  Dieux,  il  s'en  réjouit 
dans  son  cœur.  Les  Pândouides  à la  grande  vitesse  vo- 
lèrent comme  des  oiseau.x  à sa  rencontre  sur  la  cime  de 
la  montagne.  11,771. 

Les  capitaines  du  maître  des  riches.ses  s’arrêtèrent  près 
d’eux.  Les  Gandharv'as  et  les  Yakshas  présents  obser- 
vèrent, Bharatide,  qu’il  avait  l’âme  satisfaite  h l’égard  des 
tils  de  Pândou  et  que  son  esprit  n'étaitaucunement  changé. 
I>?s  magnanimes  Pândouides,  Nakoula,  Sahadéva  et  le  fils 
d’ Varna,  versé  dans  la  vertu,  s’inclinent  devant  le  dona- 
teur des  biens.  Ces  héros,  se  regardant  comme  les  oITen-- 
seurs,  environnent  tous,  les  mains  réunies  au  front,  le 
Dieu,  qui  préside  aux  richesses. 

Le  Dieu  était  assis  sur  le  plus  excillent  des  chars,  le 
Poushpaka,  fortuné  chef-d’œuvre  de  Viçvakarma,  aux 
bords  admirablement  disposés.  Les  Candharvas,  par  cen- 
taines, les  V’akshas  et  les  Kakshasas  par  milliers  aux 
grands  corps,  à la  grande  force,  aux  oreilles  en  fer 
d’épieux,  servaient  le  monarque  assis,  et  les  chœurs  des 
Apsaras  assistaient  l’environnant,  comme  les  Dieux  en- 
tourent Çatakratou.  Portant  sur  sa  tète  une  magnifique 
guirlande  d’or  et  tenant  son  lasso,  sa  conque  et  son  arc  à 
la  main,  Bhlmaséna  contemplait  le  maître  des  richesses. 
Aucune  langueur  ne  se  glissait  en  son  cœur  dans  cette  cir- 
constance sons  le  regard  des  Kakshasas  au  milieu  de  cette 
contemplation  de  Kouvéra.  Quand  ce  guide  des  hommes 
eut  aperçu  Bhlma,  tenant  ses  traits  acérés  et  placé  avec 
le  désir  d’ un  combat,  il  adressa  ces  paroles  au  fils  d’ Yama  : 


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96 


LE  MAHA-BHARATA. 


« Toutes  les  créatures  disent,  fils  de  Prithâ,  que  tu  mets 
tou  plaisir  dans  le  bien  de  tous  les  êtres. 

{ De  la  stance  11.772  à la  stance  11,781.) 

» Habite  sans  crainte  avec  tes  frères  sur  la  cime  de  cette 
montagne  ; tu  n’as,  rejeton  de  Pàndou,  à t’occuper  d’au- 
cune aflaire  pour  Bhtmaséna.  11,782. 

» Jadis  la  mort  de  ces  Démons  fut  aiTêtée  : ton  frère 
puîné  n’en  fut  que  l’instrument.  Si  une  violence  fut  exercée 
ici,  tu  n’as  aucun  reproche  à t’adresser.  11,783. 

O Les  Dieux  eurent  jadis  sous  les  yeux  cette  destruction 
d’Yakshas  et  de  Rakshasas.  Je  n’éprouve  aucun  ressen- 
timent A l’égard  de  Bhtmaséna,  éminent  Bharatide,  cl  je 
suis  satisfait.  ll,78i. 

» Je  fus  content  de  cette  prouesse  de  Bhlmaséna.  » 
Quand  il  eut  parlé  de  cette  manière  au  monarque,  il  ajouta 
ces  mots  pour  Bhtmaséna  : 11,785. 

Il  Si  tu  as  commis  cette  violence  à cause  de  Krishnâ, 
mon  lils,  sans  considérer,  ni  moi,  ni  les  Dieux  ; si,  te  con- 
fiant à la  seule  force  de  ton  bras,  tu  as  donné  la  mort  aux 
Yakshasetaux  Rakshasas,  ô le  plus  excellent  des  reje- 
tons de  Kourou,  cela  est  effacé  de  mon  cœur;  je  suis  donc 
satisfait  de  loi.  11,786 — 11,787. 

» Je  suis  délivré  en  ce  jour,  Vrikaudara,  d’une  horrible 
malédiction.  Jadis,  pour  une  certaine  offense,  je  fus  mau- 
dit par  Agastya  irrité,  le  suprême  rishi  : c’est  la  dette  que 
j’acquitte  aujourd’hui.  Mon  infortune  a été  vue  dans  l’ave- 
nir, rejeton  de  Pàndou  : il  n’y  a rien  ici  de  ta  faute.  » — 
U Comment  le  magnanime  Agastya  a-t-il  fait  de  toi  l'ob- 
jet d’une  malédiction?  reprit  Youddhishthira. 

11,788—11,789—11,790. 

B Je  désire  que  tu  m’en  dises  la  cause.  Dieu  ; car  c’est 


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VANA-PAHVA. 


»7 


nne  chose  étonnante  pour  moi,  que  tu  n'aies  pas  été  con- 
sumé ))ar  la  colère  de  cet  homme  juste,  avec  ton  armée, 
avec  tes  frères  et  tes  suivants!  » — « Les  Dieux,  mo- 
narque des  hommes,  tenaient  un  conseii  à KouçavatI,  ré- 
pondit le  Dieu  qui  préside  aux  richesses.  11,791-11,792. 

M Je  m’y  rendis,  entouré  de  trois  ceut  grands  padmas  (1), 
tous  Yakslias  aux  formes  épouvantables  et  portant  des 
armes  différentes.  11,798. 

» Je  n’aperçus  pasd’ abord  en  ma  route  Agastya,  le  plus 
excellent  des  rishis,  qui  .se  livrait  à une  terrible  pénitence. 
Il  était  venu  sur  mie  rive  de  TYamounà,  pleine  de  bandes 
d’oiseaux  divers,  embellie  par  des  arbres  en  fleurs  : je  le 
vis  se  tenir,  le  bras  demi-levé,  en  face  du  soleil. 

11,794—11,796. 

» Il  ressemblait  à un  feu  augmenté,  qu’enflamme  une 
masse  de  splendeurs.  Le  roi  des  Baksbasas,  mon  ami,  le 
beau  Manivat  était  avec  moi.  11,796. 

» Soit  folie  ou  sentiment  d’ignorance,  soit  Gerté  ou  dé- 
lire, fils  de  Prilbà,  du  sein  des  airs,  où  il  marchait,  il 
cracba  sur  la  tête  du  Mabarsbi.  11,797. 

» Celui-ci  m’adressa  de  colère  ces  paroles,  enflammant, 
pour  ainsi  dire,  tous  les  points  de  l’espace  : o Parce  que 
ton  ami  è l’âme  méchante  m'a  infligé  sous  tes  yeux  cet  ou- 
trage, à cause  de  cela,  un  seul  homme  te  donnera  la  mort. 
Dieu  des  ricliesses,  dans  ces  guerriers,  qui  obéissent  à ta 
loi!  11,798—11,799. 

» Tu  obtiendras  l’infortune  ici,  insensé,  par  ces  guer- 
riers immolés,  mais  quand  tu  auras  vu  l'homme,  doué  de 
la  force,  que  possèdent  ton  Gis  et  ton  pejit-Gls,  tu  seras 


(1)  l'a  granit  pailmn  fait  caiit  mille  milHona. 
IV 


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08 


LE  MAHA-BHARATA. 


délivré  du  péché  de  tes  guerriers.  11  n’encourra  pas  une 
terrible  malédiction  ; aussi  obéira-t-il  à son  ordre  ! u 

11,800—11,801. 

» Telle  fut  la  malédiction,  que  ce  plus  vertueux  des 
rishis  a jadis  fulminée  sur  moi  ; mais  Bhlmaséna,  ton 
frère,  puissant  roi,  en  est  exempt.  11,802. 

n Youddhishthira,  la  constance,  l'habileté,  le  temps,  le 
lieu,  la  fcimeté,  continua  le  maître  des  riches.ses,  cette 
règle  de  cinq  manières  modifie  la  manière  de  l’état  du 
monde.  11,803. 

>)  La  constance  et  l'habileté  sont  dans  toutes  les  affaires, 
Bbaratide;  mais  les  hommes,  qui  savent  la  règle  de  la  fer- 
meté, vivaient  dans  le  Krita-youga.  11,804. 

Il  Ix  roi,  qui  a de  la  constance,  qui  .sait  le  temps  et  le 
lieu,  de  qui  n’est  ignorée  aucune  des  règles  de  tous  les  de- 
voirs, gouverne  long-temps  la  terre,  ô le  meilleur  des  i-ois. 

n L’homme,  qui  est  ainsi  dans  toutes  les  affaires , 
héroïque  fils  de  Prithà,  obtient  la  gluiro  dans  ce  monde  et 
la  voie  fortunée  dans  l’autre.  11,805 — 11,800. 

n Désireux  d'acquérir  les  opportunités  du  temps  et  du 
lieu,  Çakra,  quand  il  eut  exercé  sa  vigueur,  victorieux  de 
Vritra  avec  les  Vasous,  mérita  le  royaume  du  Tridiva. 

B L’homme,  qui,  par  colère  seulement,  ne  considère  pas 
le  précipice,  est  un  criminel  aux  pensées  vicieuses,  qui 
suit  la  passion.  11,807 — 11,808. 

» 11  périt  dans  ce  monde  et  dans  l’autre,  sans  connaître 
les  portions  bonnes  ou  mauvaises  des  œuvres.  Le  grand 
insensé,  qui  ne  sait  pas  tes  temps,  qui  ignore  la  supério- 
rité des  œuvres^  qui  a mal  raisonné  sur  le  commencement 
de  ses  actions,  périt  dans  ce  monde  et  dans  l’autre. 
L’homme,  qui  ne  connaît  pas  la  vertu,  qui  est  orgueilleux. 


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VANA-PARVA. 


90 


petit  dans  ses  pensées  et  prompt  à la  colère,  prend  les  réso- 
lutions criminelles  des  gens  pervers,  malhonnêtes,  qui 
vivent  dans  la  violence,  et  qui  ont  l’ambition  de  posséder 
toutes  les  puissances.  11,809 — 11,810. — 11,811. 

» Ce  Bhtmaséna  est  sans  crainte,  c'est  à toi  de  le  mo- 
dérer, éminent  Bharatidc.  Quand  tu  seras  de  retour  à 
l’hermitage  du  saint  roi  Arshtiséna,  habite  chez  lui, 
exempt  de  crainte  et  de  maladie,  toute  la  quinzaine  obs- 
cure. Alors,  les  GandhaiTas,  les  Kinnaras  et  tous  les 
habitants  de  cette  montagne,  sous  mes  ordres,  avec  les 
A'akshas,  vigoureux  Indra  des  enfants  de  Manou,  te  pro- 
tégeront, accompagné  des  plus  vertueux  des  brahmes. 

11,812—11,818—11,814. 

» Allons!  que  ce  Vrikaudara,  réveillé  de  son  ivresse  et 
revenu  de  sa  violence,  soit  empêché  par  toi,  sire,  le  plus 
vertueux  des  hommes  vertueux!  11,815. 

» Ensuite,  les  habitants  de  ces  bois  viendront  toujours, 
sire,  vous  visiter,  vous  faire  la  cour  et  vous  protéger. 

» Mes  serviteurs,  les  plus  vertueux  des  hommes,  vous 
apporteron  t sans  cesse  des  vivres  et  des  breuvages  savou- 
reux et  variés.  11,81(5 — 11,817. 

» De  même  que  Djishnou  est  le  fils  d’Indra,  que  Vri- 
kaudara est  né  du  Vent  et  que  tu  es,  mon  fils,  la  propre 
semence  d’A'ama  et  formé  de  son  union  avec  la  substance 
/lumm’ne  ; de  même  que  ces  deux  jumeaux  senties  pro- 
duits des  Açwins,  leurs  pères,  ainsi  dois-je,  Youddhish- 
thira,  vous  défendre  ici  tous.  11,818 — 11,819. 

» (’xmnaissant  les  règles  de  la  vérité,  versé  dans  les 
règles  de  tous  les  devoirs,  Phâlgouna,  le  frère  puîné  de 
Vrikaudara,  est  bien  portant  au  sein  du  ciel.  11,820. 

» Toutes  les  opinions  quelconques  paridisiaques,  supé- 


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100 


LE  MAHA-BHARATA. 


rieuremeot  heureuses,  répandues  au  milieu  du  monde, 
elles  furent  dès  sa  naissance,  réunies  sur  la  tète  de  Dja- 
nandjaya.  11,821. 

» I.a  répression  des  sens,  l’auméne,  la  force,  l’intelli- 
gence, la  pudeur,  une  splendeur  suprême,  ces  qualités 
sont  déposées  en  ce  héros  à la  force  sans  mesure.  11,822. 

» DJishnou  ne  fait  pas,  fils  de  Pàndou,  une  chose  blâ- 
mée par  folie  ; les  hommes  ne  racontent  point  au  milieu 
des  hommes  les  paroles,  que  Djishnou  a proférées  en  vain. 

» Étant  même  estimé  des  Pitris  et  des  Gandharvas, 
ajoutant  à la  gloire  des  enfants  de  Kourou,  il  étudie  les 
armes,  Bharatide,  dans  le  palais  d’Indra.  11, 823-11, 82â. 

» Ce  Çântanou  à la  vive  splendeur,  le  bisaïeul  de  ton 
père,  qui  a réduit  par  sa  justice  en  sa  puissance  tous  les 
rois  de  la  terre,  ce  prince  à la  grande  vigueur  est  infini- 
ment satisfait  dans  le  ciel  de  ce  fils  de  Prithà,  maître  de 
l’arc  Gàndlva  et  le  cheval-de-somme  de  sa  famille. 

11,825—11,820. 

I)  Çântanou,  qui  a honoré  les  brahmes,  les  rishis,  les 
mânes  et  les  Dieux,  qui  a offert  sur  les  rives  de  l’Ya- 
mounâ  sept  principaux  sacrifices,  cet  empereur,  ton  bi- 
saïeul, conquérant  du  Swarga,  te  demande  du  monde 
d'Indra,  où  il  se  tient,  comment  va  ta  santé.  » 

11,827—11,828. 

Entendu  ce  discours,  prononcé  par  le  Dieu,  qui  départ 
les  richesses,  les  fils  de  Pândou  en  conçurent  de  la 
joie.  11,829. 

Ensuite,  ayant  incliné  sa  lance  de  fer,  sa  massue,  son 
cimeterre  et  son  arc,  Vrikaudara,  le  plus  éminent  des 
lioimnes,  fit  l’adm'atioii  à Kouvéra.  11,830. 

L'intendant  sccourable  des  richesses  dit  au  héros,  qui 


VANA-PARVA. 


101 


implorait  son  secours  : « Détruis  l’orgueil  des  ennemis; 
ajoute  à la  joie  des  amisl  11,8^1* 

» Habitez,  fléaux  des  ennemis,  dans  leure  channantea 
demeures  ; les  Yakshas,  taureaux  des  Bharatides,  ne 
vous  abandonneront  pas  volontiers.  11,832. 

» Goudàké^ai  reviendra  même  promptement,  l’étude 
des  armes  terminée  : Dhanandjaya  fera  son  retour  ici, 
congédié  par  Maghavat  en  personnel  » 11,833. 

Quand  il  eut  ainsi  donné  à Youddhishthira  ses  instruc- 
tions sur  cettechose  importante,  le  souverain  des  Gouhya- 
kas  s’avança  vei’s  le  mont  Asta,  la  plus  grande  des  mon- 
tagnes. 11,834. 

Les  Rakshasas  et  les  Yakshas  par  milliers  le  suivirent 
sur  leurs  chars  ornés  de  pierreries  variées  et  de  couver- 
tures peintes.  11,835. 

11  se  lit  alors  sur  la  route  d’Afravata,  qui  conduisait  au 
palais  de  Kouvéra,  un  bruit  de  chevaux  supérieurs,  sem- 
blable au  gazouillement  des  oiseaux.  11,836, 

Les  coursiers  du  maître  des  richesses  marchaient  d’un 
pas  accéléré  dans  l’air  ; ils  déchiraient  les  nuages,  pour 
ainsi  dire  : on  eût  dit  qu’ils  buvaient  le  vent.  11,837. 

Puis,  d’après  l’ordre  du  Dieu,  qui  distribue  les  biens, 
on  enleva  du  sommet  de  la  montagne  les  corps  sans  vie 
de  ces  Rakshasas.  11,838. 

En  eflfet,  le  temps  de  la  malédiction,  que  le  sage  Agas- 
tya  avait  fulminée  contre  eux,  était  accompli  : ils  avaient 
trouvé  la  mort  dans  le  combat  : la  malédiction  était  donc 
mise  à fin.  11,839. 

Honorés  par  tous  les  Rakshasas,  les  magnanimes  Pân- 
douides  passèrent  ti'anquillement  les  nuits  sans  crainte 
dans  ces  habitations.  11,840. 


102 


LE  MAHl-BHARATA. 


Ensuite,  au  lever  du  soleil,  après  que  Dbaàumya,  ac- 
compagné d’Arshtiséna,  eut  accompli,  dompteur  des  enne- 
mis, les  cérémonies  du  Jour,  il  vint  trouver  les  fils  de 
Pàndou.  11,8Â1. 

(leux-ci  de  s'incliner  aux  pieds  d'Arshtiséna  et  de 
Dbaàumya,  et  tous,  joignant  leurs  mains  au  front,  d'bo- 
norer  les  brabmes.  11,8A2. 

Alors,  ayant  pris  Youddhishlbira  par  la  main  droite  et 
regardant  la  plage  orientale,  le  grand  rishi  tint  ce  lan- 
gage : 11,8A3. 

« Ce  Mandai'a,  le  roi  des  monts,  se  tient,  fils  de  Pàndou, 
environnant  la  terre,  qui  a pour  bornes  les  mers,  et  jette 
une  éblouissante  lumière.  ll,8àà. 

» Qu’lndra  et  que  le  ûls  de  Viçravas  protègent  cette 
plage,  embellie  de  montagnes,  de  forêts  et  de  bois. 

» Les  rishis  intelligents  et  versés  dans  toutes  les  vertus 
disent,  mon  fds,  que  c’est  i’babitation  de  Mahéndra  et  du 
roi  Vaîçravana.  11,845—11,846. 

» C'est  ici  que  les  brabmes,  les  risbis  vertueux,  les 
Siddhas  et  les  divins  Sâdbyas  s’approchent  du  soleil  à son 
lever.  11,847. 

» Le  roi  Yama,  qui  sait  les  devoii's,  le  seigneur  de  tous 
ceux,  qui  jouissent  de  la  vie,  s’est  adjugé  cette  plage  mé- 
ridionale, qui  est  la  voie  des  âmes  expirées.  11,848. 

» Ce  palais  du  roi  des  morts,  doué  d’une  abondance 
suprême,  est  pur;  il  retient  le»  âme»,  il  est  d’un  aspect 
infiniment  admirable.  11,849. 

B Arrivé  sur  cette  montagne,  sire,  le  soleil  s’y  arrête, 
en  vérité.  Les  sages  ont  dit  que  le  mont  Asta  est  le  roi 
des  monts.  11,850. 

» Le  roi  Varouna  habite,  et  celte  reine  des  montagnes. 


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VANA-PARVA. 


108 


et  la  mer,  le  grand  bassin  des  eaux  ; c’est  de  là  qu’il  pro  - 
tége  à la  ronde  tous  les  êtres.  11 ,851. 

» Là,  cet  éminent,  fortuné,  vigoureux  et  grand  Mérou, 
la  voie  de  tous  les  hommes  versés  dans  le  Véda,  se  dresse, 
enflammant  toute  la  plage  du  septentrion.  11,852. 

» En  lui  résident,  et  l’assemblée  des  brahmes,  et  le 
Pradjâpati,  créant  tout  ce  que  le  monde  renferme  d’êtres 
imnibbiles  et  mobiles.  11,853. 

» Le  grand  Mérou  est  la  route  fortunée,  exempte  de 
maladies,  où  circulent  ceux,  que  les  brahmes  ont  dit  les 
sept  fils  intellectuels  de  Daksha.  11,855. 

Il  Ici,  ne  se  couchent  pas,  mon  fils,  ici,  se  lèvent  de 
nouveau  les  sept  Dévarshis,  Vaçistha  à leur  tête.  11,855. 

V Voici  la  cime  septentrionale  du  Mérou,  ce  lieu  sans 
poussière,  où  l’ayeul  suprême  des  créatures  habita  avec  les 
Dieux  contents  d’eux-mêmes.  11,85«. 

Il  On  y voit  briller  un  lieu  par-dessus  le  palais  même 
de  ce  Brahma;  c'est  la  demeure  deNârâyana,  le  maître 
suprême,  ce  Dieu,  qui  n’a  pas  eu  de  commencement,  qui 
n’aura  pas  de  lin,  que  l’on  dit  la  nature  de  la  nature  de 
tous  les  êtres,  et  que  les  Dieux  eux-mêmes  ne  peuvent  voir 
dans  sa  beauté  formée  de  toutes  les  splendeurs.  11,857. 

Il  Ce  lieu  du  magiiaiiime  Vishnou  est  plus  enflammé  que 
le  soleil  et  le  feu  ; sa  lumière  elle-même,  sire,  rend  sa  vue 
diflicile  à soutenir  par  les  Dânavas  et  les  Dieux.  11 ,858. 

Il  Dans  la  partie  orientale  du  Mérou,  celte  résidence  de 
Nârâyana  resplendit  à l’iiifini;  c’est  là  que  le  maître  des 
créatures,  la  nature  de  toute  chose,  l’être-existant-par- 
lui-même,  brille,  éclairant  de  sa  grande  beauté  tous  les 
êtres;  on  n’y  voit  pas  de  brahmarsbis;  à plus  forte  raison 
n’y  voit-ou  pas  de  maharshisi  11,859 — 11,800. 


LE  MAHA-BHARATA. 


lOA 

» Ils  obtieonent,  6 le  plus  vertueux  des  enfants  de 
Kourou,  cette  route  des  Yatîs  : arrivées  près  de  lui, 
toutes  les  étoiles,  ûls  de  Pândou,  ne  jettent  plus  de  lu- 
mière. 11,861. 

» Tant  ce  maître  brille  lui-même  d’une  éclatante  splen- 
deur ! La  dévotion  conduit  à Hari-Nârâyana  les  magna- 
nimes Yatis,  mariés  à une  pénitence  suprême,  occupés 
d’œuvres  pures,  à la  contemplation  parfaite,  alTranchis  de 
l’égarement  de  la  passion.  11,862 — 11,863. 

» Arrivés  là,  ils  ne  voient  plus  ce  magnanime,  cet  éter- 
nel Swayambou,  le  Dieu  des  Dieux.  11,861. 

» Tel  est  le  domicile  impérissable,  certain,  immuable 
d’içwara  : c’est  toujours,  vertueux  Youddbishtbira,  la 
mesure  du  passé.  11, 865. 

» Il  est  sûr  que  chaque  jour,  (ils  de  Kourou,  le  soleil 
et  la  lune  décrivent  un  pradakshina  autour  du  Mérou. 

» Toutes  les  étoiles  du  ciel  avec  Yauguste  Çésha, 
tracent  sans  exception,  puissant  roi  sans  péché,  un  pra- 
dakshina autour  de  la  grande  montagne. 

11,866—11,867. 

» Le  divin  soleil  aux  travaux  sans  obscurité  décrit  ce 
pradakshina,  entraînant  toutes  les  étoiles.  11,868. 

» Lors()u'il  est  jtarvenu  au  mont  Asta  et  qu'il  a dépassé 
le  ri-épuscule,  l’auteur  lumineux  du  jour  passe  au  quar- 
tier du  monde,  qui  renferme  la  plage  orientale.  11 ,869. 

» Le  soleil,  insigne  Dieu,  qui  se  complaît  au  bien  de 
tous  les  êtres,  arrivé  au  Mérou,  fils  de  Pândou,  retourne 
sur  ses  pas.  11,870. 

» 11  partage  diversement  le  mois  suivant  le  temps  et 
les  conjonctions  des  jours  ; ensuite,  la  vénérable  lune  suit 
le  soleil  avec  les  constellations.  11,871. 


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VANA-PARVA. 


106 


U Quand  il  a franchi  lestement  le  grand  Mérou  de  cette 
manière,  donnant  la  vie  à tous  les  êtres,  il  revient  au 
Mandara.  11,872. 

» Ainsi,  le  soleil,  ce  Dieu,  vainqueur  de  l’obscurité, 
qui  répand  la  vie  dans  le  monde  à la  faveur  de  ses  rayons, 
retourne  par  ce  chemin  ouvert.  11,875. 

» Dans  son  désir  de  créer  tous  les  corps,  il  s'engage 
dans  la  plage  méridionale.  Ensuite,  la  saison  du  froid 
vient  trouver  tous  les  êtres.  11,874. 

» Le  soleil  produit  tontes  les  splendeurs  à .son  retour 
par  la  splendeur  de  tous  les  êtres  immobiles  et  mobiles. 

J La  sueur  et  la  fatigue,  la  paresse  et  la  langueur  s’em- 
|>arent  des  hommes;  toujours  les  êtres  animés  éprouvent 
à chaque  instant  les  impressions  du  sommeil. 

11,875-11,876. 

Il  Après  qu'il  a choisi  de  cette  manière  une  route  indé- 
liniseable,  l’astre  fortuné  et  radieux  crée  de  nouveau  les 
années  et  donne  la  vie  aux  créatures.  11,877. 

U Doué  d'une  bien  grande  splendeur,  il  recommence 
sa  carrière,  accroissant  tous  les  êtres  immobiles  et  mo- 
biles par  des  pluies,  des  vents  et  des  chaleurs  agréables. 

» Parcourant  ainsi,  exempt  de  paresse,  fils  de  Prithft, 
le  cercle  du  temps,  le  soleil  revient  sur  ses  pas,  entraî- 
nant tous  les  êtres.  1 1 ,878— ll,87fl. 

i>  Sa  course  est  étendue  ; il  ne  s’arrête  jamais,  enfants 
de  Pàndou  : s’il  dérobe  la  splendeur  aux  êtres,  c’est  pour 
la  répandre  de  nouveau.  11,880. 

n Distribuant  l’existence  et  les  occupations  à tous  les 
êtres,  fils  de  Bharata,  toujours  il  crée,  ce  maître,  le  jour 
et  la  nuit,  les  heures  et  les  minutes.  » 11,881. 

Tandis  que  ces  magnanimes  habitaient  cette  sourcil- 


106 


LE  HAHA-BHARATA. 


leuse  montagne,  désirant  la  vue  d'Arjouna  et  livrés  à de 
saints  voeux,  ils  ne  furent  pas  étrangers  au  plaisir  et  à la 
joie.  11,882. 

Les  troupes  des  Gandharvas  et  les  Maharshis  en  grand 
nombre  visitaient  joyeux  ces  héros,  aux  désirs  pleins  de 
pureté,  qui  étaient  associés  à la  vigueur  et  qui  avaient 
pour  objet  principal  la  constance  et  la  vérité.  11,883. 

Quand  ils  furent  arrivés  à cette  haute  montagne,  om- 
bragée d’arbres,  tous  portant  des  fleurs,  ces  guerriers 
aux  grands  chars  d’éprouver  une  supi-ême  bienveillance 
d’âme,  comme  les  troupes  des  vents,  (fuand  ils  ont  obtenu 
le  ciel.  11,884—11,885. 

Us  se  tinient,  pleins  d’une  joie  extrême,  à la  vue  des 
plateaux  et  des  cimes  de  cette  grande  montagne,  remplie 
de  fleurs  et  résonnante  aux  cria  des  paons  et  des  cygnes. 

Us  virent  des  piscines  encombrées  de  lotus,  fréquentées 
des  oies  rouges,  des  canards  et  des  sarcelles,  dont  kou- 
véra  lui-même  avait  caché  les  bords  et  les  rivages. 

Us  virent  des  lieux  d’amusements,  où  tout  respirait 
l’abondance,  couverts  de  guirlandes  diverses,  ornés  de 
beauté,  pleins  de  pierres  fines,  ravissants,  tels  enfin  que 
devait  être  ce  qui  appartenait  au  maitre  des  richesses. 

11,886—11,887—11,888. 

Parcourant  sans  cesse  la  cime  de  celte  montagne  aux 
grands  arbres  de  plus  d'une  espèce,  aux  douces  senteurs, 
abrités  iucessamment  par  des  masses  de  nuages,  il  était 
impossible  de  penser  à ces  hommes,  dont  le  but  était  la 
pénitence,  quand  ils  voyaient  la  splendeur  propre  à cette 
montagne  et  la  puissance  de  ses  plantes  annuelles.  11 
n’était  pas  là  un  seul  jour,  héros  des  hommes,  dont  la 
nature  fut  distincte  des  nuits.  11,889 — 11,890. 


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VANA-PARVA. 


107 


Monté  sur  cette  montagne,  le  soleil  à la  force  infinie 
donne  l'existence  à tous  les  êtres  immobiles  et  mobiles, 
(les  nobles  héros,  placés  là,  virent  son  lever  et  son  coucher. 

Environnés  de  sa  lumière,  ils  virent  l’entrée  du  soleil 
dans  l’obscurité,  et  sa  sortie,  son  lever  et  son  coucher  ; 
ils  virent  cet  astre  chasser  les  ténèbres  de  la  plage  supé- 
rieure et  de  la  plage  intermédiaire.  1 1 ,891  — 11 , 892. 

Occupés  sans  cesse  de  lecture,  célébrant  des  sacrifices 
continuels,  ayant  pour  but  le  devoir,  pour  vœu  la  pureté, 
placés  dans  la  vérité,  ils  attendaient  ce  héros,  qui  s’était 
voué  à la  vérité.  11,893. 

« Puissions-nous  avoir  bientôt  la  joie  de  nous  réunir 
ici  avec  Dhanandjaya,  qui  a terminé  l’étude  des  armes!  » 
Parlant  ainsi  et  versant  ces  prières  suprêmes,  ces  fils  de 
Prithâ  se  livraient  à la  contemplation  et  la  pénitence. 

A la  vue  de  ces  forêts  si  diverses  sur  la  montagne,  le 
jour  et  la  nuit  avaient  la  durée  de  l’année  aux  yeux  de 
ces  hommes,  qui  n’avaient  pas  une  pensée,  dont  Kirlti 
ne  fut  l’objet.  11,894 — 11,895. 

La  joie  s’était  enfuie  de  ces  hommes  depuis  (|ue  le  ma- 
gnanime Djishnou , avec  l’assentiment  de  Dhaâumya , 
s’était  exilé,  ayant  relevé  ses  cheveux  en  djatà  : d’où  leur 
serait  venu  la  volupté,  quand  leurs  âmes  s’étalent  rendues 
vers  lui  ? 11,896. 

Ils  avaient  écarté  le  chagrin,  parce  que  Djishnou  à la 
démarche  d’éléphant  enivré  s’était  exilé  de  ce  bois  Kâ- 
myaka  à l’ordre  de  son  frère  Youddhishthira.  11,897. 

’fandis  qu’ils  pensaient  à ce  guerrier  aux  blancs  cour- 
siers, que  le  besoin  d’armes  avait  conduit  auprès  d’Indra, 
ce  mois,  fils  de  Bharata,  s’écoula  avec  peine  sur  la  mon- 
tagne pour  ces  enfants  de  Bharata.  11,898. 


108 


LE  MAHA-BHARATA. 


Après  qu’il  eut  habité  cinq  années  dans  le  palais  du 
Dieu  aux  mille  regards  et  qu’il  eut  obtenu  du  souverain 
des  Dieux  toutes  les  amies,  celle  d’Agoi,  la  Varounaine, 
celle  de  Lunus,  l’arme  du  Vent,  la  Vishnouïne,  celle  d'In- 
dra, le  Pâçoupata,  celle  de  Brahma,  le  Pàramesbthi  du 
Créateur,  les  armes  d’Yama,  de  Dhatri,  du  soleil,  de 
Twashlri,  et  de  Valçravana  ; après  qu’il  eut  obtenu  ces 
armes  de  l'Immortel  aux  mille  yeux,  il  s'inclina  devant 
Çatakratou,  et,  congédié  par  lui,  Arjouna,  l’ayant  salué 
d’un  pradakshina,  prit,  satisfait  et  joyeux,  la  route  du 
Gandhamâdana.  1 1 ,899 — 11 ,900 — 1 1 ,901 — 11 ,902. 


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LE  COMBAT  AVEC  LES  NIVATAKAVATCHAS. 


Vaiçampàyana  dit  : 

Dnjour,  pendant  qu'ils  pensaient  à leur  frère,  savourant 
la  société  de  Hari,  ces  héros  virent  Arjouna,  monté  sur  le 
char  d’Indra,  suivi  de  la  vitesse  et  semblable  à l’éclair. 

Enflammant  l’air,  qu’il  fai.sait  resplendir  avec  sa  rapi- 
dité et  conduit  par  Màtali,  il  brillait  comme  un  grand 
météore,  comme  une  flamme  placée  au  milieu  des  nuages, 
comme  la  clarté  do  feu  sans  fumée.  11,903 — 11,00A. 

A peine  était-il  arrivé  sur  cette  montagne , qu’ils 
tombèrent  sous  les  yeux  de  Rirlti,  pai-é  d'une  guirlande 
et  qui  portait  des  ornements  d’or.  Dhanandjaya,  qui  avait 
la  puissance  du  Dieu  aimé  de  la  foudre  et  qui  enflammait 
tout  de  sa  beauté,  descendit  sur  la  montagne.  11,005. 

Parvenu  là,  ce  sage,  qui  avait  jtour  aigrette  un  bouquet, 
abandonna  le  char  de  Mahéndra,  se  prosterna  devant  les 
pieds  de  Dhaâumya,  et,  incontinent  après,  devant  ceux 


110 


LE  MAHA-BHARATA. 


d’Ajàtaçatrou;  il  vénéra  les  pieds  de  Vrikaudara,  reçut  les 
hommages  des  fils  de  Màdri,  s’approcha  de  Krishnâ,  la 
flatta  et  resta  incliné  devant  son  frère  atné. 

11,900—11,907. 

Le  plaisir  de  se  trouver  réunis  avec  ce  guerrier  incom- 
parable les  remplit  d’une  joie  suprême  ; et  le  héros,  qui 
avait  pour  aigrette  un  bouquet,  se  réjouit  à leur  vue  et 
célébra  le  roi,  son  frère.  11,908. 

Porté  dans  ce  char,  le  meurtrier  de  Namoutchi  immola 
sept  armées  des  enfants  de  Diti.  Les  fils  de  Prithâ,  voyant 
le  char  d’Indra  arrivé  prés  d’eu.x,  lui  firent  d’une  âme  al- 
lègre un  pradakshina.  11,909. 

Dans  une  joie  extrême,  les  fils  du  roi  de  Kourou  décer- 
nèrent à Màtali  une  réception  suprême,  semblable  à celle 
du  roi  des  Souras  et  l’inteiïogèrent  exactement  sur  tous 
les  habitants  du  ciel.  11,910. 

Màtali  .salua  les  Prithides  comme  on  salue  des  fils  et 
leur  parla  comme  un  père;  puis,  sur  son  char  d’une  splen- 
deur incomparable,  il  retourna  vers  le  souverain  des  Tri- 
daças.  11,911. 

Quand  il  fut  parti,  le  magnanime  fils  de  Çakra,  le 
plus  grand  des  hommes  et  des  Dieux,  celui  qui  de  sa 
main  broya  les  ennemis  de  Çakra,  donna  les  grandes  ri- 
chesses aux  formes  supérieures,  qu’Indralui  avaitdonnées. 

11  remit  à Soutasama  pour  son  éjKJUse  ces  |>arure8 
brillantes  comme  l’auteur  du  jour,  et,  assis  au  milieu  de 
ces  héros,  des  hommes,  qui  avaient  un  éclat  semblable  au 
feu  ou  au  soleil  et  des  brahmes  éminents,  il  raconta  exacte- 
ment toutes  les  choses  : « L’est  ainsi  que  j’appris  les  armes 
de  Çakra  lui-même,  du  Vent  et  de  Çiva  en  personne. 

11,912—11,913—11,914. 


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VANA-PARVA. 


m 

» Les  Dieux  de  concert  avec  Indra  furent  tous  charmés 
de  mon  caractère  et  de  ma  dévotion.  » Bref,  ce  héros  aux 
œuvres  pures  de  leur  raconter  son  habitation  dans  le  ciel; 
et  le  célèbre  Kirîti  de  passer  toute  cette  nuit  dans  le  som- 
meil, accompagné  des  fils  de  MâdrI.  11,015 — 11,010. 

Après  que  cette  nuit  se  fut  écoulée,  Dhanandjaya,  dans 
la  compagnie  de  tous  ses  frères,  vint  s’incliner  devant 
Youddhishthira-Dharmarâdja.  Il  ,917. 

Dans  ce  temps  même  se  fit  entendre  un  concert  de  tous 
les  instruments  de  musique  : c’était  un  bruit  confus  des 
habitants  du  ciel  au  milieu  des  airs,  11,018. 

Un  entendait  le  roulement  de  la  roue  des  chars  et  le  son 
des  clochettes  ; il  semblait  de  toutes  parts  ouïr  le  cri  par- 
ticulier des  serpents,  des  quadrupèdes  et  des  volatiles. 

Les  chœurs  des  Apsaras  et  des  Gandharvas  suivaient  de 
tous  côtés  sur  leurs  chars  semblables  au  soleil  le  roi  des 
Dieux,  le  dompteur  des  ennemis.  11,919 — 11,920. 

Flamboyant  d’une  beauté  suprême  et  porté  sur  ce  char 
attelé  de  coursiers  fauves,  orné  d’or  et  résonnant  comme 
le  tonnerre  des  nuages,  Pourandara,  le  roi  des  Dieux,  vint 
trouver  les  fils  de  Prithâ;  et,  arrivé  près  d’eux,  l’Immortel 
aux  mille  yeux  descendit  de  son  char.  11,921 — 11,922. 

A la  vue  de  ce  magnanime,  le  bel  Youddhishthira-Dhar- 
marâdja,  accompagné  de  ses  frères,  alla  au-devant  du  roi 
des  Dieux.  11,923. 

11  honora  suivant  l’étiquette  avec  de  riches  présents, 
et  comme  il  en  était  digne,  selon  les  règles  indiquées  dans 
les  Gàstras,  ce  Dieu  à l’àme  sans  mesure.  11,92A. 

Le  héros  Dhanandjaya  se  prosterna  devant  Pourandara 
et  demeura  incliné  comme  un  serviteur  près  du  roi  des 
Immortels.  11,925. 


112 


LE  M/IHA-BHARAT  V. 


Le  fils  deKoumi  à la  grande  splendeur,  Youddhishthira 
de  baiser  Dhanandjaya  sur  la  tète,  et  quand  il  vit  son 
frère  se  tenir  en  face  du  roi  des  Dieux,  l’air  soumis,  la 
coiflure  en  djatâ,  sans  péché  et  joint  de  la  pénitence,  saisi 
d’une  grande  joie  à cette  vue  de  Phâlgouna,  il  en  fut  ravi 
jusqu'à  l’ivresse  et  honora  le  roi  des  Dieux.  Le  sage  mo- 
narque des  Immortels,  Pourandara  tint  alors  ce  langage 
au  roi,  l’àme  non  abattue,  et  nageant  au  sein  de  la  joie  ; 
a Sire,  fds  de  Pàndou,  tu  gouverneras  cette  terre. 

11,926—11,927—11,028—11,929. 

» Sur  toi,  descende  la  félicité!  Reviens,  fils  de  Kounti, 
à l’hermitage  du  Kémyakal  11,930. 

U T.e,  prudent  fils  de  Pàndou  a obtenu  de  moi,  sire,  tous 
les  astras.  Je  trouve  ma  satisfaction  en  Dhanandjaya  ; il 
est  impossible  aux  mondes  de  le  vaincre,  grâce  aux  astras, 
qu’il  possède!  » 11,931. 

.lussitôt  qu’il  eut  parlé  de  cette  manière  à Youddhish- 
thira,  le  fils  de  Kouutl,  l’Immortel  aux  mille  yeux  .s' en 
alla  au  Tridiva,  joyeux  et  célébré  par  les  Maharshis. 

Le  brabmatchàri,  qui,  sachant  cette  réunion  d’Indra 
avec  les  enfants  de  Pàndou,  tandis  qu’ils  habitaient  dans 
le  palais  du  maître  des  richesses,  y applique  durant  une 
année  entière  son  attention  recueillie  avec  des  sens  com- 
primés et  des  voeux  paifaits,  vivra  cent  automnes  dans 
une  paix  inaltérable  et  sans  peine  chimérique. 

11,932—11,933—11,934. 

Indra  parti  comme  il  était  venu,  BIbhatsou,  réuni  avec 
ses  frères  et  Krishnà,  d'honorer  le  fils  de  Dharnia.  1 1 ,985. 

Celui-ci  donna  un  baiser  sur  la  tète  du  Pândouide,  qui 
le  saluait  de  son  corps  incliné,  et,  ravi  de  plaisir,  lui  dit 
avec  une  voix,  que  la  joie  rendait  balbutiante  : 11,930. 


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VANA-PARVA. 


«S 


U Comment  as-tu  passé,  Arjouna,  ce  temps  au  sein  du 
ciel?  Commentas-tu  obtenu  les  armes  et  satisfait  le  roi 
des  Dieux?  il, 937. 

» As-tu  reçu  entièrement  les  astras,  fils  de  Pândou?  Ou 
bien  le  roi  des  Dieux,  Roudra,  t’a-t-il  donné  les  astras  en 
témoignage  de  satisfaction?  11,938. 

» Je  désire  entendre  avec  étendue,  prince  à la  vive 
splendeur,  comment  tu  as  vu  Indra,  ou  l’Adorable,  qui 
tient  à sa  main  l'arc  Pinâka;  comment  tu  as  obtenu  les 
astras  et  fléchi  le  Dieu  en  ta  faveur;  ce  qui  te  fut  dit, 
dompteur  des  ennemis,  par  l’ineflable  Çatakratou.  Tu  me 
fais  un  plaisir,  me  dis-je  ; quel  plaisir  as-tu  fait  pour  ce 
Dieu?  De  quelle  manière,  mortel  sans  péché,  as-tu  satis- 
fait Mahadéva,  le  roi  des  Dieux?  11,939-11,940-11,941. 

» Raconte-moi  sans  exception,  dompteur  des  ennemis, 
tout  ce  que  tu  as  fait  d’agréable,  Dhanandjaya,  au  Dieu, 
qui  tient  la  foudre.  » 11,942. 

« Eh  bien!  écoute,  puissant  roi,  lui  répondit  Arjouna, 
de  quelle  manière  je  vis  le  Dieu  Çatakratou  et  l’adorable 
Çaukara.  11,943. 

» Je  partis,  sire,  pour  la  forêt,  occupé  de  lire  cette 
science,  que  tu  m’avais  dite,  et  me  plongeant  dans  la  pé- 
nitence, que  ton  excellence  m’avait  ordonnée,  6 toi,  qui 
broyés  les  ennemis.  11,944. 

» Arrivé  du  Kàmyaka  à la  cime  élevée  du  Bhagou,  je 
m'y  livrai  à la  pénitence,  et,  après  une  nuit  de  séjour,  je 
vis  dans  ma  route  un  certain  brahme.  11,945. 

« Où  vas-tu , me  demanda-t-il  : dis-le  moi  I » Alors 
moi  de  lui  exposer  tout  dans  la  vérité,  rejeton  de  Kou- 
rou.  ll,94ti. 

a Quand  le  brahme  eut  reçu  cette  parole  vraie  de  moi, 

IV  8 


LE  MAHA-BHARVTA. 


IIA 

ô le  plus  vertueux  des  rois,  il  m’honora  et  trouva,  sire, 
tout  son  plaisir  en  moi.  11,947. 

I)  Ensuite,  joyeux,  il  me  dit  : « Bharatide,  cultive  la 
pénitence.  Si  tu  la  pratiques,  tu  verras  bientôt  le  souve- 
rain des  Dieux.  » 1 1,948. 

» D’après  sa  parole,  je  montai  donc  sur  la  montagne 
Çalçira,  où  je  mortifiai  ma  chair,  faisant  ma  nourriture 
pendant  ce  mois  de  fruits  et  de  racines.  11,949. 

» Le  deuxième  mois  arrivé,  mes  aliments  furent  de 
l’eau;  et  je  restai,  fils  de  Pàndou,  le  troisième  mois  sans 
manger.  11,950. 

I)  Le  quatrième  mois,  je  me  tins,  les  bras  élevés  en 
l’air,  et  ce  fut  une  chose,  pour  ainsi  dire,  merveilleuse 
que  je  n’abandonnasse  point  la  vie.  1 1 ,951. 

» Le  cinquième  arrivé  et  le  premier  jour  de  ce  mois, 
un  être  apparut  auprès  de  moi,  revêtu  des  formes  d’un 
sanglier.  11,952. 

O 11  frappmt  de  son  groin,  il  rasait  la  terre  de  ses  pieds, 
il  purifiait  son  ventre,  et  se  vautrait  mainte  et  mainte  fois 
sur  la  terre.  11,953. 

» Après  lui  se  montra  un  nouvel  être,  sous  la  forme 
d’un  grand  chasseur  montagnard  : il  portait  un  arc,  des 
flèches,  une  épée;  et  des  troupes  de  femmes  le  sui- 
vaient. 11,954. 

» Je  saisis  mon  arc,  mes  deux  immortels  carquois,  et 
je  blessai  d’une  flèche  cet  animal,  qui  donnait  la  crainteau 
monde.  11,955. 

U Au  même  instant,  le  Kiràta,  ayant  bandé  fortement 
son  arc,  envoya  une  flèche  d’une  main  plus  vigoureuse, 
ébranlant,  pour  ainsi  dire,  toute  mon  âme;  11,956. 

» Et  il  me  dit  : « C’est  moi,  qui  ai  porté  le  premier 


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VANA-PARVA. 


115 


coup:  pourquoi  as-tu  frappé  cet  animal,  manquant  ainsi 
au  devoir  du  chasseur?  11,957. 

» Je  détruirai  ton  orgueil  avec  mes  flèches  acérées!  » 
C’est  ainsi  que  me  parla  cet  archer  au  grand  corps.  4 1,958. 

» Alors,  il  me  couvrit  à l’infini  de  grandes  flèches 
comme  une  montagne  et  je  fus  inondé  par  une  horrible 
averse  de  traits.  11,959. 

» Je  fus  frappé  par  ces  traits  charmés,  semblables  à 
des  engins  de  guerre,  à la  pointe  enflammée,  tel  qu’une 
montagne  par  les  coups  de  la  foudre.  11,960. 

» Sa  forme  se  divisa  en  cent,  en  mille  corps  ; je  les 
blessai  tous  avec  mes  flèches.  11,961. 

» Ces  corps  de  nouveau,  Bharatide,  se  montrèrent  sé- 
parés ; et  de  nouveau,  puissant  roi,  je  les  dispersai. 

» Sa  tête,  qui  était  un  atôme,  devint  grande  ; et,  de 
gi*ande,  sa  tête  redevint  un  atôme  : isolé  de  ses  formes, 
sire,  il  s’approcha  de  moi  dans  le  combat. 

11,962—11,963. 

» Voyant  que  je  ne  pouvais  triompher  de  lui,  avec  mes 
flèches,  dans  la  bataille,  j’eus  recours,  éminent  Bharatide, 
au  grand  astra  du  Vent.  11,964. 

» Je  ne  pus  même  le  tuer  avec  cette  arme  ; ce  qui  parut 
à mes  yeux  comme  une  merveille  : cet  astra  déjoué  fit 
naître  un  grand  étonnement  en  moi.  11,965. 

» Une  seconde  fois  encore,  puissant  roi,  j’inondai  supé- 
rieurement cet  être  d’une  multitude  nombreuse  de  flèches 
dans  le  combat.  11,966. 

» J’employai  et  je  fis  naître  un  orage  de  pierres,  l’ astra 
des  sauterelles,  une  pluie  tempétueuse  de  traits  et  une 
multitude  de  ces  flèches,  qui  ont  pour  oreille  une  image 
de  fer.  11,967. 


116 


LE  MAHA-BH  VRATA. 


» Il  saisit  avec  violence  tous  mes  astras  ; les  voyant 
tous  consumés,  sire,  j'eus  recours  à l'astra  de  Brahma 
pour  arme;  11,068. 

U Je  le  couvris  de  tous  côtés  par  des  flèches  enflam- 
mées : mais  sous  ce  nuage  même,  un  grand  astra  accrut 
sa  vigueur.  11,060. 

» Ensuite,  les  mondes  furent  consumés  par  la  lumière, 
émanée  de  moi  : en  un  instant,  les  plagas  du  ciel  et  l'air 
de  s'enflammer  par  tous  les  côtés.  11,970. 

n Mais,  sans  retard,  ce  héros  à la  grande  splendeur 
anéantit  mon  astra,  et,  voyant  paralysée  cette  arme  de 
Brahma,  j'en  fus  pénétré  d'effroi.  11,071. 

i>  Alors,  saisissant  mon  arc  et  mes  deux  impérissables 
carquois,  je  me  hâtai  de  frapper  cet  êtie,  par  qui  tous 
mes  astras  étaient  dévorés.  1 1,072. 

a Tous  mes  astras  anéantis  et  mes  grandes  armes  con- 
sumées, un  combat  à bras-le-corps  commença  entre  cet 
être  merveilleux  et  moi.  ll,97!t. 

» Quand  j'eus  fatigué  mes  poings  réunis  à leurs  paumes, 
sans  parvenir  â rendre  sans  mouvement  cet  être,  je  m’af- 
faissai sur  la  terre.  11,074. 

U 11  rit  alors,  puissant  roi,  et  disparut  sur  le  lieu  même 
avec  ses  femmes  sous  mes  yeux,  témoins  de  cet  événe- 
ment, qui  ressemblait  au  prodige.  11,975. 

U Quand  il  eut  fait  ainsi,  l'ineffable  entra  dans  une 
autre  forme  et  se  revêtit  d’une  robe  merveilleuse  et  di- 
vine. 11,976. 

U L’adorable  monarque  des  Dieux  abandonna  ses  formes 
de  chasseur  montagnard  et,  reprenant  la  forme  céleste, 
qui  lui  était  propre,  il  se  montra  en  souverain  maître. 

» On  vit  alors  en  personne,  accompagné  d'Oumâ,  l’ado- 


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VANA-PARVA. 


117 


rable,  qui  porte  l’enseigne  du  taureau,  qui  est  ceint  du 
serpent,  qui  a des  formes  multiples,  qui  est  armé  de  l'arc 
IHnàka.  11,977—11,978. 

» Le  Dieu,  qui  tient  é sa  main  un  trident,  s’approcha 
de  moi,  qui  faisais  front  au  combat,  et  me  tint  ce  langage  : 
« Je  suis  satisfait,  fléau  des  ennemis.  11,979. 

» L’adorable  prit  un  arc  et  deux  carquois  aux  flèches 
intarisstibles;  il  me  les  donna  ta  Tiens!  me  dit-il.  11,980. 

Il  Je  suis  content  de  toi.  Gis  de  Rountl  ; dis  ! que  ferai- 
je  pour  toi  ? Dis-moi  ce  qui  est  dans  ton  cœur,  je  le 
ferai!  11,981. 

Il  A part  l’immortalité,  parle  ! quel  est  le  désir  de  ton 
cœur 7 » .Hors,  joignant  les  mains  au  front,  moi,  qui 
n’avais  pas  un  autre  désir  que  pour  les  astras,  je  me  pros- 
ternai de  pensée  devant  Çarva  et  lui  dis  cette  parole  : 
« Bienheureux,  sois-moi  propice,  si  cette  grâce  est  la 
.seule,  que  je  désire.  11,982—11,983. 

» J’ai  envie  de  connaître  tous  les  astras  quelconques,  en 
usage  parmi  les  Dieux  ! n — « 11  me  faut  te  les  donner  ! u 
Ainsi  me  parla  Tryambaka  l’adorable.  11,984. 

» Mon  astra  de  Roudra  sera  docile  à ta  volonté,  fils  de 
Pândou.  4 Et,  satisfait,  il  me  donna  son  grand  astra  Paçou- 
pata.  11,985. 

> Puis,  quand  il  m’eut  donné  cet  astra  immortel,  le 
Grand-Dieu  me  dit  : « 11  ne  faut  jamais  employer  cette 
arme  contre  les  hommes!  11,986. 

a Décoché  avec  peu  de  lumière,  il  n’en  consumerait 
pas  moins  le  monde!  Qu’un  homme  le  mette  en  oeuvre, 
Dhanandjaya,  vigoureusement  pour  échapper  à une  cir- 
constance difficile.  11,987. 

a Qu’on  l’emploie  de  toute  manière  à paralyser  les  astras  ; 


118  LE  MiiHA-BHARATA. 

on  ne  peut  l'arrêter;  et  l'obstacle,  qu'il  jette  devant  les 
astras  est  céleste  ! » 11,088. 

» Le  Dieu  avait  un  corps,  il  était  placé  au  près  de  moi  : des- 
tructeur des  ennemis,  pourfendeur  des  années  étrangères, 
il  était  inabordable,  il  était  insoutenable  aux  Rakshasas, 
aux  Dànavas  et  aux  Dieux.  Quand  l'Immortel  favorable  à 
l’enseigne  du  taureau  m'eut  donné  congé,  j'entrai  dans  ce 
lieu  même,  et  lui,  il  disparut  sous  mes  regards. 

11,980—11,090—11,901. 

r>  J'habitai  là  cette  nuit  avec  plaisir,  fils  de  Bharata,  par 
la  faveur  du  Dieu  des  Dieux,  le  magnanime  Tryambalta. 

» Cette  nuit  passée  et  les  cérémonies  du  matin  accom- 
plies, je  vis  cet  excellent  brahme,  que  j'avais  jadis  vu  et 
qui  en  ce  moment  ne  me  voyait  pas.  11,992 — 11,993. 

» Je  lui  annonçai  tout  ce  qui  m’était  arrivé,  et  je  lui  dis, 
fibaratide  ; Je  me  suis  rencontré  avec  l'adorable  Mabà- 
déva,  U ll,99à. 

» Et  ce  brahme  sublime,  Indra  des  rois,  me  dit  avec 
galté  : « Tu  as  vu  Mahâdéva,  comme  ne  l'a  vu  aucun 
autre,  quel  qu'il  soit.  11,995. 

» Tu  t'es  réuni  avec  tous  les  gardiens  du  monde,  le  fils 
de  Vivaçvat  et  les  autres  : tu  as  vu  Mahâdéva,  homme  sans 
péché;  il  te  donnera  les  astras.  » 11,900. 

U Après  qu'il  m'eut  ainsi  parlé  et  qu'il  m’eut  embrassé 
mainte  et  mainte  fois,  ce  brahme,  semblable  au  soleil, 
s’en  alla  où  le  conduisit  la  fantaisie.  11,997. 

a Une  autrefois,  le  vent  de  ce  jour  souillait  pur  ; il 
renouvelait  ce  monde  et  détruisait  même  ses  ennemis. 

n Des  guirlandes  célestes,  bien  odorantes  et  nouvelles 
se  manifestaient  dans  le  voisinage,  an  pied  de  la  montagne, 

11,998—11,909. 


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VANA-PARVA. 


lie 


n üti  entendait  de  tous  côtés  des  instruments  divins 
aux  terribles  concerts  : les  ravissants  éloges  d'Indra 
étaient  mêlés  à ces  accords.  12,000. 

» Il  y avait  là  des  chœurs  et  d'Apsaras  et  de  Gandhar- 
vas  : tout  était  rempli  de  chants  en  présence  du  roi  des 
Dieux.  12,001. 

')  .Là,  suivaient,  portés  sur  les  chars  des  Dieux,  les 
troupes  des  vents,  et  ceux,  qui  rormaient  le  cortège  d’In- 
dra, et  ceux,  qui  habitaient  dans  son  palais.  12,002. 

» Là,  acconqjagné  de  Çatchi,  s'avançait  alors  dans  son 
char,  bien  paré,  attelé  de  coursiers  fauves,  Indra  avec 
tons  les  Immortels.  12,003. 

» Dans  ce  même  temps,  Kouvéra,  le  guide  des  hommes, 
se  montra  à moi,  sire,  doué  d’une  beauté  suprême. 

» Je  vis  Yama,  placé  dans  la  région  méridionale,  Va- 
rouna  et  le  roi  des  Dieux  chacun  à leur  place  assignée. 

12,004—12,005. 

» Ils  me  caressent  et  me  tiennent  ce  langage  : « Ambi- 
dextre, homme  éminent,  vois  ces  gardiens  du  monde  à 
leur  poste.  12,006. 

I)  Tu  as  vu  Çankaua  pour  le  succès  de  l'aflaire  des 
Dieux  ! Reçois  de  nous  les  astras  ! » me  dirent-ils  de  tous 
les  côtés.  12,007. 

» Prosterné  devant  ces  principaux  Dieux,  je  reçus  alors, 
seigneur,  dévotement  et  suivant  l’étiquette  ces  grands 
astras.  12,008. 

» Ces  armes  obtenues  avec  le  congé  des  Dieux,  ils  s’en 
retournèrent  tous,  vaillant  Bharatide,  comme  ils  étaient 
venus.  12,009. 

» L’adorable  Maghavat,  le  souverain  des  Immortels, 
étant  monté  sur  son  char  d’une  éclatante  lumière,  me 


120 


LE  MAHA-BHAKATA. 


dit:  « Phàlgouaa,  il  te  l'aut  aller  au  Swarga.  l'2,010. 

» Je  te  connais,  Dhanandjaya,  par  une  visite,  i|ue  tu  lis 
précédemment  à ces  lieux  : après  cela,  je  me  suis  montré 
à toi,  éminent  Bbaratide.  12,011. 

Il  Tu  as  déjà  fait  plus  d’une  fois  tes  ablutions  dans  les 
tirthas  ; tu  pratiques  cette  rigoureuse  pénitence  ; tu  es 
digne,  fils  de  Pàndou,  d’entrer  dans  le  Swarga.  12,012. 

I)  Tu  dois  en  outre  cultiver  une  pénitence,  ligne  supé- 
rieure de  conduite  : il  faut  donc  nécessairement  que  tu 
ailles  dans  le  Swarga,  meurtrier  des  ennemis.  12,013. 

I)  Mâtali,  suivant  mes  ordres,  te  conduira  au  Tridiva  : 
en  effet,  tu  es  connu  des  Dieux  et  des  principaux  anacho- 
rètes, » 12,014. 

« Adorable  Çakra,  dis-je  alors,  sois-moi  favorable! 
Souverain  des  Tridaças,  je  désire  que  tu  sois  mon  maître 
dans  l’étude  des  armes.  » 12,015. 

« C’est  une  œuvre  dilTicile,  reprit  Çakra.  Fléau  des 
ennemis,  mon  fds,  obtiens  ton  désir,  puisque  tu  veux 
posséder  les  astras.  » 12,016. 

« Destructeur  des  ennemis,  répondis-je  alors,  je  n’em- 
ploierai pas  ces  armes  divines  contre  les  hommes,  si  elles 
ne  sont  accompagnées  du  moyen  d’arrêter  les  astras. 

Il  Donne-moi,  souverain  des  Immortels,  ces  armes  di- 
vines : ensuite,  puissé-je  obtenir,  6 le  plus  grand  des 
Dieux,  les  mondes  conquis  par  les  astras.  » 

O Cette  parole  fut  dite  par  moi,  repartit  Çakra,  pour 
juger  de  ton  caractère  ; mais  celle,  que  tu  m’as  répondue, 
est  bien  digne  de  toi,  mon  fils.  12,017 — 12,018 — 12,019. 

» Va  dans  mon  palais  et  apprends  là,  aux  leçons  de 
Vâyou,  d’Agni  et  des  Vasous,  de  Varouna  et  de  la  troupe 
des  Maroutes,  tuas  les  astras,  celui  des  Sàdhyas,  celui  du 


eunitl2££j  b',;  Lù)0<^le 


VANA-PARVA. 


121 


père  supi-ème  des  créatures,  celui  des  Gaudhar\'as,  des 
Apsaras  et  des  Rukshasas,  ceux  de  Vishnou  et  même  ceux 
des  Nalrrltas.  12,020 — 12,021. 

U Sache,  continuateur  de  la  race  de  Kourou,  que  tous 
les  astras  viennent  de  moi.  » Quand  il  m’eut  ainsi  parlé, 
Çakra  disparut.  12,022. 

» Alors,  je  vis  près  de  moi  ce  char  divin,  pur,  attelé  de 
coursiers  fauves,  œuvre  de  la  magie,  plein  de  choses, 
qui  appartenaient  à Indra,  sire,  et  conduit  par  Màtali. 

n Les  gardiens  du  monde  s’étant  retirés,  celui-ci  me 
dit  : « Çakra,  le  roi  des  Dieux,  désire  te  voir,  prince  à 
l’éclatante  splendeur,  12,023 — 12,02â. 

» Sois  heureux,  guerrier  aux  longs  bras  ! accomplis  sur 
le  champ  cette  affaire  : visite  les  mondes  purifiés;  va  dans 
le  ciel,  sans  laisser  ton  corps.  12,023. 

« Le  roi  des  Immortels  aux  mille  yeux  désire  te  voir. 
Gis  de  Bharata.  » A ces  paroles  de  Màtali,  je  dis  adieu  au 
mont  Ç.aîçira.  12,026. 

)i  Je  montai  sur  le  char  sublime,  quand  j’eus  décrit 
autour  de  lui  un  pradakshina,  et  le  cocher  pressa  les  che- 
vaux, qui  avaient  la  rapidité  du  vent  ou  de  la  pensée. 

» Le  conducteur  Màtali,  qui  connaissait  la  vraie  nature 
des  chevaux  et  à qui  sa  charge  valait  de  riches  hono- 
raires, se  mit  à regarder  mon  visage,  tandis  que  j’étais 
dans  son  char.  12,027 — 12,028. 

» Comme  ce  véhicule  était  en  marche,  il  me  tint  ce  lan- 
gage avec  étonnement  : « Celte  chose  me  semble  plus  que 
merveilleuse  et  me  parait  ressembler  à un  prodige  : 

» Qu’en  montant  sur  ce  char  tu  n'aies  pas  bronché  d’un 
seul  pas;  ce  que  j'ai  vu  coiiiiuueilemeiU  faire  au  maître 
des  Dieux!  12,029 — 12,030. 


122 


LE  MAHA-BHARATA. 


X II  vacille,  éminent  Bharatide,  au  premier  pas  des 
coursiers;  mais  loi,  continuateur  de  la  race  de  Kourou, 
tu  te  tiens  ferme  ici  dans  ce  char  en  mouvement.  12,081. 

» Tout  cela  me  semble  de  toi  au-dessus  même  de 
(J.akra.  » Quand  il  eut  parlé  ainsi,  Màtali  entra  dans  l'air, 
séjour  des  Dieux.  12,032. 

B II  me  fit  voir,  sire,  des  chars  célestes,  et  le  sien, 
attelé  de  coursiers  fauves  .s’éleva  au  sein  des  aire. 

» 11  était  honoré  des  Dieux  et  des  Rishys.  Je  vis  ensuite 
les  mondes  des  Détarshis,  qui  marchent  à volonté; 

12,033—12,034. 

» Màtali,  le  cocher  de  Çakra,  me  fit  voir  rapidement  la 
puis.sance  des  Gandharvas  et  des  Apsaras  à la  force  sans 
mesure,  le  Nandana  et  les  autres  lieux , les  bois  et  les 
bocages  des  Dieux.  Ensuite,  je  vis  Amaràvatt,  le  palais  de 
Çakra.  12,036—12,036. 

» 11  est  orné  de  pierreries  et  d’arbres,  qui  portent  des 
fruits  à volonté;  là,  le  soleil  n’échaulTe  pas;  là,  il  ne  fait 
ni  froid,  ni  chaud;  là,  est  inconnue  la  fatigue.  12,037. 

» Là,  n'incommode  point  la  poussière;  là,  n’entre  pas  la 
vieillesse;  là,  on  ne  voit  ni  le  chagrin,  ni  l'abattement,  ni 
la  faiblesse.  12,038. 

I)  Les  habitants  du  ciel,  grand  roi,  ne  connaissent 
point  la  langueur;  là,  il  n'y  a ni  colère  ni  avarice  de  la  part 
des  Souras  et  des  autres,  vaillant  monarque  des  hommes. 

» Toujours  les  êtres  animés  sont  satisfaits  dans  le  pa- 
lais du  Dieu;  toujours  les  arbres,  sire,  ont  des  feuilles 
vertes,  mêlées  de  Heurs  et  de  fruits.  12,039 — 12,040. 

>1  11  y a diveises  piscines,  couvertes  de  saàugandhikas 
et  de  lotus  : le  vent  y souffle  pur,  frais,  vivifiant  et  chargé 
de  parfums.  12,041. 


VANA-PARVA. 


123 


» La  terre  est  parée  de  fleurs  et  diversifiée  par  toutes 
les  pierreries  : les  volatiles  et  les  quadrupèdes  y sont  en 
grand  nombre,  jolis,  aux  sons  mélodieux.  12,0â2. 

» On  y voit  de  nombreux  êtres,  qui  vont  dans  le  ciel, 
montés  sur  des  chars.  Ensuite,  je  vis  des  Vasous,  des 
Roudras,  des  Sàdhyas  et  la  troupe  des  Maroûtes  ; 

’)  LesAdityasetlesdeux  Açwins:  je  les  honorai  tous.  Ils 
répondirent  à mes  hommages  par  la  force,  la  vigueur,  la 
renommée,  la  splendeur,  les  astras  et  la  victoire  dans  le 
combat.  Je  vis  la  céleste  ville,  honorée  par  les  Dieux  et 
les  Gandharvas.  12,043 — 12,044 — 12,045. 

*)  Je  me  tins,  les  mains  réunies  au  front,  devant  l’Im- 
mortel aux  mille  regards,  le  roi  des  Dieux;  et  Çakra 
joyeux,  le  plus  grand  de  ceux,  qui  donnent,  m’accorda  de 
partager  son  .siège.  12,046. 

» Le  fils  de  Vasou  promena  ses  mains  sur  mon  corps 
pour  me  rendre  honneur  ; et  moi,  accompagné  des  Gan- 
dharvas et  des  Dieux  aux  nombreux  présents,  l’envie  de 
pos.séder  les  astras  me  fit  habiter  dans  le  Swarga  pour  les 
étudier.  Tchitraséna,  le  fils  de  Viçvasou,  y devint  mon 
ami.  12,047 — 12,048. 

» 11  mit  entre  mes  mains,  sire,  toute  la  science  Gan- 
dharvique.  J’habitai  là  paisiblement  dans  le  palais  de 
Çakra,  comblé  d’honneur,  en  possession  des  astras,  servi 
au  gré  de  tous  mes  désirs,  écoutant  les  chants  délicieux, 
les  concerts  ravissants  des  instruments,  12,049 — 12,050. 

» Et  contemplant,  Bharatide  éminent,  les  dan.ses  for- 
mées par  les  plus  gracieuses  des  Apsaras.  Sans  mépriser 
toutes  ces  choses,  parce  que  j’en  connaissais  la  vérité,  je 
me  tins  étroitement  attaché  aux  a.nras,  que  j’avais  reçus. 
Le  maître  aux  mille  yeux  fut  satisfait  de  mon  désir. 


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LE  MAHA-BHARATA. 


12A 

0 Tandis,  sire,  que  j’habitais  ainsi  dans  les  cieux,  le 
temps  s’écoulait.  Le  célenle  corps,  véhicule  de  Hari,  me 
toucha  la  tète  de  ses  mains  et  m’adressa  ce  langage,  à moi, 
plein  d’un  excès  de  confiance  et  qui  avais  reçu  la  science 
des  armes  : « Les  cliœuis  mêmes  des  Immortels  ne  pour- 
raient maintenant  triompher  de  toi  daiss  un  combat. 

12,051— 12,05-2— 12,053— 12,054. 

» A plus  forte  niison,  dans  le  monde  humain,  les 
hommes  à l’âme  insensée  1 Tu  es  sans  mesure,  inabor- 
dable et  sans  égal  dans  les  batailles.  12,055. 

» Le  Dieu  me  dit  encore,  le  poil  hérissé  de  plaisir  : 
n Héros!  il  n'y  aura  personne  d’égal  à toi  dans  le  combat 
des  astras.  » 12,056. 

U Tu  es  un  béras,  continuateur  de  Kourou,  .sachant  les 
astias,  identifié  â Brahma,  toujours  attentif,  poli,  disant 
la  vérité,  ayant  vaincu  les  organes  des  sens.  12,057. 

» Tu  as  obtenu  les  quinze  astras  : il  n’existe  pas  un 
égal  à toi,  fils  de  Prithà,  avec  les  cinq  règles.  12,058. 

» Tu  sais  entièrement,  Dhanandjaya,  la  manière  de  les 
emjiloyer,  de  les  comprimer,  de  les  guider,  de  les  guérir 
et  de  les  arrêter.  12,050. 

» 11  est  arrivé,  fléau  des  ennemis,  un  temps  d’une  ex- 
trême importance  : promets  de  l’accomplir;  après  cela, 
je  verrai.  » 12,060. 

» Alors,  je  i-épondis,  sire,  au  roi  des  Dieux  cette  pa- 
role : • Sache  que  je  ferai  tout  ce  qu’il  m’est  possible  de 
soutenir.  » 12,061. 

» Le  meurtrier  de  Bala  et  de  Vritra  me  dit  en  riapt  ; 
« Il  n’existe  maintenant  rien  dans  les  trois  niondes,  que 
ta  force  ne  puisse  supporter.  12,062. 

Il  Des  Dânavas,  iioiiimés  les  Nivàtatavatchas,  sont  mes 


VANA-PARVA. 


126 


ennemis;  entrés  dans  le  sein  des  mers,  ils  habitent  une 
retraite  inaccessible.  12,063. 

U On  dit  que  le  nombre  s'en  élève  à trente  millions,  tous 
semblables  en  splendeur,  en  énergie,  en  formes;  réduis- 
les  sous  le  joug,  fils  de  Kountt  ; ce  sera  pour  toi  une  affaire 
importante!  » 12,06i. 

» Ensuite,  il  me  donna  un  char  céleste,  d’une  éclatante 
lumière,  conduit  par  Mâtali  ; attelé  de  coursiers  fauves  et 
dont  le  poil  ressemblait  à la  plume  des  paons.  12,066. 

» 11  attacha  .sur  mon  front  cette  tiare  éminente  et  me 
donna  des  parures  supérieures  et  d’une  forme  semblable 
à celle  de  sas  parures.  12,066. 

» Il  me  fit  présent  d’une  cuirasse  imbrisable,  supérieure, 
douce  au  toucher,  et  me  munit  pour  Gàudiva  de  cette 
corde  indestructible.  12,067. 

» Je  m’avançai  donc  sur  ce  char  éclatant,  monté  sur 
lequel  jadis  le  souverain  des  Dieux  avait  vaincu  Bali,  fils 
de  Virotchana.  12,068. 

» Tous  les  Dieux  mêmes,  avertis  par  ce  bruit,  s’imagi- 
nant que  c’était  le  roi  des  Dieux,  s’approchèrent  de  moi, 
suzerain  des  hommes.  12,069. 

U Ils  me  virent  : « Que  feras-tu,  Pbàlgouna?  » me  de- 
mandèrent-ils. « Je  ferai  dans  le  combat,  répondis-je,  ce 
qu’exigeront  les  événements.  12,070. 

» Sachez,  vertueux  Immortels,  que  je  pars,  désirant  la 
mort  des  Nivâtakavatchas,  et  prononcez  sur  moi.  Dieux 
sans  péché,  vos  bénédictions  de  victoire!  » 12,071. 

» Ils  me  louèrent  d’un  cœur  favorable  comme  le  Dieu 
Pourandara  : o C’est  monté  sur  ce  char  tfae  Maghavat  ja- 
dis a vaincu  te  Démon  Çamvara;  qu’il  a donné  la  joie  au 
.Naraka,  en  y plongeant  Namoutchi,  Bala  et  Vritra  : c’est 


12» 


LE  MAHA-BHARATA. 


monté  sur  ce  char  que  Maghavat  jadis  immola  de  nom- 
breux milliers,  myriades  et  millions  de  Oànavas.  Avec 
lui,  fils  de  Kountl,  tu  vaincras  en  bataille  les  Nivâtaka- 
vatchas;  12,072 — 12,073 — 12,074. 

» Tel  que,  s’avançant  sur  ce  char  dans  la  bataille,  il 
fut  lui-même  victorieux.  Voici  la  plus  éminente  des 
conques  : avec  elle  tu  seras  le  vainqueur  des  Dânavas. 

U C’est  porté  sur  ce  char  que  le  magnanime  Çakra  a 
vaincu  les  mondes.  » Loué  par  les  Immortels,  je  reçus 
alors,  donnée  par  les  Dieux  pour  la  victoire,  cette  ronqiie 
Dévadatta,  née  au  sein  des  eaux  ; et,  revêtu  de  la  cui- 
rasse, portant  la  conque,  les  flèches  et  mon  arc,  je  m'a- 
vançai, brûlant  de  combattre,  vers  la  terrible  habitation 
des  Dânavas.  12,075 — 12,076 — 12,077 — 12,078.  ' 

O Loué  çà  et  là  par  les  Maharshis,  je  vis  l'épouvantable 
réceptacle  des  eaux  et  le  souverain  immortel  de  ces  ondes. 

» On  voymt  là  comme  des  montagnes  bondissantes  les 
vagues  gonflées,  resserrées,  étendues,  couvertes  d’écumes. 

12,079—12,080. 

n De  tous  côtés,  on  remplissait  par  milliers  les  vais- 
seaux de  pierreries  : on  voyait  plongés  dans  les  eaux, 
comme  des  montagnes,  les  timingilas  (1),  les  tortues,  les 
makaras  et  les  timitimingilas  (2).  De  toutes  paiAs  étaient 
plongés  dans  les  eaux  des  milliers  de  conques. 

12,081—12,082. 

» On  voit  là  nager  dans  l’eau  des  multitudes  de  pierre- 
ries, comme  on  voit  dans  la  nuit  appar.sttre  les  étoiles 
couvertes  de  légers  nuages.  12,083. 

i>  Ln  vent  y roule  épouvantable  ; ce  qui  parut  comme 

il‘i)  Gro»  poia«on  fabuloux. 


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VANA-PARVA. 


127 


une  merveille  à mes  yeux.  Je  vis  d'abord  cette  grande 
rapidité  du  sublime  réceptacle  de  toutes  les  eaux  ; 12,084. 

» Je  vis  la  cité  des  Daîtyas  ; elle  était  remplie  de  Dà- 
navas.  Mâtali  descendit  là  promptement  sur  la  surface  de 
la  terre.  12,085. 

» Il  approcha  son  char,  et  se  mit  à courir,  lui,  qui  possé- 
dait les  axiômes  sur  les  chars  ; il  parcourut  tes  approches 
de  cette  ville,  y jetant  la  terreur  par  le  bruit  du  char. 

» A ce  bruit,  comme  celui  du  tonnerre  au  sein  du 
ciel,  le  trouble  saisit  tous  les-Dànavas,  s’imaginant  que 
j’étais  le  roi  des  Dieux.  12,086 — 12,087. 

» Tous  se  tinrent,  Tâme  agitée,  portant  des  arcs  et  des 
flèches,  ayant  à la  main  des  pilons,  des  massues,  des  tri- 
dents, des  haches  et  des  épées.  12,088. 

. I)  Ensuite,  l’esprit  dans  la  terreur,  bouchant  leurs  portes 
et  disposant  une  garde  au  milieu  de  la  ville,  on  ne  vit 
plus  apparaître  aucun  d’eux.  12,089. 

n Alors,  ayant  pris  ma  conque  Dévadatta  au  grand  son, 
transporté  d’une  joie  suprême,  je  la  remplis  de  mon 
souffle  avec  lenteur.  12,090. 

» Ce  bruit,  allant  frapper  le  ciel,  en  réveilla  tous  les 
échos  : les  grandes  créatures  de  trembler  et  de  se  cou- 
cher d’effroi.  12,091. 

» Tous  les  Nivâtakavatchas,  bien  parés,  revêtus  de  leurs 
cuirasses  diverses,  portant  à la  main  des  armes  variées, 
avec  de  grands  tridents  de  fer,  des  pilons  et  des  massues, 
avec  des  pattiças,  des  cimeterres  et  des  roues  mêmes  de 
char,  Bharatide,  avec  des  çataghnis , des  bhousoundhis, 
des  sabres  différents  et  ornés,  ces  fils  de  Diti  se  mon- 
trèrent par  milliers.  12,092 — 12,093 — 12,094. 

» Alors  qu’il  eut  pensé  mainte  fois  aux  routes,  que 


i 


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«8  LE  MAHA-BHARATA. 

devait  suivre  son  char,  H&tali  de  pousser  les  chevaux, 
éminent  Bharatide,  dans  un  lieu  uni.  12,005. 

» De  ces  coursiers  à la  marche  prompte,  qu'il  précipi- 
tait avec  rapidité,  je  ne  vis  rien  alors,  et  ce  fut  pour  moi 
comme  une  merveille.  12,096. 

» Les  D.lnavas  firent  parler  hautement  par  milliers  tous 
leurs  instruments  de  musique  aux  hideuses  apparences  et 
aux  sons  discordants.  12,097. 

» L’àme  enlevée  par  ce  bruit,  tout  à coup  de  nager, 
semblables  à des  montagnes,  les  grands  cétacées  dans  la 
mer,  par  centaines  et  par  mille.  12,098. 

» Les  Dânavas  courent  avec  une  grande  rapidité,  en- 
voyant sur  moi  des  flèches  acérées  pai'  centaines  et  par 
milliers.  12,099. 

» Un  combat  tumultueux  et  bien  effrayant,  extermina- 
teur des  Nivàtakavatchas,  s’éleva,  Bharatide,  entre  eux 
et  moi.  12,100. 

» Alors  les  troupes  des  Dânavarshis,  les  Brahmarshis, 
les  Siddhas  et  le  Uévarshis  se  rassemblèrent  dans  cette 
grande  bataille.  12,101. 

» Ces  solitaires,  qui  désiraient  ma  victoire,  me  van- 
tèrent, comme  Indra  dans  le  Tàrakàmaya,  avec  des  pa- 
roles douces  et  assorties.  12,102. 

» Tous  les  Nivàtakavatchas,  saisissant  leurs  armes, 
coururent  sui'  moi  de  concert  avec  une  grande  rapidité. 

» Ayant  fermé  la  route  de  mon  char  et  m’ayant  cerné 
de  tous  les  côtés,  ces  héros  m’inondèrent  avec  des  pluies 
de  flèches,  en  poiis.sant  des  cris.  12,103 — 12,104. 

1)  D'autres  à la  grande  vigueur,  qui  tenaient  à la  main 
des  tridents  et  des  pattiças,  me  lancèrent  des  flèches  de 
fer  et  des  bhousoundhis.  12,105. 


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VANA-PARVA. 


12» 


» Lancée  par  eux,  cette  horrible  pluie  de  tridents,  où 
se  mêlaient  des  pieux  en  fer  et  des  massues,  tombait  res- 
plendissante sans  repos  sur  mon  char.  12,106. 

X U' autres  guerriers  Nivàtakavatchas,  terribles,  portant 
les  formes  de  la  mort,  coururent  sur  moi  dans  le  combat, 
avec  des  armes  et  des  traits  victorieux.  1 2,107, 

» Je  blessai  chacun  d’eux  dans  la  bataille,  avec  dix 
flèches  dilTérentes,  que  mon  arc  GAndiva  décocha  légères, 
allant  droit  à leur  but.  12,108. 

n Ils  tournèrent  le  dos  en  face  de  mes  traits,  lancés 
comme  des  rochers,  et  Màtali  de  pousser  rapidement  les 
chevaux.  12,109. 

i>  Ceux-ci,  qui  possédaient  la  vitesse  du  vent,  de  courir 
en  différents  chemins,  et,  bien  conduits  par  Màtali,  de 
broker  sous  leurs  pieds  les  fils  de  Diti.  12,110, 

» C«s  chevaux  étaient  attelés  cent  par  cent  à ce  grand 
char,  mais  si  bien  ils  étaient  conduits  par  Màtali,  qu’ils 
semblaient  marcher  en  petit  nombre.  12,111. 

» Par  la  pose  de  leur  pied  sur  le  sol,  par  le  bruit  des 
roues  du  char,  par  la  fougue  impétueuse  de  mes  flèches, 
les  Asouras  furent  tués  par  milliers.  12,112. 

» D’autres  même  expirés,  l’arc  en  main,  et  de  qui  les 
cochers  avaient  péri,  étaient  entraînés  par  leurs  chevaux. 

X Tous  les  combattants  tenaient  empêchées  les  plages 
du  ciel  et  les  plages  intermédiaires  : je  les  perçai  avec 
des  flèches  différentes  et  mon  àme  en  fut  émue. 

0 Je  vis  ensuite  la  vigueur  souverainement  merveilleuse 
de  Màtali,  qui  soutint  avec  effort  la  fougue  de  ses  chevaux. 

X Je  frappai  dans  ce  combat,  sire,  de  flèches  Itères  et 
variées,  par  centaines  et  par  miUe,  ces  Asouras,  que  pro- 
tégeaient leurs  armes.  12, llS-12,llà-12, 116-12, 116. 


130 


LE  MAHV-BHARATA. 


» Le  héros,  exterminateur  (ies  ennemis,  Mâtali,  le  co- 
cher d’Indra,  fut  content  de  me  voir  agir  en  celte  affaire 
de  tous  mes  efforts.  12,117. 

» Les  uns  s'en  allaient  à leur  perte,  frappés  de  mort 
par  ces  chevaux  et  par  ce  char  ; les  autres  se  retiraient 
de  la  bataille.  12,118. 

» Nous  rendant,  pour  ainsi  dire,  la  pareille,  les  Nivà- 
takavatchas , en  but  à mes  dards,  tentèrent  de  m'éloi- 
gner avec  de  grandes  pluies  de  flèches,  12,119. 

» Je  les  dispersai  promptement  par  centaines  et  par 
mille  avec  des  traits  légers,  variés,  charmés  par  l’astra 
de  Brahma.  12,120. 

» Accablés  par  moi  et  pénétrés  de  colère,  ces  grands 
Asouras  m’accablèrent  de  compagnie  avec  des  pluies  de 
lances  en  fer,  de  tridents  et  d’épées.  12,121. 

n Alors  j’employai,  Bharatidc,  un  astra  supérieur,  d’une 
brûlante  splendeur,  chéri  du  roi  des  Dieux  et  nommé 
M&ghava.  12,122. 

» Je  rompis  en  cent  morceaux  avec  un  trident  et  un 
cimeterre,  doués  de  la  vigueur  d’un  astra,  les  leviers  de 
fer  envoyés  par  eux  à milliers.  12,123. 

» Et,  quand  j’eus  brisé  les  armes  de  ces  guerriers,  je 
les  dispersai  eux-mèmes  de  tous  les  côtés  par  dix  et  dix 
flèches  lancées  dans  ma  colère.  12,121. 

» Dans  ce  combat,  de  grandes  flèches  s’envolèrent  de 
l’arc  Gàndlva  comme  des  rangées  d’abeilles,  et  Mâtali  de 
lui  rendre  ses  hommages.  12,125. 

I)  Leurs  traits  y répondirent  et  Mâtali  honora  l’arc 
Gàndlva.  Ils  m’inondèrent  fortement  de  leurs  dards,  et 
je  les  dispersm  avec  mes  flèches  (1).  12,120. 

'I)  CdtU  staQC«  parait  bien  n’étre  ici  qo'une  variante  du  précédent  çloka. 


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VANA-PARVA. 


181 


>)  Mais  les  Niv&takavatchas  blessés  me  firent  obstacle 
de  tous  les  cétés  avec  de  grandes  pluies  de  flèches. 

» Moi,  les  ayant  frappés  avec  la  rapidité  de  mes  traits, 
je  les  blessai  tous  par  milliers  avec  des  astras  légers,  su- 
périeurs, flamboyants,  destructeurs  eux-mêmes  des  astras. 

12,127—12,128. 

U Leurs  membres  déchirés  de  verser  le  sang,  comme 
les  cimes  des  montagnes  arrosées  par  la  pluie,  quand  est 
venue  la  saison  humide.  12,120. 

0 Les  Dànavas  tremblèrent,  percés  de  mes  flèches  lé- 
gères, allant  droit  au  but,  touchant  comme  la  foudre 
d’Indra.  12,130. 

B Leurs  corps  étaient  blessés  en  cent  places  grâce  â la 
force  des  traits  aigus  : enfin  les  Nivâtakavatchas  me  com- 
battirent, armés  de  la  magie.  12,131. 

i>  De  tous  cOtés  s’éleva  une  bien  grande  pluie  de  pierres, 
grosses  comme  des  montagnes,  qui  m’accabla  fortement 
avec  des  quartiers  de  rochers.  12,132. 

» Je  les  réduisis  en  poudre  dans  un  grand  combat  avec 
une  multitude  de  flèches  impétueuses,  semblables  au  ton- 
nerre et  lancées  avec  l’astra  de  Mahéndra.  12,133. 

Il  De  cette  pluie  de  pierres  mises  en  poudre,  il  naquit 
un  feu,  et  de  cette  poussière  il  se  dissémina  comme  une 
masse  d’étincelles.  12,13â. 

1)  Cet  orage  de  pierres  neutralisé,  il  se  manifesta  une 
plus  grande  averse  d’eau,  qui  tomba  près  de  moi  en 
gouttes  aussi  grosses  que  les  roues  d’un  char.  12,136. 

» Ces  gouttes,  tombées  du  firmament  avec  une  extrême 
vigueur,  couvrirent  de  toutes  parts  le  ciel,  ses  plages 
principales  et  les  plages  intermédiaires.  12,1341. 

« La  chute  de  ces  gouttes,  les  sifilements  du  vent  et  les 


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LE  MAH  V-BHARATA. 


ISS 

cris  des  Daltyas  empêchaient  de  rien  distinguer.  12.1S7. 

K Ces  gouttes  d’eau,  dans  le  ciel  et  sur  la  terre,  étaient 
liées  entre  elles  de  tous  les  côtés  : elles  tombaient  conti- 
nuellement sur  le  sol  et  j’en  fus  troublé.  12,138. 

» Alors,  j’envoyai  un  astra  enflammé,  tarissant,  épou- 
vantable, céleste,  enseigné  par  Indra,  et  cette  eau  en  fut 
tarie.  12,139. 

» Cette  pluie  de  pierres  neutralisée  et  cette  pluie  d’eau 
séchée,  les  Dânavas  lancèrent  contre  moi  une  magie  nou- 
telle,  Bharatide,  le  feu  et  le  vent.  12,1  Aü. 

H J'étouiïai  entièrement  le  feu  par  l’astra  de  l’eau,  et 
j'opposai  à la  fougue  du  vent  le  grand  astra  des  mon- 
tagnes, 12,1A1. 

U Ce  moyen  repoussé,  les  Dânavas,  enivrés  de  la  fureur 
des  combats,  employèrent  fi  la  fois,  Bharatide,  différentes 
sortes  de  magie.  12,1A2. 

» 11  naquit  une  bien  grande  pluie,  reffroi'du  monde,  et 
Je  fus  accablé  dans  le  combat  d’une  averse  magique  d’as- 
iras  au.x  formes  épouvantables,  de  feu,  de  vent  et  de 
pierres.  Ensuite,  il  se  manifesta  de  tous  les  côtés  une 
horrible,  une  épaisse  obscm'ité.  12,1  A3 — 12,1  AA. 

» Le  monde  se  trouvant  enveloppé  dans  ces  effrayantes 
et  hideuses  ténèbres,  les  chevaux  de  tourner  le  dos  et 
l'esprit  de  Mâtali  même  de  flotter  incertain.  12,1A5. 

> L’aiguillon  d’or  tomba  de  sa  main  sur  la  terre,  et  il 
me  dit  plus  d’une  fois,  la  connaissance  perdue  : « Où  es- 
tu,  éminent  Bharatide  7 ■>  12,1A6. 

n Je  fus  .saisi  d’une  crainte  aiguë,  quand  je  vis  sa  raison 
enfuie  : hors  de  lui-mème,  il  me  tint  ce  lang.ige,  à moi, 
sous  l’empire  de  la  crainte  : 12,1  A7. 

« 11  y eut  jadis  un  bien  grand  combat  entre  les  Souras 


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VANA-PARVA. 


13S 


et  les  Asouras,  qui  se  disputaient  l’ambroisie  : je  les  vis 
de  mes  yeux,  Prithide  sans  péché.  12,1A8. 

» Il  y eut  pour  la  mort  de  Çambara  une  bataille  épou- 
vantable, acharnée  : c’est  moi,  qui  exerçais  alors  près  du 
roi  des  Dieux  l’office  de  conduire  son  char.  12,1^9. 

» (7 est  moi , qui  conduisais  les  chevaux  ce  jour  où 
Vritra  fut  immolé.  I.e  fils  de  Virotchana  lui-méme  donna 
lieu  à une  grande,  à une  bien  épouvantable  bataille. 

)>  Je  fus  présent,  fils  de  Pândou,  à ces  combats  gran- 
dement effroyables,  et  jamais,  avant  ce  jour,  ils  ne  m’ont 
fait  perdre  l’esprit.  12,150 — 12,151. 

» Le  père  suprême  des  créatures  a fixé  peut-être  ce 
moment  pour  la  destruction  du  monde  ; car  ce  combat  ne 
tend  pas  à autre  chose  qu’à  la  ruine  de  l’univers  ! » 12,152. 

» A peine  eus-je  entendu  son  langage,  que,  m’appuyant 
sur  moi-même  et  dans  l’instant  de  troubler  la  grande  puis- 
sance de  magie,  que  possédaient  ces  Oànavas,  je  dis  à 
Mâtali  effrayé  : « Vois  maintenant  la  force  de  mes  deux 
bras,  la  puissance  de  mes  astras,  de  mon  arc  Gândtva,  et 
cette  magie  bien  épouvantable  pour  les  magiques  astras  de 
ces  Démons.  Je  vais  détruire  cette  horrible  obscurité.  Ne 
crains  pas,  cocher!  Sois  ferme!»)  12, 153-12, 15A-12, 155. 

•»  A ces  mots,  j’envoyai,  souverain  des  hommes,  une 
magie  d’astra  stupéfiante,  pour  le  bien  de  toutes  les  créa- 
tures et  le  salut  des  habitants  du  ciel.  12,150. 

» A chacune  de  leurs  magies  détruite,  ces  grands  Asou- 
ras à la  force  sans  mesure  faisaient  de  nouveau  succéder 
une  autre  espèce  de  magie.  12,167. 

» La  clarté  revint;  elle  est  dévorée  de  nouveau  par 
l’obscurité  : le  monde  est  invisible  ; il  est  plongé  de  nou^ 
veau  au  sein  des  eaux.  12,158. 


18â 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Quand  la  lumière  nous  fut  rendue,  Màtali,  sur  le 
meilleur  des  chars,  traîné  par  des  chevaux  bien  gouvernés, 
parcourut  ce  champ  de  bataille,  l'effroi  du  monde. 

» Les  terribles  Nivâtakavalcbas  fondirent  à la  ronde 
sur  moi  ; et,  saisissant  un  moment,  où  ils  te  (técouvraient, 
je  les  précipitai  dans  le  séjour  d'Yama.  12,1&9 — 12,160. 

D Tandis  que  le  combat  de  ces  Démons  se  déroulait 
ainsi,  tout  à coup  je  cessai  de  voir  les  Dinavas,  que  la 
magie  dérobait  tous  à la  vue.  12,161. 

» Les  Daltyas,  cachés  à mes  regards,  combattaient  avec 
la  magie  : je  soutins  une  lutte  contre  eux  avec  une  vigueur 
invisible  d'astras.  12,162. 

» Lancées  par  Gândlva  et  convenablement  charmées 
d’un  astra,  les  flèches  de  couper  leurs  grands  corps  par- 
tout où  ils  étaient.  12,163. 

» Les  Nivàlakavatcbas,  blessés  par  moi  dans  le  combat, 
éteignent  soudain  leur  magie  et  sc  réfugient  dans  leur 
ville.  12,16â. 

I)  Après  que  les  Daityfis  eurent  vidé  le  champ  de  ba- 
taille et  que  la  lumière  nous  fut  revenue,  je  vis  là 
étendus  morts  les  Dànavas  par  centaines  et  par  mil- 
liers. 12,160. 

» Leurs  armes  et  leurs  parures  étaient  là  broyées  : on 
voyait  par  centaines  leurs  corps  et  leurs  cuirasses.  12,166. 

» Il  n'était  pas  facile  aux  chevaux  de  mettre  un  pied 
l’un  devant  l’autre  ; ils  prirent  soudain  leur  vol,  et  s’ar- 
rêtèrent dans  le  firmament,  où  ils  marchaient.  12,167. 

» Ensuite,  ayant  caché  le  ciel  entièrement,  les  Nivàta* 
kavatcbas  triouiphè''ent,  lançant  des  montagnes  aux  ser- 
pents invisibles.  1 2, 1 68. 

» D’autres  épouvantables  Dànavas,  pénétrant  sous  la 


üiaifeod  Siy  i 


VANA-PARVA. 


185 


terre,  prenaient,  Bhartitide,  les  pieds  des  chevaux  et  les 
roues  du  char.  1 ‘2,1(39. 

» Quand  ils  eurent  saisi  dans  leur  combat  mes  coursiers 
fauves  et  mon  char,  ils  me  blessèrent  de  tous  les  côtés 
avec  des  montagnes.  12,170. 

» Ces  monts  en  s'accumuhint  et  d'autres  tombés  sur 
eux  rendirent  le  lieu  où  nous  étions  semblable  à une  ca- 
verne. 12,171. 

» Caché  par  des  montagnes  et  mes  chevaux  arrêtés,  je 
tombai  dans  une  douleur  profonde,  et  Mâtali  s’en  aperçut. 

» Dès  qu'il  vit  ma  crainte,  il  me  dit  ces  paroles  : « Ar- 
jouna,  Arjouna,  n’aies  pas  de  crainte  I Envoie  l’astra  de 
la  foudre  I » 12,172 — 12,173. 

■>  A peine  eus-je  entendu  ses  paroles,  je  lançai  la  foudre, 
astra  épouvantable,  souverain  des  hommes,  et  chéri  du 
roi  des  Dieux.  12,17â. 

» Arrivé  au  lieu  de  la  montagne,  ayant  charmé  Carr 
Gândlva,  je  décochai  ces  flèches  aiguës,  faites  de  fer  et 
dont  le  toucher  égalait  celui  de  la  foudre.  12,175. 

» Toutes  les  m-agies  furent  épuisées  : ces  traits  lancés 
comme  la  foudre  et  devenues  des  foudres  pénétrèrent 
dans  les  Nivâtakavatchas.  12,17(5. 

1 Frappés  par  la  fougue  de  ces  tonneires,  les  Dânavas, 
pareils  à des  montagnes , s’embrassent  l’un  l’autre  et 
tombent  sur  la  face  de  la  terre.  12,177. 

» Ces  flèches  pénètrent  au  sein  des  Dânavas,  qui,  ca- 
chés dans  la  terre,  arrêtaient  mes  chevaux  et  mon  char  ; 
elles  précipitent  ces  Démons  d.ms  les  demeures  d’Yama. 

a Ces  Nivàtakavatchas,  semblables  à des  montagnes, 
immolés  et  chassés  de  leurs  corps,  ce  lieu  en  était  cou- 
vert, comme  de  montagnes  écroulées.  12,178 — 12,179. 


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«36 


LE  MAH4-BHARATA. 


» On  ne  vit  alors  aucun  afTaiblissement  des  chevaux, 
ou  du  char,  ou  de  Mâtali,  ou  de  moi  : et  ce  fut  comme  un 
prodige.  12,180. 

U Mâtali  me  dit  en  riant,  sire  : a On  ne  voit  pas  dans 
les  Immortels  cette  vigueur,  que  tu  viens  de  montrer, 
Aijounal  12,181 

» Les  troupes  de  ces  Asouras  immolés,  leurs  épouses 
remplissent  de  cris  toute  cette  ville,  comme  des  grues 
dans  la  saison  des  pluies.  » 12,182. 

» Je  m'en  allai  donc  vers  la  cité,  accompagné  de 
Mâtali,  effrayant  avec  le  bruit  de  mon  char  les  épouses 
des  Nivâtakavatchas.  12,183. 

» Dès  qu’ elles  virent  ces  chevaux  au  nombre  de  dix 
mille,  pareils  â des  paons,  et  ce  char  semblable  au  soleil, 
elles  alors  de  courir  par  troupes.  12, ISA. 

» Le  bruit,  envoyé  par  ces  femmes,  qu’effrayaient  les 
ornements  du  char,  imitait  celui  des  pierres,  qui  tombent 
sur  les  montagnes.  12,185. 

» Tremblantes,  les  épouses  des  Dànavas  entrèrent  dans 
leurs  appartements,  construits  en  or  et  resplendissants 
d’une  multitude  de  pierreries.  12,186. 

» Quand  j'eus  vu  cette  ville  supérieure,  distinguée,  qui 
avait  les  formes  d'une  merveille,  j’interrogeai  Mâtali  sur 
la  cité  des  Dieux  : ,12>lb7. 

« Pourquoi  les  Dieux  n’habitent-ils  pas  cette  ville,  qui 
offre  de  telles  apparences  ? Certes  ! elle  me  semble  plus 
distinguée  que  la  ville  même  de  Pourandara?  » 12,188. 

« Cette  ville  fut  jadis  à nous,  fils  de  Prithâ,  et  au  roi 
des  Dieux,  répondit  Mâtali  ; ensuite  les  Nivâtakavatchas 
en  firent  tomber  les  Dieux.  12,189. 

» Ceux-ci  pratiquèrent  une  grande,  une  violente  pé- 


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VANA-PARVA. 


187 


nitence  ; ils  se  rendirent  favorable  l’ aïeul  suprême  des 
créatures  ; ils  choisirent  la  cité  actuelle  pour  habitation 
et  de  n'avoir  rien  à redouter  dans  la  guerre.  12,190. 

* Çakra  ensuite  poussa  l’adorable  Être-existnnt-par- 
lui-méme  à tenir  ce  langage  : « Que  Bhagavat  dispose 
la  fin  par  l’amour  de  son  propre  bien.  » 12,101. 

» Après  ces  paroles,  l'adorable  dit  encore,  Bharatide  : 
a Ils  périront  ; tu  seras  même  leur  perte  dans  un  autre 
corps,  meurtrier  des  ennemis  ! » 12,102. 

» Çakra,  pour  la  mort  de  ces  Démons,  t’a  donné  ses 
asiras;  car  il  était  impossible  aux  Immortels  de  tuer  ceux, 
que  tu  as  immolés,  mûrs  qu’ils  étaient  pour  la  mort.  Tu 
es  devenu  ici,  Bharatide,  le  destructeur  de  ces  Démons  : 
c’est  là  ce  qui  a été  fait  p.-ir  toi.  12,103 — 12,10A. 

» Tu  as  reçu  de  Mahéndra  une  force  surnaturelle  d’as- 
tras  pour  la  mort  des  Dànavas  : elle  fut  sublime,  Indra 
des  hommes.  » 12,195. 

U Quand  j’eus  rétabli  la  tranquillité  dans  la  ville  et  tué 
les  Dànavas,  je  retournai  à la  ville  des  Dieux,  accompagné 
de  Màtalt.  12,106. 

» Dans  mon  retour,  je  vis  une  autre  merveille,  la  cé- 
leste ville  de  Kàmatchara,  qui  a une  splendeur  égale  à 
celle  du  feu  ou  du  soleil.  12,107. 

» Elle  était  plantée  d’arbres  de  pierreries,  habitée  par 
des  oiseaux  divers  aux  voix  mélodieuses,  des  Poulomides 
et  des  enfants  de  Kàlaka,  sans  cesse  ivres  de  joie.  12,108. 

» Elle  avait  des  portes,  que  des  tours  défeudaient  ; des 
chambres  hautes  ornaient  ses  terrasses;  elle  était  percée 
de  quatre  portes  ; elle  étîdt  imprenable,  céleste,  faite  de 
toutes  les  pierreri''s,  et  son  aspect  oilrait  l’apparence 
d’une  merveille.  12,190. 


13S 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Elle  était  environnée  d'arbres,  faits  de  toutes  les 
sortes  de  pierreries  et  chargés  de  fleurs  et  de  fruits;  elle 
était  peuplée  d'oiseaux  célestes  et  du  plus  grand  charme. 

Elle  était  entourée  de  tous  côtés  par  des  Asouras,  tou- 
jours levés,  ornés  de  guirlandes,  armés  d'épieux  en  fer, 
de  sabres  et  de  tridents,  ponant  à la  main  des  maillets 
d’armes  et  des  arcs.  12,200 — 12,201. 

» Aussitôt  que  je  VIS  cette  cité  des  Daltyas  à l'aspect 
merveilleux,  je  demandai,  sire,  à Mâtali  : « Quelle  est 
cette  merveille,  qui  s'offre  à nos  yeux?  » 12,202. 

« L'ne  üaltayl  nommée  Poulomâ,  me  répondit  Alâtali,  et 
une  grande  Asourf,  appelée  Kâlakà,  pratiquèrent  une  ri- 
goureuse |)énitence,  qui  dura  mille  années  divines. 

» .V  la  lin  de  leurs  macérations,  l’Être-existant-par-lui- 
mème  leur  accorda  une  grâce-  : elles  reçurent  le  privilège 
de  mettre  au  monde  leurs  enfants  .sans  de  grandes  dou- 
leurs, 12,203—12,204. 

» L’invulnérabilité  contre  les  conps  des  Pannagas,  des 
Rakshasas  ou  des  Dieux,  Indra  des  rois,  et  une  ville  bien 
ravissante,  naviguant  au  sein  des  airs  et  de  la  plus  grande 
splendeur,  12,205. 

U Riche  de  toutes  les  espèces  de  pierreries,  inaifrontuble 
aux  Rakshasas,  aux  Asouras,  aux  Pannagas,  aux  Gandbar- 
vas,  aux  A akshas,  aux  grands  rishis  et  aux  Dieux  mêmes, 

» Pourvue  de  tous  les  dons,  qui  peuvent  exciter  le  dé- 
sir, sans  maladie,  et  libre  du  chagrin.  Telle  Brahma  fit 
cette  ville,  ô le  plus  vertueux  des  Bharatides,  à cause  des 
enfants  de  Kàlaka.  12,200 — 12,207. 

» G;tte  cité  aérienne,  céleste,  marche  sans  Immortel, 
habitée  .seulement  par  des  Poulomides,  héros,  et  par  des 
D.inavas,  enfants  de  Kâlakà.  12,208. 


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VANA-PARVA. 


18P 


» On  appelle  la  ville  fl’ or  cette  grande  cité,  ainsi  faite, 
défendue  par  des  géants  Asouras,  Râlakéyains  et  Pouîo- 
mides.  12,209. 

» Mis  à l’abri  de  la  mort  par  tous  les  Dieux,  ceux-ci 
habitent  là  dans  la  joie,  Indra  des  rois,  sans  crainte,  sans 
désir.  12,210. 

» Brahma  jadis  a décidé  qu’un  homme  leur  donnerait 
la  mort.  Ainsi  hàte-toi  de  conduire,  tils  de  Prithâ,  dans  un 
combat,  à leur  anéantissement,  ces  enfants  inaifron^ 
tables,  aux  vastes  forces  de  Kâlakà.  » Alors  sachant, 
souverain  des  hommes,  qu’ils  ne  pouvaient  être  mis  à 
mort,  ni  pai*  les  Démons,  ni  par  les  Dieux,  je  dis  joyeux  à 
Mâtali  : « Conduis-moi  promptement  à cette  ville  ; je  vais 
conduire  à leur  perte,  grâce  à mes  astras,  les  ennemis  du 
souverain,  qui  règne  sur  leTridaça.  12,211-12,212-12,213. 

D Jamais  ne  tubsUteront  devant  moi,  ni  les  scélérats, 
ni  les  ennemis  des  Dieux,  condamnés  à mourir.  » Avec 
son  char  céleste,  attelé  de  ses  cx}ursiers  fauves,  Mâtali 
m’eut  bientôt  conduit  en  face  de  la  ville  d’or.  A peine  les 
Daltyas  aux  robes,  aux  parures  admirables,  m’eurent-ils  vu, 

» Que,  montés  sur  leurs  chars  et  revêtus  de  leurs  cui- 
rasses, ils  s’envolèrent  avec  une  grande  vitesse.  Ensuite, 
pleins  de  colère  et  bouillant  d’un  amer  courage,  ils  me 
frappent  avec  des  leviers  de  fer,  des  sabres  et  des  lances, 
avec  des  bhallas,  des  flèches  de  fer  et  des  nâlikas.  Moi 
alors  j’eus  recours  à la  force  de  la  science,  et  je  repoussai 
avec  une  gmnde  averse  de  flèches  cette  grande  pluie  de 
projectiles;  et  j’enlevai  l’esprit  à tous  dans  le  combat,  en 
décrivant  avec  le  chat'  mille  évolutions. 

12,214—1  2,215— 12,2  Id— 12,217— 12,218. 

» Frsq>pés  d’un  trouble  mutuel,  les  Dàoavas  se  faisaient 


1A0 


LE  MaBA-BHARATA. 


tomber  l’un  l'autre,  et  je  blessai  par  troupes  de  cent  avec 
des  flèches  enflammées  les  corps  de  ces  Démoiu,  que  la 
peur  faisait  courir  l'un  à l'encontre  de  l'autre.  LesDaltyas 
blessés  de  s’en  retourner  à leur  ville.  12,219 — 12,220. 

» Ils  ont  recours  à une  magie  Dânavaine  et  ils  s'en- 
volent de  leur  ville.  Moi  alors,  continuateur  de  Kourou, 
je  fermai  la  route  aux  Démons  avec  une  grande  pluie  de 
flèches  et  je  leur  rendis  cette  voie  impossible.  Cette  ville 
céleste,  aérienne,  qui  allait  à volonté,  qui  avait  l’éclat  du 
soleil,  se  conduisit  à plaisir  par  la  grâce,  qu'avaient  reçue 
les  Dâiiavas  : elle  entra  dans  la  terre  et,  de  nouveau,  elle 
s’éleva  au  sein  des  airs.  12,221 — 12,222 — 12,223. 

n De  nouveau,  elle  s’avance  rapidement  de  travers;  de 
nouveau,  elle  se  plonge  dans  les  eaux.  Cette  grande  ville, 
qui  suivait  dans  ses  mouvements  la  volonté,  qui  semblait 
être  Araarâvatî  elle-même,  je  la  reçus,  fléau  des  ennemis, 
avec  des  astras  de  nombreuses  sortes  ; et  je  combattis  avec 
les  Daiiyas,  secondé  par  une  multitude  de  flèches  char- 
mées d’un  astra  divin.  La  cité  des  Asouras,  atteinte  par 
les  traits  de  1er,  allant  droit  au  but,  que  j'avais  décochés, 
tombe  enfin,  sire,  brisée  sur  la  face  de  la  terre.  Blessés 
par  mes  flèches  de  fer,  à la  fougue  de  tonnerre,  les  Asou- 
ras errent  çâ  et  là,  poussés  par  la  mort.  Ensuite  Màtali, 
qui  était  monté,  abattant  sous  mes  yeux  rapidement  le 
vol  de  son  char,  qui  avait  l'éclat  du  soleil,  descendit  sur 
la  terre.  Soixante  mille  chars  de  ces  Démons  irrités  et  dé- 
sirant le  combat  avec  moi,  se  répandirent,  fils  de  Bharata, 
de  tous  les  cètés  : je  les  dispersai  avec  des  flèches  acérées 
et  brillantes  jusqu'à  mi-corps.  [De  lattance  12,22i  à ta 
tlance  12,231). 

» Les  oicilùuion»  du  combat  les  ramenaient  ensemble 


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VANA-PARVA. 


141 


comme  les  vagues  de  la  mer  : « II  est  impossible  qu’un 
seul  homme,  pensé-je,  en  triomphe  dans  une  bataille  1 » 

» Je  décochai  successivement  des  astras  célestes;  et 
ces  guerriers  aux  milliers  de  chars  répondirent  avec  len- 
teur aux  astras  divins,  lancés  par  moi  Tchitrayodhin.  On 
voyait  dans  le  combat  ces  Démons  à la  grande  force  par- 
courir par  centaines  et  par  milliers  les  chemins  divers  des 
chars.  Différents  par  les  guirlandes  et  les  tiares,  différents 
par  les  cuirasses  et  les  drapeaux,  différents  par  Jes  orne- 
ments, ils  réjouissaient  mon  àmc,  pour  ainsi  dire.  Je  ne 
pus  les  accabler  dans  cette  bataille  avec  des  tempêtes  de 
flèches  envoyées  avec  des  astras,  mais  par  eux,  au  contraire 
je  fus  accablé.  Pressé  dans  le  combat  par  ces  guerriers 
nombreux,  habiles  et  dont  chacun  avait  tenuiné, l’étude 
des  armes,  12,232—12,233—12,234  -12,235—12,236. 

» Je  fus  troublé  et  une  grande  crainte  me  saisit  dans 
cette  confusion.  Je  dis  avec  dévotion  à Roudra,  le  Dieu 
des  Dieux  : 12,237. 

U Honneur  aux  Rhoutas  I » A ces  mots,  je  décochai  un 
grand  astra  : « Que  cette  arme  soit  dite  appartenir  à Çiva 
et  porter  la  destruction  de  tous  les  ennemis!  » 12,23$. 

» Je  vis  alors  un  homme  avec  trois  têtes,  trois  yeux, 
trois  faces,  six  bras,  ayant  la  tête  flamboyante  conune  le 
feu  ou  le  soleil.  12,239. 

i>  11  poitait  la  tonsure,  meurtrier  des  ennemis;  il  était 
ceint  de  grands  serpents  aux  langues  léchantes  : cet  astra 
du  maître  fut  épouvantable,  (.üvique,  étemel.  12,240. 

n A cette  vue,  ramenant  la  corde  de  Gândiva  à mon 
oreille,  éminent  Bharatide,  et  rendant  l’adoration  au  Dieu 
à trois  yeux,  à Çarva,  à l’êire,  de  qui  la  force  est  sans 
mesure,  12,241. 


IJki 


LE  M.VUA-BHARATA. 


U Je  lançai  ma  flèche  pour  la  destruction  des  chefs  DA- 
navas.  A peine  décochée,  je  vis  paraître  en  lui  des  formes 
par  milliers.  12,2A2. 

» C’étaient,  maître  de  la  terre,  des  gazelles,  des  lions, 
des  tigres,  des  ours,  des  buffles,  des  serpents  et  des  vaches, 

» Des  çarabhas,  des  éléphants,  des  troupes  de  singes, 
des  taureaux,  des  sangliers  et  des  chats,  12,2A3 — 12,2iè. 

» Des  chiet.s,  des  goules  et  des  bhouroundas  partout, 
des  vautours,  des  Garoudas  et  des  vachesgrognanles. 

Des  Dieux,  des  rishis,  des  Gandharvas  de  tons  les  cètés, 
des  PiçAtchas,  des  Yakshas  et  des  ennemis  de  l'habitant 
des  cieux.  12,2â5 — 12,2A0. 

» On  voyait  dans  ce  combat  des  Gouhyakas  et  des 
Nalrritas,  des  cétacées  à la  tête  d'éléphant  et  des  hibous. 

Des  poissons  au.x  formes  de  coursiers,  tenant  à leur  main 
^ des  épées  et  des  armes  diverses,  et  des  Yàtoudhanas,  por- 
tant des  maillets  d’annes  et  des  massues.  12,247-12,248. 

» Après  que  j'eus  lancé  cet  astra,  le  monde  entier  fut 
rempli  de  ces  êtres  et  d'autres  en  grand  nombre,  qui 
étaient  revêtus  de  formes  diverses.  12,249. 

U Ils  étaient  à trois  têtes,  à quatre  dents  proéminentes, 
à quatre  faces,  à quatre  bras;  ils  portaient  des  formes 
difTérentes  ; ils  étaient  composés  de  graisse,  de  moêlie  et 
de  chair.  12,250. 

» Frappés  continuellement  par  des  flèches,  qui  avaient 
la  splendeur  et  la  flamme  du  soleil,  qui  avaient  un  éclat 
égal  à celui  de  la  foudre  ou  du  tonnerre,  qui  étaient  faites 
avec  la  vigueur  des  montagnes,  et  par  d’autres  à la  puis- 
sance destructive,  les  Dânavas  couraient  à leur  perte.  En 
un  seul  instant,  Bharatide,  je  les  eus  donc  exterminés 
tous.  12,261 — 12,262. 


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VANA-PARVA. 


1A3 


» Quand  je  vis  les  DAnavas  sans  vie,  tombés  du  ciel, 
précipités  par  mes  astras  et  l’arc  Gândiva,  je  m'inclinai 
de  nouveau  devant  Çiva,  le  destructeur  de  Tripoura. 

a Dès  qu’il  les  vit  parés  d’ornenients  célestes,  que 
l’astra  de  Roudra  avait  tout  broyés,  le  cocher  du  roi  des 
Dieux  en  ressentit  une  joie  profonde.  12,2.’)3 — 12,26A. 

» Dès  qu’il  vit  exécutée  cette  action  impossible,  ina- 
bordable aux  Dieux  mêmes,  Mâtali,  le  cocher  de  Çakra, 
m’en  félicita.  12,255. 

» Joyeux,  il  me  tint  ce  langage,  joignant  ses  mains  au 
front  : « L’action,  que  tu  viens  d’accomplir,  était  inexé- 
cutable aux  Démons  et  aux  Dieux  mêmes.  12,256. 

» Cette  œuvre  était  impossible  au  souverain  des  Dieux  : 
les  Asouras  et  les  Souras  mêmes  ne  |X)uvaient  détruire 
cette  grande  ville  aérienne.  12,257. 

» Mais  toi,  héros,  îu  l’as  broyée  par  ton  héroïsme  et  la 
foixie  de  ta  pénitence.  Depuis  que  leur  ville  est  abattue  et 
les  Dânavas  immolés,  toutes  leurs  femmes  se  sont  enfuies 
hors  de  la  ville,  troublées,  les  cheveux  épars  et  jetant 
des  cris,  comme  de  plaintives  pygargues. 

12,258—12,269. 

U Elles  sont  tombées  sur  la  surface  de  la  terre,  gémis- 
sant sur  leurs  lils,  leurs  pères,  leurs  époux,  baignées  de 
larmes,  jetant  des  cris  d’une  voix  malheureuse  et  gut- 
turale sur  leurs  maris,  qu'elles  ont  ]>erdus.  12,260. 

» Les  parures  et  les  guirlandes  échappées,  elles  se 
frappent  la  poitrine.  Elle  ne  brille  plus,  cette  ville  mal- 
heureuse des  Uànavas,  plongée  dans  le  chagrin,  mourante 
de  peine  et  d’abattement,  sa  beauté  éclipsée,  ses  époux 
au  tombeau  I Cette  ville,  dont  il  était  impossible  de  voir 
la  pareille  et  qui  avait  les  formes  de  la  ville  des  Gan  - 


LE  MAHA-BHARAT  V. 


m 

dharvas,  la  voilà  donc  comme  un  lac,  d’où  l'ou  a enlevé 
les  serpents,  comme  une  forêt  aux  arbres  secs  ! » Mâtali 
m'eut  bientôt  conduit,  du  champ  de  bataille,  moi,  de  qui 
l'âme  était  joyeuse,  au  palais  du  roi  des  Dieux  à la  cons- 
truction achevée.  Ayant  abandonné  la  ville  d’or,  victo- 
rieux des  grands  .Asouras  et  des  Mvàtakavatchas,  je  m'ap- 
prochai de  Çakra.  Màtali  fit  entendre  au  roi  des  Dieux 
avec  détail  toute  cette  histoire,  comme  elle  était  anûvée, 
prince  à l'éclatante  splendeur  ; la  chute  de  la  ville-d'or, 
la  destruction  des  moyens  de  la  magie  et  la  mort  en  ba- 
taille des  Nivàtakavatchas  à la  grande  vigueur.  A ce  lan- 
gage, l’adorable  et  fortuné  Pourandara  aux  mille  yeux  me 
dit,  accompagné  des  Vents  : « Bien  ! bien  ! » Ensuite, 
quand  il  eut  alfermi  mainte  et  mainie  fuis  mon  courage, 
le  roi  des  Dieux  me  tint  avec  les  Immortels  ces  paroles 
trés-düuces  : « Tu  as  accompli  dans  le  combat  un  exploit, 
qui  était  au-dessus  des  Asouras  et  des  Dieux.  {De  la 
tiance  12,261  <1  ta  stance  12,269.) 

U Tu  as  fait  une  chose  importante,  fils  de  Prithâ,  en 
détruisant  mes  ennemis.  L'n  homme  ferme,  Dhanandjaya, 
fera  toujours  ainsi  dans  le  combat.  12,270. 

» lin  sage  ne  doit  manquer  jamais  à détourner  les  as- 
tres. Certes  1 les  Rakshasas,  les  Dànavas  et  les  Dieux  ne 
peuvent  lutter  avec  toi  dans  un  combat.  12,271. 

U Tel  il  en  est  des  Yakshas,  des  Asouias  et  des  Gan- 
dbarvas  avec  les  serpents  et  la  troupe  des  oiseaux  ! Le  fils 
de  Kounti,  le  vertueux  Dharmaràdja  gouvernera  la  terre, 
conquise  par  la  force  de  ton  bras,  enfant  de  Prithâ.  » 

U Saisissant  la  chose  à propos,  le  roi  des  Dieux  me  tint 
ce  langage,  à moi  rassuré  et  que  les  flèches  irritées  avaient 
laissé  affranchi  de  blessures;  12,272 — 12.278 — 12,274. 


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VANA-PARVA. 


116 


« Tu  possèdes  tous  les  célestes  astras,  Bbaratide.  Nul 
homme  n’est  capable  de  te  vaincre  sur  la  terre.  12,275. 

» Bhtsbma,  Drona,  Kripa,  Karna,  Çakouni  avec  les 
rois  ne  valent  pas,  mon  fils,  la  seizième  kalà  de  toi,  quand 
tu  fais  tête  au  combat.  » 12,276. 

» L'auguste  Magbavat  me  donna  cette  armure,  dont  tu 
me  vois  revêtu,  cette  cuirasse  imbrisable  et  cette  guir- 
lande faite  d'or.  12,277. 

» Indra  d’ajouter  à ces  dons  la  conque  Dévadatta  aux 
grands  sons,  et  d’ajuster  lui-même  à mon  front  cette  divine 
tiare.  12,278. 

» Çakra  me  donna  ces  robes  célestes,  ces  célestes  pa- 
rures, amples,  éclatantes.  12,270. 

n Comblé  de  tels  honneurs,  j’babitai  là  tranquillement, 
sire,  dans  le  palais  pur  d'Indra,  avec  les  jeunes  Gan- 
dbarvas.  12,280. 

I)  Çakra  me  dit  amicalement  avec  les  Immortels  : « Il 
est  temps,  Arjouna,  d’aller  vers  tes  frères,  qui  entre- 
tiennent ton  souvenir.  » 12,281. 

» J’babitai  ainsi  dans  le  palais  d’Indra,  sire,  cinq  an- 
nées, me  rappelant  la  discorde,  qu’avait  engendrée  le  jeu  ! 

» Ensuite,  je  vis  ta  majesté,  environnée  de  mes  frères, 
sur  le  front  de  cette  montagne,  le  pied  du  Gandbamâ- 
dana.  » 12,282—12,283. 

(I  Quel  bonheur,  lui  répondit  Youddhishthira,  que  tu 
aies  obtenu  les  divins  astras!  Quel  bonheur,  Dhanandjaya, 
que  tu  aies  pu  te  rendre  favorable  l’auguste  roi  suzerain 
des  Dieux?  12,284. 

» Quel  bonheur,  fléau  des  ennemis,  que  tu  aies  vu  en 
personne  l’adorable  Sthanou  avec  Dévî  I et  que  tu  aies  su 
lui  plaire  dans  ton  combat  avec  lui  I 12,285. 

IV 


10 


m . LE  MAHA-BHAMTA. 

» Quel  bonheur,  éminent  Bharatide,  que  tu  aies  con- 
versé avec  les  gardiens  du  inonde!  Quel  bonheur  que 
nous  croissions  en  puissance  ! Quel  bonheur,  fils  de  Pri- 
thà,  que  tu  sois  revenu  1 12,288. 

» II  me  semble  que  tu  aies  vaincu  aujourd’hui  la  terre 
entière,  divine,  à la  guirlande  de  villes,  et  réduit  sous  ta 
puissance  les  fils  mômes  de  Dhrilaràshtra.  12,287. 

» Je  désire  voir  ces  astras  célestes,  Bharatide,  avec 
lesquels  tu  as  immolé  ces  Nivâtak.avatchas,  doués  d'une 
telle  vigueur.  » 12,288. 

t Demain,  au  point  du  jour,  lui  répondit  Arjouna,  ta 
majesté  verra  ces  astras  célestes,  sans  exception,  avec 
lesquels  j’ai  fait  mordre  la  poussière  à ces  terribles  Nivà- 
takavatchas.  >>  12,289. 

Quand  Dhanandjaya  eut  ainsi  raconté  ce  qui  lui  ébût 
arrivé,  il  passa  là  celte  nuit,  accompagné  de  tous  ses 
frères.  12,290. 

Dès  quelle  se  fut  écoulée,  \ouddhishtbira-Dharma- 
ràdja,  accompagné  de  ses  frères,  s'acquitta  des  fonctions 
obligatoires  après  le  lever.  12,291. 

Puis,  il  .adressa  ces  paroles  stimulantes  à Arjouna,  le 
fils  de  sa  mère  à lui-môme  ; « Montre-moi,  fils  de  Kountl, 
ces  astras,  avec  lesquels  tu  as  vaincu  les  Dànavas.  12,292, 

Alors  Dhanandjaya,  à l'éclatante  lumière,  ce  fils  de 
Pàndou,  revêtu  de  la  plus  grande  pureté,  lui  lit  voir, 
suivant  la  droite  raison,  ces  astras  célestes,  sire,  que  lui 
avaient  donnés  les  Dieux.  Le  brillant  Dhanandjaya, 
monté  sur  son  char  de  terre,  qui  avait  la  solidité  du 
bambou  resplendissant,  et  pour  ses  roues,  scs  pieds,  son 
timon  la  montagne,  couvert  de  sa  divine  cuirasse  éblouis* 
santé,  le  fils  de  Kountl  aux  longs  bras,  environné  de 


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' VANA-PARVA. 


• U7 


splendeur,  tenant  à la  main  son  arc  Gàndtva  etDévadatta, 
enfant  des  eaux,  se  mit  à montrer,  suivant  l’ordre,  tous 
les  astras célestes.  A peine  ceux-ci  étaient  mis  en  mouve- 
ment que  la  terre,  foulée  aux  pieds,  fut  ébranlée,  que  les 
fleuves  et  la  mer  furent  agités. 

12,298— 12,204— 12,295— 12,293— 1S,2»7—12,2<>8. 

Les  montagnes  se  fendirent,  le  vent  se  déchaîna, 
l’astre  aux  mille  rayons  cessa  de  briller,  et  le  feu  n’eut 
plus  de  clartés.  12,299. 

Les  Védas  des  brahmesnejetèrent  plus  aucune  lumière, 
et  les  êtres  animés,  placés  dans  le  sein  de  la  terre,  Dja- 
namédjaya,  se  levant,  oppressés,  empêchèrent  le  fils  de 
Pândou  ; et  tous,  joignant  les  mains  aux  tempes,  trem- 
blants, les  visages  déformés  et  brûlés  par  les  asti'as,  ils 
conjurèrent  Dhanandjaya.  Alorales  brahmarshis  et  ceux, 
qui  forment  les  parfaits  maharshis,  tous  les  êtres  mobiles, 
lesDévarshis  et  les  plus  éminents  des  habitants  du  ciel, 
les  Yakshas,les  Rakshasas,  les  Gandharvas,  les  oiseaux  et 
tous  les  hôtes  de  l’air  se  tinrent  eux-mêmes  immobiles. 

12,300—12,301—12,302—12,303—12,804. 

Aussitôt  l’ayeul  suprême  des  créatures,  tous  les  gardiens 
du  monde,  l’adorable  Mabâdéva  avec  les  Ganas  s’appro- 
chèrent, et  le  vent,  couronné  de  célestes  et  diverses 
guirlandes,  souilla  de  tous  les  côtés,  puissant  roi,  près  du 
(ils  de  Pàndou.  12,305-12,306. 

Excités  par  les  Dieux,  les  Gandharvas,  sire,  enton- 
nèrent différents  hymnes,  et  les  chœurs  des  Apsaras  dan- 
sèrent par  troupes.  12,307. 

Dans  ce  même  temps,  Nârada,  mis  en  avant  par  les  ^ 
Dieux,  s’avança  vers  le  fils  de  Prithà  et  lui  fit  entendre  ce 
langage  : 12,308. 


U8 


LE  MAHA-BHARATA. 


« Arjouna,  Arjouna,  ne  lance  pas  les  astras  célestes. 
On  ne  doit  jamais  les  employer,’  fils  de  Bharata,  en  des 
lieux,  qui  sont  piivés  d'habitation.  12,300. 

» Qu’on  ne  les  décoche  même  jamais,  si  l’on  n’est  pressé 
par  le  besoin,  dans  les  endroits  habités;  car  un  grand 
inconvénient,  fils  de  kourou,  est  attaché  à l’emploi  de  ces 
astras.  12,310. 

» 11  faut  conserver,  Dhanandjaya,  ces  astras  puissants, 
dignes  du  bonheur,  pour  le  temps  où  ils  seront  néces- 
saires : il  n’y  a pas  de  doute.  12,311. 

» Non  conservés,  ils  seraient  pour  la  perte  des  üxiis 
mondes  : n’agis  plus  ainsi  nulle  part.  12,312. 

» Adjâlaçatrou,  tu  les  verras  un  jour  dans  le  combat, 
employés  par  le  fils  de  Prithâ  dans  la  destruction  de  ses 
ennemis.  » 12,313. 

Après  qu’ils  eurent  de  cette  manière  empêché  le  Pri- 
thide,  tous  les  Dieux  et  ceux,  qui  s’étaient  réunis  avec 
eux,  s’en  retournèrent  comme  ils  étaient  venus.  12,3li. 

Dès  qu’ils  se  furent  éloignés,  rejeton  de  kourou,  les 
Pândouides  joyeux  habitèrent  dans  cette  forêt  avec 
Krishnà.  12,315. 


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LE  BOA. 


I^anamédjaya  dit  : 

« Quand  ce  guerrier,  le  plus  grand  de  ceux,  qui  pus-’ 
sèdent  un  char,  eut  quitté,  l’étude  des  armes  terminée,  le 
palais  du  meurtrier  de  Vritra,  que  firent  après  cela  les 
Pàndouides  réunis  au  héros  Dhanandjaya?  » 12,316. 

Valçampâyana  répondit  : 

Réunis  dans  ces  bois  avec  Arjouna,  semblable  au  Dieu 
Indra,  ces  héroïques  Indras  des  hommes  vécurent  sur 
cette  haute  et  belle  montagne  dans  les  maisons  d’agré- 
ment, que  leur  prêta  le  souverain  des  richesses.  12,317. , 

Admirant  ces  demeures  incomparables  et  ces  maisons 
de  jeu,  ombragées  par  des  massifs  d’arbres,  l’archer  Ki- 
rlti,  rindra  des  hommes,  allait  çà  etJà,  toujours  occupé 
des  astras.  12,318. 

Possédant  une  habitation  donnée  par  la  faveur  du  roi 


160 


LE  MAHA-BHARATA. 


Valçravana,  ils  ne  désiraient  pas,  sire,  habiter  chez  les 
mortels  : leur  temps  s'écoulait  heureux.  12,310. 

Réunis  avec  le  Pritbide,  ils  habitèrent  là  quatre  années, 
qui  parurent  un  seul  jour  ; dix  années  précédentes  se  pas- 
sèrent heureuses  comme  six  pour  ces  Pàndouides  habitant 
au  sein  des  forêts.  12,320. 

Alors,  le  fils  du  Vent,  le  héros  Djishnou,  et  les  deux 
vaillants  jumeaux,  semblables  au  roi  des  Dieux,  qui  tous 
étaient  assis  auprès  du  monarque,  ayant  pris  une  résolu- 
tion utile,  dirent  afliectueusement  : 12,321. 

« Nous  désirons  donner  sa  vérité  à ta  promesse  : c'est 
notre  vœu  le  plus  cher  ; et  nous  parcourons  ces  bois  sans 
renoncer  à tuer  Souyodhana  et  ses  adhérents.  12,322. 

» La  onzième  année  s'est  écoulée  depuis  que  nous  habi- 
tons ici,  dignes  du  plaisir,  mais  voyant  tous  nos  plaisirs 
enlevés  par  Souyodhana  : ce  n’est  qu’en  trompant  cet 
homme  au  caractère  abject,  aux  pensées  viles,  ce  n’est 
qu’en  lui  dérobant  notre  habitation,  que  nous  pouvons 
obtenir  la  tranquillité.  12,323. 

a Par  ton  ordre,  abandonnant  les  honneurs,  nous  errons 
avec  confiance  dans  les  forêts  : ti-ompés  par  le  voisinage 
de  l’habitation,  ils  ne  sauront  pas  que  nous  avons  changé 
de  lieux,  12,32i. 

a Habitant,  secrètement  ici,  une  année  entière,  enle- 
vons le  plaisir  à ce  plus  méprisable  des  hommes  et  ren- 
dons une  inimitié,  portant  des  fleurs  et  des  fruits,  à cet 
homme,  le  plus  vil  des  rois,  à ce  Souyodhana  environné 
de  sa  cour.  Ensuite,  ûbarmaràdja,  habite  la  terre  ! Tout 
semblable  qu'il  est  au  Stvarga,  ce  lieu  n’est  pas  moins  ca- 
pable de  détruire,  monarque  des  hommes,  ceux,  qui  le 
parcourent  de  leurs  pas  ; et  ta  gloire  aux  senteurs  pures. 


Digilizod 


' VANA-PARVA. 


161 


61s  de  Bharata,  périrait  dans  les  mondes  des  êtres  immo- 
biles et  mobiles!  En  possession  du  grand  royaume  des 
éminents  Pândouides,  il  est  possible  d'obtenir  aussi  les 
cérémonies  religieuses.  12,325 — 12,326 — 12,327. 

I)  Ce  que  tu  as  obtenu  de  Kouvéra  est  toujours  pos- 
sible, roi  des  hommes.  Mets  ta  pensée,  Bharatide,  à la 
mort  des  ennemis  et  à la  répression  des  pécheurs.  12,328. 

« Le  Dieu  même  en  personne,  qui  tient  la  foudre,  sire, 
ne  supporterait  pas  ta  vigueur  terrible.  Aux  prises  mêmes 
avec  les  Dieux,  Souparnakétou  et  Satjiaki,  le  petit-fils  de 
Çini,  engagés  dans  la  réussite  de  ton  affaire,  Dharma- 
râdja,  n’éprouveraient  pas  un  instant  de  trouble.  Il  en  est 
ainsi  de  Krishna  sans  égal  pour  la  force,  et  de  moi,  roi 
des  rois,  si  je  me  tourne  au  succès  de  ton  affaire.  Tel  que 
Krishna  avec  les  Yadoiiides,  tel  je  sois  avec  les  héroïques 
jumeaux,  qui  ne  laissent  jamais  une  chose  imparfaite. 

12,329—12,330—12,331. 

» Ayant  pour  objet  principal  de  faire  naître  le  succès  de 
ton  affaire,  venus  aux  mains  avec  les  ennemis,  nous  rétabli- 
rons la  paix.  » Quand  le  iiiagnanime  et  très-excellent  fils 
de  Dhariiia  connut  leur  opinion,  il  dit  adieu  à ces  habita- 
tions, à ces  rivières,  à tous  ces  lacs  et  à tous  les  Raksba- 
sas;  puis  Dharuiaràdja,  à la  force  sans  mesure,  et  qui 
savait  toutes  les  choses  du  devoir,  fit  un  pradakshina  au- 
tour du  palais  de  Vaîrravana.  12,332 — 12,333. 

11  observait  de  nouveau  la  route,  par  laquelle  il  était 
venu  ; il  contemplait  de  nouveau  la  montagne.  Ensuite, 
le  magnanime  à l'Ame  pure  désira  voir  la  grande  reine 
des  montagnes.  12,33â. 

Son  affaire  consommée,  accompagné  de  ses  amis,  les 
ennemis  vaincus,  son  royaume  recouvré,  son  âme  domp- 


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162 


LE  MAHA-BHARATA. 


tée  dans  la  pénileace,  il  articula  cette  pensée  : « Reine 
des  monts,  je  te  vois  pour  la  seconde  fois  ! » 12,335. 

Le  chef  des  Kourouides  s'en  allait  par  celte  route  avec 
sa  suite  et  les  brahmes  : Ghatautkatcba  les  portait  en 
troupes  dans  les  cataractes  de  la  montagne.  12,336. 

Après  que  le  grand  rishi  Lomaça  les  eut  instruits  à leur 
départ,  comme  un  pèie  instruit  ses  fils,  il  s’en  retourna 
joyeux  au  séjour  très-pur  des  habitants  du  ciel.  12,337. 

Renseignés  par  Arshtiséna,  les  fils  de  Prithà,  les  plus 
éminents  des  hommes,  se  mirent  en  route,  contemplant 
les  tlrthas  délicieux,  les  grandes  forêts  de  pénitence  et  les 
diOérents  lacs.  12,338. 

Ces  exceUents  Bharatides  goûtaient  la  joie  de  vivre  dans 
une  habitation  paisible  sur  cette  montagne  sublime,  ré- 
sonnante de  cascades,  en  commerce  avec  les  éléphants 
des  régions  éthérées,  lesKinnaras  et  les  volatiles.  12,339. 

Les  Bharatides  éminents  éprouvèrent  une  grande  joie, 
quand  ils  revirent  le  mont  Kailâsa,  cher  à Rouvéra  et 
brillant  comme  un  lac  d’eau.  12,360. 

Ces  héros,  qui  avaient  pour  guirlandes  les  tapias  de  la 
montagne  virent  çà  et  là  des  étables  de  chevaux,  qui  for- 
maient des  obstacles  élevés  à travers  ce  mont,  de  nom- 
breuses cascades  et  de  profondes  collines.  12,841. 

Ces  guerriers  les  plus  grands  des  hommes,  tenant  eu 
main  leurs  cimeterres,  marchaient  joyeux,  contemplant 
ces  grandes  forêts  et  d'autres,  peuplées  d’éléphants,  de 
quadrupèdes  et  de  volatiles.  12,342. 

Les  bois  charmants,  les  rivières,  les  lacs,  les  grottes, 
les  cavernes  de  la  montagne,  ces  habitations  des  plus 
éminents  des  hommes  étaient  sans  cesse  éclairées  par  les 
rayons  de  la  lune.  12,343. 


VANA-PARVA. 


16S 


Après  qu’ils  eurent  admiré  mainte  fois  des  séjours  inac- 
cessibles et  dépassé  le  mont  Kallâsa  aux  formes  inimagi. 
nables,  ils  s'approchèrent  de  l'hermilage  sublime,  ravis- 
sant à l’extrême,  de  Vrishaparvan.  l'2,3Aé. 

Dès  qu’ils  se  furent  réunis  avec  le  roi  et  qu’ils  eurent 
reçu  ses  honneurs  en  échange  de  leur»  hommages,  ils  se 
mirent  à vanter  avec  étendue,  sans  erreur,  exactement, 
cette  habitation  de  Vrishaparvan  dans  la  montagne. 

Quand  ils  eurent  demeuré  une  seule  nuit  dans  son  her- 
fflitage  très-pur,  fréquenté  des  raaharshis  et  des  Dieux, 
ces  héros  de  s’avancer  vers  la  grande  Vadarl  et  d’y  mettre 
leur  habitation.  De-là,  toutes  ces  personnes  à la  haute 
dignité  s'approchèrent  du  lieu,  où  vécut  Nàrâyana  ; puis, 
ils  virent  joyeux  un  lac  aux  lotus,  aimé  de  Kouvéra,  hanté 
des  Siddhas  et  des  Dieux.  12,3é5— 12,3é6 — 12,3A7. 

A la  vue  de  cette  piscine  aux  lotus,  les  chefs  de  tous 
les  hommes,  ces  fils  de  Pàndou  s’y  divertirent  joyeux, 
comme  les  brahmarshis  aux  corps  sans  tache,  quand  ils 
sont  parv'enus  au  Nandana.  12,3é8. 

Aussitôt  qu’ils  eurent  demeuré  heureux  un  mois  entier 
dans  la  Vadarl,  ces  héros  des  hommes  s’avancèrent  suc- 
cessivement d’une  marche  presque  rapide  et  tous  réunis 
vers  le  royaume  de  Soubàhou,  le  souverain  des  Kiràtas. 

Ils  avaient  traversé  les  Chinois,  les  Toushâras,  les  Da- 
radas,  et  toutes  les  contrées  du  Koulinda,  riche  en  pier- 
reries, quand  ces  héros  virent  eniin  la  ville  de  Soubàhou, 
lieu  inaccessible  de  r Himalaya.  12,3à9 — 12,3d0. 

A peine  celui-ci  eut-il  appris  que  les  fils  et  les  petits- 
fils  de  Pritbâ  étaient  arrivés  dans  ses  terres,  ce  roi  joyeux 
se  porta  au-devant  d’eux  et  les  éminents  Kourouides  de  le 
féliciter.  12,351. 


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164 


LE  MAHA-BHARATA. 


Réunis  avec  le  roi  Soubàhou,  et  ses  bardes,  Viçoka  4 
leur  tête,  avec  les  princes  Mahéndraséna  et  leurs  oflSders, 
avec  les  principaux  habitants  de  la  ville,  et  ceux,  qui 
étaient  honorés  de  hauts  sièges,  tous,  ayant  habité  14  une 
seule  nuit,  prennent  les  cochers  et  les  chars  nécessaires, 
abandonnent  Ghatautkatcba  et  sa  suite  ; puis,  ils  s’avancent 
vers  la  montagne,  d’où  sort  l’ Yamounâ.  I‘2,3ô2 — 12,363. 

Quiuid  ils  furent  arrivés  sur  cette  montagne  aux  plateaux 
blancs  ou  rouges,  au  surtout  de  neige,  4 la  colonne  victi- 
maire  Viçâkha,  ces  héros  y mirent  leur  habitation.  12,334. 

Cette  grande  forêt,  hantée  de  volatiles,  de  sangliers  et 
de  nombreux  quadrupèdes,  ressemblait  au  Tchattraratha. 
Les  fils  de  Prithâ  habitèrent  avec  bonheur  une  année  dans 
ce  bois,  adonnés  aux  occupations  de  la  chasse.  12,363. 

L4,  Vrikaudara,  l’âine  troublée  par  le  délire  de  la  peur, 
trouva,  dans  une  caverne  de  la  montagne,  un  serpent, 
que  tourmentait  la  faim,  aux  forces  immenses,  aux  formes 
horribles,  semblables  à celles  de  la  mort.  12,350. 

Ici,  était  une  ile  (1).  Youddhisbthira,  le  plus  vertueux 
des  hommes  vertueux,  4 la  vigueur  infinie,  délivra  le  corps 
de  son  frère  tout  enveloppé  du  serpent,  contre  lequel 
Ventre-de-loup  résistait  en  vain.  12,357. 

Les  Kourouides  de  passer  dans  ce  bois  la  douzième  année 
entièrement  écoulée.  De  cette  forêt,  semblable  au  Tchal- 
traratha,  flamboyants  de  beauté,  associés  4 la  pénitence, 
ils  s'en  allèrent,  livrés  sans  cesse  au  plaisir  de  la  science 
de  l’arc,  sur  les  flancs  du  Maroudhanvan.  Conduits  au  bord 
de  la  Sarasvatt  par  le  désir  d’une  habitation,  ils  s’avan- 
cèrent jusqu'au  lac  du  Dwaitavana.  12,358 — 12,359. 

(1)  Ce  bout  de  vers  appartient  tana  doute  à une  autre  rédaction. 


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VANA-PARVA. 


155 


A peine  les  eurent-ils  vus  entrés  dans  le  Dwaltavana, 
ses  habitants  vinrent  auprès  d’eux.  Us  étaient  unis  à la 
pénitence,  à la  répression  des  sens,  aux  bonnes  mœurs,  à 
la  contemplation  : ils  avaient  en  guise  de  coupe  une  toufîe 
de  gazon,  ils  broyaient  avec  la  pierre  ce  qu’ils  prenaient. 

• Les  arbres,  qui  ombrageaient  la  Sarasvatî,  étaient  les 
figuiers  vénimcux,  les  akshas,  les  raaùhitakas,  les  rotangs, 
les  jujubiers,  les  khadiras,  les  mimosas  çirisbas,  les  vil- 
vas,  les  ingoudas,  les  pilous,  les  samis  et  les  karlras. 

12,360—12,361. 

Les  fils  du  monarque  des  hommes  passaient  tranquille- 
ment leur  vie,  marchant,  pleins  d’affection,  sur  les  rives 
de  la  Sarasvatî  des  Dieux,  comme  si  elle  eut  été  une  cha- 
pelle aimée  des  Yakshas,  des  Gandharvas  et  des  ma- 
harshis.  12,362. 

Djanamédjaya  dit  : 

« Comment,  solitaire,  ce  serpent  a-t-il  pu  inspirer  une 
crainte  mortelle  à ce  Bhlma  d’un  effrayant  courage,  à qui 
fut  donné  la  vie  de  plusieurs  myriades  d’êtres?  12,363. 

» Lui,  de  qui  l’orgueil  défia  au  combat  le  fils  de  Pou- 
laslya,  ce  Dieu,  qui  départ  les  richesses  ! Lui,  qui  ravagea 
sa  piscine  des  lotus  1 lui,  qui  extermina  les  Yakshas  et  les 
Rakshasas!  12,364. 

» Ce  meurtrier  des  ennemis  tomba  dans  l’infortune, 
dis-tu  ; il  fut  saisi  de  crainte  : je  désire  entendre  cette 
histoire  ; ma  curiosité  est  extrême.  »*  12,365. 

Vatçampàyana  répondit  : 

Tandis  que  ces  terribles  archers  habitaient  dans  ce  bois 
aux  nombreuses  merveilles,  après  qu’ils  furent  arrivés, 
sire,  dans  l’hermitage  du  saint  roi  Vrishaparwan, 

Vrikaudara,  ceint  du  cimeterre  et  tenant  son  arc  à la 


156 


LE  MAHA-BHARATA. 


main,  vint  d'un  mouvement  spontané  à ce  bois  délicieux, 
fi^quenté  des  Gandliarvas  et  des  Dieux.  12, $60 — 12,507. 

U vit  alors  les  sites  charmants  du  mont  Himâlaya,  par- 
courus des  Siddhas  et  des  Dévarshis,  hantés  par  des 
troupes  d’Apsaras,  12,368. 

Retentissants  çà  et  là  par  les  rugissements  des  lions  et 
les  gazouillements  des  oiseaux,  des  tchakoras,  des  oies 
rouges,  des  faisans  et  des  kokilas,  12,369. 

Plantés  d’arbres  chargés  sans  cesse  de  fruits  et  dellenrs 
charmantes,  au  toucher  frais  : couverts  d'épais  ombrages, 
le  charme  de  l'âme  et  des  yeux.  12,370. 

Parcourant  les  rivières  de  cette  montagne,  pleines  de 
canards,  roulant  des  eaux,  semblables  à des  perles,  on 
pareilles  aux  pierreries  et  au  lapis-lazuli,  12,371. 

Ce  guerrier  à la  vigueur  immense  allait,  perçant  les  ga- 
zelles de  ses  flèches  acérées  ; il  parcourait  à lâchasse  dans 
les  endroits  unis  du  Maroudbanvan  ces  bois  de  pins  déva- 
dàrous,  pareils  à des  filets  de  nuages,  où  le  sandal  noir  à 
la  taille  élancée  se  mélmt  au  sandal  jaune. 

12,372—12,373. 

Dans  ce  bois,  l'illustre  Bhlma  aux  longs  bras,  qui  avait 
autant  de  vies  qu’une  centaine  de  longs  serpents,  faisait 
mordre  par  force  la  poussière  au  grand  sanglier.  12,374. 

Le  vigoureux  Bhlma  à la  v-aillance  épouvantable  abat- 
tait çà  et  là  les  buffles,  les  sangliers  et  les  gazelles. 

Dans  ce  bois,  ce  héros  à la  grande  force,  qui  portait  les 
existences  de  cent  éléphants,  la  cuirasse  de  cent  hommes 
et  qui  avait  le  courage  des  tigres  et  des  lions,  arrachait 
par  sa  vigueur  et  brisait  les  arbres  : il  faisait  retentir  les 
bois  et  les  contrées  delà  terre.  12,375 — 12,376 — 12,377. 

Sans  peur,  broyant  les  sommets  des  montagnes  et  fai- 


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VANA-PARVA. 


167 


saut  parler  ses  écbos,  il  renversait  les  arbres  et  remplis- 
sait de  bruit  toute  la  terre.  1*2,378. 

Bhlma  sans  crainte,  ayant  long-temps  mis  un  frein  à 
son  orgueil,  battant  des  mains,  grinçant  les  dents,  et 
donnant  une  voix  par  ses  paumes  aux  applaudissements, 
abattait  rapidement  alors  dans  le  bois  à mainte  reprise 
les  énormes  éléphants,  vastes  animaux,  et  les  lions  à la 
grande  force.  1*2,379 — 12,380. 

Au  cri  de  Bhîmaséna,  la  crainte  faisait  déserter  les  ca- 
vernes ; tantôt  il  courait,  tantôt  il  s’arrêtait,  tantôt  il  s' as- 
séyait  sur  la  terre.  1*2,381. 

Désireux  de  gazelles,  il  marche  sans  peur  dans  ce  bois, 
rempli  d’épouvante  : le  vigoureux  Bhîmaséna,  ce  tigre 
des  hommes,  s’avance  à pied  dans  cette  forêt,  comme  un 
habitant  des  bois.  Entré  dans  cette  grande  forêt,  il  en  fait 
résonner  les  profondeurs  par  des  cris  merveilleux. 

1*2,38*2—12,383. 

Doué  du  courage,  que  possède  une  grande  âme,  il 
effrayait  tous  les  êtres.  A ce  bruit  de  Bhlma,  les  serpents, 
qui,  habitaient  les  cavernes,  furent  épouvantés.  12,386. 

Ceux,  qui  avaient  une  fuite  rapide,  excellaient  sur  les 
autres,  qui  sortaient  avec  une  démarche  plus  lente.  Alors 
Bhîmaséna  à la  grande  force,  semblable  au  plus  excellent 
des  Immortels,  vit  un  serpent,  au  vaste  corps,  l’effroi  du 
monde,  parvenu  à l’endroit  le  plus  inaccessible  de  la  mon- 
tagne et  qui  couvrait  de  son  corps  toute  la  caverne  ; 

12,385—12,386. 

Monstre  à la  force  sans  mesure,  au  corps  immense, 
remplissant  la  montagne,  aux  membres  admirables, 
resplendissant  comme  le  turmeric  par  ses  membres  variés. 

Léchant  mainte  fois  les  coins  de  sa  bouche,  les  yeux  en- 


158 


LE  MAHA-BHARATA. 


flammés  d'un  rouge  extrême,  il  apparaissait  avec  ses 
quatre  dents  proéiiiinentes  et  sa  gueule  semblable  à une 
caverne.  12,387 — 12,388. 

Effroi  de  tous  les  êtres,  pareil  à Yama,  le  Dieu  de  la 
mort,  il  se  tenait  comme  menaçant  par  le  poison  de  son 
baleine.  12,389. 

I..C  serpent  boa,  violemment  irrité,  fond  tout  à coup 
sur  Bhlma  et  lui  prend  de  force  les  deux  bras.  12,390. 

Alors,  saisi  par  le  reptile,  Bhimaséna  perdit  soudain 
l’esprit  : en  effet,  par  la  grâce,  qu’il  avait  reçue,  Bhtma 
possédait  en  ses  deux  bras  la  force,  insoutenable  aux  en- 
nemis, qui  se  trouve  en  dix  mille  grands  sei-pents. 

Le  vigoureux  fut  donc  réduit  au  pouvoir  du  serpent, 
et,  dans  sa  résistance,  enchaînée,  il  ne  put  faire  aucmi 
mouvement.  12,391—12,392—12,393. 

Saisi  par  le  monstre,  la  raison  de  Bhimaséna  aux  longs 
bras,  aux  épaules  de  lion,  à la  vie  d'une  myriade  de  ser- 
pents, s’évanouit  ; son  esprit  s’égara  suivant  les  termes 
de  sa  grâce.  12,39A. 

Le  héros  fit  un  violent  effort  pour  se  débarrasser  du 
serpent  ; mais  il  ne  put  jamais  en  repousser  les  replis. 

Tombé  sous  la  pui.ssance  du  reptile,  le  vigoureux  Bht- 
maséna  de  penser  à la  grande,  à la  prodigieuse  force  du 
serpent.  12,395 — 1'’.,396. 

11  dit  au  long  reptile  sur  le  ton  de  l’amour:  « Dis-moi, 
serpent  I qui  es-tu  ? oh  1 le  plus  excellent  des  serpents,  que 
feras-tu  de  moi?  12,397. 

» Je  suis  Bhimaséna,  le  fils  de  Pàndou  et  le  frère  puîné 
de  Dharmaràdja.  Comment  as-tu  pu  me  réduire  sous  ta 
puissance,  quand  j’ai  une  vie  égale  à celles  d’une  myriade 
de  serpents?  12,398. 


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VANA-PARVA. 


159 


» J'ai  abordé  nombre  de  fois  les  lions  à l’épaisse  cri- 
nière, les  tigres,  les  budles,  les  éléphants,  et  je  les  ai 
abattus  dans  le  combat  ! 12,399. 

» Les  Pannagas  à la  grande  force,  les  Piçâtchas  et  les 
Rakshasas  n'ont  pu  eux-mêmes,  ô le  meilleur  des  ser- 
pents, supporter  la  fougue  de  mes  bras.  12,â00. 

» Est-ce  que  la  science  et  la  force  sont  à toi  ? Est-ce  que 
le  don  des  grâces  t'appartient  ? J'ai  beau  résister,  il  faut 
que  je  marche  à ta  volonté.  12,â01. 

» La  force  des  hommes  n’est  pas  vraie,  telle  est  mainte- 
nant mon  opinion,  puisque  tu  as  paralysé  cette  force  im- 
mense de  moi.  » 12,i02. 

Tandis  que  le  héros  Bhtma  aux  eflbrts  infatigables  par- 
lait ainsi,  le  grand  serpent,  qui  l’avait  saisi  l’enveloppait 
de  tous  les  côtés.  12,AÛ3. 

Le  serpent,  qui  avait  enchaîné  ce  guerrier  aux  longs 
bras,  enlaçant  ces  bras  potelés,  tint  alors  ce  langage  : 

(I  Ce  senties  Dieux,  qui  t’ont  offert  aujourd’hui  à moi 
comme  un  aliment  pour  apaiser  ma  faim;  mais,  par 
bonheur,  après  un  long  temps,  la  vie  des  êtres  humains 
m’est  encore  agréable.  12,àOA — 12,â05. 

» Il  faut  nécessairement  que  je  te  raconte,  dompteur  des 
ennemis,  comment  cette  forme  de  serpent  me  fut  infligée. 
Écoute,  ô le  plus  excellent  des  hommes.  12,400. 

» C’est  la  colère  des  maharshis,  qui  m’a  plongé  dans 
cette  condition  : je  te  raconterai  toute  cette  histoire  dans 
ce  moment,  où  je  désire  arriver  à la  fin  de  cette  malédic- 
tion. 12,407. 

U Le  nom  du  saint  roi  Nahousha  est  venu  probablement 
à tes  oreilles  : il  était  üls  et  devait  continuer  la  race 
d’Ayou,  un  de  tes  précédents  ayeux.  12,40S. 


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160 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Je  suis  tombé  dans  celte  condition  par  la  malédiction 
d’Agastya  et  pour  le  mépris,  que  j'ai  fait  des  brahmes  : 
vois!  c'était  un  sort,  qui  m'était  réservé  par  le  Des- 
tin. 12,AOO. 

» Si  je  ne  te  donne  pas  la  mort,  à toi,  mon  fils,  de  qui 
la  vue  m’est  extrêmement  chère,  vois  I quelle  règle  ai-je 
maintenant  à suivre  ? 1*2, élO. 

» En  effet,  qui  que  ce  soit,  ou  éléphant,  ou  buffle  même, 
tombé  à la  portée  de  ma  prise,  ne  fut  jamais  relâché 
par  moi,  6 le  plus  grand  des  hommes,  dans  les  jours, 
où  je  rompais  l'abstinence.  12,111. 

U Tu  ne  fus  pas  saisi,  ô le  plus  vertueux  des  Kou- 
rouides,  par  un  reptile  seulement,  né  dans  une  matrice 
d’animal.  Cette  grâce  me  fut  accordée  : 12,412. 

U Au  moment,  où  je  tombai  du  char  sublime  et  du 
siège  de  Çakra,  j'avais  adressé  ce  langage  au  révérend  et 
au  plus  saint  des  anachorètes  : « Fais  promptement  finir 
la  malédiction  ! » 12,413. 

Il  Et  le  vigoureux  solitaire,  baigné  de  compassion,  m'a- 
vait dit  : n Quelle  que  soit  la  révolution  du  temps,  sire, 
elle  t’apportera  la  délivrance.  » 12,414. 

U Alors,  je  tombai  sur  la  terre  et  la  mémoire  ne  m'a- 
bandonna pas,  car  mon  Pourâna  fut,  comme  il  était  arrivé, 
conforme  au  souvenir.  12,415. 

« Quiconque,  sachant  les  divisions  de  la  science,  ré- 
pondra aux  questions,  qui  lui  seront  posées,  te  délivrera 
de  la  malédiction;  » ainsi  m'a  parlé  le  rishi.  12,416. 

» Tout  être  animé,  très- fort,  supérieur  même  à tout 
autre,  une  fois,  sire,  que  tu  l’auras  saisi,  perdra  bientôt 
son  courage.  » 12.417. 

U J’entendis  les  paroles  des  brahmes  cachés,  pleins  de 


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VANA-PARVA. 


161 


compassion,  au  cœur  desquels  était  née  l’affection  pour 
moi.  12,Â18. 

» Affligé  de  cette  peine  extrême  et  revêtu  de  cette  forme 
d’animal,  prince  à la  grande  splendeur,  j’habite,  désirant 
la  mort,  l’inipur  Niraya,  » 12,410. 

Bhimaséna,  aux  longs  bras,  lui  fit  cette  réponse  : « Je 
ne  suis  pas  irrité,  grand  serpent,  et  je  n’ai  point  de  re- 
proche à m’adresser  ; 12,420. 

» Car  un  homme,  s’il  a ou  non  de  la  raison,  ne  doit 
pas  laisser  son  âme  ouverte  à l’arrivée  ou  au  départ  du 
plaisir  ou  de  la  peine.  12,421. 

» Quel  effort  de  l’homme  peut  déjouer  le  destin?  Je 
pense  que  le  destin  est  tout-puissant,  et  l'action  de 
l’homme  inutile.  12,422. 

» Jette  les  yeux  sur  moi,  qui  me  confiais  à la  force  de 
mes  bras  et  qui  me  vois  maintenant  ici  tombé  sans  cause 
dans  une  telle  condition.  12,423. 

» Mais  ce  n’est  pas  tant  ma  perte,  que  je  plains  aujour- 
d’hui que  l’abandon  de  mes  frères  dans  une  forêt  et  leur 
chute  du  royaume.  12,424. 

» Ce  mont  Himâlaya  est  d’un  accès  difficile,  rempli 
d’Yakshas  et  de  Rakshasas  ; troublés,  mes  frères  tombe- 
ront, en  considérant  mon  sort.  12,425. 

I)  La  nouvelle  de  ma  mort  leur  enlèvera  toute  action  ; 
ces  princes  au  caractère  vertueux  seront  tués  par  moi,  qui 
suis  avide  de  leur  conquérir  un  royaume.  12,426. 

» Cependant  le  vertueux  Arjouna,  instruit  à manier 
toutes  le*s  armes,  inaffrontable  aux  Rakshasas,  aux  Gan- 
dharvas  et  aux  Dieux,  ne  se  laissera  pas  tomber  dans  la 
crainte  1 12,427. 

» Ce  héros  aux  longs  bras,  à la  force  immense,  est 
IV  11 


168 


LE  MAHA-BHARATA. 


capable,  fùt-il  seul,  de  renverser  promptement  de  son 
trône  le  roi  des  Dieux  mêmes.  12,â2S. 

» A plus  forte  rai.son  le  fils  de  Dhritarâshtra,  qui  pra- 
tique un  jeu  criminel,  qui  est  en  haine  au  monde  entier, 
qui  est  livré  à l’égarement  du  jeu.  12,429. 

1)  Je  pleure  le  sort  de  ma  mère,  cette  infortunée,  qui 
aime  pa.ssionnénient  ses  fils  ; elle,  qui  toujours  nous  a 
prédit  une  grandeur  éminente  sur  nos  ennemis.  12,430. 

» Comment  ma  perte  ne  pourrait-elle  pas  condamner  à 
la  stérilité  toutes  les  joies,  que  cette  infortunée  sans  appui 
avait  fondées  sur  moi  ? 12,431. 

1)  Nakoula  et  Suhadéva,  ces  jumeaux,  qui  obéissent  aux 
lois  d’un  gourou,  bien  protégés  par  la  force  de  mon  bras, 
ont  montré  toujours  la  fierté  des  hommes.  12,432. 

» Ils  renonceront  à l'action  et,  tout  afiligés  de  ma  perte, 
leur  courage  et  leur  force  seront  brisées  : c'est  là  mon  sen- 
timent. D 12,433. 

Telles  et  nombreuses  étaient  les  plaintes,  que  Ventre- 
de-loup  exhalait  alors  ; mais,  enchaîné  par  le  serpent,  il 
ne  pouvait  faire  un  seul  mouvement.  12,434; 

La  respiration  n'allait  point  à l’âme  d’Vouddhishthira, 
le  fils  de  kountt,  à la  vue  de  cette  infortune  et  à la  pensée 
de  ce  prodige.  12,435. 

Placé  au  midi,  un  chacal  tremblant  gémissait  des  cris 
effrayants  et  sinistres  dans  la  plage  enflammée  de  cet 
hermitage.  12,436. 

Une  caille  d’un  aspect  horrible,  vomissant  un  sang 
rouge  et  qui  n’avait  qu’un  pied,  qu’un  seul  œil  et  qu’une 
aile,  se  montra,  poussant  des  cris  semblables  à ceux  de  la 
mort.  12,437. 

Le  vent  souilla  rauque  et  coun'oucé  : tous  les  bruits 


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VANA-PARVA.  16S 

des*  volatiles  et  des  quadrapèdes  étaient  de  mauvais  au- 
gure. 12,488. 

« Val  va  ! » répétait  à chaque  instant  derrière  lui  une 
corneille  noire  ; et  un  tremblement  agitait  son  bras 
droit.  12,439. 

Sou  cœur  et  son  pied  gauche  palpitaient  sans  règle  : il 
se  fit  dans  l’œil  gauche  un  changement  de  sinistre  pré- 
sage. 12,440. 

L’intelligent  Dharmarâdja,  comprenant  que  c’étaient 
les  augures  d’un  grand  péril,  demanda,  fils  de  Bharata, 
à Draàupadî  : u Où  est  Bhtma?  » 12,441. 

Pântchâli  de  lui  répondre  que  Vrikaudara  était  sorti 
depuis  long-temps  : a Ce  héros  aux  longs  bras,  sire,  est 
parti,  accompagné  de  Dhaâumya.  » 12,442. 

11  dit  à Arjouna  que  la  défense  de  Draâupadt  lui  était 
confiée  : il  assigna  Nakoula  et  Sahadéva  aux  brahmes. 

Puis,  ayant  mis  le  pied  hoi*s  de  cet  hermitage,  l’auguste 
fils  de  Kountî  se  mit  à la  recherche  de  Bhîmaséna  dans  la 
grande  forêt.  12,443 — 12,444. 

Il  entre  dans  la  région  orientale  et  voit,  marquée  par 
les  vestiges  du  grand  Bhîmaséna,  la  terre,  qui  nourrit  les 
troupeaux  d’éléphants.  12,445. 

Ensuite,  ayant  vu  des  milliers  de  gazelles  et  des  cen- 
taines de  lions  abattus  dans  la  vaste  forêt,  le  monarque 
sentit  qu’il  entrait  dans  la  route  de  son  frère.  12,446. 

Abattus  par  le  vent  des  cuisses  de  ce  héros,  courant  à 
la  chasse  avec  la  rapidité  du  vent,  les  arbres  étaient  ren- 
versés le  long  de  sa  route.  12,447. 

Guidé  par  ces  signes,  il  vit  alors  dans  une  forêt  de  la 
montagne,  remplie  d’arbres  sans  feuilles  et  le  plus  en  but 
à la  furie  des  vents',  12,448. 


164 


LE  MAHA-BHARATA. 


Dans  un  lieu  inhospitalier  et  désert,  plein  d’ arbres  épi- 
neux, rempli  d'arbustes  à fruit  au  milieu  des  sables  immo- 
biles, dans  un  lieu  inaccessible,  entouré  de  précipices,  il 
vit  l’homme,  qui  ne  pouvait  se  remuer,  empêché  qu’il 
était  par  le  roi  des  serpetits.  12,ââ9. 

Le  juste  Youddhisluhira,  s’étant  approché  de  lui,  tint 
ce  langage  à son  frère  chéri,  entouré  par  les  replis  du 
serpent  : 12,450. 

« Fils  de  Kountt,  comment  es-tu  tombé  dans  ce  mal- 
heur ? Quel  est  cet  immense  serpent,  dont  le  fantôme  ne 
jouit  pas  de  la  montagne  ? » 12,451. 

Quand  le  frère  puîné  vit  Dharmarâdja,  il  raconta  à son 
frère  aîné  sa  ciipture  et  toute  son  histoire.  12,452. 

a Ce  noble  et  grand  être,  dit  Bhimaséna,  m’a  pris 
comme  un  aliment.  C’est  un  saint  roi,  nommé  Nahousha  : 
dans  sa  mort  il  est  comme  vivant.  » 12,453. 

« Que  mon  frère  à la  valeur  sans  mesure  soit  relâché 
par  toi,  seigneur  : nous  te  donnerons  une  antre  nourri- 
ture, capable  de  calmer  ta  faim,  reprit  Youddhishlhira.'  » 

« Ce  (ils  de  roi  est  tombé  dans  ma  gueule  comme  un 
aliment,  répondit  le  serpent.  Qu’il  s’en  aille  en  liberté? 
Ce  n'est  pas  mon  avis  ! Demain  sera  le  tour  de  ta  majesté. 

» Voici  quel  est  mon  vœu,  guerrier  aux  longs  bras  : 
tout  être,  qui  est  venu  dans  mon  domaine,  doit  servir  â 
mes  aliments  I Et  tu  es  venu  ainsi,  mon  fds,  dans  mon  do- 
maine. 12,454 — 12,455 — 12,450. 

U Après  un  long  temps  ton  frère  puîné  me  fut  donné 
comme  nourriture.  Certes  ! je  ne  le  lâcherai  pas  ! Je  ne 
veux  pas  autre  chose.  » 12,457. 

(I  Si  ton  excellence  est  un  Dieu,  ou  un  Daltya,  ou  bien 
un  Ouraga,  reprit  Youddhishthira,  dis-moi  la  vérité,  ser- 


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VANA-PARVA. 


165 


. pent;  c’est  moi,  Youddhishthira,  qui  t’interroge.  12,458. 

» Pourquoi  faut-il  que  mon  frère  puîné  soit  dévoré  par 
toi,  reptile?  Quel  plaisir  auras-tu,  serpent,  soit  de  l’avoir 
pris,  soit  de  le  connaître  ? 12,459. 

» Quelle  nourriture  te  donnerai-je?  Et  comment  amè- 
nerai-je ta  grandeur  à délivrer  cet  homme?  » Le  serpent 
de  lui  répondre  : « Je  suis  le  roi  Nahousha,  un  de  tes  an- 
cêtres, mortel  sans  péché.  12,460. 

» Je  fus  le  cinquième  fils,  roi  des  hommes,  que  Soma- 
dâyou  obtint  dans  ses  désirs.  J’ai  acquis  successivement 
une  souveraineté  sans  trouble  sur  les  trois  mondes  par 
mes  sacrifices,  ma  pénitence,  ma  lecture  et  ma  répression 
des  sens.  Quand  j’eus  obtenu  sur  eux  cet  empire,  l’or- 
gueil s’empara  de  moi.  12,461 — 12,462. 

» Un  millier  de  brahmes  portait  ma  litière.  Enivré  par 
la  folie  du  pouvoir,  j’en  vins  à mépriser  les  brahmes. 

» Je  fus  plongé  dans  cette  condition  par  Agastya,  sou- 
verain de  la  terre  ; mais  dans  cet  état  même,  fils  de 
Pàndou,  la  connaissance  ne  m’abandonne  point  mainte- 
nant par  la  faveur  du  magnanime  Agastya.  J’ai  obtenu 
ton  frère  puîné  comme  aliment  dans  mon  sixième  jour  de 
jeûne.  12,463 — 12,464 — 12,465. 

» Je  ne  l’abandonnerai  pas  ; je  ne  veux  pas  autre  chose. 
« Mais  si  tu  réponds  aux  interrogations,  que  je  vais 
t’adresser,  » 12,466. 

n Alors,  je  rendrai  la  liberté  à Vrikaudara,  ton  frère.  » 
— «Parle à ta  volonté,  serpent,  répondit  Youddhishthira, 
je  vais  satisfaire  à tes  questions.  12,467. 

» J’essaierai  si  je  puis  te  procurer  du  plaisir,  mais  ton 
excellence  sait  que  ce  qui  peut  être  enseigné  est  seule- 
ment ici  le  domaine  du  brahme.  12,468. 


166 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Quand  je  t’aurai  entendu,  roi  des  serpents,  je  te  ren- 
drai ma  réponse.  » — « Qui  sera  le  brahme,  sire  ? dit  le 
reptile  ; et  quelle  chose  peut  être  enseignée,  Youddhish- 
thira?  12,ê69. 

» Parle  I et  nous  conclurons  de  tes  paroles  que  tu  es  un 
homme  de  haute  intelligence.  » Youddhishthira  lui  ré- 
pondit ; « L’homme,  Indra  des  serpents,  où  l’on  voit  la 
vérité,  l’aumône,  la  patience,  un  bon  caractère,  l’huma- 
nité, la  pénitence  et  la  compassion,  il  faut  ne  pas  oublier 
que  c’est  un  brahme.  La  science  suprême,  c’est  Brahma, 
serpent,  qui  est  sans  douleur  et  sans  plaisir  : 

12,670—12,471. 

U Ceux,  qui  sont  allés  à lui,  ne  connaissent  pas  les 
regrets.  Mais  que  sert  à ton  excellence  de  parler  davan- 
tage?» — «L’autorité,  objecta  le  serpent,  la  vérité  et 
Brahma  lui-même  appartiennent  aux  quatre  castes. 

» On  voit  dans  les  çoûdras  eux-mêmes,  Youddhish- 
thira, la  vérité,  l’aumône,  l’absence  de  colère,  l’humanité, 
l’abstention  du  mal  et  la  pitié.  12,472 — 12,473. 

» Quant  à cette  science,  qui  est  la  non-existence  de  la 
douleur  et  du  plaisir,  le  pied  est  dépourvu  de  ces  deux 
choses  ; il  n’est  pas  autre  : c’est  ainsi  que  les  objets  me 
paraissent.  » 12,474. 

.«  Le  c^actère,  que  tu  penses  voir  dans  les  çoûdras, 
n’existe  pas,  répondit  Youddhishthira  : un  çoûdra  ne 
peut  être  un  brahme  ; ni  un  brahme  ne  peut  être  un 
çoûdra.  12,475. 

» Là,  où  tu  verras  ces  choses,  souviens-toi,  serpent, 
que  c’est  un  brahme  : là,  où  elles  ne  seront  pas,  cette 
absence  te  dénote  un  çoûdra.  12,476. 

» Tu  as  dit  tout  à l’heure  : « La  science  n’existe  pas! 


VANA-PARVA. 


167 


Le  pied  est  dépourvu  de  douleur  et  de  plaisir  : en  est-il 
autrement,  il  n’existe  pas.  » J 2,477, 

» C’est  ainsi  que  je  pense  : ce  qui  est  dépourvu  de 
plaisir  et  de  douleur  n’existe  pas,  comme  au  juste  milieu 
du  froid  et  du  chaud,  il  n’existe  ni  chaleur,  ni  froidure. 

» Ainsi,  le  pied,  insensible  au  plaisir  et  à la  douleur, 
n’existe  nulle  part.  Telle  est  mon  opinion,  serpent  ; ou 
bien  elle  est  ce  que  pense  ta  grandeur.  » 12,478-12,479. 

« Si  tu  considères,  sire,  le  brahme  d’après  les  obser- 
vances de  castes,  objecta  le  serpent,  la  famille  alors  n’est 
rien  et  les  œuvres,  seigneur,  en  tel  nombre  qu’elles  soient, 
n’existent  plus.  » 12,480. 

(I  La  famille  est  ici  dans  l’humanité,  grand  serpent  4 la 
profonde  sagesse,  lui  répondit  Youddhishthira.  Toutes 
les  castes,  que  tu  mêles,  sont  la  canise  que  tu  voies  mal  : 
c’est  là  mon  sentiment.  12,481. 

» ’fous  les  hommes  engendrent  toujours  des  enfants 
dans  toutes  les  femmes  ; l’amour  n’est  qu’un  mot  : la 
naissance  et  la  mort  sont  égales  dans  les  hommes.  12,482. 

» Ce  Véda  et  ce  Pramâna,  c’est  nous,  qui  les  honorons 
par  des  sacrifices,  disent  les  brahmes  eux-mèmes.  Qui- 
conque sait  que  le  caractère  est  le  compagnon  favori,  voit 
la  vraie  nature.  12,483. 

» L’homme,  en  naissant  à la  vie,  ne  fut  pas  disposé 
moralement  d’après  un  accroissement  antérieur,  on  dit 
alors  que  la  Savitrl  est  sa  mère  et  son  père  est  dit  le  pré- 
cepteur. 12,484. 

» Tant  qu’il  est  l’égal  d’un  çoûdra,  il  ne  prend  pas  de 
naissance  dans  le  Véda.  Manou,  fils  de  l'Être-existant- 
par-lui-mëme,  a exprimé  une  telle  opinion  sur  lui  dans 
un  distique  mémorial  : 12,485. 


168 


LE  MAHA-BHiVRATA. 


» Mais  si,  les  castes  satisfaites,  le  devoir  n'existe  pas, 
l’homme  fort,  Indra  des  serpents,  est  vu  comme  de  classe 
dégradée,  là,  où  l’on  recherche  maintenant  une  conduite 
excellente.  Je  t’ai  dit  en  ce  qui  précède,  ù le  plus  grand 
des  serpents,  ce  qui  concerne  le  brahme.  » 

12,486— 12,â87. 

« J’ai  entendu,  Youddhishthira,  lui  répondit  le  ser- 
pent, ton  discours  sur  des  choses  ou  sues  ou  qui  sont  à 
connaître  : comment  puis-je  après  cela  dévorer,  ton  frère 
Vrikaudara  1 n 12,488. 

« Telle  est  ton  excellence,  reprit  Youddhishthira, 
qu’elle  est  parvenue  à la  rive  ultérieure  des  Vëdas  et  des 
Védàngas.  Dis-moi  par  quelle  action  nous  pouvons  arriver 
à la  voie  supérieure.  » 12,489. 

<i  En  donnant  deux  vases  de  sacrifice,  en  disant  des 
choses  aimables,  repartit  le  serpent,  en  disant  la  vérité, 
l’homme,  qui  trouve  du  plaisir  à ne  faire  du  mal  à per- 
sonne, arrive  au  Swarga  : c’est  mon  opinion.  » 12,490. 

« Est-ce  par  l’aumône,  ou  par  la  vérité?  répondit 
Youddhishthira.  Quel  poids  ressort  de  là  ? 11  faut  que  la 
pesanteur  ou  la  légèreté  soient  assorties  à l'innocence  et 
à l’amabilité.  ■>  12,491. 

s L’aumône,  la  vérité,  le  sens  conforme  à la  nature, 
l’abstention  de  nuire  et  l'amabilité,  reprit  le  boa,  la  pesan- 
teur ou  la  légèreté  de  ces  choses  est  donnée  par  la  gravité 
de  l'aifaire  elle-même.  12,492. 

■>  La  vérité,  Indra  des  rois,  est  plus  estimée  que  toute 
contemplation  tèfhe  de  l’aumône  ; mais  quelle  que  soit  l'au- 
mône, elle  est  plus  estimée  qu’une  parole  de  vérité.  1 2,49S. 

» Ainsi,  héroïque  prince  de  la  terre,  l’abstention  de 
mal  est  plus  grande  qu’une  parole  aimable,  et  cepen- 


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VANA-P.VRVA. 


109 


dant  que  rechercbe-t-on  ? Une  parole  aimable  I 

» Que  cela  soit  ainsi  : la  considération  de  l'allai  re,  sire, 
vient  immédiatement  après.  Dis-moi  autre  chose,  qui  t'est 
agréable  : maintenant  j'ai  dit.  » 12,&95. 

« Gomment  obtient-on  la  voie  du  ciel  ? dit  Youddhish- 
thira.  Comment  un  homme,  qui  a déserté  son  corps, 
peut-il  voir  assuré  le  fruit  des  œuvres  ? Parle-moi  des 
objets  des  sens.  » 12,496. 

s Trois  chemins  sont  enseignés  pour  l’homme  par  ses 
propres  œuvres,  lui  répondit  le  serpent  : l'humain,  l’ha- 
bitation dans  le  ciel  et  l'ètre,  sous  les  formes  d’animal, 
qui  est  le  troisième.  12,497. 

» L’homme  sans  paresse  va  de  ce  monde-ci  au  Swarga 
par  des  œuvres  associées  au  mérite  de  ne  faire  aucun 
mal  à nul  être  animé , par  l’aumdne  et  par  les  autres 
vertus.  12,498. 

» Aura-t-il  à présenter  des  actions  opposées,  Indra  des 
rois,  l’homme  deviendra  un  animal  ; et  la  distinction  sera 
dite  ici,  mon  fils.  12,499. 

Il  Quiconque  sera  uni  à l’amour  et  à la  colère,  qui- 
conque aura  pour  suite  la  violence  et  l’avarice,  déchu  de 
sa  qualité  d’homme,  il  renaîtra  au  sein  d’un  animal. 

» Une  existence  distincte  de  la  bète  est  disposée  pour 
l’homme,  et  c’est  ainsi  que  des  vaches,  des  chevaux  et 
d’autres  animaux  parviennent  à la  vie  des  Dieux. 

12,500—12,501. 

Il  Telles  sont  les  routes,  que  suit  l’homme  engagé  dans 
les  alTaires  ; mais  le  brahme  se  place  de  lui-méme  par  de 
grandes  observances.  12,502. 

K L’homme  fort,  ipeine  est-il  né,  jouit  aussitôt  des  sens, 
et  l’âme,  à peine  reçue  dans  un  corps,  perçait  aussitôt  la 


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170 


LE  MAHA-BHARATA. 


saveur  du  fruit  ; la  connaissance  du  caractère  des  créatures 
se  prend,  mon  fils,  par  le  contact  avec  elles.  » 12,505. 

« Dis-moi,  sans  trouble  et  suivant  la  vérité,  serpent, 
reprit  Youddhishthira,  quel  .séjour  il  fait  dans  le  son,  le 
toucher,  les  objets  visibles,  l’odorat  et  le  goût.  12,505. 

» Pourquoi  ne  prends-tu  pas,  .serpent  d’une  grande 
intelligence,  tous  les  sens  à la  fois?  Ainsi  tout  ce  qui  a été 
dit,  6 le  plus  grand  des  reptiles,  se  trouverait  d’accord.  » 

it  Cette  substance  de  l’àme,  répondit  le  serpent,  qui 
est  douée  de  l’organisme  d’un  corps,  qui  habite  au  milieu 
des  actions,  savoure  les  jouissances,  conformément  à la 
règle.  12,505—12,506. 

» L’intelligence,  la  pensée,  la  science  de  cette  âme  sont 
des  actes  en  relation  avec  la  jouissance  : écoute-moi, 
éminent  Bharatide.  12,607. 

» Sortie  du  corps,  l’ànie  des  êtres  parcourt  mentale- 
ment l’un  après  1’, autre,  mon  fils,  tous  ces  sens,  parce 
' qu’elle  se  trouvait  placée  dans  l’habitation  des  sens. 

» L’àme  de  l’homme  est  disposée  de  cette  manière,  et 
c’est  pour  cela,  tigre  des  hommes,  qu’on  n'arrive  pas  du 
premier  coup  à la  comprendre.  12,508 — 12,509. 

» L’âme  est  placée  dans  l’intervalle  de  l’un  et  de  l’autre, 
sourcil  : elle  enfante  dans  les  diverses  choses  la  pensée  du 
passé  et  de  l’avenir.  12,510. 

» C’est  le  temps  futur,  qui  démontre  aux  sages  la  con- 
naissance de  l’âme  : telle  est,  tigre  des  rois,  la  règle  pour 
la  science  de  l’âme.  » 12,511. 

Il  Dis-moi  le  caractère  supérieur  de  l’âme  et  de  la  pen- 
sée, demanda  Youddhishthira;  ceux,  à qui  l’àme  suprême 
est  connue,  regardent  cette  chose  comme  étant  capi- 
tale. » 12,512. 


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VANA-PARVA. 


171 


« La  pensée  lut  disposée  par  le  miracle  de  m namance» 
répondit  le  serpent,  comme  essentiellement  attachée  à 
l’âme  ; sache  quelle  s’appuie  sur  l’âme  ; celle-ci  sera  tou- 
jours le  désir  de  la  pensée.  12,513. 

» La  pensée  naît  de  la  cause,  mais  T âme  est  déjà  née  ; 
il  n’est  pas  de  règle  pour  les  qualités  de  la  pensée,  elle 
aura  les  qualités  de  l’âme.  12,ôlâ. 

» Voilà,  mon  fils,  les  caractères  distinctifs  de  Tàme  et 
de  la  pensée.  D’ailleurs,  tu  es  savant  en  ces  matières  : 
que  pense  donc  ta  majesté  ? » 12,515. 

« Oh  1 le  mieux  doué  des  êtres  intelligents,  reprit 
Youddhishthira,  ta  pensée  est  heureuse  : tu  sais  tout  ce 
qui  est  à savoir  ; comment  m’interroges-tu  ? 12,516. 

» Comment  as-tu  pu  être  le  jouet  du  délire,  toi,  qui 
savais  tout  et  qui  habitais  le  Swarga  ? Un  grand  doute 
me  saisit,  quand  je  pense  à des  choses  ainsi  merveil- 
leuses. » 12,517. 

« La  prospérité  enivre  l’homme,  répondit  le  serpent, 
fût-il  un  héros,  plein  des  plus  hautes  connaisvsances.  Tout 
homme,  qui  vit  dans  les  plaisirs,  y perd  la  tête  : c’est 
mon  sentiment.  12,518, 

» La  folie  du  pouvoir  me  remplit  de  son  ivresse,  Youd- 
dhishthira; je  tombai  et  vins  à résipiscence  ; c’est  un  aver- 
tissement, que  je  te  donne  ici.  12,519. 

» Tu  as  accompli  mon  affaire,  fléau  des  ennemis  : tes 
paroles,  vertueux  monarque,  ont  détruit  la  malédiction 
bien  affligeante,  qui  pesait  sur  moi.  12,520. 

» Un  jour,  je  parcourais  le  ciel,  monté  sur  un  char 
céleste;  j’étais  plein  d’orgueil  et  je  ne  pensais  à rien  autre 
chose.  12,521, 

» Tous  les  habitants  des  trois  mondes,  Pannagas,  Bak- 


172 


LE  MAHA-BHARATA. 


shasas,  Yakshas,  Gandharvas,  brabmarhis  et  DieuXt  s’em- 
pressaient de  me  présenter  des  tributs.  12,522. 

M A l’être,  sur  lequel  tombaient  mes  yeux,  mon  seul 
regard  enlevait  promptement  sa  vigueur,-  car  il  y avait 
dans  ma  vue,  souverain  de  la  terre,  une  telle  puis- 
sance. 12,523. 

» Un  millier  de  brahmarshis  portaient  ma  litière  ; ce 
moyen  de  transport  fut  la  cause,  sire,  qui  me  jeta  à bas 
du  pouvoir.  12,52A. 

» Agastya  fut  dans  ce  moment  frappé  par  moi  du  pied  : 
l’anachorète  me  dit  alors  avec  colère  : « Tombe,  et 
rampe  1 » 12,525. 

» Aussitôt  déchu  des  marques  du  pouvoir  et  précipité 
de  ce  char  sublime,  je  tombai  et  je  sentis  que  j’étais  de- 
venu un  serpent  et  que  ma  tête  enfin  touchait  la  terre. 

a La  fin  de  cette  malédiction  sera-t-elle  bientôt?  dis-je 
au  brahme  en  silence.  Que  le  révérend,  par  sa  grâce, 
daigne  pardonner  à un  insensé  I » 12,52(5 — 12,527. 

» Alors,  plein  de  compassion,  il  me  dit,  tombé  à ses 
pieds  : « Youddhishthira-Dharmaràdja  est  Thomme,  qui 
te  délivrera  de  cette  malédiction.  12,528. 

» Une  fois  expié  cet  horiible  péché  d’orgueil,  puissant 
roi  de  la  terre,  tu  obtiendras  le  fruit  de  la  pureté.  » 

» L’étonnement  me  saisit  à la  vue  de  la  force  de  sa 
pénitence,  à la  vue  de  la  vertu  brahmique  et  maintenant 
du  brahmanat,  avec  lequel  je  t’ai  fait  venir  en  ces  lieux. 

12,529—12,530. 

» La  vérité,  la  répression  des  sens,  la  pénitence,  l’au- 
mône, l’abstention  du  mal  envers  tous  les  êtres  et  la  per- 
sistance dans  la  vertu  sont  toujours  utiles  à l’homme  : ce 
n’eat,  sire,  ni  sa  famille,  ni  sa  race.  12,531. 


VANA-PARVA. 


173 


» Voici  Bhtmaséna,  ton  frère  à la  grande  force,  sain 
et  sauf  I La  félicité  descende  sur  toi,  puissant  roi  ! je  vais 
retourner  au  ciçl.  » 12,532. 

A ces  mots,  ayant  rejeté  son  enveloppe  de  boa  et  revêtu 
des  formes  célestes,  le  roi  Nahousha  reprit  le  chemin  du 
Tridaça  même.  12,633. 

Réuni  à son  frère  Bhîmaséna  et  accorap-^gné  de  Dhaâu- 
mya,  le  fortuné  Youddhishthira-Dharmarâdja  s’en  revint 
à l'hermitage.  12,53A. 

Ensuite,  il  raconta  suivant  la  vérité  à tous  les  brahmes 
réunis  toute  cette  histoire.  12,535. 

A ce  récit,  tous  les  brahmes,  et  ses  trois  frères,  et 
l'illustre  Drâaupadt  furent,  sire,  pleins  d’une  confuse 
émotion.  12,636. 

Tous  ces  brahmes  saints,  animés  par  le  désir  du  bien 
des  Pàndouides  et  blâmant  le  caractère  violent  de  Bhtma, 
lui  dirent  à l’envi  : « N’agis  plus  à l’avenir  de  cette  ma- 
nière ! » 12,537. 

Les  fils  de  Pândou,  voyant  le  vigoureux  Bhtma  sans 
crainte,  en  conçurent  de  la  joie  et  passèrent  le  temps, 
livrés  à la  galté.  12,538. 


LES  ENTRETIENS  DE  MARKANDÉTA. 


Vatçainpâyana  dit  : 

Tandis  qu’ils  habitaient  là,  naquit  la  saison,  qui  met 
fin  à l’été,  le  temps  des  pluies,  apportant  le  plaisir  à tous 
les  êtres.  12,639. 

Des  grues  couvraient  le  ciel  ; de  grands  et  sombres 
nuages  enveloppaient  l'atmosphère,  et  versaient  alors 
continuellement  la  pluie,  soit  le  jour,  soit  la  nuit.  12,660. 

A la  fin  des  chaleurs,  les  habitations  par  centaines  et 
par  mille  avaient  des  multitudes  de  splendeurs,  qui  rap- 
pelaient le  soleil  éloigné  et  re.ssemblaient  à de  purs 
éclairs.  12,511. 

Arrosée  par  la  pluie,  la  terre,  jonchée  de  gazons  nou- 
veaux, pleine  de  serpents  à la  dent  venimeuse,  avait  ses 
chaleurs  éteintes  et  ravissait  tout  à la  ronde.  12,562. 

Rien  ne  pouvait  naître  sur  la  terre  ensevelie  sous  les 
les  eaux  : les  rivières  couvr.aient  également,  et  les  champs 


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VANA-PARVA. 


176 


planes,  et  les  lieux  inégaux,  et  les  montagnes.  12,513. 

Les  fleuves  à la  grande  vitesse,  aux  ondes  agitées,  sem- 
blaient respirer  : les  régions  voisines  du  Sindhou  et  les 
bois  resplendissaient  à la  fin  des  chaleurs.  12,511. 

Les  bois  criaient  ; on  y entendait  diflérents  bruits  de 
volatiles,  de  quadrupèdes,  de  sangliers  submergés  par  les 
pluies.  12,515. 

Les  tchàtakas,  les  paons  avec  les  troupes  des  kokilas 
mâles,  et  les  grenouilles  orgueilleuses  s’abattaient  de  tous 
les  côtés.  12,516. 

L’heureuse  saison  des  pluies  aux  formes  très-diverses, 
donnant  une  voix  aux  échos  des  nuages,  se  retirait  de- 
vant les  Pândouides,  qui  marchaient  dans  les  Maroudhan- 
vans.  12,517. 

La  saison  de  l’automne  aux  fleuves  d’eau  limpide,  aux 
plateaux  des  montagnes  semés  de  forêts  et  plantés  de 
bois  secs,  semblait  se  réjouir,  pleine  de  cygnes  et  d’ar- 
dées.  12,518. 

Brillant  de 'constellations  pures,  plein  de  volatiles  et 
de  quadrupèdes,  l’automne  s’offrait  heureux  devant  ces 
magnanimes  fils  de  Pàndou.  12,519. 

Rafraîchies  par  des  nuages  et  calmant  leurs  poussières, 
les  nuits  paraissaient  aux  yeux  resplendissantes  de  clair- 
de-lune,  de  troupes  de  constellations  et  de  planètes. 

Les  Pândouides  virent  les  lacs  et  les  rivières  offrant  un 
aspect  heureux,  portant  des  ondes  fraîches,  ornées  de 
lotus  bleus  et  rouges.  12,550 — 12,551. 

Ils  ressentaient  de  la  joie  à marcher  le  long  de  la  Sa- 
rasvatl  aux  tii-thas  purs,  dont  les  rives  étaient  garnies 
de  rotangs  et  dont  les  bords  ressemblaient  à l’atmos- 
phère. 12,552. 


176  LE  MAHA-BHARATA. 

Ces  héros  aux  solides  arcs  avaient  du  plaisir  à voir  la 
Sarasvatl  rouler  à pleins  rivages  des  ondes  prospères  et 
déployer  ses  eaux  limpides.  12,653. 

Leur  nuit  brillait  très-pure.  Tandis  qu’ils  habitaient  lit, 
Kârttika  développait  sa  pleine  lune,  Djanamédjaya , le 
quinzième  jour  de  sa  carrière.  12,554. 

Tous  les  Pândouides,  les  plus  vertueux  des  Bharatides, 
célébrèrent  cet  yoga  suprême  avec  des  ascètes  à la  grande 
âme,  aux  actes  purs.  12,555. 

Au  commencement  de  la  quinzaine  obscure,  accom- 
pagnés de  Dhaâumya,  des  cochers  et  des  intendants  sur 
la  cuisine , ils  se  mirent  en  route  pour  le  bois  Kâ- 
myaka.  12,556. 

Arrivés  là,  Youddhishthira  à leur  tête,  les  descendants 
de  Rourou  s'acquittent  des  devoirs,  que  prescrit  l'hospi- 
talité, et  s'y  reposent  avec  Krishnâ  et  les  troupes  des  soli- 
taires. 12,657. 

Un  grand  nombre  de  brahmes  entourèrent  de  tous 
cêtés  les  Pândouides,  tandis  qu'ils  habitaient  là  en  toute 
sécurité.  12,558. 

Un  certain  brahme,  le  cher  ami  d’Arjouna,  lui  dit  : 
« Çaâuri,  le  sage  aux  longs  bras,  à l'esprit  éclau^,  vien- 
dra ici.  12,559. 

» En  effet,  la  nouvelle  de  votre  arrivée  en  ces  lieux, 
continuateurs  de  Rourou,  fut  annoncée  à Hari,  et  toujours 
Hari  fut  désirant  votre  vue  et  s'occupant  de  votre  bien. 

» Mârkandéya  aux  grandes  pénitences,  de  qui  la  vie 
embrasse  un  grand  nombre  d'années  et  qui  la  passa  dans 
la  lecture  et  la  pénitence,  viendra  lui-même  bientôt  vous 
voir.  B 12,560 — 12,561. 

Tandis  que  le  soUtaire  parlait  ainsi,  Réçava,  le  meilleur 


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VANA-PAR^A. 


177 


des  maîtres  de  chars,  se  montra,  porté  siir  son  char,  attelé 
de  Çougriva  et  de  Çalvya.  12,562. 

Le  fils  de  Dév.iki  s’avançait,  accompagné  de  Satya- 
bhàinâ,  comme  Indra  est  accompagné  par  la  fille  de  Pou- 
loma  : il  était  conduit  par  le  désir  de  voir  les  plus  ver- 
tueux des  kourouidcs.  12,563. 

Descendu  de  son  char,  le  sage  Krishna,  plein  de  joie, 
se  prosterna,  suivant  l’étiquette,  devant  Youddhishthira 
d’abord  ; ensuite,  devant  Bhima,  le  plus  fort  des  hommes 
forts.  12,56â. 

Salué  par  les  jumeaux,  il  honora  Dhaâumya,  il  em- 
brassa Goudâkéça  et  adressa  des  compliments  à Draâu- 
padl.  12,565. 

Quand  il  vit  son  ami,  le  héros  Phàlgouna,  qui  depuis 
long-temps  était  de  retour,  le  Dàçàrhain,  dompteur  des 
ennemis,  l’embrassa  mainte  et  mainte  fois.  12,566. 

De  même  Draâupadi,  la  chère  et  royale  épouse  des 
Pàndouides,  embrassa  Satyabhàmâ,  la  noble  épouse  bien- 
aimée  de  Krishna.  12,567. 

Tous  les  Pàndouides  avec  leur  épouse,  avec  leur  archi- 
brahme,  honorent  Poundarlka  et  l'environnent  de  tous  les 
côtés.  13,568. 

Quand  il  se  fut  réuni  avec  le  fils  de  Prithâ,  ce  Dhanan- 
djaya,  la  menace  des  Asouras,  le  sage  Krishna  de  briller 
comme  le  magnanime  souverain  des  Bhoûtas  en  personne, 
réuni  avec  Kârttikéya.  12,569. 

Le  guerrier,  qui  porte  une  guirlande  pour  diadème, 
ayant  dit  au  frère  aîné  de  Gada,  ce  qui  était  conforme  à 
la  vérité,  que  tout  était  couvert  dans  les  forêts,  lui  de- 
manda encore  : « Comment  se  portent  Soubhadrâ  et 
Abbimanyou?»  12,570. 

IV 


12 


LE  MAHA-BH.UIATA. 


J 78 

Le  meurtrier  de  Madhou  honora  suivant  la  vérité,  et  le 
fils  de  l’rithà,  et  Krishna,  et  l’archi-hrahme;  il  loua  le 
monarque  Youddhishlhira,  auprès  duquel  il  s’assit. 

« On  dit,  fils  de  Pàndou,  que  le  premier  devoir  d’un 
prince,  qui  a obtenu  le  royaume,  c’est  de  faire  pénitence 
pour  lui  : c’est  l’obligation  propre  d'un  homme,  qui 
marche  dans  la  droiture  et  la  vérité  : ce  monde  et  l’autre 
furent  conquis  par  toi,  sire,  tjui  observas  régulièrement 
tes  vu'ux  avant  la  lecture.  Vous  avez  tous  acquis  la  science 
de  l’arc  complètement  ; vous  avez  obtenu  des  richesses  en 
remplissant  les  devoirs  du  kshatrya  et  vous  avez  célébré 
les  antiques  sacrifices.  12,571 — 12,572 — 12,573. 

» Tu  ne  mets  pas  ton  plaisir  en  de  vils  devoire;  tu  ne 
fais  rien  par  amour;  l’ambition  des  biens  ne  te  fait  pas 
abandonner  le  devoir  ; tu  es  un  roi  d’une  telle  élévation 
d’esprit!  12,574. 

» L’aumône,  la  vérité,  la  pénitence  et  la  foi,  sire, 
l’intelligence,  la  patience  et  la  vérité  ; telles  sont  les  ver- 
tus, auxquelles  tu  as  dû  l’acquisition  des  royaumes,  des 
richesses,  de  toutes  les  jouissances  : ce  fut  toujours  là, 
fils  de  PrithA,  ta  volupté  suprême.  12,575. 

» Quand  une  troupe  de  gens  des  vils  Kourouides  vit 
KrishnA  malgré  elle  dans  l’assemblée,  quel  homme  autre 
que  toi,  fils  de  Pàndou,  eût  supporté  ce  procédé  d’une 
conduite,  que  désapprouvait  le  devoir.  12,570. 

» Toi,  qui  as  le  désir  de  toutes  les  choses  heureuses, 
tu  seras  bientôt  sans  doute  le  roi,  juste  protectetir  des 
créatures,  et  nous  serons,  nous!  parvenus  à comprimer 
les  Kourouides,  si  ta  promesse  obtient  sou  accomplisse- 
ment. » 12,577. 

Le  tigre  des  Dàçàrbains  dit  à Dhaâutuya,  à Bhlma,  à 


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VAN\-P.\RVA. 


179 


Youddhishthira,  aux  jumeaux  et  à Krishnâ  : « Quel 
bonheur!  Kirîti  joyeux,  l’étude  des  armes  terminée, 
s’est  heureusement  réuni  à vos  excellences!  » 12,578. 

Le  roi  des  Daçàrhains,  accompagné  deses  amis,  tint  ce 
langage  à Krishnâ,  la  fille  d’Yajnaséna  ; « Quel  bonheur  ! 
tu  l’éprouves  au  complet,  maintenant  que  te  voilà  réunie 
à Dhanaudjaya.  » Krishna  lui  dit  encore  : 12,579. 

« Tes  enfants  ont-ils  un  bon  caractère,  Krishnâ?  l^e 
plaisir  de  la  science  de  l’arc  est-il  leur  principal  objet? 
Tes  fils,  Yadjnasénî,  marchent-ils  dans  le  bien  avec  dë 
vertueux  amis  ? 12,580. 

» Ton  père  et  tes  frères  les  ont-ils  invités,  Krishnâ , à 
partager  avec  eux  le  trône  et  le  royaume?  Ces  enfants 
n’obtiennent-ils  pas  le  plaisir  dans  les  palais  et  d’Yajna- 
séna et  de  leurs  oncles  ? 12,581. 

» Mettant  dans  le  plaisir  du  Dhanour-Véda  leur  objet 
principal,  ont-ils  déjà  marché,  le  front  heureusement 
tourné  au  combat?  Entrés  avec  eux  dans  la  ville  des 
Vrishnides,  tes  fils,  Krishnâ,  désirent-ils  cette  cité.  12,582: 

» Telle  que  tu  veux,  telle  que  la  noble  Kountî  veut 
imprimer  en  eux  une  bonne  conduite,  de  même  Soubha- 
drâ  le  fait-elle  aussi  sans  négligence  elle-même.  12,583. 

» Comme  il  fut  pour  Aniroudha,  comme  il  fut  pour 
Abhimanyou,  comme  il  fut  pour  Asounîtha,  comme  il  fut 
pour  Bhînou,  tel  le  vainqueur  de  Roukmi  fut-il,  Krishnâi 
et  le  guide,  et  la  voie  pour  tes  fils?  12,58â. 

» Digne  d’être  leur  guide,  est-ce  le  jeune  prince  Abi- 
manyou,  qui  doit  les  diriger,  ces  héros  sans  paresse,  dans 
la  conduite  des  chevaux  et  des  chars,  dans  l’étude  des 
armes,  dans  la  prise  des  boucliers,  des  épées  et  des  mas- 
sues? 12,585. 


180 


LE  MAHA-BHARATA. 


B Ayant  terminé  leur  instruction  et  leur  ayant  donné 
des  armes  suivant  la  règle,  le  meurtrier  de  Roukmi  est-i! 
content  de  la  bravoure  de  tes  fils  et  du  courage  d’Abi- 
manyou?  12,580. 

« Tes  fds,  A'ajnaséni,  s’avancent-ils,  après  l’examen  fait 
de  la  conduite,  qu’il  faut  tenir,  et  suivent-ils  bien  la 
marche  des  chevaux,  des  chars,  des  éléphants,  les  uns 
des  autres.  » 12,587. 

Krishna  dit  encore  à Dharmarâdja,  aux  guerriers  des 
Dàçàrhains,  aux  Andhakas  et  aux  Koukouras  : « Qu’ils 
gardent  fidèlement  ton  ordre,  sire,  et  qu’ils  tiennent  ferme 
là  où  tu  le  désires.  12,588. 

» Que  l’armée  des  Madhous,  saisissant  pour  armes  des 
socs  de  charrue,  s’avance  rapide  comme  le  vent  fougueux 
de  l’arc,  et  quelle  déploie  ses  efforts  pour  l’intérêt  de  ta 
cause  avec  ses  éléphants,  ses  chars,  ses  chevaux  et  les 
guerriers,  qui  combattent  sur  les  chars.  12,589. 

»Que  Souyodhana,  le  ülsde  Dhritaràshtra,  le  plus  grand 
des  scélérats,  s’en  aille  avec  ses  parents,  avec  ses  amis, 
dans  la  route,  Pàndouide,  qu’ont  foulée  déjà  Bhaâuma  et 
le  souverain  de  Saàubha.  12,590. 

» Reste,  je  le  veux  bien,  Indra  des  hommes,  fidèle  à la 
convention,  que  tu  fis  avec  lui  dans  l’assemblée  ; mais 
que  la  ville  des  éléphants  attende,  avec  les  guerriers  du 
Daçârha,  ta  majesté,  victorieuse  de  ses  ennemis  immolés! 

» Ton  ressentiment  apaisé,  tes  péchés  effacés,  après  que 
tu  te  seras  amusé  à ton  aise  là  où  il  te  plaira,  tu  obtien- 
dras ce  beau  royaume,  qui  a pour  sa  capitale  célèbre  la 
ville  des  éléphants.  » 12,591 — 12,592. 

Quand  le  magnanime  connut  exactement  l’opinion,  que 
le  plus  grand  des  hommes  venait  d’énoncer,  Dharmarâdja, 


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VANA-PARVA. 


181 


portant  ses  mains  réunies  au  front,  dit  à Kéçava,  son 
éloge  à la  bouche  et  les  yeux  fixés  sur  lui  : 12,593. 

« Ta  majesté.  Dieu  chevelu,  est  sans  doute  la  voie  des 
Pândouides  : les  enfants  de  Prithâ  se  réfugient  sous  ton 
secours.  Tu  étais  au  commencement  des  temps  et  tu  survis 
au  temps,  qui  n'e.st  plus.  Ta  majesté  est  le  créateur  et  l'ou- 
vrage : il  n’est  là-dessus  aucun  doute.  12,ô9i. 

n Le  temps  s’est  écoulé,  et  les  fils  de  Pândou,  excel- 
lence, sont  arrivés  à la  fin  des  douze  années  d’une  vie  in- 
connue, entièrement  écoulées  dans  les  pays  déserts. 

» Telle  est  la  pensée  d’horauies,  qui  te  sont  toujours 
dévoués.  Les  Pândouides,  Kéçava,  se  tiennent  dans  la 
vérité  : les  fils  de  Prithâ  se  mettent  sous  ta  protection 
avec  leurs  gens,  lem's  parents,  leurs  épouses  et  leurs 
œuvres  de  charité.  » 12,595 — 12,596. 

Tandis  que  Dharmarâdja  tenait  ce  langage  au  rejeton 
de  Vrishni,  toul-à-coup  se  montra  le  vertueux  Màrkandéya 
aux  grandes  pénitences,  riche  de  mortifications  et  chargé 
de  nombreux  milliers  d’années,  inaccessible  à la  vieillesse, 
immortel  et  doué  des  qualités  de  la  grandeur  d’âme  et  de 
la  beauté.  12,507—12,598. 

11  apparut  sous  le  poids  des  années  tel  que  serait  un 
homme  de  vingt-cinq  ans.  Tous  les  brahmes  et  Krishna 
avec  les  fils  de  Pândou  d’bonorer  ce  vieux  saint,  que  le  far- 
deau de  plusieurs  milliers  d’années  n’avait  pu  empêcher  de 
venir.  Après  qu’ils  l’eurent  combléd’homniages  et  qu’il  se 
fut  iissis,  plein  de  confiance,  Kéçava  dit,  avec  f assentiment 
des  brahmes  et  des  Pândouides,  au  saint  le  plus  vertueux 
des  rishis  : « Les  fils  de  Pândou  et  ces  brahmes  réunis, 
Draâupadt,  Satyabhâmà  et  moi,  nous  désirons  entendre 
ta  sublime  parole.  Veuille  bien  nous  dire,  Màrkandéya, 


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182 


LE  MAHA-BHARATA. 


ces  histoires  pures  et  antiques,  fondées  sur  les  mœurs 
honnêtes,  éternelles,  des  rois,  des  femmes  et  des  rishis.  n 
Pendant  qu’ils  étaient  assis  là,  Nàrada,  le  Dévarshi,  {De 
la  stance  1*2,699  à ta  stance  12,603.  ) 

La  pureté  même,  vint,  amené  par  le  désir  de  voir  Içs 
fils  de  Pàndou.  Tous  ces  hommes  éminents,  distingués 
par  l’intelligence,  s’approchèrent  de  ce  magnanime,  sui- 
vant ce  que  prescrivait  la  droite  raison,  avec  de  l’eau  pour 
se  laver  les  pieds  et  un  arghya.  Quand  le  Dévarshi  Nàrada 
connut  (pi’ils  étaient  disposés  à entendre,  il  consentit  avec 
joie  à donner  la  parole  au  pénitent  Mârkandéya,  et  lui, 
qui  savait  l’à-propos,  ITmmortel  dit  en  souriant  : 

1*2,604— 12,606— 12,606.  ’ 
« Brahmarshi,  mconte  ce  que  désirent  entendre  les  fils 
de  Pàndou  ! » A ces  mots,  Mârkandéya,  l’homme  aux 
grandes  pénitences,  répondit  : 12,607. 

« Prêtez-moi  votre  attention  ; une  longue  narration  vous 
sera  contée.  « Sur  ces  paroles,  les  Pàndouides  et  les 
brahmes  d’accorder  ce  loisir  au  gi-and  solitaire,  voyant 
que  le  soleil  était  encore  au  milieu  du  jour. 

Le  roi  des  Kourouides,  le  fils  de  Pàndou , voyant  que 
le  grand  solitaire  avait  le  désir  de  parler,  lui  dit  pour 
l’exciter  à produire  sa  narration  : « Ta  révérence,  qui  date 
des  anciens  jours,  sait  les  histoires  de  tous  les  ràdjarshis, 
des  magnanimes  rishis,  des  Daityas  et  des  Dieux.  Tu  ne 
saurais  manquer  de  servir  et  honorer  notre  opinion,  re- 
commandable par  de  longs  désirs. 

12,608—1*2,609—12,610—12,611. 

» Voici  le  fils  de  Dévaki,  qui  est  venu  ici,  amené  par  le 
désir  de  me  voir.  A la  vue  de  l’infortune,  où  je  suis 
tombé,  et  des  prospérités  de  toutes  les  sortes,  que  mois^ 


VANA-PARVA.  18» 

sonnent  les  coupables  enfants  de  Dhritarâshtra,  voici 
quelle  est  ma  pensée  : « L’homme  est  l'auteur  de  son 
œuvre  bonne  ou  mauvaise.  12,612 — 12,613. 

U Comment  se  fait- il  que  le  souverain  auteur  de  l'action 
n’en  recueille  pas  le  fruit  7 Combien  plus,  lorsqu’il  s’agit 
du  bonheur  ou  de  la  peine,  6 le  plus  grand  des  hommes, 
qui  disent  le  Védal  12,61â. 

» Doit-il  recueillir  dans  ce  monde  le  fruit  de  ce  qu’il  a 
fait  ? üu  est-ce,  quand  il  a pris  un  autre  corps  ? L’homme, 
dès  qu’il  a abandonné  son  corps,  est-il  recherché  pour 
ses  actions  bonnes  ou  mauvaises?  12,613, 

» Est-il  enchaîné  à son  œuvre  dans  cette  vie  même  ou 
après  sa  mort  7 La  rétribution  se  fait-elle  dans  ce  monde- 
ci,  ou  dans  l'autre?  12,616. 

» Où  restent,  descendant  de  Bhrigou,  les  actions  de 
l’homme,  quand  il  est  mort?  » Mârkaudéya  répondit  ; 
(I  Cette  question,  que  tu  m’adresses,  est  dans  la  vérité, 
ô le  meilleur  des  êtres,  qui  ont  reçu  la  voix  en  partage. 

a Tu  sais  tout  ce  qui  peut  être  su,  mais  tu  m’interroges 
alin  de  t’assurer  : je  vais  te  répondre,  l’esprit  attentif 
à ce  point  seul  : écoute  comment  il  se  fait  que  l’homme 
ne  reçoit  pas  dans  ce  monde  ou  dans  l’autre  le  bien  ou  le 
mal.  Les  corps  des  premiers  hommes  furent  créés  purs  et 
sans  tache.  12,617 — 12,618 — 12,619. 

» Le  créateur  né  avant  eux  ourdit  les  dilTérents  fils  des 
devoirs.  Cæs  hommes  primitifs  étaient  purs,  ô le  plus  ver- 
tueux des  Kourouides  : identifiés  à Brahman,  ils  di- 
saient la  vérité  ; ils  étaient  fermes  dans  leurs  vœux  et 
leur  pensée  n’était  pas  stérile  en  fruit.  Tous,  ils  mar- 
chaient à leur  volonté,  égaux  aux  Dieux,  sur  la  voûte  du 
ciel.  12,620—12,621. 


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LE  MAH\-BHARATA. 


m 

n Morts,  ils  revenaient  ensuite  d’eiix-mêmes  ; tous  les 
hommes  étaient  libres  de  mourir,  ils  étaient  libres  de  ren- 
trer dans  la  vie.  12,6'22. 

» Leur  mort  était  courte,  heureuse,  sans  maladie,  sans 
violence.  Us  voyaient  une  foule  de  Dieux  et  de  rishis 
magnanimes.  12,623. 

» Ayant  tous  les  devoirs  sous  les  yeux,  les  sens  domp- 
tés, l’envie  éteinte,  ils  avaient  mille  fils  et  vivaient  plu- 
sieurs milliers  d'années.  12,624. 

» Dans  une  autre  phase  dn  temps,  vécurent  des 
hommes,  marchant  sur  la  surface  de  la  terre,  attachés  aux 
corps,  soumis  & la  colère  et  à l'amour,  asservis  aux 
illusions  de  la  magie,  vaincus  par  la  folie  et  la  cupidité, 
qui,  coupables  par  des  œuvres  criminelles,  tombèrent 
dans  le  Niraya  des  bêtes.  12,625 — 12,626. 

I)  Séduits  par  de  vains  désirs,  de  vaincs  pensées,  une 
vaine  science  ; ils  s’étendirent  de  plus  eu  plus  dans  les 
divers  mondes.  12,627. 

» Doutant  de  tout,  ils  étaient  devenus  une  cause  de 
douleur,  et  des  actions  perverses  signalaient  ordinaire- 
ment tous  les  côtés  de  leur  vie.  12,628. 

■>  Auteurs  de  mauvaises  familles,  accablés  de  nom- 
breuses maladies,  cruels,  sans  aucune  splendeur,  ces  pé- 
cheurs ont  une  vie  courte  et  voient  pousser  le  fruit  de 
leurs  mauvaises  actions.  1 2,620. 

a .Malade  de  tous  les  vains  amours,  athée,  la  pensée 
folle,  la  route  de  l’homme  mort,  fils  de  Kountt,  est  celle, 
que  ses  œuvres  lui  ont  faites.  12,630, 

B Où  garde-t-on  le  trésor  des  actions  de  l’ignorant  et 
de  l’insensé?  Où  se  tient  l’homme,  qui  goûte  le  fruit  de 
son  œuvre,  ou  bonne,  ou  mauvaise,  si  elle  est  différente  ? 


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VANA-PARVA. 


18S 


» Me  diras-tu.  Voici  ton  miroir  et  ta  discipline  : écoute  ! 
Cet  homme,  grâce  au  Dieu,  qui  fut  le  premier  corps  créé, 
amasse  un  grand  nombre  d'actions  bonnes  ou  mauvaises; 
quand,  au  terme  de  la  vie,  il  a quitté  ce  corps,  semblable 
à une  chose  détruite,  il  renaît  aussitôt  dans  une  matrice  ; 
il  n’y  a pas  une  existence  intermédiaire,  et  l'action,  qu'il 
a faite,  le  soit  alors  comme  son  ombre. 

12,631—12,682—12,683-12,684. 

» Il  porte  son  fruit  et  il  naît,  digne  du  plaisir  ou  de  la 
peine.  L'homme,  soumis  au  pouvoir  de  la  mort,  est  vu, 
sans  qu'il  reçoive  rien,  avec  les  yeux  de  la  science,  por- 
ter de  bons  ou  de  mauvais  caractères.  Telle  est,  Youd- 
dhislithira,  la  vo'm,  qu'on  appelle  maintenant  la  voie  des 
hommes  dépourvus  d'intelligence.  12,635 — 12,636. 

» Écoute  après  cela  quelle  est  la  voie  supérieure  des 
savants.  Les  enfants  de  Manou  qui  ont  cultivé  la  péni- 
tence, voués  à tous  les  Çàstras,  12,637. 

U Aux  vœux  constants,  aux  paroles  do  vérité,  mettent 
leur  plaisir  dans  l'obéissance  à leur  gourou,  et  doués  d'un 
bon  caractère,  appartenants  à des  familles  pures,  ils  sont 
patients,  domptés,  ils  possèdent  une  vive  lumière, 

I)  Ils  sont  tombés  dans  une  noble  matrice,  et 
portent  communément  des  caractères  purs,  sages,  grâce 
à leurs  sens  vaincus,  exempts  de  maladies,  grâce  à leur 
pureté.  12,638—12639. 

i>  La  crainte  d'un  petit  dommage  ne  leur  a pasenseigné 
la  violence.  Les  rishis  magnanimes,  de  qui  la  pensée  est 
on  Çâ.stra  visible,  sentent  par  les  yeux  de  la  science  que 
leur  moi  est  eux -mêmes  et  non  un  autre,  sitôt  qu'ils  sont 
tombés  dans  une  matrice,  soit  qu’ils  s’y  tiennent,  soit 
qu'ils  naissent.  12,640 — 12,641. 


LE  MABA-BHARATA. 


isa 

» Après  qu'ils  ont  obtenu  cette  terre,  ils  retournent, 
grâce  à leurs  œuvres,  dans  le  séjour  des  Dieux.  Les 
hommes,  sire,  obtiennent  tantôt  par  le  destin,  tantôt  par 
la  force,  tantôt  par  leurs  actions.  Mettons  dans  cette  opi- 
nion un  autre  système  d'investigation.  Écoute  maintenant 
ceci,  qui  peut  éclairer  la  question  par  ses  points  de  ressem- 
blance, ô le  meilleur  des  êtres,  qui  sont  doués  delà  parole. 

» Cest,  dans  le  monde  des  hommes,  le  souverain  bien, 
à mon  avis,  'Vouddhishthira.  Dans  ce  nior.de  et  non  dans 
l'autre,  le  bonheur  est  pour  un  seul  ; dans  l'autre  monde 
et  non  dans  celui-ci,  il  est  pour  un  seul  ; dans  ce  monde  et 
dans  l'autre,  il  est  pour  un  seul  ; il  n'est  pour  un  seul,  ni 
dans  ce  monde,  ni  dans  l'autre.  l2,6è2-12,6A3-)2,6Ai. 

<>  Ce  monde  n'est  pas  toujours  à ceux,  qui  jouissent  de 
grandes  richesses,  qui  se  complaisent  à parer  leur  per- 
sonne d’ornements  et  qui  mettent  le  bonheur  dans  les 
plaisirs  des  sens.  12,ôi5. 

» L'autre  monde,  et  non  celui-ci,  appartient,  meurtrier 
des  ennemis,  à ces  hommes,  qui,  absorbés  dans  la  con- 
templation, attachés  à la  pénitence,  adonnés  aux  lectures, 
dompteurs  des  sens,  et  travaillant  à tuer  la  vie,  font  vieil- 
lir lecorps.  12,646. 

» Ce  monde  et  l'autre  vie  appartiennent  à celui,  qui 
pratique  le  premier  devoir,  et  qui,  ayant  acquis  des  ri- 
chesses dans  le  temps  et  obtenu  des  épouses,  célèbre  des 
sacrifices.  12,647. 

» Ce  monde  et  non  pas  l'autre  vie  est  à ces  insensés, 
qui  ne  s'elTorcent  ni  pour  la  science,  ni  pour  la  pénitence, 
ni  pour  l'aumône,  ni  même  pour  donner  l'être  à un  fils  et 
qui  ne  recherchent  que  les  jouissances  des  sens.  12,648. 

» Vous,  seigneurs,  qui  êtes  supérieurs  en  énergie  et  en 


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VANA-PAUVA. 


<87 


courage,  qui  avez  la  force  des  Dieux,  qui  êtes  revêtus  de 
tels  corps,  qui  êtes  venus  du  monde  céleste  sur  la  terre, 
qui  avez  une  science  due  à de  bonnes  lectures,  et  qui 
êteschargés  de  soutenir  l’affaire  des  Dieux,  12,6A9. 

» Quand  vous  aurez  accompli  en  héros  de  grands  ex- 
ploits, quand  vous  aurez,  adonnés  aux  vertus  de  la  répres- 
sion des  sens  et  de  la  pénitence,  rassassié  par  une  règle 
supérieure  les  rishis,  les  Dieux  et  toutes  les  troupes  des 
Mânes,  12,650. 

U Alors,  devenus  purs,  vous  obtiendrez  ensuite  pu*  vos 
œuvres  les  demeures  élevées  du  Swarga  pour  votre  habi- 
tation ; et  tu  verras  ta  douleur  actuelle,  Indra  des  Kou- 
rouides,  se  tourner  en  plaisir  : n’en  doute  pas.  » 12,661. 

Les  fils  de  Pândou  dirent  au  magnanime  Mârkandéya  : 
« Nous  avons  envie  d'entendre  la  grandeur  d’âme  des 
principaux  brahmes  : veuille  nous  la  raconter.  » 12,662. 

A ces  mots,  le  révérend  aux  grandes  pénitences,  Mâr- 
kandéya à l’éblouissante  splendeur,  habile  dans  tous  les 
Çâstras,  prit  la  parole  en  ces  termes  : 12,653. 

« Le  roi,  chef  de  la  race  des  Hathayains,  était,  vain- 
queur des  cités  ennemies,  un  jeune  prince  fort,  doué  de 
beauté,  qui  passait  le  temps  à la  chasse.  12,66A. 

» Tandis  qu’il  errait  dans  les  bois,  entouié  de  plantes 
grimpantes  et  d’herbes,  il  vit  près  de  lui  un  anachorète, 
qui  portait  une  peau  d’antilope  noire  pour  vêtement  supé- 
rieur, 12,655. 

U 11  fiappa  dans  cette  forêt  le  solitaire,  qu’il  prit  pour 
une  gazelle.  A peine  eut-il  fait  cette  action  qu’il  en  fut 
pénétré  de  douleur,  et  que  son  âme  fut  saisie  de  cha- 
grin. 12,666. 

» Ce  jeune  roi  de  la  terre  aux  yeux  de  lotus  bleu  se 


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188 


LE  UAHA-BHARATA. 


reodit  aupi'ès  des  princes  Ualbayoins  aux  âmes  célèbres. 

i>  Il  leur  fit  part  de  l’histoire,  comme  elle  était  arrivée, 
et  leur  dit,  mon  fils,  qu’il  avait  tué  un  anachorète,  man- 
geant des  fruits  et  des  racines.  12,657 — 12,658. 

» A ce  récit,  à cette  vue,  leur  âme  fut  consternée,  et 
tous,  recherchant  çâ  et  là,  ils  se  disaient  : « De  qui  était 
fils  ce  solitaire  ? 12,659. 

» Us  s’empressent  d’aller  à l’hermitage  de  Târkshya, 
fils  d’Arishthanémou,  et,  quand  ils  se  furent  prosternés 
devant  le  magnanime  anachorète  aux  vœux  comprimés; 
tous,  ils  se  tinrent  debout  auprès  de  lui.  Il  reçut  leur 
hommage,  et  ceux-ci  de  lui  dire  : n Nous  ne  méritons 
pas  tas  bons  traitements,  anachorète  ; nous  avons  tué  un 
brahme  par  la  faute  de  notre  action  I •>  — « Comment, 
répondit  le  brahmarshi,  avez-vous  tué  ce  brahme  7 

12,660—12,661—12,662. 

<1  Et  où  ? Parlez  ! et  voyez  tous  quelle  est  la  force  de 
ma  pénitence  ! » Les  princes  aloi-s  de  lui  raconter  tout 
entièrement  suivant  les  circonstances.  12,663. 

» Mais  réunis,  ils  eurent  beau  chercher,  pleins  de  con- 
fusion et  l’esprit  égaré  comme  dans  un  songe,  ils  ne 
virent  point  là  cet  anachorète,  qui  avait  exhalé  sa  vie. 

» Le  mouui  Târksbya  leur  dit  alors  : « Vainqueur  des 
cités  ennemies,  vive  ce  brahme,  qui  fut  tué  par  vous  ! 

12,664—12,665. 

» Cest  mon  fils,  doué,  princes,  de  la  force  de  la  péni- 
tence ! » (’Æux-ci , à la  vue  du  saint,  rappelé  à ta  rie, 
tombèrent  dans  le  plus  profond  étonnement.  12,666. 

« Voilà  une  grande  meneille  1 se  disaient-ils  : cet 
homme  était  mort,  roi  de  la  terre,  et  le  voici  ressuscité  1 
Comment  fut-il  rappelé  à la  vie?  12,667. 


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VANA-PARVA. 


18» 


» Quelle  est  cette  énergie  de  pénitence,  grâce  à laquelle 
il  est  revenu  vivant?  Nous  désirons  l’entendre,  si  c’est  une 
chose,  brahme,  qui  puisse  être  entendue  par  ttons  ! » 

» Le  solitaire  leur  dit  ; « La  mort  ne  nous  est  pas  supé- 
rieure ; je  vous  en  dirai  la  cause,  princes,  et  sommaire- 
ment les  conséquences  de  la  cause.  12,668 — 12,669. 

» Nous  connaissons  la  vérité,  nous  ne  plaçons  jamais 
notre  âme  dans  le  mensonge,  nous  remplissons  les  devoirs, 
qui  nous  sont  propres,  et  la  mort  par  conséquent  ne  peut 
nous  faire  aucunement  peur.  12,670. 

» Nous  disons  toujours  ce  qu'il  y a d'habile  en  ces 
brahmes  et  ne  révélons  jamais  leur  mauvaise  conduite  : 
la  mort  par  conséquent  ne  peut  nous  faire  aucunement 
peur.  12,671. 

» Après  que  nous  avons  nourri  jusqu’à  satiété  les  hôtes 
et  leurs  serviteurs  d'eau.t  et  d’aliments,  nous  mangeons 
leur  reste  : la  mort  par  conséquent  ne  peut  nous  faire  au- 
cunement peur.  12,672. 

t>  Nous  sommes  ]>lacides,  domptés,  voués  à la  patience, 
livrés  à l’aumône  et  à la  purification  dans  les  tlrthas  : la 
mort,  en  conséquence  de  notre  habitation  en  ces  lieui  purs, 
ne  peut  nous  faire  aucunement  peur.  12,673. 

a Oui!  la  mort  ne  peut  nous  inspirer  aucune  peur,  à 
nous,  qui  habitons  ces  lieux  splendides.  Que  ceci,  qui  est 
dans  la  mesure  du  peu,  soit  dit  à vous,  qui  ne  connais- 
sez pas  l’ambition.  12,67A. 

P Retournez -vous-en  tous  de  compagnie!  Et  n’ayez 
aucune  crainte  de  ce  péché!  » — «Qu’il-en  soit  ainsi,  » 
répondirent  tous  les  rois,  qui,  après  avoir  honoré  le  grand 
anachorète,  s’en  revinrent  joyeux  chacun  à son  habita- 
tion. 12,675—12,676. 


100 


LE  MAHA-BUARATA. 


U Écoutez  encore,  dit  Màrkaudéya,  la  magnanimité  des 
brahmes.  11  y eut  ici  un  saint  roi,  nommé  Vaiuya,  consa- 
cré pour  un  açva-inédha.  12,877. 

U Atri,  nous  dit  la  renommée,  entreprit  d'aller  le 
trouver  pour  en  obtenir  des  richesses.  II  ne  leur  donnait 
pas  sou  approbation  plus  qu'à  la  manifestation  du  devoir. 

» L'anachorète  aux  grandes  pénitences,  ayant  pensé  à 
son  dessein,  désira  s'en  aller  au  bois  de  Vainya;  il  lit 
appeler  son  épouse  légitime  et  ses  fils  ; puis  il  leur  dit  : 

12,678—12,870. 

« Je  veux  obtenir  sans  violence  un  fruit  nombreux, 
dépassant  les  bornes.  Approuvez  que  je  m’en  aille 
promptement  à ce  bois,  supérieur  en  vertus.  » 12,880. 

Il  Son  épouse,  qui  elle-même  observait  le  devoir,  lui 
répondit  : u Quand  tu  seras  venu  auprès  du  magnanime 
Vainya  demande-lui  une  grande  richesse.  12,681. 

U Ce  roi  saint,  allant  au-devant  de  tes  sollicitations,  te 
donnera  des  trésors.  Quand  tu  auras  reçu,  brahmarshi, 
et  accepté  une  richesse  considérable,  12,682. 

» Quand  tu  auras  donné  la  joie  à tes  serviteurs  et  tes 
fils,  va  alors  où  te  conduiront  tes  désirs.  C'est  là  certaine- 
ment le  premier  devoir,  ont  dit  les  hommes  instruits  sur 
les  devoirs.  » 12,683. 

» Atri  lui  répondit  ; u Vainya  est  attaché  aux  choses  du 
devoir,  femme  éminente  ; il  ne  quitte  point  le  vœu  de  la 
vérité,  m'a  assuré  le  magnanime  Gaâutama  ; mais  là  ha- 
bitent des  brahmes,  mes  ennemis.-  Par  conséquent,  je  ne 
me  résous  pas  de  faire,  comme  m’a  dit  Gaâutama. 

a Ces  hommes  répéteraient,  autrement  quelle  ne  fut  dite 
par  moi,  ma  parole  heureuse,  associée  àl’intérêt,  à l’amour 
et  au  devoir,  et  la  présenteraient  comme  un  non-sens. 


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VANA-PAKVA. 


101 


« J’irai  le  trouver,  dame  émineote,  si  ma  parole  te 
plaît.  Valnya  me  donnera  des  vaches  et  un  amas  considé- 
rable de  richesses.  » 12,684 — 12,685 — 12,686—12,687. 

» Sur  ces  mots,  l'homme  aux  grandes  pénitences  se 
hâta  d’aller  au  sacrifice  de  Valnya.  Arrivé  dans  la  cha- 
pelle de  ses  sacrifices,  Atri  de  louer  le  souverain,  12,688. 

» De  lui  rendre  hommage  avec  des  paroles  de  bon  au- 
gure et  de  lui  dire  : « iloi,  tu  es  riche,  tu  es  le  maître,  tu 
es  le  premier  roi  sur  la  terre.  12,689. 

» Les  troupes  des  rishis  te  louent  : nul  autre  n’est  plus 
habile  que  toi  dans  la  science  des  devoirs.  » Le  rishi  aux 
grandes  pénitences  lui  adres.sa  irrité  celte  parole  : 

« Ne  parle  pas  une  seconde  fois  de  cette  manière,  Atri, 
lui  dit  Gaâutama.  Ta  science  n’est  pas  attentive  : seul  ici, 
Mahéndra  le  Pradjàpati  nous  adjuge  la  première  place.  » 

12,690—12,601, 

» Atri  lui-mème,  Indra  des  rois,  répondit  à Gaâutama  : 
U Le  fameux  Brahma  est-il  donc  comme  ludra  le  Pradjâ- 
pati?  12,692. 

» Tu  perds  la  raison,  le  délire  fait  obstacle  à ta  science.  » 
— a Je  sais,  dit  Gaâutama,  que  je  ne  suis  pas  en  délire  ; 
c’est  toi,  qui  perds  la  raison.  12,693. 

» Tu  loues  le  roi  dans  l’assemblée  des  hommes  pour 
obtenir  de  le  voir  ; tu  ignores  le  premier  devoir,  et  tu  ne 
sais  pas  en  comprendre  l'origine.  1 2,694. 

» Tu  es  un  enfant,  un  vieillard  insensé  par  quelque  rai- 
son que  ce  soit!  » Tandis  qu’ils  se  disputaient  ainsi,  pla- 
cés sous  les  regards  des  anachorètes,  12,695. 

U Ceux  qui  étaient  dans  le  sacrifice  du  roi,  se  deman- 
daient : O Que  veulent  ces  deux  AomJnex?  Par  qui  leur  fut 
accordée  cette  entrée  dans  l’assemblée  de  Valnya?  12,696. 


102 


LE  MAHA-BHAR\T\. 


» Pour  quelle  affaire  sont-ils  ici, parlantsàhautevoixTu 
Alors  Kanada,  le  fils  de  Kaçjapa,  Ame  de  la  plus  haute 
vertu,  instruit  dans  tous  les  devoirs,  12,697. 

» Annonça  qu’il  était  survenu  deux  hommes,  occupés  à 
se  disputer;  et  Gaâutama  dit  aux  assistants,  les  plus  ver- 
tueux des  anachorètes  : 12,698. 

« Écoutez,  0 les  plus  saints  des  hommes,  la  réponse  à 
la  demande,  que  vous  avez  faite  sur  nous  deux.  Atri  vient 
de  dire  ici  : « Valnya  est  Brahma  ! » ce  qui  a fait  naître 
en  nous  un  grand  doute.  » 12,600. 

» A ces  mots,  les  magnanimes  solitaires  s'empressent 
de  courir,  afin  de  briser  leur  doute,  vers  Sanatkoumâra, 
versé  dans  tous  les  devoirs.  12,700. 

» Quand  il  eut  ouï  ce  langage  d'eux,  l’homme  aux 
grandes  pénitences  de  leur  répondre  en  ces  termes,  vrais 
et  conformes  aux  choses  du  devoir  : 12,701. 

O Le  brahme  doit  rester  uni  avec  le  kshatrya  et  le.  ksha- 
trya  avec  le  brahme  : réunis,  ils  brûlent  les  ennemis, 
comme  le  feu  joint  au  vent.  12,702. 

» l!n  roi  est  la  vertu  célèbre,  il  est  le  maître  des  créa- 
tures, il  est  Çakra,  il  est  Çoukra,  il  est  Brahma,  il  est 
Vrihaspati.  12,703. 

n Un  roi  est  un  kshatrya  : c’est  le  maître  de  la  terre, 
c’est  un  suzerain,  c’est  un  virâdj,  c’est  un  pradjàpati  ; 
voilà  en  quels  termes  il  est  loué.  A qui  ne  convient-il  pas 
del’honorer?  12,70â. 

» Un  roi  est  .salué  de  ces  noms  : « (i’est  la  matrice  de 
l’avenir,  c’est  le  vainqueur  dans  les  combats:  c'est  un 
être  joyeux,  sans  crainte,  le  guide  au  Swarga;  c’est  Ba- 
bhrous  le  victorieux.  12,705. 

> Cest  la  matrice  de  la  vérité;  il  a la  connaissance  du 


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VANA-PARVA. 


193 


passé,  ii  est  l'institnteur  de  toutes  les  vertus;  les  rishis 
effrayés  par  le  vice  ont  déposé  leur  force  sur  le  kshatrya. 

» Le  soleil  au  milieu  des  Dieux  chasse  l'obscurité  dans 
le  ciel  par  sa  lumière,  de  même  un  roi  dissipe  fortement 
les  vices  sur  la  terre.  12,70ii — 12,707. 

» Enfin  la  suprématie  d'un  roi  est  démontrée  par  l'au- 
torité des  Çâstras;  il  fut  roi  (1)  par  l'accomplissement 
d'une  vue  supérieure;  j'ai  dit.  o 12,703. 

» Ensuite  le  magnanime  roi  au  milieu  de  la  brillante 
assemblée  de  ses  amis  tint  joyeux  ce  langage  à Atri,  qui 
précédentmenl  l'avait  exalté  : 12,709. 

« Parce  que  tu  m’as  dit  tout  à l'heure  ici,  Bramarshi, 
que  j'étais  le  meilleur  et  le  plus  vertueux  des  hommes, 
que  j'étais  sembhahle  à tous  les  Dieux,  12,710. 

» A cause  de  cela  je  te  donnerai  une  richesse  considé- 
rable et  variée,  un  millier  de  servantes,  bien  parées,  au 
teint  d'azur,  aux  vêlements  fins.  12,711. 

i>  Je  te  donnerai  cent  millions  d'or  et  dix  charges  du 
même  riche  métal.  Tu  sais  tout,  Bramarshi  : tel  est  mon 
sentiment.  » 12,712. 

B Lor3f)ue  Atri  honoré,  l'homme  brillant  aux  grandes 
pénitences,  eût  reçu  tous  ces  dons,  il  reprit  le  chemin  de 
sa  demeure.  12,713. 

» 11  donna  joyeux  celte  richesse  à ses  fils,  et,  se  vouant 
d'une  âme  dévote  â la  pénitence,  il  entra  dans  la  forêt. 

» Écoute  maintenant,  héros,  vainqueur  des  cités  enne- 
mies, un  chant,  que  Sarasvatl  récita  au  prudent  anachorète 
Târkshya,  qui  l'interrogeait.  12,71â — 12,715. 


(1)  Il  y a trop  de  blanc  ici  dans  le  tette;  une  syllabe  d'uu  mot  est  tombée 
sans  doute;  Je  pense  qu*U  faut  lire  rarâdja. 

IV 


13 


19A 


LE  MAHA-BHARATA. 


a Le  salut  de  l’homme  est-il  ici,  noble  dame?  lui  de- 
manda Tàrkshya.  Quelle  action  dois-je  faire  afin  de  ne 
pas  tomber  de  mon  devoir?  Dis-moi  quelle  est  cette  ac- 
tion, femme  aux  membres  distingués  tous  par  la  beauté  : 
instruit  par  toi,  je  n’abandotinerai  pas  le  devoir.  13,710. 

» Comment  dois-je  sa  rilieraufeu?  ou  dans  quel  temps 
dois-je  lui  rendre  l’hommage?  Qui  empêchera  le  devoir 
de  périr?  Dis-moi  tout  cela,  éminente  dame,  afin  que  je 
parco  lire  les  mondes  sans  contracter  de  souillures.  » 

» A ces  paroles,  que  le  brahme  lui  adressait  avec  affec- 
tion, Sarasvati  de  répondre  en  ces  tenues  utiles  et  joints 
au  devoir  à cet  obéissant  Târkshya,  mû  par  une  pensée 
subliiue  et  digne  qu’on  y jetât  les  yeux  : 12,717-12,718. 

ti  L’homme,  à qui  l'Être  suprême  est  connu,  adonné 
continuellement  à la  lecture,  comme  un  lieu,  qu'il  aime  ,A 
parcourir,  pur,  sans  négligence,  atteint  à la  rive  ultérieure 
du  monde  des  Dieux  et  y jouit  avec  les  Immortels  du 
bonheur  de  savourer  la  volupté.  12,719. 

» Là,  sont  des  lacs,  très-purs,  vastes,  délicieux,  sans 
chagrin,  où  les  fleurs  abondent,  avec  de  beaux  tirthas 
sans  vase,  remplis  de  poissons,  que  dérobent  à la  vue 
des  lotus  faits  d’or.  12,720. 

» Sur  leurs  rives  habitent  dans  une  profonde  joie  les 
hommes  vertueux,  excités  chacun  de  son  côté  par  des 
Apsaras,  ornées  de  parures  embaumées  et  bien  pures  aux 
couleurs  d'or.  12,721. 

» Quiconque  donne  une  vache,  obtient  le  monde  supé- 
rieur; celui,  qui  donne  un  bœuf,  passe  au  monde  du  so- 
leil; celui,  qui  donne  des  habits,  va  dans  le  monde  de  la 
lune;  quiconque  donne  de  l’or,  obtient  l’immortalité. 

» Qui  donne  une  vache  à traire,  bien  luisante,  bonne 


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VANA-PARVA, 


195 


lutiëre,  accompagoée  de  son  veau  heureux , protectrice 
du  Sàma-Véda,  obtient  de  pas<ier  dans  le  monde  des  Dieux 
autant  d’années  qu'il  y a de  poils  sur  l’animal. 

12,7-22— 12,723. 

O Quiconque  fait  présent  d’un  bœuf  de  labour,  jeune, 
vigoureux,  soumis  au  joug,  d’une  force  immense,  obtient 
les  mondes  de  l’homme,  qui  a donné  dix  vaches  lai- 
tières. 12,724. 

» Celui,  qui  donne  une  vache  Kapilà,  avec  des  habits, 
accompagnée  d’un  vase  à traire  fait  en  cuivre  et  de  riches 
vêtements,  e.xtérieurs,  sa  vache,  devenue  une  Kàmadouh 
par  telles  ou  telles  qualités,  récompense  l’homme  géné- 
reux. 12,725. 

» Pour  le  don  de  cette  vache  existe  un  fruit,  égal  au 
nombre  de  ses  poils;  et  le  donateur  fait  traverser  l’enfer 
à ses  dis,  à ses  petits-lils  et  à toute  sa  race  jusqu’à  la 
septième  génération.  12,726. 

» Les  mondes  des  richesses  deviennent  faciles  à acqué- 
rir pour  celui,  qui  donne  en  présent  honorifique  à son 
brahme  une  vache  laitière  aux  belles  cornes  durées,  bril- 
lante d’huile  de  sésame,  accompagnée  d’un  vase  à traire 
fait  en  cuivre  et  de  riches  vêtements.  12,727. 

» Un  présent  de  vaches  fait  traverser,  comme  un  navire 
poussé  par  le  vent  au  rivage  ultérieur  de  la  grande  mer, 
le  Naraka  otiscur,  douloureux,  fermé  par  les  Dàoavas,  à 
l’homme,  que  ses  œuvres  y ont  entraîné.  12,728. 

» Quiconque  donne  une  vierge  en  mariage  au  brahme, 
ou  lait  au  brahme  le  présent  de  la  terre,  ou  pratique  l’an- 
mène  suivant  la  règle,  obtient  les  mondes  de  Pourandara. 

Il  L’homme  dompté  et  de  bon  caractère,  qui,  piendant 
sept  années,  consacre  une  offrande  au  feu,  purifie  lui- 


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196 


LE  MAHA-BHARATA. 


même  par  ses  œuvres,  Târkahya,  sept  de  ses  descendants 
et  sept  de  ses  ancêtres,  de  qui  la  vie  a précédé  la 
sienne.  » 12,729 — 12,7S0. 

U Quel  était,  lui  demanda  Târkshya,  cet  antique  vœu 
de  l’agniholra.  Dis -le  moi,  femme  aux  belles  formes; 
qu’instruit  à tes  leçons,  je  connaisse  maintenant  ici  cet 
ancien  vœu  de  l’agnihotra.  » 12,731. 

» Sarasvati  répondit  : 

Cl  Que  le  sacrifice  soit  offert  par  un  pandit,  qui  n’est 
pas  impur,  qui  a la  main  sûre  et  qui  n’ignore  pas  les  Vé- 
das;  car  les  Dieux,  qui  aiment  la  pureté  et  la  vie,  rejettent 
l’offrande  d'un  homme,  qui  manque  de  foi  ! 12,732. 

n Qu’un  brahme  ignorant  ne  célébré  pas  le  sacrifice 
dans  l’offrande  aux  Dieux  ; un  tel  homme  a jadis  versé  en 
vain  le  beune  clarifié  dans  le  feu;  un  brahme  ignorant  est 
sans  précédent,  fut-il  dit  : un  homme  tel,  Târkshya, 
n’offrira  point  l’aguihotra.  12,733. 

» Mais  les  hommes,  qui  sacrifient,  maigres,  pleins  de 
foi,  mangeant  les  restes  de  l’oblation  et  voués  au  vœu  de 
la  vérité,  obtiennent  le  monde  des  vaches  et  voient  le  ciel 
vrai,  suprême,  aux  senteurs  pures.  » 12,73â. 

< Ma  pensée  flotte  dans  cette  alternative,  dit  Târkshya, 
ou  tu  es  une  âme,  née  dans  le  ciel,  ou  tu  es  une  intelli- 
gence, qui  a profondément  pénétré  dans  la  création  des 
choses,  ou  tu  es  une  science  divine  : en  conséquence,  je 
te  demande,  éminente  dame  aux  belles  formes,  qui  es-tu?  u 

n Je  suis  venue,  répondit  Sarasvati,  dissiper  le  doute 
des  principaux  brahmes  sur  l’aguihotra;  placée  dans  la 
nature,  je  fai  dit  exactement  cette  chose  vraie  d’après 
l’intime  union,  que  j'ai  arec  elle.  » 12,735 — 12,730. 

(I  11  n’ existe  personne,  reprit  Târkshya,  semblable  à 


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VANA-PAHVA. 


lOT 

toi  ; tu  briHes  outre-mesure  comme  une  Çrl  ; tu  portes  une 
beauté  céleste,  infiniment  aimable,  et  une  science  divine!  » 

n Je  suis  auguicntée,  ô le  meilleur  des  hommes,  par 
les  choses  excellentes,  qu’on  apporte  dans  les  sacrifices  ; 
et  de-là,  brahmc,  je  reçois  une  grande  beauté. 

12,787—12,738. 

» La  perfection  de  toi-même  en  beauté  et  science  di- 
vines vient  des  choses,  bois,  fer  ou  terre,  qui  s’y  trouvent 
employées  : sache-le,  sage!  » 12,739. 

>1  Tàrkshya  dit  alors  : 

« Les  solitaires  célèbres,  estimant  que  cette  beauté  est 
la  plus  grande,  s’y  consument  d’efforts.  Dis-moi  la  déli- 
vrance suprême,  la  plus  élevée,  affranchie  de  chagrins, 
dans  laquelle  entrent  les  hommes,  distingués  par  l’intelli- 
gence. 12,740. 

» Les  yogas  sont  en  grand  nombre  ; je  ne  sais  pas  quel 
est  le  premier,  celui,  qu’on  appelle  l’antique  et  le  su- 
prèuie.  » — « Les  anachorètes  savants  en  Védas,  répon- 
dit Sarasvati,  sans  chagrins,  affranchis  des  passions,  riches 
en  pénitences,  attachés  à la  lecture,  arrivent  par  des  yo- 
gas de  vœux  purs  à cette  délivrance  célèbre,  antique,  su- 
prême, la  première  des  premières.  .Vu  milieu  d’elle  parait 
un  vaste  bambou  à l’odeur  pure,  aux  mille  branches. 

12,741—12,742. 

O De  ses  racines  jaillissent  des  rivières  extrêmement 
limpides,  qui  roulent  une  eau  de  miel.  12,743. 

» De  grands  fleuves  sur  un  lit  de  sable  coulent  d'une 
branche  à l’autre.  La  vase  est  du  miel  ; les  branches  sont 
toujours  de  chair  avec  des  gâteaux  de  rix  frit.  12,744. 

i>  C’est  là  que  les  Dieux  avec  Indra  et  la  troupe  des 
Vents,  Agni  à leur  tête,  ont  célébré  les  plus  excellents  sa- 


198 


LE  MAH\-BHA.RATA. 


criiices.  Cette  racine  est  à mes  yeux  la  première.  » 1 2,716. 

Le  Pindouide  alors  dit  au  brahme  Màrkaiidèya  : « Ra- 
conte-moi riiisloire  de  Manou,  le  lils  de  Vivasvat.'  » 12,74rt. 

Màrkandéya  lui  répondit  : 

K Le  lils  de  Vivasvat,  sire,  fut  un  maharshi  d'une  grande 
dignité;  il  possédait,  tigre  des  hommes,  une  .splendeur 
égale  à celle  du  Pradjâpaii.  12,717. 

» Manou  surpassait  et  sou  père  et  .son  aïeul  en  force,  en 
courage,  en  beauté  et  surtout  en  pénitence.  12,718. 

» Ce  roi  des  hommes  pratiqua  une  immense,  une  atroce 
pénitence  sur  la  grande  Vadart,  se  tenant  sur  un  seul  pied, 
les  bras  levés  en  l’air.  12,711». 

i>  11  cultiva  dix  mille  (1)  années  une  douloureuse  péni- 
tence, la  tête  en  bas  et  sans  cligner  les  yeux.  12,760. 

I)  Un  jour,  au  milieu  de  sa  pénitence,  un  poisson  dit 
au  poiteur  de  djatâ,  qui  était  venu  avec  son  valkala 
mouillé  sur  les  bords  de  la  uier  : 12,751. 

« Révérend,  je  suis  un  petit  poisson  ; les  plus  forts 
m’inspirent  de  la  crainte  : veuille  donc  me  protéger, 
homme  aux  vœux  constants.  12,752. 

I)  Les  poissons  vigoureux  font  toujours  leur  principale 
nourriture  du  poisson  faible  : telle  est  la  règle  éternelle, 
qui  fut  établie  pour  nous.  12, *753. 

U Veuille  donc  me  sauver  au  milieu  de  cette  multitude 
de  dangers,  où  tu  me  vois  nécessairement  plongé.  Je  te 
paierai  la  recounaissance  du  service  rendu.  » 12,755. 

» A ce  langage  du  poisson,  le  lils  de  Vivasvat,  Manou, 
ému  de  compassion,  prit  dans  sa  main  le  petit  habitant 
des  eaux.  12,755. 

(1)  Lea  premicreâ  lettres  sont  enlevées;  mais  l’u,  qui  est  roalé,  marque 
snfQiammeQt  qu*on  a dû  mettre  ayoutan,  dix  mille. 


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VANA-PARVA. 


199 


» Manon,  le  fils  de  Vivasvat,  transporta  le  poisson 
dans  une  belle  eau  et  le  jeta  dans  une  jarre  de  terre  aussi 
brillante  que  les  rayons  de  la  lune.  12,756. 

» Le  poisson,  infiniment  bien  traité  comme  un  fils, 
s’accrut  là  : son  père  adoptif  lui  montrait  surtout  le  cœur 
d’un  Manou.  12,757. 

» Après  un  long  temps,  il  devint  très-grand,  de  ma- 
nière que  cette  jarre  n’était  plus  suffisante  pour  le  con- 
tenir. 12,758. 

» Quand  il  revit  Manou,  il  dit  : « Allons,  révérend  ! 
donne-moi  actuellement  une  autre  place.  » 12,759. 

» Le  bienheureux  Manou  retire  le  poisson  de  cette  jafre 
trop  étroite^  et  le  transporte  dans  un  grand  lac.  12,700. 

» Il  le  jeta  là,  vainqueur  des  cités  ennemies,  et  le  pois- 
son s’y  accrut  encore  pendant  un  grand  nombre  d’an- 
nées. 12,761. 

n Ce  lac  s-’étendait  sur  deux  yodjanas  plus  un  de  lon- 
gueur, et  le  poisson  aux  yeux  de  lotus  bleu  ne  put  même 
s’y  trouver  à l'aise.  12,762. 

» Il  lui  était  impossible,  monarque  des  hommes,  dè 
faire  dans  ce  lac  un  seul  mouvement  ; quand  le  poisson 
revit  Manou,  il  tint  donc  ce  langage  à l’anachorète  : 

« Transporte-moi,  vertueux  homme,  dans  les  eaux  de 
l’épouse  chérie  de  la  mer;  là,  j'habiterai  la  Gangà  ; ou 
fais,  mon  père,  ce  que  tu  penses.  12,763 — 12,765. 

O Car  il  me  faut  rester  sans  reproche  dans  l’instruction, 
^ue  j'fli  reçue.  J’ai  obtenu  ici,  grâce  à toi,  anachorète 
sans  péché,  un  accroissement  prodigieux.'  » 12,765. 

» .\  ces  mots,  le  vénérable  sage  de  transporter  le  pois-* 
son,  et  l’immortel  Manou  le  jeta  lui-mème  dans  le  fleuve 
du  Gange.  12,706.  • > 


200 


LE  M/IHA-BHARATA. 


» Le  poisson  s'accrut  encore  là  un  certain  temps,  domp- 
teur des  ennemis,  et,  quand  il  revit  Manou,  il  lui  adressa 
ces  paroles  : 12,7ft7. 

« Ha  grandeur,  auguste  maître,  m'empêche  de  faire 
un  mouvement  dans  cette  Gangâ  même  : porte-moi,  sans 
balancer,  dans  la  mer  ; sois,  révérend,  favorable  à mes 
paroles.  » 12,708. 

» Manou  donc  retira  de  ses  mains  le  poisson  des  eaux 
du  Gange,  le  porta  dans  la  mer,  et  l'y  abandonna,  fils  de 
Pritbà,  en  toute  liberté.  12,769. 

» Ce  poisson  d'une  grandeur  extrême,  que  Manou  de- 
vait porter  au  gré  de  ses  désirs,  fut  alors  voituré  par  lui 
avec  une  douceur  infinie  dans  l’odorat  et  le  toucher. 

» Après  que  Manou  l'eut  jeté  dans  la  nier,  il  tint  à 
l’anachorète  ce  langage  en  .souriant  : 12,770 — 12,771. 

« Révérend,  c'est  à toi  surtout  que  je  dois  tout  mon 
salut  ; le  temps  des  événements  est  arrivé  ; écoule-moi 
donc!  12,772. 

» Un  déluge  universel  viendra  bientêt,  éminent  saint, 
couvrir  entièrement  cette  terre  des  êtres  immobiles  et 
mobiles.  12,773. 

» Le  voici  arrivé  maintenant  ce  temps  de  l'épouvantable 
cataclysme  des  mondes  : je  t’avertis  eu  conséquence,  car 
il  est  pour  toi  du  plus  grand  intérêt  12,774. 

» De  sauver  les  êtres  animés  et  inanimés,  ce  qui  se 
meut  et  ne  se  meut  pas.  La  voici  arrivée,  l'époque  infini- 
ment terrible  de  toutes  ces  catastrophes!  12,775. 

» Il  te  faut  cobstruire  un  navire  solide  et  muni  de  bons 
câbles.  Embarque-toi  là  avec  les  sept  grands  rishis,  émi- 
nent anachoiète.  12,770. 

Il  Fais  charger  dans  ce  vaisseau,  bien  conservées  sui- 


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VANA-PARVA. 


201 


vant  les  catégories,  toutes  les  semences,  comme  les 
brabmes  les  ont  jadis  indiquées.  12,777. 

I)  Tiens-toi  sur  ton  navire  et  attends-moi,  ami  du  peuple 
anachorète  ; je  viendrai,  pénitent  : une  corne,  que  je  por- 
terai alors,  me  fera  connaître  à toi.  12,778. 

« C'est  ainsi  que  tu  dois  faire:  je  te  dis  adieu,  et  je 
m'en  vais.  Sans  moi,  ces  grandes  eaux  te  seraient  impos- 
sibles à traverser.  12,779. 

» Maître,  tu  ne  dois  pas  mettre  en  doute  cette  parole 
de  moi.  » — « C’est  ainsi  que  je  ferai  ! >>  fut-il  répondu 
par  lui  au  poisson.  12,780. 

» Et,  s’étant  donné  mutuellement  congé,  ils  s’en  al- 
lèrent. Ensuite,  le  solitaire,  ayant  pris  avec  lui  toutes  les 
semences,  comme  lui  avait  dit  le  poisson,  se  laissa  flutter 
dans  son  heureux  navire,  héroïque  dompteur  des  ennemis, 
sur  la  mer  aux  grandes  vagues.  12,781 — 12,782. 

» Manou  de  penser  au  pois.son,  maître  de  la  terre,  et, 
connaissant  sa  pensée,  le  poisson  de  se  présenter  aussitôt, 
armé  d'une  corne.  A la  vue  de  l'animal  cornu,  haut  comme 
une  montagne,  sous  les  traits,  qu'il  avait  annoncés  lui- 
même,  et  nageant  dans  l'océan  des  eaux,  Manou  passa 
dans  cette  corne,  sur  la  tète  du  poisson,  un  lien  fait  d’une 
corde;  et,  ainsi  enchaîné,  tigre  des  enfants  de  Manou, 
l’aquatique  animal  tira  le  vaisseau  avec  une  grande  rapi- 
dité au  milieu  de  l’onde  salée,  et  lit  traverser  aux  rishis 
la  mer  en  navire. 

1 2,783—12,784—1 2,785—12,786—12,787. 

» Agité  par  les  grands  vents  dans  le  vaste  réceptacle 
des  eaux,  le  vaisseau  dansait  en  quelque  sorte  sur  les 
vagues  et  menaçait,  pour  ainsi  dire,  sous  les  coups  des 
eaux.  12,788. 


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202 


LE  MAH  V-BHAR  ATA. 


» II  vacill»it,  tremblant  comme  nne  femme  ivre  ; et 
rien,  vainqueur  des  cités  ennemies,  n'apparaissait  plus 
aux  regards,  ni  la  terre,  ni  les  plages  du  ciel,  ni  les 
plages  interméfliaires.  12,78$). 

» L’aimosplière,  le  ciel,  tout  n’était  qn'eau,  éminent 
Bharatide.  Tandis  que  le  monde  émit  ainsi,  plein  de  ce 
déluge,  on  ne  voyait  que  les  sept  risliis,  Manou  et  le  pois- 
son. Celui-ci  sans  paresse,  sire,  tira  le  navire  de  nom- 
breuses séries  d’années  dans  celte  accumulation  des  eaux. 
Ensuite  il  amena,  fils  de  Kourou,  l'euibarcation  vers  nne 
cime  de  l’Hiraavat,  qui  se  dressait  au-dessus  des  eaux,  et 
là  il  dit  avec  lenteur  aux  rishis  en  souriant  : 

12,700— 12,791— 12,7$)2— 12,798. 

O Attachez  pour  un  peu  de  temps  le  navire  à cette 
pointe  de  rHimavat!  » A l’audition  de  sa  parole,  les  rishis 
s’empressèrent  d'amarrer  leur  vaisseau  à ce  piton  de  l’Hi- 
maliya  ; et  c’est  de  là  que  cette  haute  pointe  de  l’Hima- 
vat  fut  nommée  l’Attache-du-vaisseau. 

12,704—12,798. 

» Sache,  fils  éminent  de  Bharata  et  de  Kountt,  que  je 
t’ai  maintenant  raconté  cette  histoire.  Quand  il  était  avec 
les  saints,  le  pois.son  leur  dit  encore  : 12,790. 

A Je  suis  Brahma  le  Créateur,  au-dessus  duquel  il 
n'existe  rien.  Je  vous  ai  sauvé  de  ce  danger  sous  la  forme 
d’un  poisson.  12,797. 

» Manou  doit  créer  de  nouveau  tous  les  êtres,  les  Dieux, 
les  Asouras  et  les  hommes,  ce  monde  entier,  ce  qui  se 
meut  et  ne  se  meut  pas.  12,798. 

Il  Cne  terrible  pénitence  fera  paraître  son  énergie,  et, 
par  ma  faveur,  le  délire  n’ entrera  point  dans  cette  créa- 
tion des  êtres.  • 12,790. 


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• VANA-PARVA. 


20Î 


.»  A peine  eut-il  articulé  cea  paroles,  le  poisson  entra 
aussitôt  Hans  l'invisibilité.  Le  fils  de  Vivasvat,  Manou  lui- 
même,  désireux  de  créer  les  êtres,  sentit  le  trouble  dans 
son  âme,  et  se  prépara  à cette  création  par  une  grande 
pénitence.  Associé  avec  elle,  Manou  se  mit  donc  en  per- 
sonne à créer  véritablement  tous  les  êtres.  C'est  ainsi  que 
me  fut  raconté  cet  antique  Pourâna,  nommé  le  Poisson. 

12,800—12,801—12,802. 

» Je  t’ai  narré  cette  légende,  qui  elTace  tous  les  péchés. 
L’homme,  qui  saurait  écouter  sans  cesse  cette  histoire  de 
Manou  depuis  le  commencement,  heureux  et  tous  ses  dé- 
sirs comblés,  irait  dans  le  monde  entier.  » 

12,803— 12,80â. 

Dharmarddja-Youddhishthira,  doué  de  modestie,  inter- 
rogea de  nouveau  l'illustre  M<àrkandéya  : 12,805. 

0 Tu  as  vu , grand  anachorète , plusieurs  milliers 
d’yougas  conduits  à leur  fin  : il  n’existe  donc  ici  même 
aucun  être  vénérable  par  l’âge,  qui  suit  égal  à toi, 

» Si  ce  n’est  le  magnanime  Brahma,  assis  au  plus  haut 
des  deux.  Il  néxiste  pas  d'homme  égal  à toi  par  l’âge, 
anachorète,  le  plus  versé  dans  les  Védas.  12,806-12,807. 

a Dans  ce  monde,  qui  n’est  pas  le  ciel,  et  qui  est  privé 
de  la  présence  des  Dànavaset  des  Dieux,  toi  seul,  brahme, 
tu  restes  auprès  de  Brahma  dans  la  scène  du  déluge, 

U Quand  le  déluge  a cessé  et  que  le  père  suprême  des 
créatures  s’est  réveillé,  toi  seul  ici,  brahmarshi,  tu  vois 
en  vérité  le  Paraméshihi  créer  les  êtres  des  quatre  classes, 
nne  fuis  les  plages  intermédiaires  devenues  le  séjour  des 
vents  et  les  eaux  diluviennes  rejetées  çà  et  là. 

1 2,808-^12,800—12,810. 

» Tu  te  rends  favorable  par  une  méditation  assidue. 


20i 


LE  MAHA-BHARATA. 


A le  plue  vertueux  dee  brahmes,  le  gourou  du  inonde  en 
personne,  le  père  suprême  de  tous  les  êtres.  4 2,81 1 . 

» Nombre  de  fois,  bralime,  tu  as  montré  ce  que  tu  étais, 
et  entré  dans  une  terrible  pénitence,  tu  y as  vaincu  des 
sages.  12,812. 

» On  le  célèbre  à jamais  comme  semblable  au  corps  de 
NârAyana.  Une  fois  l'adorable  ouvrier  de  Vishnou  fit  avec 
toi  le  vol  céleste  d'une  boucle-d'oreilles  à Brahma  aux 
formes  ravissantes:  et  se  montra  jadis,  grâce  à toi,  égal 
aux  deux  plus  habiles  à travailler  les  ornements  de  pier- 
reries. 12,813—12,814. 

e Par  conséquent,  la  dissolution  des  êtres,  la  mort  et 
la  vieillesse,  qui  détruit  les  corps,  n’entrent  jamais  en  toi, 
par  la  grâce  du  Paraméshthi.  12,816. 

» Quand  rien  ne  survit,  ni  le  soleU,  ni  le  feu,  ni  le 
vent,  ni  la  lune,  ni  l'atmosphère,  ni  même  la  terre; 

» Lorsque  ce  monde  n'est  plus  qu’une  mer,  que  les 
êtres  immobiles  et  mobiles  ne  sont  plus,  que  la  troupe  des 
Asouras  et  les  Dieux  ont  trouvé  leur  fin  et  que  les  grands 
Ouragas  ont  péri,  12,810 — 12,817. 

» Toi  seul,  lu  restes  à côté  de  Brahma,  le  souverain  de 
tous  les  êtres,  l’âme  sans  mesure,  dormant  son  sommeil 
dans  son  palais  de  lotus  bleus  et  rouges.  12,818. 

» Tout  ce  qui  a vécu  avant  fut  sous  tes  yeux,  ô le  plus 
grand  des  brahmes  ; je  désire  donc  écouter  cette  histoire, 
qui  a pour  substance  la  cause  de  tout.  12,819. 

» Tu  as  souvent  joui  de  ce  tpeciarle.  Il  n'est  rien  que 
tu  ne  connaisses,  ô le  plus  grand  des  brahmes,  dans  tous 
les  siècles  et  dans  tous  les  mondes.  » 12,820. 

Mârkandéya  lui  répondit  : 

« Eh  bien  I je  vais  te  faire  ce  récit,  après  que  j'aurai 


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VANA-PARVA. 


205 


d’abord  offert  mon  hommage  à l'Être-existant-par-lui- 
raême,  l'homme  anti(|ue,  immortel,  éternel,  12,82i. 

» Indistinct,  très-subtil,  la  qualité  et  qui  est  en  même 
temps  l'absence  de  la  qualité.  Ce  Djanârdana  à la  robe 
jaune,  tigre  des  hommes,  est  le  créateur  et  le  destructeur; 
auguste,  il  fait  les  êtres,  il  en  est  l'àme.  On  l'appelle  la 
grande,  l'inconcevable  merveille,  le  pur, 

12,822—12,82?. 

U L’Être,  celui,  qui  n'a  pas  eu  de  commencement  et 
qui  n'aura  pas  de  Hn,  l'univers  immortel,  iuipérissable. 
Ce  créateur  n'a  pas  été  créé  ; il  est  même  la  source  de 
l’énergie.  12,82A. 

■>  Les  Véclas  eux-mêmes  ne  savent  pas  ce  que  cet 
homme  sait  : toutes  les  merveilles  d'ici-bas  sont  finies  en 
lui,  6 le  plus  vertueux  des  rois.  12,825. 

» Depuis  le  commencement  Jusqu'è  la  destruction  du 
monde  entier,  il  s'est  écoulé,  tigre  des  hommes,  quatre 
mille  ans  : c'est  ce  qpie  l’on  nomme  l'âge  Krita.  12,826. 

» La  Sandhyà  lait  autant  de  centaines  et  le  Sandhyànça 
est  de  la  même  quantité.  Trois  mille  années  forment  ce 
qu'on  appelle  ici  l’âge  Trétâ.  12,827. 

» La  Sandhyà  est  en  pareil  nombre  de  centaines  ; en- 
suite, vient  le  Sandhyànça.  Deux  milliers  d'années  sont 
la  mesure  de  l'àge  Dwàpara.  1 2,828. 

« La  Sandhyà  contient  deux  cents  années  et  le  San- 
dbyànça  est  de  même  quantité.  Un  millier  d'années  est 
destiné  à l'âge  nommé  Kali.  12,829. 

B La  Sandlii  après  ce  temps  est  de  cent  années  et  le 
Sandhyànça  vient  ensuite.  Sache  que  la  Sandhi  et  le  San- 
dbyànça  ont  une  égale  mesure.  1 2,830. 

» L’àge  Kali  terminé,  le  siècle  Krita  reprend  sou 


206 


LÉ  MAHA  BHARATA. 


cours  : ces  douce  mille  ans  portent  le  nom  d'Youga. 

» Cette  limite  de  mille  ans  est  appelée  uii  jour  de 
Brahma  : l'univers  roule  çà  et  là  dans  le  palais  de  ce 
Dieu.  12,831— 12, 8Î2. 

» Les  sages  n’ignorent  pas,  tigre  des  hommes,  que  la 
destruction  des  mondes  ariive,  éminent  Bharatide,  à la 
fin  d’un  yoiiga,  où  peu  de  chose  reste  surrivant.  12,833. 

U Au  terme  des  mille  années,  tous  les  hommes  disent 
communément  la  vérité  ; dans  ce  temps  est  observé , fils 
de  Prithà,  le  précepte  des  sacrifices,  le  précepte  de  l’au- 
mône, le  précepte  des  vœux.  Quand  cet  youga  est  passé, 
les  brahmes  se  mêlent  des  occupations  du  çoûdra  ; ils 
gagnent  des  richesses  comme  coudras  ; ils  ont  cessé  les 
sacrifices  et  les  lectures,  et  vivent  même,  exempts  de 
tromperies,  avec  les  fonctions  du  kshatrya. 

12,8.34—12,835—12,836. 

» Dans  l’àge  Kali,  on  verra  les  brahmes  manger  de 
tout  : les  brahmes  ne  murmurent  plus  la  prière,  et  les 
çoûdras,  mon  fils,  sont  adonnés  à sa  récitation.  12,837. 

» Alors,  dans  le  monde  pervers,  on  voit  apparaître, 
souverain  des  enfants  de  Manou,  ce  symptôme  de  la  dé- 
cadence ; de  nombreux  rois  barbares  dominent  sur  la 
terre.  12,838. 

» Ils  châtient  à tort  ; les  hommes  vicieux  se  livrent  à 
des  paroles  menteuses  ; on  a pour  maîtres,  sire,  des  An- 
dhras,  des  Qakas,  des  Soulindas,  des  Yavanas,  des  Kâm- 
bodjes,  des  héros  Vàhlikas  et  des  Abhlras.  Il  n'est  alors 
pas  un  brahme,  qui  accomplisse  son  devoir. 

12,889—12,840. 

» Les  kshatryas  et  les  valçyas  ont  cessé  leurs  fonc- 
tions ; ils  sont  d’une  vie  courte,  monarque  des  hommes  ; 


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VANA-PARVA. 


207 


leur  force  u’est  que  faiblesse,  leur  courage  et  leur  énergie 
sont  très-minces.  l'2,Sél. 

» Us  ont  peu  de  vigueur,  ils  sont  petits  de  corps,  ils 
disent  peu  la  vérité  ; les  campagnes  sont  de  vastes  déserts, 
les  régions  infestées  de  serpents  et  de  carnivoras.  12,8A2. 

» Arrivés  à la  fin  de  cet  yoiiga,  on  voit  des  çoùdras, 
qui  récitent  induenient  les  Védas,  adressent  aux  Dieux 
f interjertion  Bho  1 et  récitent  ce  qui  est  la  merveille  du 
brahme.  12,8A3. 

» A la  fin  de  cet  youga,  souverain  des  hommes,  les 
animaux  sont  nombreux  : toutes  les  odeurs  ne  sont  point 
assorties  à l’odorat,  et  les  goûts  ne  sont  pas  njariés  à des 
sensations  agréables.  Les  créatures  en  grand  nombre  ont 
de  petits  corps,  tigre  des  enfants  de  Manou  ; elles  man- 
quent de  mœurs  honnêtes  et  d’un  bon  caractère. 

« A la  lin  de  cet  youga,  les  femmes,  sire,  cultiveront 
la  beauté  de  leur  visage,  les  hommes  seront  exces-sivement 
durs  et  les  brahmes  manierout  le  trident  de  Çiva. 

n A la  fin  de  cet  youga,  les  femmes  seront  des  courti- 
sanes achevées.  Les  vaches,  monarque  des  hommes,  don- 
neront peu  de  lait.  •I2,8è4 — 12,845 — 12,840  —12,847. 

>>  Les  arbres  auront  peu  de  Heurs  et  peu  de  fruits  : ils 
seront  chargés  de  sinirtres  corneilles.  Les  brahmes  rece- 
vront les  présents  des  rois  souillés,  souverain  de  la  terre, 
par  le  meurtre  d’un  brahme  et  dont  les  ordres  ne  seront 
point  obéis.  Ils  seront  aveuglés  par  la  folie  de  l’ambition 
et  environnés  de  frivoles  hypocrites.  12,848 — 12,840. 

1)  Tous  les  lieux  seront  fouillés  par  des  brahmes  voleurs 
sous  prétexte  de  mendier  l’aumône,  et  les  chefs  de  mai- 
sons, roi  de  la  terre,  eflrayés  par  la  crainte  des  lourds 
impôts,  oseront  commettre  des  vols.  12,860. 


•208 


LK  MAHA-BHARATA. 


» Les  brahmes,  cachés  sous  les  formes  mensongères 
de  l’hermile,  s’occuperont  de  commerce  et  porteront  en 
vain  les  ongles  et  les  cheveux  de  l'ana< horhe.  12,851. 

» Les  novices,  entraînés  par  l’amour  des  biens,  buvant 
des  liqueurs  et  souillant  la  couche  de  leur  maître,  porte- 
ront des  inœurs  légères  au  milieu  des  hermitages.  12,852. 

» Ils  désireront  leur  accroissement  dans  ce  monde  par 
le  sang  et  la  chair.  A la  fin  de  cet  youga,  tigre  des  enfants 
de  Manou,  les  hermitages,  vantant  la  nourriture  acceptée 
chez  autrui,  regorgeront  d’une  foule  d'hérétiques:  et 
l’adorable  Pâkaràsana  ne  versera  pas  les  pluies  dans  leur 
saison.  12,853 — 12,85â. 

))  Aucune  semence  ne  pousse  convenable  et  l’homme 
ne  peut  obtenir  la  pureté,  Bharatide,  parce  qu’il  se  com- 
plaît à faire  du  mal.  12,855. 

» Alors  on  veiTa  surabonder  à l’excès  les  fruits  du  vice. 
Si  l’homme  est  doué  de  vertus,  maître  vertueux  de  la 
terre,  il  faut  penser  que  sa  vie  est  courte,  car  la  vertu 
n’existe  là  nulle  part.  Les  gens  pour  l’ordinaire  achètent 
les  denrées  chez  des  marchands  trompeurs. 

12,856—12,857. 

» Les  hommes  de  commerce  sont  ingénieux  en  fraudes  : 
on  évite  les  plus  vertueux  des  hommes,  on  aime  à ac- 
croître les  plus  criminels.  12,85$. 

U On  laisse  la  vertu  dans  sa  faiblesse  ; mais  le  vicieux 
sera  puissant.  Les  plus  .vertueux  des  enfants  de  Manou 
vivent  peu  de  temps  et  sont  pauvres.  12,859. 

» A la  (in  de  cet  youga,  ceux,  qui  abandonnent  le  de- 
voir, jouissent  d’une  longue  vie  et  de  la  richesse  : à la  fin 
de  cet  youga,  ceux,  qui  désertent  le  devoir,  agissent  dans 
les  promenades  des  villes  avec  des  moyens  criminels  ; et 


vana-parva. 


200 


ceux,  qui  possèdent  peu  de  iortune,  ont  la  fierté  des  riches. 

12,800—12,861. 

» En  jouet  aux  mœurs  des  scélérats,  le,s  hommes,  sire, 
pleins  de  présomption,  désirent  s'enlever  l'un  à l'autre  la 
richesse  confiée  à la  foi  publique  (1).  12,802. 

« Cela  n'est  pas  ! » disent-ils,  car  les  hommes  vivent 
sans  pudeur.  Des  oiseaux,  des  quadrupèdes,  des  carni- 
vores, mangeurs  de  chair  humaine,  dorment  couchés  dans 
les  promenades  des  villes,  au  pied  même  des  tchattyas;  et 
les  femmes,  sire,  portent  sept  ou  huit  ans  un  enfant  dans 
leur  sein.  12,863 — 12,86A. 

U Un  enfant  naît  à des  hommes  de  douze  ans  : on  a des 
cheveux  gris  dès  la  seizième  année.  12,865. 

» La  perte  de  la  vie  arrive  bientôt  pour,  ces  enfants  de 
Manou.  Les  jeunes  gens,  de  qui  la  vie  est  ainsi  coupée, 
grand  roi,  ont  le  caractère  des  vieillards.  12,866. 

» Ce  qui  est  le  caractère  des  jeunes  gens  se  trouve,  à 
plus  forte  raison,  dans  les  vieillards  : perverties  dans 
cette  société,  les  femmes  sont  honorées,  quand  elles  ont 
trompé  leurs  époux.  12,867. 

Égarés  par  de  mauvais  caractères,  ils  s’accouplent  avec 
des  serviteurs  et  même  avec  des  bêtes  : les  femmes,  qui 
ont  des  héros  pour  époux,  roi  des  hommes,  commettent 
des  unions  adultères,  12,863. 

s Et  se  livrent  aux  embrassements  des  autres,  tandis 
que  leur  époux  vit  encore.  Pendant  cette  fin  des  mille 
années  et  pendant  que  s’opère  cette  diminution  de  la  vie, 
règne  une  grande  sécheresse,  qui  dure  beaucoup  d’an- 


I)  Le  telle  j orle  simpiemeut  : /a  rtrArttv 

IV 


là 


210 


LE  MAHA-BHARATA. 


nées.  De  là,  il  résulte  que  la  faim  ravit  la  furce  aux  êtres 
animés.  12,869 — 12,870. 

B C’est  là  ce  qui  contribue  surtout,  maître  du  globe,  à 
verser  la  destruction  sur  la  terre.  Toute  l’eau  est  bue 
alors  dans  les  rivières  et  dans  les  plaines  marines  par  les 
sept  rayons  enflammés  du  jour  ; ce  qui  est  bois  ou  ce  qui 
est  herbe  a son  principe  humide  desséché.  12,871-12,872. 

» On  voit  donc  tomes  ces  choses,  éminent  Bharatide, 
réduites  en  monceaux  de  cendres.  Ensuite  le  feu  s'élève, 
accompagné  du  vent  : il  pénètre  au  sein  de  la  terre,  qui 
s’ offrait  naguère  embellie  par  les  Adityas  : perçant  le  globe, 
il  entre  dans  les  demeures  infernales,  et,  consumant  le 
mondé  des  Nàgas  et  tout  ce  qui  est  ici-bas,  il  inspire  une 
vaste  crainte  aux  Yakshas,  aux  Dànavas  et  aux  Dieux. 

12,87îi— 12,874—12,875. 

» 11  détruit  en  un  instant  l’univers  par  sa  base,  maître 
de  la  terre,  vent  orageux  et  le  feu  allumé  dévorent  des 
centaines  et  des  milliers  de  vingt  yodjanas  ; l’incendie 
allumé  consume  le  monde  entier,  avec  les  Raksh.isas,  les 
Ouragas  et  les  Yakshas,  avec  les  Gandharvas,  les  Asouras 
et  les  Dieux.  Alors,  semblables  à des  troupeaux  d’élé- 
phants et  parés  de  guirlandes  d’éclairs, 

12,876—12,877—12,878. 

B De  grands  nuages  à l’aspect  merveilleux  s’élèvent  au 
seiii  de  l’air,  les  uns  sont  azurés,  comme  des  lotus  bleus, 
les  autres  ressemblent  à des  nélumbos  rouges.  12,879. 

B Voici  des  nuées  pareilles  à la  fleur  du  mésua,  en 
voilà,  qui  sont  jaunes  : celles-ci  sont  comme  le  turmeric, 
celles-là  comme  les  œufs  de  la  corneille  ; 12,880. 

B Voilà  des  nuages  semblables  aux  pétales  du  kamala, 
en  voici,  qui  ressemblent  au  vermillon  ; les  uns  offrent  les 


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VANA-PARVA. 


211 


formes  de  la  plus  grande  ville,  on  dirait  que  les  autres 
sont  des  troupeaux  d’éléphants.  12,881. 

a Celle-ci  est  l’image  du  iwir  collyre,  celle-là  d’un 
monstre  marin.  Ces  nuées  s’élèvent,  revêtues  avec  des 
guirlandes  d’éclair.  12,882. 

a Sous  des  formes  épouvantables,  elles  font  tout  réson- 
ner à leur  terrible  fracas.  Toutes  ces  nuées,  puissant  roi, 
de  remplir  la  voûte  du  ciel.  12,883. 

a Toute  cette  terre  avec  ses  apparences  de  forêts  et  de 
montagnes  en  est  encombrée  ; elle  est  submergée  par  la 
masse  de  leurs  eaux.  12,884. 

» Stimulées  du  Paraméshthi,  ces  nuées  horribles,  ton- 
nantes, ont  bientôt  inondé  la  terre  de  tous  les  côtés. 

a Versant  l’onde  à torrents,  elles  remplissent  le  globe  ; 
elles  éteignent  le  feu  terrible,  sinistre,  tout  chargé  d’épou- 
vantes. 12,885 — 12,886. 

B Envoyées  par  le  magnanime  Dieu,  ces  nuages  rem- 
plissent douze  années  la  terre  de  leurs  eaux  dans  cette 
grande  infortune.  12,887. 

a L’océan,  le  ciel,  fils  de  Bharata,  ont  franchi  leurs 
rivages  ; les  montagnes  fendent  les  eaux,  la  terre  est  ca- 
chée sous  les  ondes.  12,888. 

a Les  nuages,  qui  errent  de  tous  les  côtés  rapidement 
et  qui  enveloppent  la  voûte  du  ciel,  disparaissent  enfin 
eux-mêmes,  frappés  par  la  fougue  du  vent.  12,889. 

» Ensuite  l’Être-existant-par-lui-même,  le  Dieu  pre- 
mier, qui  a pour  demeure  un  lotus,  qui  porte  un  vête- 
ment rouge,  éteint  dans  le  sommeil  (1)  ce  veut  épouvan- 
table. 12,890. 


(I)  SwapHi,  écrit  le  texte  ; mais  pA^iyrom  mài'utam  exige  le  verbe  à U 


212 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Dans  ce  monde,  qui  n'est  plus  qu'une  mer,  où  toutes 
les  créatures  immobiles  et  mobiles  ont  péri,  qui  est  privé 
de  ses  Yakshas  et  de  ses  Rakshasas,  où  la  troupe  des 
Asouras  et  les  Dieux  ne  vivent  plus;  dans  ce  monde  sans 
homme,  sans  bête  ravissante,  sans  aucun  arbre,  sans 
atmosphère,  j'erre  çà  et  là,  seul  survivant  (1). 

12,891—12,892. 

B Et,  tandis  que  je  parcourais  cette  eau  effrayante,  qui 
n'est  partout  qu’une  mer,  où  je  ne  voyais  pas  un  seul 
être,  je  tombai,  û le  plus  grand  des  princes,  dans  le 
trouble  de  l’esprit.  12,893. 

» Après  que  je  fus  allé  sans  paresse,  bien  long-temps, 
souverain  des  hommes,  nageant  au  milieu  de  ces  eaux, 
j’éprouvai  de  la  fatigue  et  ne  trouvai  nulle  part  un  asile. 

B lin  jour,  monarque  de  la  terre,  je  vis  dans  ce  profond 
amas  d'eau  un  figuier  indien  immense  et  d’une  grandeur 
extrême.  12,894 — 12,895. 

a Sous  les  branches  étendues  de  cet  arbre  et  sur  un 
palanquin  recouvert  d’un  tapis  céleste,  12,896. 

» Je  vis  assis  un  enfant,  puissant  roi,  avec  de  grands 
yeux  de  lotus  éptinoui  et  un  visage,  qui  ressemblait  à la 
lune  ou  à la  fleur  de  nélumbo.  12,897. 

B Alors  je  fus  saisi  d’un  profond  étonnement,  souverain 
de  la  terre  : « Comment  ce  jeune  enfant,  me  dis-je,  peut- 
il  être  ici  couché  dans  ce  monde,  qui  a subi  la  destruc- 
tion ? a 12,898. 


forme  causale.  Le  limple  a donc  seite  signification  inconnue  aux  Diction- 
oairet,  ou  c'est  ici  une  licence. 

(1)  Le  texte  porte  avec  une  voyelle  longue  d/uUa;  il  le  trompe  ; le  sens 
exige^  avec  on  a bref  ou  privatif,  ahaia. 


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VANA-PARVA. 


213 


» Mais,  tandis  que  je  pensais  ainsi,  je  n'observais  pas 
cet  enfant  selon  l'esprit  de  mes  lectures , quoique  je  susse 
bien,  monarque  des  hommes,  ce  qui  a été,  ce  qui  est  et  ce 
qui  sera.  12,809. 

» Il  était  semblable  en  couleur  à la  fleur  de  lin,  il  portait 
un  çrlvatsa  pour  ornement  ; il  me  parut  alors  comme  une 
habitation  de  Laltshm!  en  personne.  12,000. 

» Cet  enfant  aux  yeux  pareils  à la  fleur  du  lotus,  paré 
d'un  çrlvatsa  et  qui  flamboyait  de  lumière,  me  tint  ce  lan- 
gage, qui  me  fit  plaisir  à entendre  : 12,901. 

Il  Je  sais  que  tu  es  fatigué  et  que  tu  désires  le  repos, 
Hârkandéya.  Reste  ici,  autant  que  tu  le  voudras,  fils  de 
Bhrigou.  12,902. 

U Entre  dans  mon  corps,  ô le  plus  vertueux  des  soli- 
taires, et  restes-y.  Oh  ! j'ai  disposé  cette  habitation  pour 
toi,  et  je  t'accorde  ma  faveur.  » 12,903. 

» A peine  cet  enfant  m'eut-il  ainsi  parlé,  fils  de  Bharata, 
que  je  sentis  en  moi  un  grand  dédain  pour  une  vie  longue 
et  humaine.  12,00A. 

» A l'instant  cet  enfant  ouvrit  sa  bouche,  et,  malgré 
moi,  par  l'eflet  du  destin,  j'entrai  dans  son  corps  par  la 
voie,  que  m'offrait  sa  bouche  elle-même.  12,905. 

» Aussitôt  que  je  fus  entré  dans  son  ventre,  j’y  vis  la 
terre  entière,  pleine  de  villes  et  de  royaumes,  12,906. 

» La  Gangâ,  le  Çatadrou,  la  Stlà,  l'Yamounâ,  la  Kaâu- 
çikl,  la  Tcharmanvati,  la  Vétravatt,  la  Tchadrabhâgâ,  la 
Sarasvatl,  12,907. 

>1  Le  Sindhoo,  la  rivière  Vipâçâ,  la  Godàvart,  le  lac  aux 
lotus,  Vasvaukasàrà,  Bharatide,  et  la  Narmadâ,  12,90$. 

* La  rivière Tàmrâ,  la  Vénâ  aux  limpides  eaux,  qui  rou- 


21A 


LE  MAHA-BHARATA. 


lent  le  bonheur,  la  Souvénâ,  la  Krishnavénâ,  et  le  grand 
fleuve  Irâmâ,  12,909. 

» La  Vitastâ,  puissant  roi,  la  grande  rivière  Kovérî,  le 
Çona,  tigre  des  hommes,  la  Viçalyâ,  le  Kimpourousha  : 

» Ces  rivières  et  d’autres,  qui  circulent  sur  la  terre,  je 
les  ai  vues  dans  le  ventre  du  magnanime.  12,910 — 12,911. 

» Je  vis  encore  l’Océan,  habité  par  des  monstres  aqua- 
tiques, ce  trésor  de  pierreries,  meurtrier  des  ennemis,  cet 
immense  réceptacle  des  eaux.  12,912. 

» J’y  vis  aussi  le  ciel,  resplendissant  par  les  rayons 
du  soleil  et  de  la  lune,  flamboyant  d’étoiles,  oflrant  une 
splendeur  égale  au  soleil  ou  au  feu.  12,913. 

» J’y  vis  pareillement  la  terre,  sire,  embellie  de  ses 
forêts  : des  brahmes  célébraient  de  nombreux  sacrifices. 

» Des  kshatryas  agissaient,  monarque  des  hommes, 
attachés  à toutes  les  observances  religieuses  ; les  vaîçyas 
s’y  occupaient  du  labourage  suivant  la  droite  raison. 

12,914—12,915. 

» I.ÆS  çoûdras,  se  complaisant  dans  l’obéissance  aux 
brahmes,  allaient  et  venaient,  sire,  dans  le  ventre  du 
magnanime.  12,916. 

» Je  vis  là,  et  l’Himalâya,  et  le  mont  Hémakoûta  ; je  vis 
même  le  Nishadha  et  le  Swéta,  avec  ses  mines  d’argent. 

D J’y  vis  encore  le  mont  Gandhamàdana,  le  Mandara, 
tigre  des  enfants  de  Manou,  et  le  Mla,  cette  haute  mon- 
tagne. 12,917 — 12,918. 

» J’y  vis  le  Mérou,  montagne  d’or,  le  Mahéndra  et  le 
Vindhya,  la  montagne  élevée.  12,919. 

» Je  vis  là,  et  le  Malaya,  et  le  mont  Pâripâtra.  Ces 
grands  soutiens  de  la  terre  et  d’auües,  en  aussi  grand 


VANA-PARVA. 


215 


nombre  qu'ils  existent,  je  les  vis  dans  son  ventre,  tous, 
ornés  de  pierreries.  Je  vis,  aussi,  monarque  des  enfants  de 
Manou,  et  des  lions,  et  des  tigres,  et  des  sangliers. 

12,920—12,921. 

Il  Tandis  que,  me  promenant,  je  contemplais  tous  ces 
grands  êtres,  qui  circulent  sur  la  terre , souverain  du 
monde,  19,922. 

» Et  qu'entré  dans  son  ventre  j'allais  à tous  les  points 
de  l'espace , je  vis  Çakra  et  les  autres  dieux , et  tous  les 
chœurs  célestes,  12,923. 

» Les  Sàdhyas,  les  Roudras,  les  Adityas,  les  Gouhyakas, 
les  Mânes,  les  Serpents,  les  Nâgas,  les  Souparnas,  les 
Vasous  et  les  deux  Açwins,  12,925. 

a Les  Gandharvas  et  les  Apsaras,  les  Yakshas  et  les 
rishis,  les  troupes  des  Daltyas  et  les  Dânavas,  mouarque 
de  la  terre,  et  les  Kâléyas,  12,925. 

a Les  fils  de  Sinhikà  et  d'autres,  qui  sont  les  ennemis 
des  Dieux  : toutes  les  choses  enfin , que  j’avais  vues  dans 
le  monde,  ou  mobiles,  ou  immobiles,  je  les  vis  toutes,  sire, 
dans  le  ventre  du  magnanime  enfant  alors  que,  faisant 
des  fruits  ma  nourriture,  auguste  roi,  je  parcourais  ce 
monde  entier.  12,926 — 12,927. 

U Je  passai  cent  années  et  plus  dans  son  corps,  et  je  ne 
trouvai  nulle  part  la  lin  de  ce  corps.  12,928. 

» Toujours  courant,  toujours  occupé  de  cette  pensée, 
je  n'arrivai  pas  à trouver  où  Unissait  le  corps  de  ce  magna- 
nime. 12,929. 

» Alors  je  me  réfugiai  suivant  les  rites,  sire,  en  œuvres 
et  en  pensées  sous  la  protection  de  ce  Dieu  le  plus  grand, 
le  donateur  des  grâces.  12,930. 

» Et  je  sortis  â l'instant,  ô le  plus  grand  des  hommes, 


21« 


LE  MAHA-BHARATA. 


avec  la  rapidité  du  vent,  de  la  bouche  ouverte  de  ce  ma- 
gnanime. 12,031. 

U Lui,  qui  avait  ab.sorbé  le  monde  entier,  il  se  tenait 
encore,  tigre  des  enfants  de  Manou,  sous  la  branche  du 
figuier  indien.  12,932. 

U Je  revis  là  assis,  éblouissant  d'une  splendeur  sans 
mesure  et  sous  le  déguisement  d’un  enfant,  cet  être,  qui 
portait  le  caractère  du  çrlvatsa.  12,933. 

» Ensuite  cet  enfant,  paré  d’un  çrlvatsa,  revêtu  d’une 
robe  jaune,  lumineux  et  d’une  grande  splendeur,  me  dit, 
joyeux,  en  souriant  : 12,93à. 

^ Toi,  qui  es  resté  dans  mon  corps,  ê le  plus  vertueux 
des  solitaires,  te  voilà  maintenant  reposé  : c'est  tout  ce 
que  j’ai  à te  dire,  Màrkandéya.  » 12,935. 

n Au  même  instant,  une  vue  nouvelle  se  manifesta  en 
moi  ; je  vis  que  j’étais  délivré  et  que  la  connaissance 
m’était  revenue.  12,93tt. 

» Je  pris  ses  deux  pieds  adorés,  bien  formés,  bien 
égaux,  aux  plantes  rouges,  brillants  par  les  doigts  doux 
et  colorés;  je  les  mis  sur  ma  tête  avec  effort;  et,  m’étant 
approché  avec  dévotion,  je  fis  modestement  l'andjali  à cet 
être  d’une  force  outre  mesure,  de  qui  j’avais  vu  la  puis- 
sance infinie.  Ce  Dieu  aux  yeux  de  lotus,  ne  venais-je  pas 
de  le  voir  comme  l’àme  des  créatures? 

12,937—12,938—12,989. 

U Je  lui  fis  l’adoration  et,  les  mains  réunies  au  front,  je 
lui  dis  ces  mots  : n Dieu,  je  désire  te  connaître,  toi  et 
cette  sublime  illusion  de  ta  grandeur.  12,940. 

> Entré  dans  ton  corps  par  ta  bouche,  j’ai  vu,  adorable, 
toutes  les  choses  entièrement  rassemblées  dans  ton  ventre. 

» Ce  monde  des  choses  immobiles  et  mobiles,  les  Nà- 


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VANA-PARVA. 


217 


gas,  les  Gandharvas  et  les  Yakshas«  les  Raksbasas,  les 
Dânavas  et  les  Dieux,  tous,  puissant  Dieu,  ils  étaient  con- 
tenus dans  ton  ventre.  12,9/11 — 12,9/12. 

» Grâce  à toi,  la  mémoire  ne  m'a  point  abandonné,  j’ai 
couru  sans  cesse  dans  ton  corps,  pendant  que  j’y  habitais, 
et  j’en  suis  sorti,  malgré  moi,  par  un  effet  de  ta  volonté, 
Dieu  très-auguste.  Je  désire  te  connaître.  Divinité  aux 
yeux  de  lotus,  toi,  qui  es  irréprochable.  12,9A3-12,94/1. 

» Pourquoi  ta  grandeur,  ayant  absorbé  ce  monde,  se 
tient-elle  sous  les  traits  d’un  enfant  visible?  Veuille  bien 
me  raconter  cela  entièrement.  12,9â5. 

» Poiurquoi  tout  ce  monde  est-il  renfermé  dans  ton 
corps.  Dieu  sans  péché?  Et  combien  de  temps  veux-tu 
qu'il  y reste,  dompteur  des  ennemis?  12,9/16. 

» Je  désire  avec  une  envie  de  brahme  entendre  ces 
choses  entièrement,  souverain  des  Dieux,  aux  yeux  de 
lotus,  avec  étendue,  suivant  la  vérité.  12,9/17. 

■ » Cette  demande,  que  je  t’adresse,  auguste  maître,  elle 
est  grande;  elle  est  au-dessus  de  la  conception.  » A ce 
langage  de  moi,  le  fortuné  Dieu  des  Dieux  à la  vaste 
splendeur,  le  plus  éloquent  des  êtres,  doués  de  la  parole, 
me  répondit  ces  mots,  en  me  caressant  : 12,9/18-12,9/19. 

« J’en  conviens,  brahme  : les  Dieux  mêmes  ne  me  con- 
naissent pas  dans  la  vérité;  mais,  par  amitié  pour  toi,  je 
vais  te  dire  comment  je  procède  à la  création.  12,950. 

» Tu  es  fidèle  au  culte  des  Mânes,  Brahmarshi,  et  tu 
t’es  mis  sous  ma  protection  ; c’est  pour  cela  que  je  me 
suis  montré  visiblement  à toi.  C’est  une  grande  leçon  des 
Védas,  qui  t’est  donnée  ici.  12,951. 

» L’eau  intellectuelle  fut,  dit-on,  avant  les  eaux  maté- 
rieltes  : cette  œuvre  d’intelligence  fut  opérée  par  moi  ; 


218 


LE  MAHA-BHAfiATA. 


c’est  pour  cela  que  je  m’appelle  Nàrâyaua  ; ce  fut  toujours 
ma  route.  12,952. 

» Je  suis  ncmmé  Nârâyana  : ma  naissance  est  éternelle, 
et  n’aura  jamais  de  fin  ; je  suis  le  créateur  et  le  destructeur 
de  tous  les  êtres,  ù le  plus  grand  des  brahmes.  12,953. 

n Je  suis  Vishnou,  Brahma  et  Çaltra,  le  souverain  des 
Dieux  ; je  suis  le  roi  Kouvéra  et  le  monarque  des  morts, 
Yama.  12,95  A. 

• Je  suis  Çiva,  et  Soma,  et  le  Pradjàpati,  fils  de  Ka- 
cyapa;  je  suis  Dhâtri  et  Vidhâiri;  je  suis  le  sacrifice,  6 le 
plus  grand  des  brahmes.  12,955. 

a Feu  est  ma  bouche,  la  terre  est  mes  pieds,  la  lune 
et  le  soleil  sont  mes  yeux  ; le  ciel  est  ma  tête,  l'atmosphère 
des  points  de  l’espace  est  mes  deux  oreilles  ; ma  sueur  est 
la  source  des  eaux.  12,950. 

» Le  ciel  et  ses  plages  sont  mon  corps,  le  vent  est  placé 
dans  ma  respiration.  C’est  par  moi  que  des  brahmes  nom- 
breux, magnifiquement  récompensés  de  présents  honori- 
fiques, célèbrent  des  centaines  de  sacrifices.  12,957. 

» Rangé  dans  le  culte  des  Dieux,  les  docteurs  en  Védas 
m’offrent  des  oblations.  Partout,  sur  la  terre,  les  Indras 
des  kshatryas,  les  princes,  qui  désirent  le  Swarga,  et  les 
valçyas,  qui  veulent  conquérir  le  monde,  m’honorent  de 
sacrifices.  Sous  la  forme  de  Çésha,  c’est  moi , qui  sou- 
tiens cette  terre,  qui  a pour  limites  les  quatre  mers  et 
pour  ornements  le  grand  Handara  et  le  mont  Mérou.  Ja- 
dis, revêtant  le  corps  d’un  sanglier,  je  retirai  par  ma  vi- 
gpieur,  brahme,  ce  monde,  qui  était  submergé  sous  les 
eaux.  Sous  la  forme  du  feu  sous-marin,  ô le  plus  vertueux 
des  brahmes,  je  suis  Agni. 

12,958—12,969—12,960—12,901. 


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VANA-PARVA. 


2iO 

» Je  bois  les  eaux  accrues  et  je  les  revomts.  Le  brahme 
est  ma  bouche,  le  kshatrya  est  mes  bras,  les  valçyas  sont 
mes  cuisses,  1 2,962. 

» Les  çoùdras  sont  mes  pieds.  Je  les  énonce  suivant 
l’énergie  et  suivant  l’ordre.  Le  Rig-Véda,  le  Sàma-Véda, 
l’YadJour-Véda  et  l’Atharva  même  sont  émanés  de  moi  et 
rentrent  dans  moi.  Les  Yatis  aux  Ames  bien  gouveniées, 
désireux  de  connaître,  plongés  dans  le  calme  des  sent, 
affranchis  de  haine,  de  colère  et  d'amour,  exempts  de  dé- 
sirs, libres  des  souillures  du  péché,  pleins  d’énergie,  sans 
orgueil,  ne  perdant  jamais  la  science  de  l'Ame  suprême, 
et  les  biahmes  méditatifs  me  servent  sans  cesse.  Je  suis 
le  feu,  qui  s'allume  (1)  ; je  suis  le  vent,  qui  s’élève  (2). 

12,963—12,964—12,966—12,966. 

Il  Je  suis  le  soleil,  qui  se  lève  (3)  ; je  suis  Agni,  qui 
s’embrâse  (4).  Ces  clartés,  ô le  plus  vertueux  des  brahmes, 
que  l'on  voit  briller  sur  la  voûte  du  ciel  sous  la  forme 
d'étoiles,  sache  que  ce  sont  les  pores  de  ma  peau.  Toutes 
ces  mers  aux  mines  de  pierreries,  sache  encore  que  c’est 
mon  habitation  répandue  sur  les  quatre  plages,  ma  couche 
et  mon  palais.  Je  les  ai  parfaitement  distribuées  pour  le 
succès  de  la  chose,  que  les  Dieux  ont  à faire. 

12,967—12,968—12,969. 

» L'amour,  la  colère,  la  joie,  la  crainte  et  la  folie  même, 
sache,  très-vertueux  anachorète,  que  toutes  ces  affec- 
tions, ce  sont  mes  poils.  12,970.  , 


(1— 3— ^4)  Samwtriakatf  qui  manque  à tous  les  Lexique»  et  tons  lee 
Dictionuaires,  et  dont  il  faut  par  conséquent  dema’ider  l’explication  aux 
racines  saMj  préposition  conjonctive,  jointe  à un  dérivé  du  verbe  van,  esH 
ou  /trrj. 


220 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Les  hommes  obtiennent  le  fruit  de  la  bonne  action, 
qu'ils  ont  faite.  Ma  loi  a disposé  au  milieu  des  êtres  ani- 
més la  vérité,  l'aumône,  l'austère  pénitence,  l'absence  de 
mal  envers  toutes  les  créatures.  Ceux,  qui  jouissent  du 
bonheur  dans  mon  corps,  n'agissent  pas  volontairement, 
car  leur  intelligence  est  dominée  par  moi.  12,071-12,972. 

» Ils  lisent  convenablement  le  Véda  et  célèbrent  diffé- 
rents sacrifices.  Les  brahmes  obtiennent  une  récompente, 
s'ils  ont  vaincu  la  colère  et  sont  d'une  âme  pacifiée. 

X II  est  impossible  de  l'obtenir,  docte  anachorète,  aux 
hommes,  souillés  par  de  mauvaises  œuvres,  sous  l'empire 
de  la  cupidité,  vils,  misérables  et  privés  d’àme. 

12,973—12,974. 

U Sache  donc  qu'un  riche  fruit  est  réservé  aux  hommes 
méditatifs  et  qu'il  est  bien  difficile  aux  insensés  d'atteindre 
à la  route,  foulée  par  ceux,  qui  vivent  absorbés  dans  la 
contemplation.  12,975. 

a A chaque  fois,  Bharatide,  qu'il  y a un  affaiblissement 
dans  la  vertu  et  que  le  vice  s'élève,  alors  je  me  crée  moi- 
même  et  je  deecends  sur  ta  terre.  12,976. 

a Les  Daltyas,  attachés  à nuire,  ne  doivent  pas  être 
mis  à mort  par  les  plus  vertueux  des  Dieux  : il  en  est  ainsi 
des  Rakshasas,  quand  ils  se  rendent  formidables  dans  ce 
monde.  12,977. 

a Alors,  je  nais  dans  les  maisons  des  hommes  aux  bonnes 
œuvres,  et,  entré  dans  un  corps  humain,  je  plonge  tout 
dans  la  mort.  12,978. 

» Quand  j'ai  créé  les  êtres  immobiles,  les  hommes,  les 
Rakshasas,  les  Ouragas,  les  Gandharvas  et  les  Dieux,  je 
me  retire  en  moi-mëme  par  une  illusion  de  ma  nature. 

» Lorsque  le  temps  de  l'action  est  revenu,  je  me  crée 


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VANA-PARVA. 


221 


un  corps  inimaginable,  et  j'entre  en  des  membres  humains 
pour  lier  et  imposer  des  limites.  12,979 — 12,980. 

» Ma  couleur  est  blanche  dans  l’âge  Krita;  jaune  dans 
l'âge  Trétâ;  elle  est  rouge,  quand  l’âge  üwâpara  est  ar- 
rivé, et  noire  dans  l’âge  Kali.  12,981. 

n Trois  destinées  attendent  le  vice  en  ce  temps-là.  Une 
fois  qu’on' touche  aux  jours  de  la  mort,  le  temps  devient 
chargé  d’épouvantes.  12,982. 

» Seul  alors  je  détruis  entièrement  les  trois  mondes 
avec  les  êtres  immobiles  et  mobiles,  moi,  âqui  trois  routes 
sont  ouvertes,  moi,  qui  suis  l’âme  de  tout,  et  qui  apporte 
le  plaisir  à tout  l’univers.  12,983. 

» Puissant  d’une  force  infinie,  allant  partout,  sans  fin, 
doué  d’un  grand  pas,  moi  seul  Hri.shikéçâ,  j’apporte  une 
confuse  révolution  du  temps,  qui  détruit  tous  les  êtres  et 
qui  enlève  tous  les  mondes.  Ainsi  fut  convenablement 
disposée , 0 le  plus  vertueux  des  anachorètes,  cette  âme 
de  moi.  12,98A — 12,985. 

» Qui  que  ce  soit  parmi  toutes  les  créatures  ne  me  con- 
naît, Indra  des  brahmes  ; les  fidèles  m’honorent  de  toutes 
les  manières  dans  tout  le  monde.  12,930. 

» Toute  chose  quelconque,  que  tu  as  acquise  en  moi, 
elle  a,  brabme,  la  nature  de  la  douleur  ; mais  tout  ce  que 
tu  as  vu  dans  le  monde  d’êtres  immobiles  et  mobiles , est 
pour  ton  salut,  hermite  sans  péché,  et  pour  le  lever  de 
ton  bonheur.  Cette  âme  de  moi  fut  disposée  de  toutes  ma- 
nières pour  donner  la  vie  à tous  les  êtres.  12,987 — 12,988. 

» La  moitié  de  mon  corps  est  l’ayeul  suprême  de  tous 
les  mondes  ; mais  l’autre  moitié  est  appelée  Nârâyana  et 
porte  la  massue,  le  tchakra  et  la  conque.  12,989. 

8 Ame  de  l’univers,  frappant  de  stupeur  tous  les  êtres. 


•222 


LE  MAHA-BHARATA. 


je  dors,  brahmarshi,  aussi  long-temps  que  dure  la  révolu* 
tion  de  mille  yougas.  12,990. 

» Ainsi,  û le  plus  vertueux  des  solitaires,  tu  restes  ici 
tout  le  temps  que  j’y  suis  moi-même  sous  la  forme  d’un 
enfant,  moi,  qui  ne  suis  pas  un  enfant,  et  tandis  que 
Brahma  ne  se  réveille  pas.  1*2,991. 

» Il  faut  que  je  t’accorde  une  grâce  sous  la*  forme  de 
Brahma,  moi,  que  tu  as  satisfait  plus  d’une  fois , chef  des 
brahmes,  honoré  par  une  foule  de  hrahmarshis.  12,992. 

» Quand  tu  vis  l’univers  n’être  plus  qu’une  mer  et 
perdu  avec  tous  ses  êtres  immobiles  et  mobiles,  je  sentis 
que  cette  vue  te  troublait  : alors  je  fis  paraître  le  monde  à 
tes  yeux.  12,993. 

» Lorsque  tu  es  entré  au  milieu  de  mon  corps  et  que  tu 
vis  le  monde  entier,  tu  ne  le  reconnus  pas  dans  ton  éton- 
nement. 1*2,994. 

U Ensuite , je  te  fis  sortir  de  ma  bouche  rapidement.  Je 
me  suis  raconté  à toi,  brahmarshi,  moi,  que  ne  connais- 
sent, ni  les  Asouras,  ni  les  Dieux.  12,995.’ 

B Tant  que  cet  adorable  Brahma  aux  grandes  péni- 
tences ne  se  réveillera  point,  reste  ici,  confiant  et  tran- 
quille, éminent  brahme.  12,996. 

» Puis,  quand  il  sera,  cet  ayeul  suprême  de  tous  les  • 
mondes,  sorti  du  sommeil , je  créerai  les  corps , ê le  plus 
grand  des  brahmes,  seul  et  sans  aide  : 1*2,997. 

« L’air,  la  ten'e,  la  lumière,  le  vent,  l’eau,  et  les  autres 
êtres,  immobiles  et  mobiles,  qui  sont  dans  ce  monde-ci.  b 

B Quand  il  eut  ainsi  parlé,  ce  Dieu,  la  plus  grande  des 
merveilles,  disparut,  mon  fils,  et  je  vis  ces  créatures  avec 
leurs  formes  diverses  et  variées.  12,998 — 12,999. 

B Telle  fut  cette  merveille,  dont  je  fus  le  témoin,  arrivée 


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VANA-PARVA. 


223 


la  fin  de  cet  youga,  ô le  plus  éminent  des  Bharatides,  le 
plus  ferme  de  ceux»  qui  soutiennent  le  devoir.  13,000. 

» Ce  Dieu  aux  grands  yeux  de  lotus,  que  je  vis  jadis 
80m  la  forme  dun  enfant  y c’est  c-e  tigre  des  hommes, 
Djanârdana,  ton  ami.  13,001. 

» Grâce  au  don  de  sa  faveur,  la  mémoire  ne  m’aban- 
donne point;  j’ai  une  longue  vie,  fils  de  Kountl,  et  la 
mort  à ma  volonté,  13,002. 

» Ce  Krishna,  le  descendant  de  Vrishni,  est  l’auguste, 
le  premier  homme,  Hari,  à l’âme  inconcevable,  aux  longs 
bras,  qui  semble  se  jouer  dam  ses  transformations. 

» C’est  Dhâtri  et  Vidhàtri,  c’est  le  destructeur  éternel 
des  êtres,  c’est  le  Dieu  à la  poitrine  ornée  du  çrîvatsa, 
c’est  Govinda,  c’est  Prabhous,  c’est  le  chef  des  Pradjâ- 
patis.  13,003 — 13,00â. 

» A peine  eus-je  iVi  vu  ce  premier  des  Vrishnides,  il  vint 
à mon  souvenir  que  c’était  Vishnou,  le  premier  Dieu,  qui 
n’avait  pas  eu  de  naissance,  le  Pourousha,  le  Dieu  à la 
robe  jaune.  13,005. 

» Mâdhava  est  le  père  et  la  mère  de  toutes  les  créatures. 
Allez,  taureaux  des  Kourouides , implorer  le  secours  de 
cet  être  secourable.  » 13,006.  . 

Après  que  Mârkandéya  eut  parlé  de  cette  manière,  les 
fils  de  Prithâ  et  lès  jumeaux,  ces  deux  éminents  Bhara- 
tides, firent  tous,  accompagnés  de  Draâupadl,  l’adoration 
à Djanârdana.  13,007. 

Et  celui-ci,  digne  d’honneur,  tigre  des  hommes,  les 
exaltant  suivant  la  règle,  loua  ces  princes  avec  un  éloge 
de  la  plus  grande  tendresse.  13,008. 

Youddhishthira,  le  fils  de  Kountl,  interrogea  de  nou- 
veau le  grand  anachorète  Mârkandéya  et  lui  demanda 


221 


LE  M AHA-BHARATA. 


quelle  devait  être  la  route  suivie  dans  l’empire  du  monde  : 

« Nous  avons  entendu  ta  sainteté  nous  dire  une  chose 
admirable,  fils  de  Bhrigou,  anachorète,  le  plus  éloquent 
des  hommes,  ce  qui  arriva  au  commencement  de  l'youga, 
sa  naissance  et  sa  fin.  13,000 — 13,010. 

» Mais  cet  âge  Kali  excite  encore  ma  curiosité  : restera- 
t-il  quelque  chose  au  milieu  de  ces  devoirs  troublés  7 

» Quelle  sera  en  ce  temps  la  vaillance  des  enfants  de 
Manou  ? De  quels  aliments  se  nourriront-ils  ? De  combien 
d’années  sera  leur  vie  ? Quels  seront  leurs  habitations  ou 
leurs  vêtements  à la  fin  de  cet  youga?  13,011 — 13,012. 

» Quelle  limite  du  temps  faut-il  atteindre  avant  que 
l’âge  Krita  revienne?  Parle  avec  étendue,  anachorète  : ce 
que  tu  dis  ici,  est  admirable.  » 13,013. 

A ces  mots,  le  grand  rishi,  le  plus  vertueux  des  ana- 
chorètes, reprit  la  parole,  inspirant  la  joie  au  héros  des 
Vrishnides  et  aux  fils  de  Pàndou  ; 13,01A. 

« Écoule,  sire,  ce  que  j’ai  vu  et  entendu  jadis,  et  ce 
dont  j’ai  joui,  grâce  àla  faveur  du  Dieu  des  Dieux.  13-,015. 

» Écoute-moi,  éminent  Bharatide,  te  raconter  l’histoire 
à venir  du  monde  entier,  quand  sera  venu  l’âge  du  péché. 

O Dans  l’âge  Krita,  la  vertu  sans  déguisement,  sans 
tromperie,  est,  au  milieu  des  hommes,  un  taureau  entier 
de  tous  ses  membres  et  qui  se  tient  sur  ses  quatre  pieds , 

13,010—13,017. 

» Blessée  à un  pied  par  le  vice,  la  vertu  n'a  plus  que 
les  trois  autres  membres  dans  l’âge  Trétà  ; et,  mêlée  avec 
le  vice  dans  l’âge  Dwâpara,  on  dit  quelle  n’a  plus  que 
deux  pieds.  13,018. 

» Le  vice  alors  se  tient , dominant  sur  les  mondes  avec 
ses  trois  membres.  Quand  arrive  l’âge  de  l’ignorance. 


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VANA-PARVA. 


226 


6 le  plus  vertueux  des  Bbaratides,  la  vertu  ne  vient  plus 
que  sur  un  pied  vers  les  hommes.  C’est  ainsi  que  dimi- 
nuent, suivant  les  âges,  ûls  de  Pàndou,  la  splendeur,  la 
force,  l’intelligence,  le  courage  et  la  vie  des  hommes. 
Ecoule-moi  : les  kshatryas,  les  hrahmes , les  valçyas  et 
les  çoùdras,  hommes,  qui  font  un  commerce  de  la  vertu, 
Youddhishthira,  marchent  alors  dans  la  vertu  affublés  de 
travestissements.  Des  hommes  ignorants  et  présomptueux 
détruisent  la  vérité  dans  le  monde. 

13,019—13,020—13,021—13,022, 

1)  Leur  vie  est  abrégée  par  la  perte  de  la  vérité , et  la 
brièveté  de  leur  vie  les  empêche  d’acquérir  la  science. 

» La  cupidité  envahira  par  l’ignorance  les  hommes, 
privés  de  science,  et  les  insensés,  abandonnés  à l’avarice 
et  à la  colère,  s’attacheront  à l’amour.  13,023 — 13,02A. 

» Nourrissant  des  inimitiés,  ils  se  désireront  mutuelle- 
ment la  mort  : les  brahmes , les  kshatryas,  les  valçyas 
seront  confondus  les  uns  avec  les  autres.  13,025. 

» Les  çoûdras,  qui  manquent  de  la  pénitence  et  de  la 
vérité,  seront  leurs  égaux  : les  derniers  seront  au  milieu, 
et  ceux,  qui  sont  au  milieu , seront  les  derniers  : c’est  in- 
dubitable. 13,026. 

» Tel  sera  le  monde,  quand  arrivera  la  fin  de  cet 
youga  : on  aura  des  haillons  au  lieu  de  riches  vêtements, 
et  le  koradoûsha  (1)  sera  le  pain  des  riches.  13,027. 

» A la  fin  de  cet  youga,  les  hommes  auront  pour  enne- 
mies leurs  épouses;  ils  vivront  de  chair  et  de  poissons;  les 
vaches  n’étant  plus,  ils  trairont  des  chèvres  et  des  brebis. 
A la  fin  de  cet  youga,  les  hommes,  qui  ont  toujours  été 


(1)  Patpaium  frvmentaceum. 
IV 


15 


226 


LE  MAHA-BHARATA. 


fermes  dans  leurs  vœux,  s’adonneront  eux-mémes  à l’ava- 
rice. 13,028—1.1,029. 

» A la  fin  de  cet  youga,  les  enfants  de  Manou  se  vole- 
ront mutuellement  et  se  nuiront  l’un  à l’autre  : ils  seront 
des  athées  et  par  conséquent  on  ne  les  entendra  plus  mur- 
murer la  prière.  13,030. 

» A la  fin  de  cet  youga , ils  planteront  avec  la  houe  des 
plantes  annuelles  sur  les  rives  du  fleuve , et  recueilleront 
peu  de  fruits  de  leur  peine.  13,031. 

» Les  hommes,  qui  ont  toujours  eu  des  vœux  fermes, 
dans  le  divin  çrâddha,  se  mangeront  ici  les  uns  les  autres, 
adonnés  à la  cupide  avarice.  13,032. 

Il  A la  fin  de  cet  youga , le  père  mangera  son  fils  et  le 
fils  mangera  son  père  : il  n’y  aura  plus  de  bornes  dans  les 
nourritures.  13,033. 

» Les  brahmes,  critiquant  le  Vùda,  n’observeront  pas 
leurs  vœux  ; égarés  par  la  dispute,  ils  ne  sacrifieront  plus, 
ils  ne  brilleront  plus  d’oblations  ; 13, 03 A. 

» Aveuglés  par  la  contestation,  ils  mettront  leurs  désirs 
en  des  précipices  ; ils  feront  la  culture  dans  un  abime  ; ils 
attelleront  aux  limons  des  vaches  laitières.  13,035. 

n Les  hommes  mettront  sous  le  joug  des  veaux  âgés 
d’un  an  : le  père  donnera  la  mort  à son  fils,  et  le  fils  â son 
père.  13,030. 

» Celui,  qui  parle  beaucoup  sans  crainte,  n’encourra 
point  de  blâme  ; devenu  pécheur,  ce  monde  et  tout  ce 
qu’il  renferme  sera  communément  pour  ces  misérables 
et  leurs  parents,  sans  œuvre,  sans  sacrifice,  sans  joie  et 
sans  fête.  13,037 — 13,038. 

» Appuyés  sur  leur  bien  petite  force  et  leur  peu  de 
courage,  livrés  aux  délires  de  l'avarice,  les  hommes  enlè- 
veront les  richesses  à des  veuves.  13,039. 


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VANA-PARVA. 


227 


» Embrassant  les  œuvres  de  la  tromperie,  les  enfants 
de  Manou,  satisfaits  de  leur  aumône  en  paroles,  accepte- 
ront les  méchants  pour  amis.  1 8,040. 

» Les  rois  insensés,  ignorants  et  présomptueux,  excités 
à leur  mort  mutuelle,  se  provoqueront,  fds  de  Kountl, 
avec  une  pensée  criminelle.  13,041. 

» A la  fin  de  cet  youga,  les  kshatryas  seront  les  épines 
du  monde;  ils  ne  protégeront  pas;  ils  seront  cupides,  or- 
g-ieilleux  de  vanité  et  d'arrogance.  13,042. 

U A la  fin  de  cet  youga,  ils  n'auront  de  plaisir  que  dans 
le  châtiment  : on  les  verra  maintes  fois,  envahissant  les 
richesses  et  les  épouses  des  hommes  vertueux,  en  jouir, 
sans  miséricorde,  malgré  leurs  larmes.  Personne  ne  de- 
mande une  jeune  fille  : une  jeune  fille  n’est  donnée  à per- 
sonne. 13,043 — 13,044. 

» La  fin  de  cet  youga  arrivée,  on  prendra  de  soi-même; 
la  fin  de  cet  youga  arrivée,  les  rois  eux -mêmes,  l’âme 
égarée,  non  satisfaits  de  leurs  biens,  raviront  par  tous  les 
moyens  les  richesses  d’autrui.  Tout  le  monde,  c’est  indu- 
bitable, deviendra  pécheur.  1 3,045 — 13,046. 

» La  fin  de  cet  youga  arrivée,  une  main  volera  l’autre; 
les  hommes  ignorants  et  présomptueux  détruiront  la  vé- 
rité dans  le  monde.  13,047. 

» Les  vieillards  auront  les  pensées  des  jeunes  gens,  et 
les  jeunes  gens  auront  l’esprit  des  vieillards  : le  poltron 
vantera  son  courage  et  les  héros  auront  le  langage  des 
poltrons.  13,048. 

» La  fin  de  cet  youga  arrivée,  les  hommes  n’auront 
plus  de  confiance  les  uns  dans  les  autres  : l'youga  d'une* 
seule  pièce  sera  tout  entier  livré  au  délire  de  l’avarice. 

» Là,  s'accroît  le  vice  et  n’a  point  lieu  la  vertu  : on  ne 


228 


LE  MAHA-BHABATA. 


fait  aucune  différence,  monarque  des  hommes,  entre  les 
brahines,  les  ksliairyas  et  les  vaîçyas  13,049 — 13,050. 

» A la  fin  de  cet  youga,  le  monde  sera  alors  composé 
d'une  seule  classe  : le  père  ne  pardonnera  pas  à son  fils, 
ni  le  fils  ,4  son  père.  13,051. 

U Les  femmes  dans  la  destruction  du  monde  ne  ren- 
dront pas  l’obéissance  à leurs  époux  : à la  fin  de  cet  youga, 
on  se  réfugiera  dans  les  lieux  où  l’orge  est  la  nourriture, 
où  le  blé  sert  d’aliment.  Les  hommes  et  les  femmes,  mo- 
narque des  hommes,  auront  des  mœurs  libres. 

13,052—13,053. 

» La  fin  de  cet  youga  arrivée,  on  ne  se  supportera  pas 
l’un  l’autre;  et  l’univers  tout  entier,  Youddhishthira,  de- 
viendra pécheur.  13,054. 

» Dans  ce  temps,  les  enfants  de  Manou  ne  rassasieront 
point  les  Dieux  de  leuis  offrandes  : personnelle  sera  l’au- 
diteur de  nul  .autre;  qui  que  ce  soit  ne  sera  le  directeur 
spirituel  de  personne.  13,055. 

» Le  monde  sera  plein  d’une  obscuiàté  formidable,  sou- 
verain des  hommes;  la  plus  longue  vie  sera  alors  de  seize 
années.  13,066. 

IJ  La  fin  de  cet  youga  arrivée  mettra  un  terme  à la  vie  : 
une  jeune  fille  deviendra  mère  à cinq  ou  à six  ans.  13,057. 

Il  Les  hommes  auront  des  enfants  dès  l’âge  de  sept  ou 
de  huit  années.  La  femme  aura  alors  un  époux,  sire,  et 
l’homme  à cet  âge  aura  une  femme.  13,058. 

» A la  fin  de  cet  youga,  tigre  des  rois,  la  joie  ne  vien- 
dra point  sur  la  terre  : les  liiigas  seront  inutiles,  servant 
à peu  de  choses;  l’action  de  nuire  prévaudra.  13,059. 

» A la  fin  de  cet  youga,  personne  ne  donnera  à per- 
sonne : les  campagnes  auront  des  tridents  sur  les  chambres 


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VANA-PARVA. 


220 


hautes  des  maisons,  les  brahmes  manieront  le  trident  de 
Çiva,  et  les  femmes  auront  pour  arme  leur  chevelure  à la 
fin  de  cet  youga.  Dans  ce  dernier  temps,  les  hommes  au- 
ront des  mœurs  barbares,  épouvantables  en  toutes  les 
affaires,  ils  mangeront  de  tout  : il  n’y  a là  aucun  doute.  A 
la  fin  de  cet  youga,  le  désir  des  richesses,  ô le  plus  ver- 
tueux des  Bharatides,  poussera  tout  homme  à tromper  en 
toute  chose  au  temps  de  l’achat  et  de  la  vente.  On  fera 
même  des  sciences  par  ignorance,  et  des  cérémonies,  nées 
du  seul  désir,  auront  lieu  à la  fin  arrivée  de  cet  youga. 
Tous  les  hommes  se  livreront,  quand  cet  youga  amènera 
sa  fin,  àdes  œuvres  cruelles  de  leurnature  et  se  calomnie- 
ront les  uns  les  autres.  Ils  détruiront,  sans  éprouver  une 
seule  émotion,  les  jardins  et  les  arbres.  {De  ta  stance 
13,060  à ta  stance  13,066). 

» Les  hommes  dans  le  monde  seront  tourmentés  par 
l’incertitude  de  leur  existence  : ils  seront  dominés,  sire, 
par  la  cupidité.  13,006. 

U On  tuera  les  brahmes  pour  jouir  de  leurs  biens,  et, 
soupirant,  talonnés  par  la  crainte,  aflligés  par  les  çoû- 
dras,  les  brahmes  erreront  sur  cette  terre,  sans  y trouver 
de  protecteur,  ('.et  youga  sera  abrégé  alors  que  les  hommes 
seront  cruels,  brahmes,  méchants  pour  les  êtres  animés, 
détruisant  leur  vie.  Les  plus  saints  des  brahmes,  efl'rayés 
comme  des  corneilles,  tremblants,  courant,  en  proie  aux 
voleurs,  toujours  accablés  par  les  plus  mauvais  rois  de  la 
pesanteur  des  impôts,  demanderont  un  asile,  continua- 
teur de  la  race  de  Kourou,  aux  rivières,  aux  montagnes, 
aux  précipices  ; enfin,  déposant  la  fermeté,  souverain  de 
la  terre,  dans  cet  épouvantable  fin  de  l’youga,  serviteurs 
des  çoùdras,  ils  vaqueront  à dilférentcs  œuvres.  Les  çoù- 


230 


LE  MAHA-BHARATA. 


dras  prêcheront  le  devoir  et  les  brahmes  se  fieront  leurs 
disciples.  {De  la  stance  13,067  à ta  stance  13,073.) 

» Ils  seront  les  auditeurs,  et  le  seront  sous  l’autorité  : 
ainsi  ce  monde  sera  changé  depuis  le  haut  jusqu’en 
bas.  18,073. 

» On  adorera  des  charniers  et  l’on  négligera  les  Dieux. 
Les  çoûdras,  an  terme  de  l’youga,  ne  serviront  pas  les 
brahmes.  13,074. 

» Dans  les  hermitages  des  maharshis , dans  les  collèges 
des  brahmes,  dans  les  maisons  des  Dieux  et  les  tchaityas, 
dans  les  habitations  des  Nâgas,  la  terre  portera  les  mar- 
ques des  charniers  et  ne  sera  pas  ornée  par  les  temples 
des  Dieux.  Quand  périra  l’youga,  tels  seront  les  signes  de 
la  fin  de  l'youga.  13,075 — 13,076. 

» Lorsque  les  hommes  se  montreront  sans  cesse  cruels, 
déserteurs  du  devoir,  mangeurs  de  chairs,  buveurs  de 
liqueurs  spiritueuses,  alors  sera  détruit  l’youga.  13,077. 

n I.orsque  la  fleur  devra  le  jour  à la  fleur,  sire,  et  que 
le  fruit,  qui  suit  la  fleur,  devra  le  jour  au  fruit,  alors, 
puissant  roi,  sera  détruit  l’youga.  13,078. 

i>  Indra  versera  ses  pluies  hors  de  la  saison,  quand  l’âge 
du  monde  finira,  et  les  cérémonies  des  hommes  seront 
alors  sans  aucun  ordre.  13,079. 

» Les  çoùdras  engageront  des  animosités  avec  les 
brahmes,  et  la  terre  sera  bientôt  remplie  par  des  troupes 
de  barbares.  13,080, 

I)  La  crainte  du  poids  des  impôts  chassera  les  brahmes 
»ux  dix  points  de  l’espace  ; et  les  campagnes,  ennuyées 
de  faire  un  labourage  sans  récompense,  seront  indiffé- 
rentes à toutes  les  saisons.  13,081. 

s Des  hommes,  qui  vivent  de  fruits  et  de  racines,  n’oc- 


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VANA-P/VKVA. 


231 


cuperont  pas  les  hermitages  ; et  c'est  ainsi  que  dispa- 
raîtront les  barrières  dans  ce  monde  troublé  par  les 
soucis.  13,082. 

» Les  disciples,  coupables  d’offense,  ne  restent  pas 
fidèles  aux  instructions,  et  le  trésor  d’un  précepteur  est 
une  chose,  de  laquelle  on  se  moque,  aussitôt  qu’on  l’a 
reçue.  13,083. 

» L’envie  d’acquérir  des  richesses  enverra  les  parents 
joints  aux  amis  en  pays  étranger  : la  desti'uction  de  tous 
les  êtres  arrivera  à la  fin  de  l’youga.  13,084. 

» Les  plages  n’auront  pas  de  lumière  (1),  les  constel- 
lations seront  sans  aucune  splendeur;  les  étoiles  n’au- 
ront que  des  présages  sinisties  et  les  vents  seront  tous 
contraires.  13,085. 

» De  nombreuses  chutes  de  météores  inspireront  un 
grand  effroi,  et  le  soleil  brûlera,  accompagné  de  six  autres 
soleils,  13,086. 

» Ce  seront  partout  des  bruits  confus  et  une  rougeur 
inaccoutumée  du  ciel  : Râhou  cachera  le  soleil  et  chacun 
de  ses  levers  se  fera  dans  l’obscurité.  13,087. 

» La  fin  de  cet  youga  arrivée,  l’adorable  Dieu  aux  mille 
regards  versera  la  pluie,  quand  ce  n’en  sera  point  la  sai- 
son, et  les  semences  ne  pousseront  pas.  13,088. 

» Les  hommes,  trouvant  leur  plaisir  dans  les  larmes, 
diront  sans  cesse  des  choses  cruelles  ; et  les  femmes  ne 
resteront  pas  fidèles  à la  parole  de  leur  époux.  13,089. 

» Les  fils,  à la  fin  de  cet  youga,  tueront  leur  père  et 
leur  mère;  et  les  femmes,  s’appuyant  sur  leurs  fils,  trem- 
peront les  mains  au  sang  de  leur  mari.  13,090. 


(1)  Il  faut  éYÎdemmeiit  ici  l’a  privatif;  il  manque  au  texte. 


2S2 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Râhou  s’approchera  du  soleil,  puissant  roi,  avant 
d’atteindre  à ses  nœuds,  et  le  feu,  à la  fin  de  cet  youga, 
flamboiera  de  tous  les  côtés.  13,0^1. 

» Sollicitant  de  l’eau,  de  la  nourriture,  un  logis,  les 
voyageurs  n’en  pourront  obtenir  et,  de  partout  exclus,  ils 
seront  forcés  de  coucher  sur  la  route.  13,092. 

» La  fin  de  cet  youga  arrivée,  le  souille  des  vents,  les 
corneilles,  les  serpents,  les  oiseaux,  les  quadrupèdes  et 
les  volatiles  ne  crieront  que  de  sinistres  augures.  13,098. 

» I.a  fin  de  cet  youga  arrivée,  on  verra  les  hommes 
abandonner  leurs  parents,  leurs  amis  et  les  gens  de  leur 
suite.  13,09Â. 

» La  fin  de  cet  youga  arrivée,  ils  demanderont  succes- 
sivement un  asile  aux  villes,  aux  cités,  aux  plages  et  à 
tous  les  pays.  13,095. 

a Gémissant  tour  à tour  ces  paroles  lamentables  : 
« Hélas  ! mon  père  ; hélas  I mon  fils  ; » ils  parcourront  la 
terre.  13,096. 

» Quand  cette  fin  de  l’ youga,  plein  d’une  multitude 
confuse,  aura  terminé  sa  révolution,  le  inonde  ensuite 
abondera  d’un  peuple  nouveau^  reconnaissant  les  brahmes 
pour  la  première  des  castes.  13,097. 

» Dans  un  autre  intervalle  du  temps,  recommencera  de 
rechef  pour  l’accroissement  du  monde  une  destinée  libre- 
ment favorable.  13,098. 

» Quand  le  soleil  et  la  lune,  Toushya  et  Vrihaspati  se 
rencontrent  dans  un  seul  et  même  groupe,  alors  ce  fait  a 
lieu.  13,099. 

» Pardjanya  versera  les  pluies  dans  la  saison  et  les 
constellations  jetteront  de  la  lumière  : les  planètes  dé- 
criront leur  pradakshina  et  suivront  un  cours  fortuné. 


VANA-PARVA. 


23S 


» La  protection,  l’aumône  bien  régli'e,  la  santé,  l'ab- 
sence de  maladies  reparaîtront.  Alors,  excité  par  le  temps, 
s’élèvera  le  brahrae  Kalkt,  surnommé  la-gloire-de-Vish- 
DOu,  personnage  d’une  grande  vigueur  et  d’une  haute 
énergie  d’intelligence,  né  dans  une  maison  piiredebrahmes 
et  dans  un  village  bien  famé.  13,100 — 1 3,101 — 13,102. 

1)  De  sa  pensée  sortiront  tous  les  chars,  les  armes,  les 
guerriers,  les  Aèches  et  les  cuirasses.  13,103. 

» Il  naîtra  un  roi,  victorieux  par  la  vertu  et  monarque 
du  monde  entier  : il  attirera  la  faveur  céleste  sur  ce 
monde,  rempli  de  noucenux  êtres.  13,104. 

» A peine  aura-t-il  paru,  ce  brahme  enflammé,  d’une 
vaste  intelligence  et  mettant  fin  ^ la  destruction,  il  abré- 
gera, il  fera  revenir  en  arrière  tout  l’youga.  13,105. 

» Le  brahme,  environné  de  ses  pareils,  immolera  les 
troupes  entières  de  ces  vils  Mlétchas  survenus.  13,106. 

» Puis,  quand  il  aura  donné  la  mort  ^ ces  brigands, 
par  la  main  des  brahmes,  il  préparera,  suivant  les  rites, 
cette  terre  pour  le  grand  sacrifice  de  l’açva-médha. 

B Après  qu’il  aura  établi  les  bornes  fixées  par  Svayam- 
bhou,  cet  être  à la  gloire  sainte,  aux  œuvres  pures,  en-‘ 
trera  dans  la  forêt  délicieuse.  13,107 — 13,108. 

» Les  enfants  de  Manou,  habitants  du  monde,  imite- 
ront sa  bonne  conduite,  et  la  destruction  des  brigands  par 
les  brahmes  assurera  le  bonheur  dans  l’âge  Krita.  13,109. 

» Lorsqu’il  aura  établi  des  peaux  d’antilope  noire,  et, 
dans  les  pays  vaincus,  des  lances  en  fer,  des  tridents  et 
des  armes,  le  plus  excellent  des  brahmes,  Kalkl,  loué  par 
les  princes  des  brahmes  et  lui-même  portant  une  haute 
estime  aux  plus  grands,  parcourra  la  terre,  faisant  tou- 
jours son  plaisir  de  la  mort  donnée  aux  brigands. 


LE  MAH  V-BHARATA. 


» Il  plongera  en  bien  grand  nombre  les  voleurs  dans  la 
mort,  en  dépit  des  gémissements  déplorables  : o Hélas!  ma 
mère,  mon  père  ou  mon  fils!  » 13,110 — 13,111 — 13,112. 

» Cet  âge  Ki'ita  obtenu,  il  y aura,  Bbaratide,  extermi- 
nation du  vice  et  accroissement  de  Is  vertu,  et  les  hommes 
s'occuperont  de  leurs  aflaires.  13,113. 

> Dans  l’âge  Krita,  il  y aura  des  hermitages,  des  tchal- 
tyas,  des  habitations  auprès  dos  lacs,  divers  étangs  de 
lotus,  des  temples  consacrés  aux  Dieux,  des  sacrifices  et 
des  cérémonies  variées.  Les  brahmes  seront  vertueux  et 
les  anachorètes  seront  des  pénitents.  13, lié — 13,116. 

a Les  hermitages,  qui  étaient  occupés  jadis  par  des 
hérétiques,  auront  alors  pour  habitants  des  êtres  fidèles  à 
la  vérité  ; toutes  les  choses,  ou  semées,  ou  plantées,  vien- 
dront à leur  accroissement.  13,116. 

V Tout  portera  son  fruit,  Indra  des  rois,  dans  toutes 
les  saisons;  les  hommes  trouveront  leur  plaisir  dans 
l'aumône,  l’obéissance  à leurs  vœux  et  la  répression  des 
sens.  13,117. 

» Les  brahmes  seront  adonnés  aux  sacrifices  et  au  mur- 
mure des  prières,  ils  mmeront  la  vertu,  et  la  joie  sera 
avec  eux  ; les  rois  défendront  cette  terre  avec  l’arme  de  ta 
justice.  13,118. 

» Dans  l’âge  Krita,  les  vaiçyas  trouveront  du  charme  à 
s’occuper  de  leur  profession,  les  brahmes  aux  six  choses, 
propres  à leur  état,  les  ksbatryas  au  déploiement  de  la 
valeur.  13,110. 

B Les  çoûdras  se  complairont  dans  l’obéissance  aux 
trois  castes  premières  : tel  est  le  devoir,  qui  te  fut  racouté, 
fils  de  Pândou,  pour  l’âge  Krita,  pour  le  siècle  Trétâ  et 
pour  l’âge  Dwàpara,  dans  le  dernier  temps  de  l’youga. 


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VANA-PARVA. 


I 


2S5 


Je  connais  le  nombre  des  yougas  du  monde  entier. 

13,120—13,121. 

» Me  souvenant  du  Poorâna,  qui  est  nommé  le  PowAna 
du  Vent  et  qui  est  loué  par  les  sages,  je  t’ai  narré  tous 
ces  événements,  et  passés,  et  futurs.  13,122. 

» J'ai  donc  vu  nombre  de  fois  et  foulé,  moi,  à qui  fut 
accordée  une  longue  vie,  les  routes  du  monde,  et  je  te  les 
ai  racontées  ainsi.  13,123. 

» Écoute,  Atchyouta,  avec  tes  frères,  pour  dissiper  le 
doute,  que  tu  as  sur  le  devoir,  ces  miennes  paroles  et 
d’autres  encore.  13,12é. 

» Tu  dois  t’atteler  toi-même  sans  cesse  au  char  du  de- 
voir, t le  plus  vigoureux  des  hommes,  qui  soutiennent  la 
vertu;  car  l’âme  du  juste,  sire,  obtient  le  bonheur,  et  dans 
ce  monde,  et  dans  l'autre  vie.  13,125. 

» Écoute  la  belle  parole,  que  je  vais  te  dire,  mortel  sans 
péché  : « 11  ne  faut  mettre  jamais  le  brahme  dans  ton 
mépris.  13,126. 

U En  effet,  le  brahme  pent  détruire  les  mondes  dans  sa 
résolution  irritée,  o Quand  le  roi  sage,  à la  grande  splen- 
deur et  le  plus  vertueux  des  Kourouides,  eut  entendu  ce 
langage  de  Mârkandéya,  il  fit  cette  noble  réponse  : « Dans 
quel  devoir  me  faut-il  rester,  anachorète,  pour  bien  dé- 
fendre les  créatures?  13,127 — 13,128. 

» De  quelle  manière  dois-je  vivre  afin  de  ne  pas  tomber 
du  devoir,  qui  est  propre  à ma  condition  ?»  — « Sois  mi- 
séricordieux, bon  pour  toutes  les  créatures,  sans  médi- 
sance, pur.  18,129. 

» Dis  la  vérité,  sois  doux  et  dompté,  complais-toi  dans 
la  défense  de  tous  les  êtres;  suis  la  vertu,  abandonne  le 
vice,  honore  les  Mânes  et  les  Dieux.  13,130, 


236 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Triomphe  convenablement  par  l'aumône  de  ce  qne  la 
folie  a pu  faire  contre  toi.  Loin  de  toi  les  sentiments  d’or- 
gueil : vis  toujours  dans  la  dépendance.  13,131. 

» Quand  tu  aura.s  vaincu  toute  la  terre,  sois  heureux  et 
réjouis-toi!  Tel  est  le  devoir  présent  et  à venir,  qui  s’élève 
pour  toi.  13,132. 

» Il  n’est  rien  sur  la  terre  dans  les  choses  passées  ou 
futures,  qui  te  soit  inconnu  ; ne  mets  donc  pas  en  ton  cœur 
de  chagrin,  quant  à cela,  mon  fils.  13,133. 

X Les  sages  sous  le  poids  môme  du  temps,  ne  s’aban- 
donnent pas  au  désespoir.  Ce  temps,  guerrier  aux  longs 
bras,  est  une  épreuve  pour  tous  les  habitants  du  ciel. 

Les  sages  se  livrent-ils  au  désespoir,  mon  fils,  quand 
ils  y sont  excités  par  le  temps?  Tu  ne  dois  pas  mettre  ici 
un  doute  sur  les  paroles,  que  je  t’ai  adressées,  mortel  sans 
péché.  13,134—13,135. 

» (’ai-,  si  tu  doutais  de  ma  parole,  ce  doute  entraînerait 
pour  toi  la  perte  du  devoir.  Tu  es  né,  ô le  plus  grand  des 
Bliaratides,  dans  une  illustre  famille,  issue  de  Kourou. 

» Va  dans  tout  cela  en  œuvre,  en  pensée,  en  parole.  » 
Youddhishthira  lui  répondit  : « Ce  langage,  sorti  de  ta 
bouche,  ô le  plus  vertueux  des  bralimes,  a ravi  mou  oreille. 

» J’exécuterai  de  tous  mes  efforts,  seigneur,  les  ordres 
de  ta  sainteté.  11  n’est  en  moi,  ni  avarice,  ni  crainte,  ni 
envie.  13,136—13,137—13,138. 

U Je  ferai,  certes,  tout  ce  que  tu  m’as  dit,  seigneur!  » 
A peine  eurent-ils  entendu  les  paroles  du  sage  Màrkan- 
déya,  les  fils  de  Pàndou  joyeux,  sire,  associés  au  guerrier, 
qui  maniait  l'arc  (jârnga,  et  tous  les  principaux  des 
brabmes,  qui  étaient  là  rassemblés,  ayant  ouï  cette  bril- 
lante narration  du  vénérable  saint,  furent  émerveillés 


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. VANA-PARVA.  * ‘ 


2S7 


qu’il  leur  eût  confié  ce  Pourâna.  13,13P-lS,iûO-13,l41. 
« Djanamédjaya  dit  : 

« Veuille  raconter  encore  cette  grandeur  d’àme  des 
brahmes  et  ce  que  Màrkandéya,  aux  grandes  pénitences, 
dit  aux  fils  de  Pândou.  » 13,142. 

Vaiçampàyana  lui  répondit  : 

« Veuille  bien  raconter  encore  la  grandeur  d’âme  des 
brahmes,  » dit  le  fils  de  Pândou  à Mârkandéya.  13,143. 

» Écoutez  donc  ce  que  lui  raconta  le  pénitent,  cette  his- 
toire des  brahmes,  inouie  jusqu’alors.  13,144. 

(1 11  y avait  dans  Ayodhyâ,  dit-il,  un  prince  continua- 
teur de  la  race  d’Ikshwâkou  et  nommé  Parikshit.  Un 
jow\  il  s’en  fut  à la  chasse.  13,14ô. 

» Monté  sur  un  cheval,  il  poursuivit  une  gazelle,  qui 
l’entraina  loin.  13,146. 

» Dans  sa  route,  il  rencontra  la  fatigue  : il  était  vaincu 
par  la  faim  et  la  soif,  quand  il  vit  dans  un  certain  endroit 
une  partie  de  bois  épaisse  et  obscure.  13,147. 

» Il  y entra,  et  ses  yeux  trouvèrent  au  milieu  de  cette 
portion  de  forêt  un  lac  extrêmement . délicieux.  Il  s’y 
plongea  avec  son  cheval.  13,148.- 

» Sans  défiance,  il  jeta  des  filamens  de  lotus  devant  le 
cheval,  sa  monture,  et  s’étendit  sur  la  rive  du  lac  aux  né- 
lumbos.  11  était  couché  là,  quand  il  entendit  un  chant, 
plein  de  douceur.  13,149. 

»)  A peine  l’eut-il  entendu  qu’il  pensa  : « Je  ne  vois  pas 
ici  une  route  d’hommes;  de  qui  peut  donc  être  cette  voix, 
qui  chante?  » 13,150. 

. » 11  vit  une  jeune  vierge  d’une  rare  beauté,  admirable, 
recueillant  des  fleurs  et  chantant.  Sa  récolte  la  coiiduisit 
près  du  roi.  13,151. 


2S8 


LE  MAHA-BUARATA. 


» Celui-d  dit  : « A qui  e»-to,  fille  cbarmaote?  Ou  c|ai 
es-tu?  » Elle  répondit  : « Je  suLs  une  vierge!  » Elle  noble 
ehastewr  : a Je  suis  amoureux  de  toi.  » 13,152. 

« La  jeune  fille  dit  : « Je  me  donnerai,  si  je  puis  obte- 
nir de  toi  une  condition  ; autrement,  non  !»  Le  roi  de- 
manda quelle  était  cette  condition,  et  elle  répondit  : 
R C’est  qu’il  ne  faut  pas  mettre  l’eau  sous  mes  yeux  (1).  » 

« Soit  ! » reprit  le  souverain,  qui  l’épousa,  et,  le  ma- 
riage fait,  il  s’ébattit,  plein  d’une  grande  joie,  et,  sans 
donner  de  ses  nouvelles,  il  demeura  avec  sa  nouvelle 
épouse.  Tandis  que  le  roi  habitait  là,  son  armée  y vint, 
suivant  sa  trace.  13,153 — 13,1 5A. 

» L’armée  se  tint,  environnant  le  monarque,  assis,  et 
celui-ci,  salué  par  elle,  s’en  revint  avec  la  jeune  femme, 
portée  sur  une  litière  de  retour.  Il  rentra  dans  sa  ville, 
où  il  vécut  avec  elle  isolément.  13,155. 

U Pendant  qu’il  restait  là  près  d’elle,  personne  ne  pot 
le  voir,  et  son  ministre,  le  premier  de  ses  compagnons, 
fut  réduit  à interroger  les  femmes,  qui  faisaient  cortège  à 
son  épouse  : 13,156. 

R Quelle  affaire  y a-t-il  ici?  » et  ces  femmes  de  loi 
répondre  ; 13,157. 

« Nous  regardons  l’eau  comme  une  merveille  inconnue. 
Qu’on  n’apporte  pas  d’eau  ici  ! nous  fut -il  défendu.  » 
Alors  ce  ministre  fit  exécuter  un  bois  sans  eau,  avec  de 
grands  arbres,  ayant  tous  des  racines,  des  fleurs  et  des 
fruits  en  abondance.  Au  milieu  et  sur  un  côté  était  une 
lie,  faite  avec  une  multitude  de  perles,  bien  dérobée  aux 
yeux  et  baignée  par  des  eaux,  qui  en  léchaient  le  marbre. 


(1)  Voyez  U note  à It  page  tuWanle. 


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VANA-PARVA. 


2S9 


Il  s’approcha  do  roi  en  particulier  et  lui  dit  : 13,158. 

« Voici  un  grand  bois  sans  eau  : Allons!  amuse-toi 
ici  ! » 13,160. 

» Le  monarque  à sa  parole  entra  dans  ce  bois  avec  la 
reine.  13,160. 

» Un  jour  qu’il  folâtrait  avec  elle  dans  cette  forêt  déli- 
cieuse, il  entra,  fatigué,  tourmenté  par  la  soif  et  la  faim, 
sous  un  berceau  d'atimouktakas;  et,  entré  là  avec  son 
épouse,  il  vit  cette  Ile  faite  de  marbre,  sans  aucune  souil- 
lure, toute  remplie  d'eau.  13,161. 

» Charmé  de  sa  vue,  il  s’arrêta  avec  la  reine  sur  son 
rivage.  18,162. 

(I  .liions  I dit-il  à son  épouse,  descends  dans  l’eau  de 
cette  lie.  » Elle,  obéissant  à cette  invitation  de  son  époux, 
elle  descendit  sur  l’ile,  plongea  dans  l’eau,  mais  elle  ne 
revint  pas  à la  surface.  13,163. 

» Iæ  roi  eut  beau  chercher,  il  ne  la  retit  pas.  11  fit 
écouler  toute  l’eau,  qui  environnait  l’île,  et  vit  une  gre- 
nouille au  bord  d’un  trou  (1).  Irrité,  le  roi  donna  cet 
ordre  : « Qu’on  s’occupe  en  tous  lieux  de  donner  la  mort 
aux  grenouilles.  Quiconque  aura  besoin  de  me  voir,  qu’il 
s’approche,  mais  qu’il  prenne  d’abord  comme  présent  à 
m’olTrir  une  grenouille  morte!  » 13,16â — 13,165. 

» Tandis  que  l’on  brassait  l’épouvantable  mort  des 
grenouilles  à tous  les  points  de  l’esp.ace,  la  crainte  fit  ir- 
ruption dans  elles,  et,  frappées  de  peur,  elles  coururent 


(I)  L'âutearici  préTeoir  que  cette  grenouille  était  la 

princesse  même,  épouse  du  roi.  Il  ne  nous  a pas  dit  aussi  la  raison  de  cette 
défense  : « Ne  me  fais  pas  Toir  l’eau!  » C'était  dans  la  crainte  qu'elle  ne 
fut  repriae  à 1a  vue  par  sa  nature  de  grenouille. 


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2âO  LE  MAHA-BH  VBATA. 

annoncer  l'histoire  au  souverain  des  grenouilles.  13,166. 

» Alors,  ce  roi  des  grenouilles,  ayant  rev&tu  le  costume 
des  pénitents,  vint  trouver  le  monarque  et,  s'étant  ap- 
proché, lui  dit  : 13,167. 

U Ne  descends  pas,  sire,  sous  le  pouvoir  de  la  colère:  ' 
arcorde-nous  ta  bienveillance  et  ne  veuille  pa.s  donaer  la 
mort  aux  innocentes  grenouilles!  » Ici,  l'on  place  deux 
çlotas.  13,168. 

« Ne  désire  pas  tuer  les  grenouilles!  Retiens  ta  colère, 
Atchyouta!  L'accroissement  des  richesses  est  perdu  pour 
les  hommes  ignor.auts.  18,160. 

» Ne  t'engage  pas  avec  ces  promesses  : quand  tu  les 
auras  obtenues,  tu  déposeras  ta  colère!  C'est  assez  pour 
toi  d'avoir  commis  une  injustice  : que  ferais-tu  de  ces 
grenouilles  immolées?  » 13,170. 

U Au  monarque  amphibie,  qui  lui  présentait  ce  mes- 
sage, Parikshit,  l'àme  assiégée  par  le  chagrin  de  son 
épouse  bien-aitnée,  répondit  en  ces  termes  : 13,171. 

O Aon  / Je  ne  pardonnerai  point  cela  : je  les  tuerai  ! Mon 
épouse  fut  dévorée  par  ces  bêtes  aux  âmes  méchantes.  Je 
dois  frapper  de  mort  les  grenouilles  : sage,  ne  veuille 
donc  pas  m'empêcher.  » 13,172. 

» Quand  il  eut  reçu  cette  parole,  le  roi  des  grenouilles 
reprit,  l'àme  et  les  sens  troublés  : « Pardonne,  sire  ; on 
m'appelle  Ayoush,  le  roi  des  grenouilles  : j'ai  une  fille, 
nommée  Souçobbanâ.  13,173. 

» Elle  a un  mauvais  caractère  : elle  trompa  jadis  des 
rois  en  grand  nombre.  » 13,l7â. 

a Qu'importt  ! ia  suis  amoureux  d'elle,  répondit  le  roi! 
donne-la-nioi  pour  femme  ! » Le  père  la  donna  donc  au 
roi  et  lui  dit:  a Souviens-toi  d'obéir  à ce  roi!  » 13,175. 


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VANA-PARVA. 


2M 


• Quand  il  eut  ainsi  parlé,  il  maudit  sa  fille  avec  colère  ; 

« Parce  que  tu  as  trompé  des  rois  en  grand  nombre,  à 
cause  de  cela  et  par  le  caractère  de  ta  fausseté,  tes  fils  à 
naître  iie  seront  pas  des  brahmesi  a 13,176. 

Il  Dès  qu'il  eut  reçu  la  jeune  fille,  le  cœur  enchaîné  par 
les  qualités  de  la  volupté,  qu'il  trouvait  en  elle,  le  roi 
salua  Ayoush,  lui  rendit  de  grands  honneurs,  et  d'une 
voix,  que  la  joie  fal.sait  balbutier,  comme  s'il  eut  obtenu 
l'empire  des  trois  mondes,  lui  dit  : « C'est  une  faveur,  que 
tu  m'accordes  ! u Aussitôt  que  le  roi  des  grenouilles  eut 
donné  sa  fille,  il  s'en  retourna  comme  il  était  venu. 

Il  Après  un  certain  temps,  il  naquit  au  roi  du  sein  de 
cette  femme  trois  jumeaux  : Çala,  Dala  et  Bala.  Suivant 
l'observance,  le  père  sacra  l'ainé  de  ses  fils,  Çala,  sur  le 
trône,  et  ce  prince,  qui  avait  l’ame  ferme  dans  la  péni- 
tence, SC  retira  dans  la  forêt.  Un  jour,  Çala  se  livrait  à la 
chasse,  et,  poursuivant  une  gazelle,  il  se  précipitait  sur 
elle  avec  son  char.  13,177 — 13,178. 

I)  11  dit  à son  cocher  : u Conduis-moi  promptement  I » 
A ces  mots,  le  cocher  répondit  au  roi  : 13,179. 

« Ne  prépare  pas  un  lien  ! Il  t'est  impossible  de  prendre 
celte  gazelle,  eusses-tu  même  les  deux  (^dmt/ai  attelés  à 
ton  char.  » Le  roi  dit  au  cocher  : « Raconte-moi  ce  que 
sont  les  Yàmyas,  ou  je  te  tue.  » A ces  mots,  effrayé  d'un 
côté  par  cette  menace  du  roi,  et  craignant  de  l'autre  une 
malédiction  de  Vàmadéva,  le  cocher  garda  le  silence.  De 
nouveau,  levant  son  cimeterre,  le  roi  dit  : u Raconte  vite, 
ou  je  vais  te  tuerl  » Épouvanté  par  cette  colère  du  roi,  le 
cocher  répondit  enfin  que  les  Yàmyas  étaient  deux  che- 
vaux, rapides  comme  la  pensée,  qui  appartenaient  à Yâ- 
madéva.  13,180. 

IV 


18 


2i2 


Lü  MAHA-BHARATA. 


B 11  parlait  encore,  quand  le  roi  lui  cria  : n Marche 
vers  rherinitage  d?  Vâinadéva!  n Arrivé  là,  il  dit  au  saint  : 

« Révérend,  une  gazelle,  que  j'ai  blessée,  fuit  pour 
sauver  sa  vie  ; veuille  me  confier  les  Vàmyas.  » — « Je 
ne  puis  te  refuser  les  Vàmyas,  répondit  le  rishi  ; mais, 
quand  ta  majesté  aura  terminé  son  affaire,  il  faut  me  ren- 
voyer aussitôt  les  Vàmyas.  » Il  reçut  les  chevaux,  prit 
congé  du  saint,  et  s'avança  vers  la  gazelle  sur  son  char, 
attelé  des  Vàmyas  ! n Marche  ! dit-il  au  cocher.  De  telles 
perles  de  chevaux  ne  doivent  pas  être  attelées  au  char 
des  brahtncs.  Il  ne  faut  pas  les  rendre  à Vàmadéva.  » .A 
ces  mots,  il  atteignit  la  gazelle,  rentra  dans  sa  ville  et 
plaça  les  chevaux  dans  les  écuries  de  son  gynœcée. 

13,181—13,182. 

« Ce  jeune  fils  de  roi,  pensa  l’anachorète,  s’amuse;  et, 
maintenant  à la  tête  d’un  attelage  fortuné,  il  ne  me  ren- 
voie pas  mes  chevaux  : malheur,  hélas!  » 13,183. 

I)  Quand  il  eut  roulé  un  mois  entier  ces  pensées  dans 
son  esprit,  il  manda  l’un  de  ses  disciples  et  lij  dit  ; «Vas, 
fils  d’Atri,  et  dis  au  roi  : « Si  tu  n’en  as  plus  besoin,  ren- 
voie les  Vàmyas  à mon  maître.  » 13,184. 

U Lejeune  hennite  partit,  il  remplit  sa  commission,  et 
le  roi  de  lui  répondre  : o Cet  attelage  est  digne  des  rois; 
les  brahrnes  ne  méritent  pas  des  perles  d’une  telle  ri- 
chesse. Quel  besoin  les  brahrnes  ont-ils  de  chevaux? 
Allons!  va-t-én!  » 13,185. 

Il  Le  disciple  revint  et  rendit  à son  maître  ces  paroles 
désagréables  : l’âme  enveloppée  de  colère,  Vàmadéva 
s’en  fut  Ini-inème  trouver  le  roi,  et  l’invita  à restituer  les 
chevaux  ; mais  le  roi  ne  les  donna  jias.  13,186. 

« Donne-moi,  prince,  les  Vàmyas,  dit  Vàmadéva,  car 


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VANA-PARVA. 


2i3 


ton  affaire  est  terminée  : il  m’est  impossible  de  vivre  sans 
mes  deux  chevaux.  Prends  garde  que  Varouna  ne  te  lie 
de  son  effrayant  lacet.  Brahma  n’habite-t-il  pas  au  milieu 
du  ksbatrya?  » iS,187. 

» Des  hœufs  bien  dressés,  doux  et  domptés,  Vàmadéva, 
sont  l'attelage,  destiné  aux  brabmes,  répondit  le  roi.  Vas 
avec  eux,  grand  rishi,  où  l'amour,  où  les  désirs  portent 
un  tel  homme  que  toi.  » 13,188. 

« Les  désirs,  qui  sont  au  cœur  d’un  homme  tel  que 
moi,  prince,  reprit  Vàmadéva^,  le  portent  dans  l'autre 
monde  ; mais,  dans  celui-ci,  cet  attelage  me  convient, 
sire,  à moi  et  ^ ceux,  qui  sont  de  ma  condition,  n 13,189. 

<1  Fais-toi  conduire  par  quatre  ânes;  vas  avec  eux,  dit 
le  roi  : mais  des  mules  excellentes,  des  chevaux,  qui  ont 
la  vitesse  du  vent,  sont  l’attelage  du  kshatrya  : les  Vâ- 
myas  sont  à moi,  sache-le,  dit  le  roi,  ils  ne  t’appartiennent 
pas.  » 13,190. 

n C’est  par  un  vœu  épouvantable  du  brahme,  dit-on, 
c’est  par  lui,  sire,  que  tu  vis,  hélas!  répondit  Vàmadéva. 
Puissent  quatre  Yâtoudhânas,  aux  corps  de  fer,  aux  formes 
terribles,  grands,  bien  formidables,  armés  de  tridents 
acérés,  désirant  ta  mort,  te  traîner  à mon  ordre  en  quatre 
parties!»  13,191. 

B Puissent,  les  mains  armées  d’épées  et  de  lances  ai- 
guës, reprit  le  roi,  puissent,  excités  par  ma  voix,  ceux, 
qui  te  connaissent,  Vàmadéva,  comme  un  brabme,  qui 
tue  en  paroles,  en  esprit  et  en  œuvres,  t’abattre  mort  ici 
même  avec  ton  disciple!  » 13,192. 

(I  Tu  as  emmené  ces  Vâmyas,  qui  sont  â moi-même, 
sire  : « Je  te  les  rendrai,»  a.s-tu  dit;  c’est  àcette  condition 
que  tu  les  as  reçus  de  moi,  repartit  Vàmadéva;  rends- 


LE  MAHA-BHARATA. 


2&A 

moi  promptement  ces  deux  chevaux,  les  Vâmyas,  si  tu 
veux  conserver  ta  faculté  de  vivre.  » 13,193. 

« La  chasse  n’a  pas  été  faite  pour  les  brahmes,  lui  ré- 
pondit le  roi  ; je  ne  te  parle  plus,  car  désormais  c'est  une 
chose  contraire  à la  vérité;  mais,  puissé-je  obtenir  les 
mondes  purs,  brahme,  aussi  vrai  que  je  méprise  ton  ordre 
entierl  » 13,194. 

« Les  ordres  des  brahmes,  sire,  ne  sont-ils  pas  en 
paroles,  en  esprit  ou  en  œuvres?  dit  Vâmadéva  : ainsi,  le 
sage,  qui  imite  Brahma  par  la  pénitence,  est  le  plus  ver- 
tueux des  vivants.  » 13,195. 

» A peine  Vâmadéva,  sire,  eut-il  achevé  de  parler  ainsi, 
des  Rakshasas  aux  formes  épouvantables  s'élevèrent,  et, 
sur  le  point  d’étre  frappé  de  leurs  mains  armées  de  tri- 
dents, le  monarque  alors  dit  ces  parole-s  à haute  voix  : 

« Si  Ikswâkava  même,  si  Dala,  brahme,  si  les  hommes, 
soumis  à mon  empire,  m'en  lol/iiiiaient  eux-mêmes,  je 
ne  rendrais  pas  les  Vâmyas  de  Vâmadéva;  car  les  hommes 
de  ton  espèce  ne  sont  pas  de  vrais  justes  1 » 

13,19e— 13,197. 

» Tiindis  qu’il  parlait  ainsi,  le  roi  de  la  terre,  frappé 
des  Tâtoudhânas,  quitta  promptement  la  terre.  A la  nou- 
velle que  le  monarque  n’était  plus,  Ikshwâkava  de  sacrer 
Dala  sur  le  trône.  Alors,  à son  départ,  Vâmadéva  lui- 
même  adressa  au  roi  Dala  ces  paroles  : « 11  faut  donner 
aux  brahmes,  sire,  ce  qui  est  ordonné  par  toutes  les  lois, 

» Si  tu  crains  de  commettre  une  injustice,  monarque 
des  hommes,  hâte-toi  de  me  rendre,  à l’instant  même,  les 
Vâmyas.  n A cfts  mots  de  Vâmadéva,  le  prince  dit  avec 
colère  à son  cocher  : 13,198 — 13,199 — 13,200. 

« Apporte-moi  une  flèche  bien  prise,  aux  formes  admi- 


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VANA-PARVA. 


215 


râbles,  imprégnée  de  poison  : que  ce  Vâmadéva  blessé 
gise  à terre,  contemplé  par  ses  chevaux,  avec  les  appa- 
rences de  la  douleur!  » 13,201. 

K Je  sais  que  tu  as  un  fils,  repartit  Vâmadéva,  âgé  de 
douze  ans,  né  de  ta  royale  épouse  et  nommé  Çyénadjit  : 
excité  par  mes  paroles,  hâte-toi  de  le  tuer  par  la  main  de 
tes  amis  avec  des  flèches  aux  formes  épouvantables.  » 

» A ces  mots  du  saint,  le  prince  fut  tué  dans  le  gynce- 
cée  : la  flèche  â la  dévorante  splendeur  fut  lancée,  etDala 
à son  bruit  articula  ces  paroles  : 13,202 — 13,203. 

0 Princes  d’Iksbwâkou,  je  vais  faire  une  chose,  qui  ne 
peut  manquer  de  vous  plaire  : je  vais  donner  une  mort 
violente  à ce  brahme  ! Qu'on  m’apporte  une  seconde  flèche 
â la  splendeur  dévorante.  Voyez,  maîtres  de  la  terre,  quelle 
est  ma  vigueur!  » 13,205. 

« Tu  veux  lancer  pour  moi  cette  flèche  aux  formes 
épouvantables,  imprégnée  de  poison,  reprit  Vâmadéva; 
mais  tu  ne  peux,  roi  des  enfants  de  Manou,  ni  la  déco- 
cher, ni  seulement  la  mettre  à la  corde!  » 13,205. 

« Princes  d’ikshwàkou,  dit  le  roi,  voyez!  je  suis  para- 
lysé! je  ne  puis,  ni  lancer  ma  flèche,  ni  donner  la  mort  â 
cet  homme!  Eh  bien!  je  lui  pardonne  : que  le  révérend 
Vâmadéva  conserve  la  vie!  » 13,206. 

a Quand  tu  auras  touché  avec  cette  flèche  ta  royale 
épouse,  observa  fanachorète,  tu  seras  délivré  de  cette 
faute.  » Ce  que  le  monarque  ayant  fait,  la  princesse  dit 
ces  mots  à l'bermite  : 13,207. 

« De  même  que  je  serai  appliquée  à redire  chaque  jour 
ce  crime,  Vâmadéva,  de  même  que  je  rechercherai  tou- 
jours la  vérité  auprès  des  brahmes,  ainsi  puissé-je,  brahme, 
obtenir  les  mondes  purs!  .>  13,208. 


246 


LE  MAHA-BHARATA. 


< Choisis  une  grâce,  dame  aux  yeux  charmants,  reprit 
Vâmadéva,  qui  couvre  de  sa  pro  ection  la  faïuille  royale; 
je  te  l’accorde.  Sois  propice  à tes  parents  et  à ce  royaume 
immense  d’ikshwàkou,  princesse  irréprochable.  » 13,209. 

« Voici  la  grâce,  que  je  choisis,  révérend,  dit-elle  : que 
mon  époux  soit  délivré  de  son  péché.  Pense  avec  faveur  à 
mon  fils  et  â ses  parents  : telle  est,  éminent  brahme,  la 
grâce  de  mon  choix.  » Quand  il  eut  ouï  ces  paroles,  le 
roi  des  solitaires,  héros  des  Kourouides,  répondit  à cette 
sensible  mère  : « Qu’il  en  soit  ainsi  ! » 13,210. 

» La  joie  alors  entra  dans  le  cœur  du  roi,  et,  s’étant  in- 
cliné avec  respect,  il  rendit  les  Vâmyas.  » 13,211. 

Les  saints,  les  brahmes  et  Youddhishtbira  firent  â Mâr- 
kandéya  de  nouvelles  demandes  : « Rishi,  est-ce  que 
Vaka  eut  une  longue  vie?  » Et  l’anachorète  de  répondre  â 
tous  : « Le  râdjarshi  aux  grandes  pénitences,  Vaka  eut 
une  vie  très-longue-,  il  n’y  a pas  un  doute  â mettre  lâ- 
dessus.  » 13,212. 

Quand  il  eut,  rejeton  de  Bharata,  entendu  ces  mots, 
Youddhishthira-Dharmarâdja,  le  fils  de  Kouotl,  avec  ses 
frères,  interrogea  l’hermite  : 13,213. 

« Vaka  et  Dâlbya  étaient  deux  rishis  magnanimes,  qui 
vécurent,  dit-on,  une  longue  vie  : ils  étaient  amis  du  roi 
des  Dieux;  ils  étaient  estimés  par  les  mondes.  13,214. 

» Voilà,  révérend,  mon  désir  : raconte-moi  dans  la  vé- 
rité cette  liaison  de  Vaka  et  de  Çakra,  qui  fut  mêlée  de 
douleur  et  de  plaisir.  » 13,215. 

Màrkandéya  dit  alors  : 

a Après  que  fut  terminée  la  guerre,  effroi  du  monde, 
entre  les  Asouras  et  les  Dieux,  Indra  fut  créé  le  souverain 
des  trois  mondes.  13,216. 


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VANA-PARVA. 


247 


» Indra  versait  au  temps  propre  les  pluies  bienfaisantes, 
accroissement  des  fruits  : les  créatures  sans  maladies, 
pleines  de  vertu,  faisaient  du  devoir  leur  principal  but. 

Il  Chaque  être  se  réjouissait  et  restait  dans  les  devoirs 
de  sa  condition  : le  meurtrier  de  Bala,  (.iatakratou,  le  roi 
des  Dieu.x,  monté  sur  Alràvata,  était  heureux  lui-même, 
sire,  de  voir  toutes  les  créatures  dans  la  joie.  Celles-ci 
voyaient  avec  bonheur  13,217 — 13,218—13,219. 

» Les  différents  hermitages,  les  divers  fleuves  char- 
mants, les  villes  dans  l’abondance,  les  villages  et  les 
campagnes,  13,220. 

» Les  rois,  habiles  au  gouvernement  des  peuples  et  qui 
marchaient  dans  le  devoir,  les  puits,  les  places,  où  l’on 
distribue  les  eaux,  les  viviers  et  les  lacs,  13,221. 

Il  Habités  par  des  brabmes  éminents,  nombreux,  mar- 
chant d’un  pas  égal  dans  la  vertu.  Ensuite,  Çatakxatou, 
sire,  descendit  sur  l’aimable  terre.  13,222. 

» Là,  dans  une  région  fortunée,  charmante,  ombragée 
de  beaucoup  d’arbres,  sous  une  plage  délicieuse  de  l’orient 
et  voisine  de  la  mer,  sire;  13,223. 

» Là,  dis-je,  il  vit  une  enceinte  ravissante  d’hermitages, 
fréquentée  des  volatiles  et  des  gazelles,  et,  dans  ce  cercle 
enchanteur,  le  roi  des  Dieux  aperçut  Vaka.  13,224. 

n Celui-ci  eut  son  cœur  comblé  de  joie  à la  vue  du  sou- 
verain des  Immortels,  qu’il  honora  avec  de  l’eau  pour  se 
laver  les  pieds,  un  siège,  le  présent  d’un  arghya,  des  ra- 
cines et  des  fruits.  13,225. 

» Le  roi  du  Tridaça,  le  meurtrier  de  Bala,  le  donateur 
des  grâces,  s’étant  assis  à son  aise,  adressa  cette  ques- 
tion, sire,  à Vaka  : 13,226. 

« Anachorète  sans  péché,  toi,  qui  es  né  depuis  cent 


LE  MABA-BHAUATA. 


ns 

mille  ans,  dis-moi,  brahme,  quelle  souffrance  attend  les 
hommes,  qui  vivent  une  longue  vie.  » 13,227. 

Vaka  répondit  : 

a Habiter  avec  des  gens,  qui  déplaisent,  être  sans  amis, 
vivre  avec  des  personnes  vicieuses  ; c’est  la  commune 
douleur  des  hommes,  qui  vivent  trop  long-temps,  13,228. 

» Perdre  son  épouse  et  ses  fils,  ses  parents  et  ses  amis, 
être  dans  la  dépendance  des  étrangers  : est-il  rien  de  plus 
affligeant?  13,220. 

» Ceux,  qui  vivent  long-temps,  voient  naître  dans  leur 
famille  des  gens  mal  nés,  ils  voient  périr  dans  leur  fa- 
mille des  gens  de  la  plus  belle  nature;  ils  vivent  avec  eux 
et  ils  s'en  voient  séparés.  13,230. 

» Voilà  ce  qui  est  sous  tes  yeux  mêmes.  Dieu  Çatakra- 
tou  : tu  voit  comment  arrive  la  destruction  des  familles, 
qui  de  grandes  deviennent  petites.  13,231. 

Il  Les  Rakshasas,  les  Ouragas,  les  hommes,  les  Gan- 
dbarvas,  les  Dânavas  et  les  Dieux  obtiennent  l’infortune 
par  leur  famille  : est-il  rien  de  plus  affligeant?  13,232. 

» Ceux,  qui  sont  nés  d'une  bonne  race,  s'affligent  de  se 
voir  soumis  à la  puissance  des  gens  mal  nés  : les  pauvres 
sont  méprisés  par  les  riches  : est -il  rien  de  plus  affligeant? 

Il  On  voit  cet  esprit  injuste  se  développer  beaucoup 
dans  le  monde  : les  hommes  dépourvus  de  science,  ne  les 
voit-on  pas  affligés  par  des  savants  habiles? 

13,233—13,234. 

» La  condition  de  l'homme  ici-bas  se  montre  comme 
un  état  de  peine,  auquel  est  attaché  beaucoup  de  dou- 
leur. » — Il  Dans  le  sens  contraire,  homme  vertueux,  vé- 
néré par  les  troupes  des  Dévarsbis,  dit  Indra,  13,236. 

» Dis-moi,  brahme,  quel  plaisir  est  réservé  à ceux  qui 


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VANA-PARVA. 


2â9 


virent  long-temps,  » — « L'homme,  qui  fait  cuire  dans  sa 
maison  k la  dixième  ou  la  douzième  heure  un  plat  de  lé- 
gumes, sans  recourir  à de  mauvais  amis,  répondit  Vaka, 
est-il  un  sort  plus  heureux  que  le  sien?  Autour  de  lui, 
on  ne  compte  pas  ses  jours,  on  ne  dit  pas  qu’il  est  un 
grand  mangeur.  13,236 — 13,237. 

» Le  plaisir  habite  même  la  maison  de  l’homme,  Indra, 
qui  fait  cuire  un  plat  de  légumes  ; cet  aliment  est  acquis 
par  sa  force  et  non  en  recourant  jamais  à autrui.  13,238. 

» 11  vaut  mieux  manger  un  fruit  ou  un  légume  dans 
son  heureuse  maison  que  de  vivre,  environné  de  splen- 
deur dans  la  maison  d'autrui,  mais  continuellement  en 
but  au  mépris.  Ce  choix  est  celui  des  gens  de  bien.  Mais 
honte  soit  à l'homme,  qui  désire  manger,  comme  un  chien, 
la  nourriture  d'un  autre;  c'est  un  Raksbasa.  Est-il  rien 
de  plus  heureux  qu’un  brahme  éminent,  qui,  après  avoir 
donné  la  nourriture  aux  hôtes,  à tous  les  êtres  et  aux 
Mânes,  mange  les  restes  de  l'oilrande?  Il  n’est  au  monde, 
Çatakratou,  nulle  autre  chose  purifiée  plus  éclatante  que 
de  ne  manger  jamais  avant  d'avoir  présenté  la  nourriture 
à ses  hôtes.  Un  fils  obtient  pour  sa  récompense  autant  de 
mille  vaches,  que  le  brahme  a toujours  mangé  de  gâteaux 
funèbres  et  de  riz  bouilli.  Tous  les  péchés,  qu’il  a com- 
mis depuis  l'enfance,  sont  pour  sûr  effacés.  (De  la  ttance 
13,239  à la  stance  13,2â6.) 

» En  effet,  l'eau  est  à peine  arrivée  dans  la  main  do 
brahme,  qui  mange,  honoré  de  son  présent,  qu'elle  arrose 
ces  péchés  de  sa  liquide  influence  et  vous  les  fait  traver- 
ser dans  un  instant.  » 13,2ô6. 

» Après  qu’il  se  fut  entretenu  avec  Vaka,  qui  lui  rn- 


250 


LE  MAHA-BHARATA. 


conta  ses  brillantes  narrations  et  d’autres  en  grand  nombre, 
le  roi  des  hOtes  célestes  lui  dit  adieu  et  s'en  retourna  au 
ciel.  » 13,2â7. 

Les  nis  de  Pândou  adressèrent  de  nouveau  ce  langage  à 
Hârkandéya,  qui  venait  de  raconter  les  hautes  destinées 
des  brahmes  : <i  Nous  désirons  maintenant  qtu  tu  nous 
dises  la  magnanimité  des  kshatryas.  » Le  grand  rishi 
Màrkandéya  répondit  : « Écoutez  donc  maintenant  la 
grandeur  d'àme  des  kshatryas.  13,2&8. 

» Un  roi,  nommé  Souhotra,  fut  un  des  rejetons  de  Kou- 
rou.  11  fut  trouver  les  grands  rishis,  et  vit  en  face  de  lui 
Çivi,  fils  d'üuçlnara,  qui,  monté  sur  son  char,  l’empô- 
chait  d’avancer,  to  deux  rois,  s’étant  rencontrés,  l’un  et 
l’autre  égaux  d’âge,  ils  se  rendirent  l’hommage;  mais, 
sachant  qu’il  y avait  entre  eux  une  ressemblance  mutuelle 
de  qualités,  ils  ne  voulurent  pas  s’accorder  la  route  ni  l’un 
ni  l’autre.  Alors  Nârada  apparut  : « Qu’est-ce  que  cela? 
dit-il.  Vos  majestés  restent  ici,  se  fermant  le  passage 
l’une  à l’autre  ! » 13,2it). 

» Tous  deux  alors  dirent  à Nârada  : « Adorable,  ceux, 
qui  ont  fait  précédemment  des  actions,  et  les  autres  nous 
ont  enseigné  que  la  route  appartient  aux  plus  distingués 
ou  à l’homme  puissant.  Nous  avons  de  l’amitié  l’un  pour 
l’autre;  mais  l’excellence  exige  de  l’attention;  et  il  y a 
doute  ici  quel  est  le  plus  grand  ou  quel  est  le  plus  petit  » 
A ces  mots,  .Nârada  leur  récita  ces  deux  çlokas  (1)  : 
K Dur  avec  le  doux  et  doux  avec  le  dur,  fils  de  Kourou, 
vertueux  avec  l’homme  vicieux  : comment  le  juste  n'ob- 

(i)  Ces  çlokas  sont  évidemment  de»  intrusions  postérieures  à la  formation 
du  poème. 


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/ VANA-PARVA. 


251 


tieodrait-il  pas  en  faveur  du  juste?  13,250 — 13,251. 

U Qu'il  fasse  une  chose  cent  fois;  l’investigation  n' existe 
pas  entre  les  Dieux.  Le  fils  d'Ouçlnara  dut  à son  carac- 
tère excellent  d’être  le  souverain  de  la  terre.  13,252. 

» Qu’il  triomphe  de  l’avare  par  sa  générosité,  du  men- 
teur avec  un  langage  de  vérité,  de  l'homme  aux  actes 
emportés  par  la  patience,  et  du  vicieux  par  la  vertu,  a 

» Vos  majestés  sont  grandes  toutes  les  deux  : que  le 
plus  grand  de  vous  cède  la  route  maintenant  à l’autre  1 ce 
sera  en  donner  la  preuve.  » Après  ces  mots,  Nârada  garda 
le  silence.  13,253 — 13,25A. 

I)  A peine  eut-il  entendu  ces  paroles,  le  rejeton  de  Kou- 
rou  décrivit  un  pradakshina  autour  de  Çivi,  lui  céda  le 
chemin  et,  quand  il  l’eut  exalté  par  de  nombreux  actes, 
continua  .sa  route.  » Voilà,  dit  Nàrada,  ce  qui  prouve 
l’excellence  du  roi.  13,255. 

» Écoutez  autre  chose!  Le  roi  Nahousha,  fils  d’Yayati, 
était  assis  sur  le  trèue,  environné  des  habitants  de  sa  ca- 
pitale. Un  brahme,  qui  mendiait  pour  son  gourou,  s’ap- 
procha et  lui  dit  : <i  Oh  ! roi,  il  faut,  d’après  une  conven- 
tion , que  je  mendie  pour  mon  gourou  !»  — « Que  ta 
sainteté  dise  elle-même  ce  qu'elle  désire,  » lui  répondit  le 
roi.  18,250. 

« Ln  homme,  seigneur,  que  l’on  sollicite,  fera  naître 
dans  ce  monde  des  vivants  une  inimitié  profonde.  Je  t'a- 
dresse cette  demande,  sire  : comment  ta  majesté  donnera- 
t-elle  ce  qui  est  maintenant  mon  désir?  » 13,257. 

« Quand  j’ai  donné  une  chose,  je  ne  la  vante  pas,  dit  le 
roi  ; quand  j'ai  donné  une  chose,  sans  qu’on  la  demande, 
je  ne  veux  plus  i[u’on  m’en  parle;  lorsque  j’ai  promis  une 
chose,  qu’il  est  possible  d’obtenir  et  que  je  l’ai  donnée,  je 


•262 


LE  MAH4-BHARATA. 


suis  parfaitement  heureux.  Je  te  donne  un  millier  de 
vaches  ; car  cette  demande  brahmique  ne  m’est  pas  désa- 
gréable : mon  âme  n'est  pas  irritée  de  ta  demande  et  je 
ne  regrette  jamais  ce  que  j'ai  donné.  » 13,258 — 13,260. 

» A ces  mots,  le  roi  donna  au  brahme  un  millier  de 
vaches,  et  le  brahme  obtint  les  mille  bêtes.  » 13,260. 

Le  fils  de  Pândou  adressa  ces  nouvelles  paroles  à Uàr- 
kandéya  : « Parle-nous  encore  de  cette  magnanimité  det 
kthatryas.  » 13,261. 

ü Grand  roi,  lui  répondit  Màrkandéya,  il  y avait  deux 
souverains,  nommés  Vrishadarbha  et  Sédouka  : ils  se 
plaisaient  à suivre  la  voie  d'une  bonne  politique;  ils 
étaient  habiles  en  toutes  les  armes,  principales  et  secon- 
daires. 13,262. 

» Sédouka  n’ignorait  pas  le  vœu  de  l’oupànçou  (1),  qui 
liait  Vrishadarbha  depuis  son  enfance  : « 11  ne  faut  pas 
faire  l'aumône  au  brahme  avec  un  vil  métal.  » 13,263. 

» l'n  certain  brahme,  l’esprit  orné  par  la  lecture  et  les 
Védas,  ayant  donné  sa  bénédiction  à Sédouka,  lui  de- 
manda une  aumône  pour  son  gourou  : 13,266. 

a Que  ta  majesté  me  donne  un  millier  de  chevaux  ! » 
Et  Sédouka  répondit  au  brahme  : 13,266. 

« 11  m'est  impossible  de  te  les  donner  pour  ton  gourou  ! 
» klais  va  trouver  le  roi  Vrishadarbha,  il  connaît  les 
plus  hauts  devoirs  : demande-lui  une  aumône,  brahme. 
11  te  la  donnera,  car  il  a fait  le  vœu  de  l'oupânçou.  » 

» Le  brahme  s’en  alla  donc  en  la  présence  de  Vrisha- 
darbha et  lui  demanda  un  millier  de  chevaux  ; mais  ce  roi 
le  frappa  avec  un  fouet.  13,266 — 18,267 — 13,268. 


(i)  Voyez  le  petit  lodei  au  commeacemeDt  de  ce  Tolume. 


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VAN\-PAUVA. 


■263 


« Ponrquoi  me  frappes-tu,  lui  dit  le  brahme,  moi,  qui 
suis  innocent?  » 13,‘2<t0. 

» A ces  mots,  le  roi  dit  à l’anachorète,  qui  le  maudis- 
sait : « Brahme,  qu'cst-ce?  Tu  maudis  un  homme,  parce 
qu’il  ne  te  donne  pas!  Cet  acte  est-il  d’un  brahme?  » 

« Roi  des  rois,  lui  répondit  le  brahme,  je  fus  envoyé  en 
ta  présence  par  Sédouka  ; je  suis  venu  mendier  sur  sa 
parole,  et  je  t’ai  demandé  une  aumône!  » 13, *270-13, 271. 

« Je  te  donnerai  au  milieu  du  jour,  lui  dit  Vrishadar- 
bha,  le  revenu  royal,  qui  me  sera  présenté  aujourd’hui  : 
comment  le  mépris,  qu’on  a fait  d’un  homme,  frappé  avec 
le  fouet,  n’aurail-il  pas  son  châtiment?  » 13,272. 

» A ces  mots,  il  donna  au  brahme  une  grandeur  cares- 
sée par  la  fortune  (l)  ; il  lui  donna  encore  cette  aumône 
de  mille  chevaux  du  plus  haut  prix.  13,273. 

» Ces  légendes  nées  des  Dieux  sont  venues  sur  la  terre 
au  roi  Çivi,  le  fils  d’Ouçinara.  » — « Eh  bien!  nous  dési- 
rons entendre  parler  de  ce  Çivi  !»  — « Qu’il  en  soit  donc 
ainsi!  répondit  le  brahme.  Qii’.lgni  et  Indra  occupent  le 
champ  de  ma  narration  ! 13,27A. 

» Agni  sous  la  forme  d'un  pigeon  et  Indra,  ayant  re- 
vêtu celle  d’un  faucon,  avide  de  chair,  abattirent  leur  vol 
près  de  Çivi  (2).  13,275. 

» Le  pigeon  descendit  au  sein  même  du  monarque,  as- 
sis sur  un  trône  céleste.  13,270. 


(I)  Datvasika,  doat  nous  sommes  forcés  de  demander  le  sens  aux  élé- 
ments : daîva  et  sieik  dans  le  silence  des  Lexiques  et  Dictionnaires^  en 
même  temps  que  nous  faisons  dériver  outpatlin  de  out  et  de  pai,  non  de 
pad» 

(3)  Nous  retombons  dan«  les  épisodes  précMents;  mais  U ne  faut  pas 
chercher  de  la  régularité  daob  ce  poème,  formé  de  plosieurs  couches,  dif- 
férentes d’égee  et  de  treditions. 


26A 


LE  MAHA-BHARATA. 


» L’archi-brahme  dit  au  roi  : « Effrayé  par  le  faucon, 
cet  oiseau,  aiui  de  l’existence,  s’est  réfugié  vers  ta  ma- 
jesté pour  conserver  sa  vie.  1.3,277. 

I)  Être  temporaire,  il  est  bon  qu’un  prince  fasse  des 
grâces;  accorde- lui  son  pardon  : la  mort  d’un  pigeon  est 
une  horrible  chose!  » 13,278. 

Il  Épouvanté  par  ce  faucon,  dit  au  roi  le  pigeon,  je  me 
réfugie,  ami  de  l’existence,  vers  ta  majesté  pour  sauver 
ma  vie.  Touchant  tes  membres  des  miens,  devenu,  pour 
ainsi  dire,  un  anachorète  mendiant,  je  te  confie  mon  exis- 
tence. 13,279. 

» Sache  que  je  suis  un  brahmatchâri,  cultivé  par  la 
lecture,  doué  de  pénitence  et  de  répression  des  .sens;  que 
je  ne  dis  rien,  qui  déplaise  à mon  instituteur,  et  sache 
que,  doué  de  telles  qualités,  je  suis  innocent.  13,280. 

1)  ,Ie  dis  les  Védas,  je  pense  aux  Védas,  j’ai  lu  tous  les 
Védas  syllabe  par  syllabe.  Moi,  qui  suis  un  e.xcellent  don 
pour  un  brahme  versé  dans  les  Védas,  ne  veuille  pas  me 
livrer  en  proie  à ce  faucon  : je  ne  suis  pas  un  pigeon,  n 
Ensuite  l’oiseau  carnassier  dit  au  roi  : 13,281. 

CI  La  succession  régulière  des  choses  m’a  donné  cette 
habitation  parmi  les  êtres  ; dés  le  commencement  de  la 
création,  je  vis  de  ce  pigeon.  Donne-le-nioi,  sire,  et  ne 
me  fais  p.is  obstacle.  i 13,282. 

(I  Qui  a jamais  entendu,  reprit  le  roi,  une  telle  voix, 
accoutumée,  éminente,  formée  par  un  oi.scau?  Un  pigeon, 
qui  parle,  et  ce  faucon,  qui  répète  sa  voix  ! Tous  deux  vous 
savez  comment  : que  le  bien  soit!  13,283. 

I)  Quiconque  livre  à un  ennemi  le  suppliant,  qui  se  ré- 
fugie épouvanté  vers  lui,  n’obtient  pas  lui-même  le  salut 
au  temps,  où  il  le  désire,  la  pluie  ne  tombe  pas  sur  scs 


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VANA-PAUVA. 


25:> 


champs  dans  la  saison,  et  les  grains,  qu’il  a semés  au 
temps  propre,  ne  germent  pas.  13,28â. 

» On  peut  toujours  conjecturer  la  même  chose  au  sujet 
des  êtres  nés  petits  : les  Mânes  ne  font  pas  leur  habitation 
chez  l’homme,  qui  a livré  un  animal  effrayé,  suppliant,  à 
son  ennemi,  et  les  Dieux  ne  reçoivent  pas  son  offrande. 

/)  Il  obtient  une  nourriture  stérile  et  tombe  bientôt  du 
monde  céleste,  le  malheureux,  qui  livre  à son  ennemi 
l’aniuïal  effrayé,  suppliant,  et  les  Dieux  avec  Indra  lancent 
sur  lui  la  foudre.  1 3,285 — 13,286. 

» Qu’on  fasse  cuire  un  bœuf  avec  du  riz  bouilli  et  qu’on 
te  l'apporte,  ou  que  les  Çivisli  faucon,  traînent  des  ali- 
ments pour  toi  dans  l’endroit  où  tu  prends  tes  plus  grands 
ébats.  » 13,287. 

« Je  ne  désire  pas  un  bœuf,  répondit  le  faucon,  ni  une 
autre  nourriture  plus  fine,  sire,  que  ce  pigeon;  il  m’a  été 
donné  comme  aliment  par  les  Dieux  : abandonne-le-moi 
i\  présent,  si  tu  veux  empêcher  la  mort  des  faucons.  » 

« Qu’on  apporte  ici  le  bœuf  entier  pour  toi,  dit  le  mo- 
narque : que  mes  hommes  voient!  qu’ils  amènent  près  de 
toi  ce  don,  que  je  t’offre,  moi,  dominé  par  la  crainte  ; ne 
fais  pas  de  mal  à ce  pigeon.  13,288 — 13,289. 

» Je  t’abandonne  ma  vie,  mais  non  cet  oiseau,  que  je 
ne  dois  pas  livrer.  Ne  sais-je  pas,  .faucon,  que  c’est  un 
animal  innocent?  Ne  fais  point  ici  de  violence,  mon  ami  : 
tu  n’auras  jamais  ce  pigeon.  13,290. 

» Les  Çivis  favorables  me  loueront  pour  cette  action 
avec  des  paroles  bienveillantes  : dis-moi  la  conduite  amie, 
que  je  dois  tenir,  faucon  ; je  ferai  ce  que  tu  me  diras.  » 

« Détache  de  ta  cuisse  droite,  sire-,  un  poids  égal  de 
chair  à celui  du  pigeon,  reprit  le  faucon  ; grâce  à lui,  ce 


256 


LE  MAHA-BHARATV. 


pigeon  sera  sauvé,  et  les  bêtes  de  proie  loueront  cette  ac- 
tion : voilà  ce  qui  peut  m’être  agréable.  » 15,291-13,292. 

» Le  monarque  alors  coupe  de  sa  cuisse  droite  une 
boule  de  sa  chair  et  la  met  dans  la  balance;  mais  le  pi- 
geon était  encore  plus  lourd.  13,293. 

» Il  en  coupa  une  autre,  et  plus  lourd  encore  était  le 
pigeon.  11  tranche  ainsi  tout  son  corps  et  il  en  pose  tous 
les  morceaux  dans  la  balance;  mais  toujours  le  pigeon 
l’emportait  par  le  poids.  1 3,295. 

» Enfin,  il  monte  lui-même  dans  la  balance.  Elle  ne 
fut  plus  contraire,  sire.  A la  vue  de  cette  différence  : o II 
est  sauvé  ! » s’écria-t-il.  Aussitôt  le  faucon  disparut  et  le 
roi  dit  : 13,295. 

« Que  les  Çivis  connaissent  le  pigeon  ! Je  t’adresse  cette 
demande,  oiseau  : quel  est  ce  faucon?  Jamais  athée  sem- 
blable n’eût  fait  une  telle  chose.  Que  ton  excellence  ré- 
ponde à ma  question,  a 13,296. 

a Le  pigeon  dit  : 

« Je  suis  le  llamboyant  Vaiçvànara,  qui  a la  fumée  pour 
drapeau;  et  ce  faucon  est  l’époux  de  Çatchi,  qui  tient  la 
foudre  à sa  main.  Eh  bienl  nous  sommes  venus  ici  pour 
te  connaître,  amenés  par  le  désir  d’éprouver  l’éminent 
Saâuraihéya.  13,297. 

B Ce  morceau  de  chair,  que  ta  majesté  s’est  tranché 
avec  son  épée  et  qu’elle  a donné  pour  me  sauver,  sire,  je 
fais  de  lui  une  luarque  prospère,  éclatante,  aux  senteurs 
pures,  ayant  la  couleur  de  l'or.  13,298. 

» De  ton  Qanc  naîtra  un  homme,  irés-estimé  des  brah- 
marshis,  illustre  et  vaillant  protecteur  de  ses  sujets  : il 
aura  pour  nom  Kapotaroma.  13,299. 

» Ton  corps  obtiendra  pour  fils  ce  Kapotaroma,  jeune 


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VANA-PARVA. 


257 


iwusse  de  l’arbre  de  Çivi,  éminent  parmi  les  i-ois,  éblouis- 
sant par  la  gloire  : tu  verras  de  tes  yeux  ce  grand  béros 
des  Saâurathas.  » 13,300. 

Le  fils  de  Pândou  dit  à Mârkandéya  : « Raconte-noas 
encore  la  magnanimité  de  ces  hommes.  » — Et  Mârkan- 
déya poursuivit  : « Tous  les  rois  étaient  venus  à l'açva- 
médha,  que  célébrait  Asbtaka,  le  Viçvamitride.  13,301. 

» Il  y avait  ses  frères,  Pratarddana,  Vasoumanas  et 
Çivi,  le  fils  d'Ouçlnara.  Le  sacrifice  terminé,  il  s’avança 
avec  un  char  et  ses  frères  vers  Nàrada,  qui  s’approchait. 
Alors,  quand  ils  se  furent  inclinés  devant  lui,  ils  dirent  : 
« Monte  sur  ton  char!  » 13,302. 

« Oui!  » reprit-il,  et,  montant  sur  son  char,  il  dit,  seul 
avec  eux,  à Nàrada  le  Dévarshi  : « Sois-moi  favorable! 
j’auraisle  désir  d’interroger  ta  sainteté  surquelque  chose.  » 

« Interroge  ! » lui  répondit  le  rislii  : « Ces  princes,  dit 
Asbtaka,  sont  doués  de  toutes  les  vertus  ; nousdevonsen- 
trer,  seigneur,  tous  les  quatre  dans  le  séjour  éminent  du 
Swarga.  Qui  de  nous  en  descendra  ?»  — « Asbtaka,  qui 
me  parle,  en  descendra,  » reprit  le  messager  des  Dieux, 

13,305—13,304. 

n Quelle  en  sera  la  cause  7 » demanda  l’autre.  Le  saint 
répondit:  « Tandis  que  j’habitais  dans  la  maison  d’Ash- 
taka,  il  me  promena  çà  et  là  sur  un  char,  et  je  vis  plusieurs 
milliers  de  vaches,  différentes  par  la  couleur.  A qui  ces 
vaches  sont-elles?  « lui  demandai-je.  13,305. 

« Elles  furent  créées  par  moi,  » telle  fut  sa  réponse.  11 
se  glorifie  donc  en  ces  vaches:  il  descendra  du  ciel  à cause 
de  cela.  — « Resteàtrois  ; qui maintenaiiten  descendra?» 

» Pratarddana  ! » dit  le  rishi  divin.  — « Quelle  sera  ici 
la  cause?  » — « Tandis  que  j’habitais  dans  la  maison 
IV  17 


258 


LE  MAHA-BHARATA. 


de  Pratarddana,  il  me  promena  çà  et  là  sur  un  char. 

13,^06—13,307. 

» Un  brahme  vint  alors  et  lui  dit  : « Que  ta  majesté  re- 
tourne sur  ses  pas,  et  me  donne  un  cheval  pouraumOne  I » 
— « Je  te  le  donnerai  ! » lui  répondit  le  roi,  en  se  hâtant. 
« Qu’il  me  soit  donné  à l’instant  même  ! reprit  le  brahme, 
en  précipitant  ses  mots.  Et,  cela  dit,  le  roi  lui  donna  le 
cheval  du  côté  droit.  13,308. 

♦ 

» Vint  un  autre  brahme,  qui  avait  besoin  d’un  cheval  ; 
il  en  fit  la  demande  ; le  roi  de  lui  donner  le  cheval  du  côté 
gauche  et  de  continuer  sa  route.  Un  nouveau  brahme  se 
présente  avec  le  même  besoin  d’un  cheval  : le  monarque 
se  hâte  de  délier  son  troisième  cheval,  et  lui  donne  cette 
bête.  13,309. 

» 11  poursuit  son  chemin.  Un  autre  brahme  vient  et  lui 
expose  le  besoin,  qu’il  avait  d’un  cheval.  « Je  te  le  donne- 
rai! » dit  le  roi,  qui  avait  déjà  passé  le  demandeur. 
« Doune-le-moj  dans  l’instant  1 » répondit  le  brahme  en 
mots  précipités.  Le  monarque  donne  le  cheval,  attaché 
au  timon  du  char  et,  quand  l’autre  eut  reçu  le  don  : « Grâce 
aux  brahmes,  s’écria-t-il,  il  ne  me  reste  rien  maintenant  ! « 

» 11  a donné,  mais  il  en  a fait  un  reproche  : il  descendra 
pour  cette  parole.  » — « Reste  à deux  : qui  de  ces  deux 
va  descendre?  » 13,310 — 13,311, 

« Vasoumanas  descendra!  » fitlerishi.  « Quelle  en  sera 

t * 

la  cause?  » demandèrent-ils.  Et  Nàrada  de  raconter: 
« Venu  dans  la  maison  de  Vasoumanas,  je  la  parcourais. 

» J’entendis  un  mot:  «Salut!  » je  m’approchai  pour 
en  connaître  la  cause,  et  ce  mot  répété  : « Salut  ! 
salut  ! »)  me  fit  voir  des  brahmes,  montés  sur  un  char  de 
fleurs.  13,312 — 13,313.  , 


VANA-PARVA. 


259 


» Jelouai  ce  char,  elle  roi  médit  : o Ce  char  fut  loué  par 
Bhapavat  lui-niéme  ! C’est  le  char  de  cet  admirable  Indra  I» 

n Cn  jour,  je  m'avançai  vers  lui  de  nouveau  ; et  je  de- 
mandai pour  la  seconde  fois  : quelle  était  la  cause  de  ce 
char.  13,314—13,315, 

« Est-il  bien  à Bhagavat?  » lui  dis-je.  « Oui  ! » répon- 
dit le  roi  ; je  répétai  : n Salut  ! » pour  la  deuxième  fois. 

« Oui  ! c’est  Bhagavat  lui-môuie,  qui  l'a  fait  ainsi,  » me 
dit  le  roi.  De  nouveau,  j’articulai  pour  la  troisième  fois  le 
mot  : « Salut  ! » Un  char  de  fleurs  apparut  ,aus.sildt,  et  ce 
monarque,  m’ayant  honoré  comme  un  Dieu,  me  montra 
aux  brahmes,  et  dit  ces  mots  : » — 13,316. 

(1  Bhagavat  ne  fut-il  pas  obligé  de  prononcer  le  mot  : 
Il  Salut!  » un  grand  nombre  de  fois,  avant  de  produire  ce 
char  de  fleurs?  » Pour  cette  parole  d’offense,  Vasoumanas 
descendra  des  deux  ! » 13,317. 

«Reste  à un  seul!  Qui  maintenant  descendra?  » Et 
Nârada  reprit  la  parole  ; 13,318. 

« Que  Çivi  y monte,  il  faudra  que  j’en  descende.  » 
« Pour  quelle  raison  ? « dit  celui-ci.  — « Parce  que  je  ne 
suis  pas  semblable  à Çivi.  En  effet,  un  brahme  vint  trou- 
ver Çivi  et  lui  dit  : 13,319. 

« Çivi,  j'ai  besoin  de  nourriture.  » Et  Çivi  de  répondre: 
U Que  dois  -je faire  ? Que  la  sainteté  commande  ?»  13,320. 

» Et  le  brahme  lui  dit:  « Tu  as  un  lils,  nommé Vrihad- 
garbha  ; il  faut  me  le  donner:  appréto-le-moi  ! 13,321. 

» Apporte-moi  cette  nourriture;  j’attends!  » Le  mo- 
narque alors  tua  son  fds,  l’apprêta,  l’ass-aisonna  suivant 
la  règle,  le  mit  dans  un  plat,  et,  l’ayant  pris  sur  la  tête, 
il  chercha  le  brahme.  13,322. 

» Tandis  qu’il  s’occupait  de  cette  recherche,  quelqu’un 


260 


LE  M\HA-BHA1UTA. 


lui  dit  : O Ce  brahroe  est  entré  dans  ta  ville  ; il  brûle  avec 
colère  ton  palais;  il  incendie  la  maison,  où  l’on  garde,  tes 
trésors; il  incendiela  maison,  où  l’on  conserve  tes  armes; 
il  incendie  les  écuries  de  les  chevaux,  et  les  étables  de  tes 
éléphants.  » 13,.12S. 

» A celte  nouvelle,  le  visage  de  Çivi  ne  changea  pas. 
11  entre  dans  sa  ville,  et  dit  au  brahrae:  « llévérend,  la 
nourriture  est  apprêtée  ! » Celui-ci  ne  répondit  point  un 
seul  mot  et  resta,  le  visage  baissé  d'étonnement.  13,324. 

» Çivi  de  se  rendre  le  b.ahmc  favor;d)le  et  de  lui  dire: 
B Mange  ! révérend  ! » Le  brahme  contempla  Çivi  un  ins- 
tant. 13,325. 

a Mange  cela  toi-même  ! » dit-il.  « Oui  ! » répondit 
alors  Çivi,  sans  aucun  changement  d'àme  ; il  honora  le 
brahme  et,  levant  le  crâne,  .s'apprêta  à le  manger.  13,326. 

« Mais  le  deux  fuis  né  lui  prit  la  main  et  lui  dit  : a Tu 
as  vaincu  la  colère  ; il  n'est  rien  (jue  tu  ne  sois  prêt  à .sa- 
crifier pour  les  brahmes!  » et  celui-ci  honora  l’homme 
vertueux.  13,327. 

» Pendant  que  Çivi  le  contemplait,  il  vit  son  fils  môme, 
qui  SC  tenait  devant  lui,  tel  qu’un  enfant  des  Immortels, 
bien  pai  é,  doué  d’une  céleste  odeur  ; maisdéjà  le  brahme, 
qui  avait  disposé  toutes  ces  choses,  venait  de  s'évanouir 
aux  yeux.  13,328. 

» C'élait  le  créateur,  qui,  caché  sous  ce  déguisement, 
s’en  était  venu  mettre  lui-même  le  saint  roi  à l'épreuve. 
Çuand  il  eut  disparu,  les  ministres  dirent  au  roi  : « Quelle 
est  cette  cho.se,  que  tu  as  faite?  Que  désirais-tu  obtenir, 
toi,  qui  connaissais  l'iitrorilé  de  relie  nclioiil  » 13,329. 

CI  Je  n'ai  pas  donné  à cause  de  la  gloire,  ni  pourledésir 
des  biens,  ni  pour  l’ambition  des  jouissances.  .Ma  route 


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VANA-PAUVA. 


261 


n’est  pas  suivie  par  les  hommes  v icieux  : c’est  ainsi  cpie  je 
fais  tout.  13,330. 

» Les  hommes  de  bien  se  placent  toujoui's  du  côté  où 
est  l'éloge  ; c’est  donc  l’éîoge,  qu’il  faut  chercher  : tel  est 
mon  sentiuient.  » Voilà  quelle  fut  la  sublime  hauteur  de 
vertu  du  grand  Çivi  : je  la  comi.ais  exactement.  ->  13,331. 

Les  l'ishis  et  les  (ils  de  Pàndou  interrogèrent  de  nouveau 
Màrkaiidéya  : « Exi.ste-t-il  queh(u’un  né  avant  toi  ? » 

Et  celui-ci  leur  dit  ; « la;  saint  roi,  nommé  Indra- 
dyoumna  et  tond;é  du  ciel,  après  qu'il  eut  épuisé  la  ré- 
compense de  ses  vertus,  détruit  assurément  ma  gloire.  Il 
s’est  apiu’Oché  de  tuoi  : n Que  ta  majesté,  dit-il,  me 
reco.'inaissc.  » 13,332 — 13,333. 

» Je  lui  répondis  : « Nous  n’avons  jamais  suivi  la  même 
route,  ni  habité  la  même  m.aison.  Je  ne  sache  pas  que 
nous  ayons  jamais  commencé  des  relations,  ni  pour  fa- 
mille, ni  pour  elTorts  communs,  ni  pour  affaire,  ni  pour 
une  indisposition  de  mon  corps  : nous  commençons  au- 
jourd'hui nos  premières  liai.sons.  u 13,33â. 

» Il  me  dit:  « E.st-il  un  autre  plus  vieux  que  toi?  » Je 
lui  répondis  : « 11  est,'  certes  ! un  hibou,  qui  se  nomme 
Pràvârakarna,  et  qui  habite  sur  l’Ilimàlaya;  il  est  plus 
vieux  que  moi.  Je  ne  >nis  prtvs’il  connaît  ta  majesté;  une 
longue  route  sépare  l’Himavat  de  ce  pays,  et  c’est  là 
qu’il  habite.  I)  13,335. 

» Alors  Indrndyoumna  se  métnmor  phase,  U devient  mon 
cheval,  et  me  transporte  auxlieux,  où  demeurait  lehihou  : 
O Ton  excellence  me  reconnaît-elle?  » lui  demanda  le  roi. 

» L’oiseau  réfléchit  un  instant  et  lui  répond  : >i  Je  ne 
connais  pas  ta  seigneurie.  » A ces  mois,  le  .saint  roi  Indra- 
dyounma  tient  de  nouveau  ce  langage  au  hibou  : 


LE  MaHA-BHARATA. 


•2(i2 

n Est-il  quelqu’un  né  avant  ton  excellence?  » V ces 
paroles,  l’autre  dit  : « Assurément  ! 11  est  un  lac,  nouimé 
Indrndyoumna,  où  habite  un  héron,  que  l’on  ap])elle  Nâ- 
dljangha.  Cet  oiseau  est  plus  âgé  que  moi  : demandc-lui.  » 
Aussitôt  Indradyoumna  ayant  pris  ce  hibou  et  moi,  nous 
transporta  au  lieu,  où  vivait  ce  héron,  nommé  Nàdijangha. 

» Interrogé  par  nous  s’il  connaissait  ce  roi  Indra- 
dyoumna, l'oiseau  réfléchit  un  moment  et  nous  répond  ; 
«4e  ne  connais  pas  ce  roi  Indradyoumna  I » Ensuite  à 
notre  question;  « Est-il  un  être  plus  ancien  que  toi?  » il 
répondit  : « Oui,  certes  ! une  tortue,  qui  a nom  Akoûpâra, 
demeure  au  fond  du  lac  : elle  est  plus  âgée  que  moi.  De- 
mandez-lui  si  par  hasard  elle  a connu  ce  roi.  » 

i 3,336— 13,337— 13,3.’18— 1.3,339. 

» Le  héron  nous  donna  des  renseignemenissur  la  tortue 
Akoûpâra:  « Nous  avons  résolu  d’interroger  sa  sei- 
gneurie sur  quelque  chose,  eh  bien  ! marchons!  « Indra- 
dyoumna et  le  héron  parlaient  encore,  quand  la  tortue, 
émergeant  de  ce  lac,  vint  auprès  du  lieu,  où  nous  étions. 
Arrivée  sur  la  rive  du  lac,  elle  est  interrogée  par  nous: 
«Ta  seigneurie  connaît-elle  ce  roi  Indradyoumna?  » 

» Elle  songe  un  instant  et,  les  yeux  baignés  de  larmes, 
le  coeur  troublé,  tremblante,  et  la  connaissance  presque 
égarée,  elle  porte  les  mains  jointes  au  front  et  dit: 
«Comment  ne  le  reconnaîtrais-je  point  ici?  11  a dressé 
mille  fois  des  colonnes  victimaircs  avec  des  bûchers  I 

13,340—13,341. 

» Ce  lac  fut  creusé  par  des  vaches,  qu’il  a données  en 
présents  aux  brahmes,  et  qui  ont  passé  p.ar  ici.  .Si  je 
l’habite, c’est  pour  cette  raison.  « 1 3,342. 

» A peine  la  tortue  avait-elle  achevé  toutes  ces  paroles. 


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VAN\-P\RVA. 


26S 


que  soudain  un  char  céleste  apparut  du  monde  des  Dieux. 
On  entendit  ces  paroles  à la  louange  d’Indradyomnna: 
« Tu  as  célébré  le  Swarga  ; obtiens  la  place,  qui  te  fut 
propre,  héros  illustre  ; viens  sans  trouble  ! » 13,S43. 

Ici  viennent  des  çloltas.  « Le  bruit  de  cette  œuvre  sainte 
touche  le  ciel  et  la  terre  : ce  bruit  est  aussi  fort  que  la  voix 
d'un  homme.  13.SAA. 

n On  redit  la  honte  de  tout  être,  qui  tombe  dans  les 
mondes  infériem-s,  aussi  long-temps  que  le  bruit  s’en  pro- 
longe. 13,3A6. 

» Que  l'hoinme  soit  donc  environné  de  bonnes  œuvres 
pour  l'éternité,  et  qu’abandonnant  la  pensée  du  v'ice,  il  se 
tourne  à la  vertu.  » IS.SAd. 

» Dés  qu’il  eut  ouï  toutes  ces  choses,  le  roi  dit  : « Reste 
ici  jusqu’à  ce  que  j’aie  fait  obtenir  un  séjour  convenable  à 
vous  deux,  honorable*  vieillards.  » 1S,3A7. 

U Quand  il  eut  fait  accorder  à moi  et  au  hibou  Pràvà- 
rakarna  un  domicile  assorti,  il  s’éleva  sur  le  char  céleste 
au  lieu,  dont  il  était  digne  ; et  c’est  ainsi  que  j’ai  pu  jouir 
du  spectacle  des  choses,  qui  s’ offrent  dans  une  longue  vie.  » 
Telle  fut  la  narration,  que  Mârkandéya  raconta  aux  fils  de 
Pândou.  13, SAS. 

U Allons  ! c'est  une  brillante  légende,  que  tu  viens  de 
nous  réciter  là,  dirent  les  fils  de  Pândou  : ce  roi  Indra- 
dyoumna  tombé  du  ciel  !...  » — u Mais  qui  fut  restauré  dans 
sa  place!»  interrompit  Mârkandéya.  — <>  Submergé  dans 
leNaraka,  reprit  le  fils  de  Dévaki,  le  saint  roi  s’est  élevé  à 
la  surface  de  cette  infortune,  et  a reconquis  1e  Swarga.  » 

Après  que  le  puissant  roi  des  Pândouides  eut  entendu, 
racontée  par  le  vertueux  Mârkandéya,  cette  histoire  du 
pieux  monarque  Indradyoumna,  rétabli  dans  le  ciel,  il 


LE  MAHA-BHARATA. 


2dâ 

interrogea  de  nouveau  le  solitaire  : « Dans  quelles  con- 
ditions l’aumône  doit-elle  être  donnée,  grand  anachorète? 

13,349—13,350—13,351. 

» Tu  connais  le  monde  d'Indra,  dévoile-le  à moi,  qui 
suis  un  homme.  Comment  est-il  possible  de  manger  le 
fruit  des  œuvres  dans  l’état  de  maître  de  maison,  dans 
l’enfance,  dans  la  jeunesse  et  même  dans  le  vieux  âge?  » 
— « Il  y a quatre  naissances  vaines  et  seize  aumônes  inu- 
tiles, répondit  Mârkandéya.  13,352 — 13,353. 

» De  l’homme,  qui  n’a  pas  de  fils,  de  l’homme,  déchu 
de  sa  famille,  de  celui,  qui  fait  cuire  pour  un  autre  que 
lui-même,  et  mange  les  aliments  d'autrui,  ces  trois  nais- 
sances ne  portent  aucun  avantage.  13,354. 

« On  mange  sans  fruit  dans  la  maison,  où  habite  le  men- 
songe. On  ne  doit  pas  donner  ce  qui  est  disposé  pour  un 
autre  à l'homme  tombé  de  son  élévation.  13,355. 

n L’aumône  est  vaine,  si  elle  est  faite  à un  brahme  dé- 
chu et  voleur  : il  en  est  de  même  à un  gourou  sans  vérité, 
4 un  prêtre  de  village  ingrat  et  vicieux.  13,356. 

» On  donne  sans  fruit  à quiconque  vend  les  Védas,  h 
l’homme,  qui  fait  cuire  les  aliments  d’un  çoùdra,  à de 
mauvais  brahmes,  à l’époux  d’une  çoùdrl.  13,357. 

g On  ne  doit  pas  donner  à des  femmes,  ni  à un  chasseur 
de  serpents,  ni  à des  serviteurs  : telles  sont  les  seize  au- 
mônes sans  fruit.  13,358. 

» Celui  qui  donne,  enveloppé  par  la  qualité  tamas,  don- 
nera par  crainte  ou  par  colère.  Un  enfant  de  Manou  a-t-il 
fait  l’aumône  aux  brahmes,  suivant  leur  place  dans 
la  vieillesse,  l’homme,  dès  le  sein  de  sa  mère,  où  il  est 
encore  enfermé,  mange  toujours  cette  aumône  entière- 
ment. 11  faut  donc  en  toutes  les  conditions,  prince,  accorder 


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VANA-PARVA. 


206 


aux  brahmes  des  aumônes  sur  toutes  les  choses  par  le 
déair  d'entrer  dans  la  route  du  Swarga.  » — «Placés dans 
les  présents  de  toutes  les  quatre  classes,  demauda  Youd- 
dhishtira,  13,359—13,360—13,301. 

» Par  quelle  principale  chose  les  brahmes  traversent- 
ils  et  font-ils  traverser  l’océan  du  monde?  » — « Ils  le 
traversent  et  le  font  traverser  sur  un  navire,  qu’ils  com- 
posent avec  les  Védas,  répondit  Màrkandéya,  par  la  prière 
A voix  basse,  les  mantras,  le  sacrifice,  la  lecture  des  Védas. 
Ceux,  qui  satisfont  fes  brahmes,  contentent  aussi  les 
Dieux.  13,362—13,363. 

» Ils  obtiendront  le  monde  du  Swarga  par  la  voix  des 
brahmes.  Mouiant,  privé  de  souille,  le  corps  envahi  par  le 
phlegme  et  les  autres  humeurs,  tu  iras  au  monde  de  l’éter- 
nelle pureté,  il  n'y  a aucun  doute,  par  tes  hommages  aux 
Dieux  et  aux  Mânes,  par  ta  révérence  à l’égard  des 
brahmes.  13,366 — 13,365. 

» 11  te  faut  honorer,  il  te  faut  nourrir  de  tous  tes  efforts 
au  temps  du  Çrâddha  les  brahmes  sans  reproche,  qui  ont 
envie  de  s’élever  au  Swarga.  13,366. 

» Excepte  avec  soin  l’homme  de  mauvaise  famille,  le 
fils  bâtard  de  la  veuve,  le  fils  de  la  femme  adultère,  ceux, 
qui  sont  lépreux,  trompeurs,  allligés  de  vilains  ongles,  et 
les  soldats. 

» De  même  que  le  feu  brûle  une  offrande  funèbre,  com- 
posée d’un  bois  méprisé,  chacun  des  hommes  employés 
dans  un  Çrâddha,  muets,  aveugles,  sourds,  et  antres, 

» Doivent  y faire  tous  leurs  fonctions,  mêlés  à des  |>er- 
sonnes,  qui  sont  allées  à la  rive  ultérieure  des  Védas. 
Écoute  ceux  auxquels,  Y'ouddhishthira,  il  faut  donner  l’au- 
mône. 13,367—15,360—18,369. 


2«6 


LE  MAHA-BHARATA. 


» L'homme,  qui  sait  tous  les  Védas,  ne  doit  pas  manquer 
de  faire  un  présent  au  brahme  puissant,  qui  peut  sauver 
le  donateur  lui-même.  13,370. 

» Que  lebrahme  puissant  arrache  donc  aux  flots  du  péché 
le  donateur  lui-même.  Ni  le  beurre  clarifié,  ni  les  sacri- 
fices, ni  les  fleurs,  ni  les  parfums  ne  réjouissent  les  feux, 
autant  que  la  nourriture  donnée  aux  hêtes.  Ainsi,  consacre 
entièrement  tes  efforts  à nourrir  des  hôtes. 

» Ceux  qui  donnent,  sire,  de  l’eau  pour  se  laver  les 
pieds,  de  l'eau  à la  racine  des  arbres,  une  lampe,  des  ali- 
ments, une  maison,  ne  vont  jamais  à la  mort. 

13,371—13,372—13,873. 

» Apporter  des  bouquets  aux  Dieux,  nettoyer  les  restes 
d'un  brahme,  le  servir  dans  sa  toilette,  frotter  ses  membres: 

B Chacune  de  ces  fonctions,  ôle  meilleur  des  rois,  l’em- 
porte sur  le  don  même  d'une  vache.  On  est  délivré  par  le 
présent  d'une  vache  Kapilà:  il  n'y  a pas  le  moindre  doute. 

13,374—13,376. 

» Ainsi,  qu’il  donne  une  vache  Kapilà  bien  parée  au 
brahme  savant,  mais  pauvre,  au  deux  fois  né,  n>aitre  de 
maison,  à celui,  qui  a pour  charge  d’entretenir  le  feu  per- 
pétuel et  sacré,  13,376. 

» Réduit  à servir,  accablé  de  la  charge  d’une  épouse  et 
de  ses  fils.  11  faut  donner,  fils  de  Bharata,  à de  telles  per- 
sonnes, qui  ne  sont  pas  riches.  13,377. 

» Quel  mérite  y a-t-il  avec  les  riches,  ô le  plus  vertueux 
des  Bharatides?  Ils  sont  une  exception  ! une  seule  vache 
doit  être  la  récompense  d’un  seul,  non  jamaisde  plusieurs. 
Mise  en  vente,  elle  détruitune  famille  de  trois  générations; 
elle  ne  .sauve  ni  le  «lonateur,  ni  le  brahme,  non  pas  môme 
celui-ci.  13,378—13,379. 


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VANA-PARVA. 


207 


» Quiconque  donne  un  cent  de  souvarnas  d’or  brillant 
à un  brahme  pur  et  de  bonne  race,  cet  aumône  fait  de  lui 
un  homme,  qui  donne  sans  cesse.  13,380. 

B (Ætui,  qui  donne  un  taureau  vigoureux,  soumis  au 
jour,  agrandit  les  lieux  étroits,  et  va  dans  le  monde  du 
Swarga.  13,381. 

» Quiconque  fait  présent  de  la  terre  à un  brahme  savant, 
atteint  la  réalisation  de  tous  ses  désirs.  13,382. 

» Les  hommes,  qui  ont  les  membres  rompus  dans  la 
route  et  les  pieds  couverts  de  poussière,  demandent  à 
celui,  qui  donne  la  nourriture,  et  l'implorent  sur  la  terre. 

« Le  sage,  qui  réclamera  des  aliments  pour  ces  gens 
ainsi  accablés  par  la  fatigue,  sera  dit  égal  à l’homme,  par 
qui  la  nourriture  est  donnée  : il  n’y  a là  aucun  doute. 

» Ainsi,  mettant  de  côté  toutes  les  aumônes,  distribue 
de  la  nourriture,  car  il  n’est  point  ici-bas  un  fruit  de  vertu 
égal  et  *1  admirable.  13,383—13,384 — 13,385. 

» Celui,  qui  donne  proportionnellement  àses  moyens  un 
ali  ment  préparé  au  brahme,  celte  action  l’ élève  jusqu’  à par- 
tager le  monde  du  Pradjâpati.  13,386. 

» La  nourriture  est  une  chose  distinguée  ; il  n’est  rien 
au-dessus  d’elle  : le  créateur  est  appelé  nourriture,  il  est 
estimé  l’année.  13,387. 

B Or,  l’année  est  le  sacrifice,  tout  repose  sur  le  sacrifice  ; 
par  conséquent,  tous  les  êtres  immobiles  et  mobiles. 

B La  nourriture  est  donc  ce  qu’il  y a de  plus  distingué; 
ainsi  l'avons-nous  appris.  13,388 — 13,389. 

B Ceux,  à qui  sont  ces  lacs  aux  grandes  eaux , ces  étangs, 
cespuits,  ces  habitations,  n’envoient  pas  une  seule  protes- 
tation à Yama,  quand  d’ur.e  voix  douce  on  a donné 
l’aumône  de  la  nourriture.  13,390. 


268 


LE  MAHA-BHARATA. 


» L’homme,  qui  donne  au  brahme  d’un  vertueux  ca- 
ractère le  blé,  nommé  la  richesse  conquise  par  la  fatigue, 
contente  beaucoup  la  terre,  qui  exsude,  pour  ainsi  dire,  la 
sueur  de  ses  ricliessos.  13,391. 

» Celui,  qui  donne  des  aliments,  vient  d’abord  ; celui, 
qui  parle  selon  la  vérité,  marche  immédiatement  après; 
celui,  qui  vient  ensuite,  est  celui,  qui  donne  sans  qu’on  de- 
mande : ces  trois  espèces  d’hommes  marchent  d’un  pas 
égal.  >.  13,392. 

Excité  par  la  curiosité,  Youddhishthira,  avec  ses  frères 
puînés,  interrogea  denouveau  le  magnanime  Mârkandéya, 
sur  la  route,  qui  sépare  le  monde  humain  du  monde 
d’ Yama  : o Comment,  sous  quelle  autorité,  par  quelle  ma- 
nière les  hommes accompliront-iiscette  traversée?  l)is-le- 
moi,  grand  anachorète  ?»  Et  Mârkandéya  de  lui  répondre  : 
O Je  te  raconterai  le  devoir,  sire,  le  plus  vertueux  des 
hommes  vertueux,  question  pure,  louée  des  rishis,  le  plus 
grand  de  tous  les  mystères  ; quatre-vingt-six  mille  yodja- 
nas,  monarque  des  hommes,  séparent  le  monde  humain 
et  le  monde  d’Yama.  Le  ciel  est  sans  eau,  l’aspect  n’oiïre 
que  d’épouvantables  cavernes,  pas  un  arbre  n’y  répand 
son  ombrage;  on  n’y  voit  ni  eau,  ni  habitation, 

13,393—13,394—13,395—13,396—13,397. 

» Où  puisse  se  reposer  de  ses  fatigues  l’homme  brisé 
parla  roule.  Les  messagers  d’Yama,  les  exécuteurs  de 
ses  ordres  y mènent  de  force  les  hommes,  les  femmes  et 
les  autres  êtres,  qu’on  appelle  animés  sur  la  terre.  Les 
présents  de  formes  diverses,  faits  aux  brahmes,  y sont 
traînés  par  des  chevaux  et  autres  bêtes  de  somme  ; les 
hommes  suivent  la  roule  ; ceux,  qui  ont  donné  une 
ombrelle,  marchent  abrités  du  soleil  par  une  ombrelle. 


VANVPARVA. 


209 


» Ceux,  qui  ont  donné  des  alinients,  vont  rassasiés  : 
ceux,  qui  n’en  ont  point  donnés,  s'y  traînent  alTaniés  ; 
ceux,  qui  ont  donné  des  habits,  marchent  vêtus  ; ceux,  qui 
n’en  ont  point  donnés,  ont  le  corps  tout  nu. 

13,398—13,390—13,400—13,401. 

» Ces  hommes,  qui  ont  donné  de  l'or,  s’avancent  A leur 
aise,  bien  |)arés  ; ceux,  qui  ont  donné  de  la  terre,  font 
route  paisiblement,  bien  raasasiés  de  toutes  les  choses  dé- 
sirées. 13,402. 

» Les  hommes,  qui  ont  donné  des  fruits,  poursuivent 
cette  carrière  sans  douleur  ; ceux,  qui  ont  donné  une  inai- 
.son,  voyagent  très-doucement,  montés  sur  des  chars. 

» Les  hommes,  qui  ont  donné  de  l’eau,  marchent,  l’âme 
joyeuse,  sans  éprouver  la  soif  ; ceux,  (|ui  ont  donné  une 
lampe,  cheminent  tranquillement,  illuminant  la  route. 

13,403-13,404. 

» Ceux,  qui  ont  donné  une  vache,  font  le  voyage  en 
paix,  délivrés  de  tous  leurs  péchés;  ceux,  qui  ont  jeûné 
tout  le  mois,  s’avancent  sur  des  chars,  traînés  par  des 
cygnes.  13,405. 

» Ceux,  qui  ont  jeûné,  ne  mangeant  que  six  en  six  jours, 
ont  des  chars,  attelés  de  paons  ; celui,  qui  a passé  trois 
jours,  ne  faisant  qu’un  seul  repas,  sans  manger  dans  l’in- 
tervalle, fils  de  Pândou,  les  mondes  sans  maladies  sont 
assurément  son  partage.  Il  y a dons  les  eaux  des  qualités 
célesles,elles  versent  le  plaisir  au  inonde  des  morts. 

a La  rivièie,  nommée  i’oushpodakâ,  f eau-des-fleitrs, 
est  disposée  là  pour  eux  : ils  y boivent  une  eau  fraîche  et 
semblable  à l’ambroisie.  13,400 — 13,407 — 13,408. 

» Mais  ceux,  qui  ont  fait  des  œuvres  mauvaises,  n'ont 
à boire  que  les  eaux  du  Poûya  ou  du  Put.  Ainsi,  grand 


270 


LE  MAHA-BHVRATA. 


roi,  cette  excellente  rivière  satisfait  tous  les  désirs. 

» Honore  donc  tes  hôtes  suivant  la  règle,  Indra  des  rois. 
En  efl'et,  le  brahme  honoreracommeun  hôtel  homme, qui, 
brisé  par  la  route  et  ses  pieds  couverts  de  poussière,  sol- 
licite un  don  de  nourriture,  et  qui  entre,  conduit  par 
l'espérance,  dans  la  maison  du  donateur. 

13,409—13,410—13,411. 

» Tous  les  Dieux  avec  les  Vasous,  suivent  les  pas  de 
l’homme,  qui  entre.  S’il  est  honoré,  ils  s’en  réjouissent; 
s’il  est  repoussé,  ils  s'enfuient  désespérés.  13,412. 

» Honore  donc  ton  hôte  suivant  la  règle,  Indra  des  rois  ; 
mais  déjà  ou  t'a  dit  cela  cent  fois  : pourquoi  désires-tu 
l’entendre  de  nouveau  ? » 13,413. 

B De  nouveau  et  toujours,  je  désire  entendre  contée  par 
toi,  auguste  et  vertueux,  répondit  Youddhishthira,  cette 
narration  pure,  qui  tient  aux  devoirs.  » 13,414. 

Hàrkandéya  reprit  : 

« l'icoute  toujours  avec  attention,  sire,  sur  l’opportunité 
du  devoir,  cette  narration  dite  par  moi  et  qui  efface  tous 
les  péché.s.  13,415. 

» Une  vache  Kapihâ  étant  donnée,  voici  le  fruit,  qui 
reste  au  plus  beau  des  nélumbos,  ô le  plus  vertueux  des 
Bharatides,  employé  au  lavement  du  pied  des  brahmes. 

» Les  àlàties  boivent  l’eau  par  les  pétales  du  lotus  aussi 
long-temps  que  la  terre  est  mouillée  par  l’eau,  qui  slille 
des  pieds  du  brahme.  13,416 — 13,417. 

» l.es  feux  sont  ras.sasiés  par  la  salutation,  Çatakratou 
par  le  siège,  les  Mânes  par  la  pureté  des  pieds,  et  le  Pra- 
djâpati  par  la  nourriture  et  les  autres  choses.  13,418. 

» Dans  le  teaups  qu’on  voit  les  pieds  et  la  tète  du  veau, 
c’est  alors  que  d’une  âme  dévote  on  doit  donner  la  vache. 


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VANA-PARVA. 


271 


U Quand,  venu  à l'air,  on  voit  le  veau  tenir  encore  à la 
matrice,  et  que  la  vache  n’a  pas  mis  bas  toute  sa  géniturj, 
regardez  alors  la  vfiche  comme  si  elle  étiiil  la  terre. 

U Le  dbnn/eur  est  exalté,  Youddhishthira,  dans  le  monde 
du  Swarga  autant  de  milliers  d'yougas  qu'il  y a de  poils 
sur  la  vache  et  sur  le  veau.  13,419 — 13,420 — 13,421. 

• Quiconque,  lui  ayant  couvert  le  nez  d’or,  donnerait 
une  vache  à lait  noire,  avec  de  belles  cornes,  arrosée 
d'huile  de  sésame,  et  décorée  avec  toutes  les  pierres  fines, 

» Et  quiconque  ayant  reçu  le  don,  en  ferait  de  nouveau 
un  présent  à quelque  vertueux  brahme,  fils  de  Bharata, 
savourerait  le  fruit  des  fruits  aussitôt  qu’il  l’aurait  donnée. 

13,422—13,423. 

i>  Ce  serait  donner  par-là,  il  n’y  a aucun  doute,  la  teree 
elle-même  avec  ses  quatre  limites,  avec  la  mer  et  ses  caver- 
nes, avec  les  foiéts,  les  eaux  et  les  montagnes.  13,424. 

■>  Le  brahme,  qui  mange  un  plat  mis  sur  ses  genoux  (1), 
est  un  brahme,  qui  peut  sauver  sans  mot  dire.  13,425. 

U Et  les  autres  brahmes,  non  spécifiés,  buvant  et  ne 
buvant  pas,  qui  murmurent,  comme  il  convient,  la  Sanhi- 
tâ,  sont  toujours  capables  de  sauver.  13,426. 

a lin  brahme  savant  est  digue  de  toute  chose  quel- 
conque, offrande  aux  Mânes,  oblation  aux  Dieux.  Donner 
à un  brahme  instruit  et  vertueux,  c’est  comme  le  beurre 
clarifié,  qu’on  verse  dans  la  flamme  du  feu.  13,427. 

» Les  brahmes,  qui  frappent  avec  le  trait  de  la  colère, 
ne  sont  pas  des  brahmes  : ce  sont  des  soldats  armés  de 
flèches.  Les  brahmes  tueraient  avec  la  colère,  tels  que  le 
Dieu  de  la  foudre  extermina  les  Asouras.  13,428. 


(1)  Littéralement  : un  piat  mis  entre  ses  genoux  et  ses  bras. 


272 


LE  MAHV-BHARATA. 


» Je  t'ni  raconté  cette  narration,  homme  sans  péché,  tetle 
que  les  solitaires,  habitant  la  furél  Natmishn,  qui  ont  vain< 
eu  la  colère,  la  crainte,  le  chagrin,  et  de  «jui  les  péchés 
sont  elTacés,  ne  sont  plus  des  hommes  ici -bas,  sire,’  une 
fois  qu’ils  ont  pu  l'entendre.  » 13,A29 — 13,430. 

Youddhishtliira  lui  demanda  : 

» Quelle  sera  la  purification,  qui  donnera  au  brahme 
une  pureté  continuelle?  Voilà  ce  que  j’ai  envie  d’entendre, 
anachorète  à la  grande  science,  le  plus  vertueux  des 
hommes  vertueux.  » 13,431. 

O purification  de  la  parole,  lui  répondit  Mârkandéya, 
la  purification  par  les  œuvres  et  la  purification  par  la  na- 
ture niëiiie  de  l’eau.  Quiconque  possède  ces  trois  purifica- 
tion, est  un  habitant  des  cieux  : il  n’y  a là  aucun  doute. 

» Si  le  brahme,  soir  et  matin,  honore  l’arrivée  et  le 
départ  de  la  lumière,  en  récitant  à voix  basse  la  divine 
puiilicatrice,  cette  Gâyatrl,  la  mère  des  Védas,  alors,  pu- 
rilié  par  cette  médiatrice  céleste,  et  tous  ses  péchés  effa- 
cés, il  n’est  pas  même  accablé  sous  le  poids  de  la  terre, 
jointe  à scs  mers.  13,432 — 13,433. 

I)  Tous  les  météores  effrayants  quelconques,  le  soleil  et 
les  autres,  nais.sent  pour  lui  dans  le  ciel,  bons,  propices  et 
toujours  de  plus  en  plus  favorables,  13,434. 

» Tous  les  mangeurs  de  chair,  épouvantables,  aux  formes 
horribles,  aux  grands  corps,  ne  peuvent  ni  suivre,  ni 
vaincre  le  plus  grand  des  brahmes.  13,435. 

» Il  n’est  rien  dmis  (es  afjlirtioiis  du  monde,  qui  soit 
la  faute  du  brahme,  iiiparl’cnseignementdeslivressaints,  • 

ni  par  la  célébration  du  sacrifice,  ni  par  une  autre  céré- 
monie, où  il  reçoit  des  présents  : le  brahme  est  égal  au  feu 
allumé.  13,436. 


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VANA-PARVA. 


273 


» Ignorant  des  Védas  ou  versé  dans  la  sainte  écriture, 
noble  ou  vil,  on  ne  doit  jamais  faire  mépris  d'un  brahme 
comme  du  feu,  caché  sous  la  cendre.  13,A37. 

n Tel  que,  dans  un  cimetière,  le  feu  à la  vigueur  flam- 
boyante n'est  pas  souillé  : tel,  instruit  ou  non,  un  brahme 
est  toujours  une  grande  Divinité.  13,é38. 

» Les  villes,  qui  sont  privées  des  plus  grands  brahmes, 
ne  resplendissent  pas,  malgré  leurs  palais  aux  formes  di- 
verses, les  portes  arcadées  et  les  remparts.  13,AS9. 

» Le  lieu,  où  sont  des  brahmes  riches  de  science,  doués 
de  bonne  conduite,  savants  et  pénitents,  c'est  lui,  qui 
mérite  à bien  dire  le  nom  de  ville.  13,AiO. 

>>  Là,  où  sont  des  brahmes  instruits,  fils  de  Prithâ,  que 
ce  soit  une  forêt  ou  même  un  parc  de  vaches,  là  est,  dit- 
on,  la  ville,  et  ce  doit  être  un  lieu  de  pèlerinage.  13,ààl. 

» Quiconque  va  trouver  un  roi  protecteur  ou  un  brahme 
pénitent,  et  leur  fait  hommage,  est  délivré  au  même  instant 
de  ses  péchés.  13,àà'2. 

I)  Se  baigner  en  des  tlrthas  saints,  célébrer  ce  qui  poriGe, 
s’entretenir  avec  les  gens  de  bien,  sont  des  choses  louées 
dans  la  bouche  des  savants.  13,àA3. 

H Les  sages  pensent  que  leur  purification  s'opère  tou- 
jours par  l'eau  d'une  parole  bien  dite  et  purifiée  par  l'en- 
trevue des  bons.  li,ààà. 

» S'appuyer  sur  un  triple  bâton,  garder  le  silence, 
porter  ses  cheveux  en  djatâ  et  la  tonsure,  se  revêtir  d’un 
valkala  ou  d’une  peau  de  gazelle,  observer  la  chasteté,  se 
baigner,  entretenir  le  feu  perpétuel,  habiter  au  bois,  mor- 
tifier son  corps  : toutes  ces  actions  sont  faites  en  vain,  si 
votre  âme  n’est  pure.  13,445—18,448. 

U Se  priver  d’aliments  n’est  pas  une  chose  difficile  ; il 
IV  18 


27â 


LE  MAHA-BHARATA. 


est  aisé  de  vivre  sans  manger  : ce  qui  est  beaucoup  plus 
difficile,  Indra  des  rois,  c’est  d’opérer  un  changement  dans 
l’âme  de  ceux,  qui  vaquent  à la  purification  de  l’œil  et  des 
six  autres  organes  des  sens.  Les  m.agnanimes,  qui  ne  com- 
mettent aucun  |)écli6  en  pensée,  en  œuvre,  en  parole,  en 
esprit,  SB  consument  par  le  feu  de  la  pénitence.  Ce  n’est, 
ni  la  mortification  du  corps,  ni  la  compa.ssion-pour  ses  pa- 
rents, qui  peut  rendre  blanc  le  corps  d'un  homme  couvert 
de  péchés.  13,âA7 — 13,448 — 13,449. 

» L'attention  à ne  faire  aucun  mai  est  réputée  comme 
pénitence,  mais  la  privation  d'aliments  n’est  pas  dite  une 
pénitence.  Le  solitaire,  qui  se  tient  dans  sa  maison,  est 
toujours  paré  de  sa  pureté.  13,4.‘iO. 

'<  Le  miséricordieux  est,  durant  toute  sa  vie,  alfranchi 
de  tous  ses  péchés  ; on  ne  .se  piirilie  pas  des  œuvres  crimi- 
nelles par  le  jeûne  et  les  autres  abstinences.  13,431. 

» L’homme,  qui  est  composé  d’un  oiigueul  de  chair  et 
de  sang,  s’exténue  en  ne  mangeant  pas  : quand  il  a fait 
cette  œuvre  inoiiie,  il  .abandonne  son  tourment  et  rien 
autre  chose.  13,452. 

n Le  feu  ne  brûle  pas  les  œuvres  du  mortel,  qui  est 
privé  d'àmc;  elles  s’en  vont  par  la  pureté  seule.  Ce  qui 
purifie  les  jeûnes,  13,453. 

» Ce  n’est,  ni  de  manger  des  fruits  et  des  racines,  ni 
de  garder  le  silence,  ni  de  se  nourrir  du  vent,  ni  de  se  faire 
sur  la  tête  une  tonsure,  ni  de  mettre  son  siège  dans  une 
place  llexueuse,  13,454. 

» Ni  de  porter  le  djatà,  ni  de  coucher  sur  la  terre  pré- 
parée pour  un  sacrifice,  ni  de  jeûner  perpétuellement,  ni 
même  de  servir  le  feu , 13,455. 

i>  Ni  d’entrer  au  sein  de  l’eau,  ni  de  dormir  sur  la 


VANA-PARVA. 


276 


dure.  On  laisse  par  la  science  ou  par  l’œuvre  les  maladies, 
la  vieillesse  ou  la  mort,  et  l’on  obtient  une  région  supé- 
rieure : c’est  ainsi  que,  brûlées  par  le  feu,  on  ne  voit  plus 
repousser  les  semences.  13,Aô6 — 13,467. 

U L’âme  n’est  plus  jointe  aux  soucis  consumés  par  la 
science  ; et  ces  choses,  séparées  de  l’âme,  périssent,  telles 
qu’une  muraille  de  bois,  il  n’y  a pas  de  doute,  ou  comme 
des  écumes  au  milieu  de  la  grande  mer.  Si  la  moitié 
d’un  çioka  ou  même  un  çluka  entier  détruit  la  cause, 
par  laquelle  l’homme  obtient  une  âme,  ce  tigre  de  tons 
les  êtres,  il  en  est,  qui  par  des  centaines  et  par  des  milliers 
d’autres  vers,  que  distinguent  les  pieds  d’un  çioka,  ont 
combattu  victorieusement  pour  la  dualité.  La  confiance 
est  le  signe  de  la  délivrance.  Qu'on  dise  : » Ce  monde 
n’est  pas,  ni  l’autre  non  plus  I » — « 11  n’y  a pas  de  plai- 
sir dans  l’incertitude  de  l’âme  ! n 

13,458-13,469—13,460-13,461. 

» Ont  dit  les  vieillards,  qui  possèdent  la  science.  La  con- 
fiance, je  U répète,  est  le  signe  de  la  délivrance.  L’utilité 
d’une  connaissance  complète  des  Védas  est  une  chose  re- 
connue. 13,462. 

» Que  l’homme  tremble  devant  les  Védas,  comme  de- 
vant l’incendie  d’une  forêt  : abandonnant  donc  une  pensée 
vaine,  réfugie-toi  sous  les  Védas  et  la  loi.  13,468. 

n Tu  désires  arriver  par  des  raisons  à la  connaissance 
de  la  nature,  qui  est  en  relation  avec  la  triple  Divinité  Oui  : 
mais  il  est  impossible  que  la  pensée  touche  â son  but  par 
la  contrariété  de  l’accomplissement.  13,464. 

a 11  faut  savoir  par  un  effort  d'attention  que  ce  Véda 
est  antérieur  aux  Védas,  que  le  Véda  est  son  corps  ; que 
le  Véda  est  la  vérité  même  ; que  l’âme  est  paresseuse  à 


276 


Lü  MAH.4-BHARATA. 


comprendre  qu'elle  en  est  un  abrégé,  et  que,  dans  ce  qui 
mérite  d’étre  connu,  c'est  là  ce  qu'il  faut  connaître. 

U La  vie  des  Dieux  et  les  bénédictions  des  œuvres,  c'est, 
dit-on,  le  Véda  ; la  force  «les  êtres  incorporés  s’épanouit 
dans  le  monde  à la  faveur  des  organes  des  sens.  Que 
l'homme  donc  s’abstienne  du  jeûne,  caria  privation  de 
nourriture  est  un  empêchement  h la  demeure  céleste  de 
l’ânie.  13,465— i8,â66—13,/167. 

» L’arrivée  au  Swarga  naît  de  la  pénitence  ; en  jouir 
provient  de  l'aumône  : sachez  que  la  délivrance  est  fille 
de  la  science,  et  que  le  bain  pris  dans  un  tirtha  cau.se  l' ef- 
facement des  péchés.  » 13,468. 

A ces  mots,  Indra  des  rois,  Youddhûhthiru  à la  haute 
renommée  de  lui  répondre  ainsi  ; « Uévérend,  je  désire 
entendre  quelle  est  la  maniéré  la  plus  élevée  de  l'aunidne  ? » 

<i  Écoule,  roi  des  rois,  dit  Màrk.andéya,  ce  quetudé^res 
connaître,  le  devoir  de  l’aumône  : ce  fut  toujours,  sire, 
l’objet  de  mes  désirs  en  raison  de  son  importance.  Les 
mystères  de  l’aumône  ressortent  des  Védas  et  de  la  loi.  A 
l’ombre  de  son  auteur,  le  çràddha  fait  germer  çà  et  là  des 
semences  dans  l’oreille  des  Dieux. 

13,469-13,470-13,471. 

a Quand  on  a donné  une  richesse,  arrosée  pour  la  vie, 
elle  ne  périt  point  ici-bas,  maître  de  latcrre,  eût-elle  vécu 
même  dix  myriades  de  kal|)as.  13,472. 

» Quicomiue,  ayant  offert  tous  les  sacrifices,  donnera 
l’hospittilité  à un  vaîçya,  le  lleuve  lui  apporte  des  produits 
admirables,  et  le  Dieu  des  pluies  se  jiromène  dans  ses 
champs.  13,478. 

» Dana  l’infortune,  donnez-vous  au  br-ahme  le  lait  et  les 
doua  impérissables,  vous  êtes  .sauvés  de  vos  grandes 


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VANA-PAHVA.  ■ I 


277 


fautes,  commeun  navire  l’est  par  un  grand  timon.  13,A7A. 

» L'auDiôiie  faite  dans  un  |>arvan  est  double  ; elle  est 
décuple  au  commencement  d’mie  saison  ; elle  est  •'gale  en 
valeur  à cent,  dans  la  nouvelle  année  ; elle  vaut  à l’infini 
au  temps  des  étjuinoxes.  13.A75. 

U Le  donateur  mange  avec  quatre-vingt-six  bouches 
l’aumône  iiiqiéris^able,  rpi’il  a faite  au  jour  de  la  demi- 
année,  ou  pendant  l’équinoxe,  ou  dans  une  éclipse  du 
soleil  et  de  la  lune.  13,A70. 

» On  dit  assurément  que  l’aumône  est  décuple  au  com- 
mencement des  saisons,  qu’elle  est  centuple  dans,  les 
premiers  pas  de  la  lumière,  qu’elle  vaut  mille  fois  dans 
un  jour  d’éclipse,  et  que  le  fruit  à manger  est  impéris- 
sable au  temps  des  équinoxes.  13,A77. 

» Quiconque  donne  la  terre,  jouit  de  la  terre  ; quiconque 
donne  un  moyen  de  transport,  s’avance,  monté  sur  un 
char.  11  goûte,  en  revenant  au  monde,  tous  les  plaisirs 
qu’il  a su  procurer  aux  brahmes.  13,A78. 

» L’or  fut  le  premier  fils  d’Agni,  la  terre  est  née  de 
Vishnou,  les  taureaux  sont  les  enfants  du  soleil  ; au&si, 
les  trois  mondes  seraient-ils  à celui,  qui  donnerait  de  l’or, 
des  bœufs  et  de  la  terre.  13,A79. 

I)  L’aumône  de  nourriture  est  la  principale,  l’étemelle, 
la  véritable  dans  les  trois  mondes  : combien  plus  en  est-il 
après  cette  rie  1 Kn  conséquence,  les  hommes  aux  pensées 
distinguées  répètent  que  l’aumône  est  au  premier  rang 
dans  les  mondes.  » 13,480. 

Quand  le  roi  eut  appris  de  la  bouche  du  vertueux  Mâr- 
kandéya,  puissant  rejeton  des  lîharatides,  que  la  restau- 
ration du  saint  roi  Indradyoumna  au  ciel  s’était  opérée  de 


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278 


LE  MAHA-BHARATA. 


cette  manière  (1),  Youddhishthira  d’interroger  le  soli- 
taire, qui  avait  amassé  des  trésors  de  pénitence  et  vécu 
une  longue  vie  sans  souillure  : i 3,é81 — 13,A82. 

« Tu  connais,  6 toi,  qui  sais  le  devoir,  les  Rakshasas, 
les  Dânavas  et  les  Dieux,  les  diverses  races  des  rois  et  les 
familles  immortelles  des  rishis.  13,A83. 

» Rien  de  ce  qui  existe  dans  ce  monde  n'est  ignoré  de 
toi,  é le  plus  grand  des  brahmes  ; tu  sais,  anachorète,  les 
célestes  narrations  des  Rakshasas,  des  Onragas  et  des 
hommes,  13,i8i. 

n Des  Apsaras,  des  Kinnaras,  des  Yakshas,  des  Gan- 
dharvas  et  des  Dieux  : je  désire,  ô le  plus  vertueux  des 
hrahmes,  entendre  dans  la  vérité  cette  histoire  du  sage 
nommé  Koubalâçwa  : comment  l’invincible  Ikshwàkou  est- 
il  devenu  Dhoundoumâra  par  un  changement  de  son  nom. 

» J’ai  envie  de  connaître  dans  la  vérité,  ô le  plus  ver- 
tueux des  Bbrigouides,  comment  fût  changé  ce  nom  du 
sage  Kouvalàçwa.  » 13,i83 — 13,i86 — 13,487. 

Sur  ces  paroles  d’Youddbishihira,  le  grand  anachorète 
Mârkandéya  se  mit  à raconter,  fils  de  Bharata,  la  légende 
de  Dhoundhoumâra  : 13,488. 

O Eh  bien  ! écoute,  sire  ; je  vais  te  raconter  cette  ver- 
tueuse légende  de  Dhoundhoum&ra.  Écoute,  Youddhish- 
tbira,  comment  le  nom  d'Ikshwàkou-Koubalâçwa,  le 
maître  de  la  terre,  fut  changé  en  celui  de  Dhoundhou- 
mâra : écoute  cela,  maître  de  la  terre.  13,489 — 13,400. 

» 11  fut,  Bharatide,  mon  fils,  un  maharshi  célèbre, 

(l)  Cette  transition  nous  semble  attester  évidement  que  tout  ce  qui 
précède  et  sépare  l’épisode  d’indradyoumoa  est  une  intrusion  d'un  âge 
postérieur. 


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VANA-PARVA. 


279 


nommé  Outanka  : il  avait,  rejeton  de  Kouroa,  son  hermi- 
tage  dans  les  charmants  Maroudhanvans.  13,A91. 

a L’auguste  Outanka,  désirant  se  concilier  Vishnou, 
entreprit  une  douloureuse  pénitence,  qui  dura  beaucoup 
d'années.  13,492. 

» Bhagavat  satisfait  .se  montra  lui-mème  à sa  vue  ; et  le 
rishi,  s’inclinant  à cet  aspect,  le  célébra  par  différents 
éloges:  13,493. 

« C’est  de  toi.  Dieu,  lui  dit-il,  que  sont  nés  tous  les 
êtres,  immobiles  et  mobiles,  les  hommes,  les  Asouras  et 
les  Dieux.  13,494. 

» Tu  es  Brahma  et  les  Védas  ; tu  as  créé  toi-même  tout 
ce  qu’il  faut  connaître.  Dieu  à la  grande  splendeur  : le  ciel 
est  ta  tète  ; la  lune  et  l’auteur  du  jour,  ce  sont  tes  yeux. 

» Le  vent  est  ta  respiration,  le  feu  est  ta  splendeur, 
Atchyouta  : tes  bras  sont  tous  les  points  de  l’espace  ; ton 
ventre  est  le  grand  océan.  13,493 — 13,496. 

» Les  montagnes  sont  tes  cuisses.  Dieu,  meurtrier  de 
Madhou  ; l’atmosphère  est  tes  jambes  : tes  pieds  sont  la 
divine  terre  ; et  les  poils  de  ton  corps,  ce  sont  les  plantes 
annuelles.  13,497.  ■> 

» Indra,  la  lune,  Agni,  Varouna,  les  grands  Ouragas, 
les  Asouras  et  les  Dieux  te  servent,  inclinés,  et  t’exaltent 
par  diverses  louauges.  13,498. 

» Tous  les  êtres  sont  remplis  de  toi,  maître  du  monde  ; 
les  maharshis  à la  force  immense,  al)sorbés  dans  la  con- 
templation, de  chanter  ton  éloge.  13,499. 

» Es-tu  satisfait,  le  monde  est  heureux  ; es-tu  irrité, 
une  crainte  glaçante  le  pénètre  : toi  seul,  ô le  plus  grand 
des  hommes,  tu  dissipes  les  terreurs.  13,600, 

» Tu  apportes  le  plaisir  à tous  les  êtres,  hommes  et 


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•280 


LE  MAH\-BHARATA. 


.Dieux  : tu  as  enlevé,  Dieu,  à Bali^  les  trois  inondes  en  trois 
pas.  13;ô01.  ' 

» C’est  toi,  qui  as  fait  l’extermination  des  grands  Asouras  : 
«grâce  à tes  exploits,  les  Dieux  sont  allés  de  leur  pied  à la 
béatitude  éternelle.  13,502. 

• » Tu  as  vaincu  dans  ta  colère.  Dieu  à l’éclatante  lu- 
mière, les  rois  des  Daîtyas.  Tu  es  le  créateur  et  l’extermi- 
nateur de  tous  les  êtres,  qui  sont  ici-bas  de  tous  les  cétés  ; 

.s’étant  concilié  ta  faveur,  les  Dieux  augmentent  partout 

• leur  plaisir.  » 13,603. 

U Ainsi  loué  par  le  magnanime  Outanka,  Vishnou- 
Risblkéça  lui  dit  : « Je  suis  content  ! choisis  une  grâce.  » 

« C’est  une  grâce  suffisante  pour  moi,  répondit  Outanka, 
.d’avoir  pu  contempler  Hari,  l’homme  éternel,  divin,  au- 
.guste,  le  créateur  du  monde.  » 13,60A — 13,505. 

. « Je  suis  content,  reprit  Vishnou,  de  ton  âme  paisible  et 

de  ta  piété  ; mais  il  faut  que  tu  reçoives  une  grâce  de  moi, 
- brahme,  fût-ce  malgré  toi.  » 13,506. 

» Gratifié  en  ces  termes  d’une  faveur,  Outanka  joignit 
ses  mains,  ô le  plus  vertueux  des  Bharatides,  et  fit  le  choix 
d’une  grâce:  13,507. 

« Si  tu  es  content  de  moi,  révérend,  de  qui  les  yeux  res- 
. semblent  au  lotus  bleu,  que  ma  pensée  se  maintienne 
toujours  dans  le  devoir,  dans  la  vérité,  dans  la  répression 
des  sens.  13,508. 

• » Que  ma  piété  l’entretienne  sans  cesse  auprès  de  toi, 
seigneur.  » Le  bienheureux  Vishnou  répondit  ; « Ma  grâce 
fei'a  tout  cela  en  toi,  brahme.  13,509. 

» La  conteoiplation  profonde,  qui  t’unit  aux  habitants 
du  ciel,  paraîtra,  et  tu  accompliras  même  la  grande  affaire 
des  trois  mondes.  13,510.. 


• VANA-PARVA. 


2S1 


» Pour  arriver  à la  destruction  des  mondes,  un  grand 
Asoura,  nommé  Dhoundhou,  pratiquera  une  épouvantable 
pénitence:  écoute  ! voici  qui  le  détruira.  13,511. 

_ » Un  roi  à la  grande  vigueur,  Ikshvàkou  l’invincible, 
surnommé  Vrihadaçwa,  sera,  mon  fils,  le  maître  de  la 
terre.  13,612. 

» 11  aura  un  fils  pur,  dompté,  qui  portera  le  nom  de 
Kouvalâçwa.  Ce  prince  sublime  s'élèvera  à ma  puissance 
de  contemplation,  et,  docile  à ton  ordre,  il  donnera  la 
mort  à Dhoundhou,  brahniarsbi,  et  méritera  le  nom  de 
Dhoundhoumàra.  » Quand  il  eut  parlé  ainsi,  Vishnou 
disparut.  13,513 — 13,515. 

» Après  la  mort  d’ikshwâkou,  sire,  Çaçàda  obtint  cette 
terre  : c'était  un  roi,  de  qui  l’âme  s’élèvait  à la  plus  haute 
vertu  et  qui  habitait  Ayodhyà.  13,515. 

» Le  fils  de  Çaçàda  portait  le  nom  du  vigoureux  Kakout- 
shta  : il  fut  sans  péché,  et  Prithou  naquit  de  cet  homme 
sans  péché.  13,616. 

» Prithou  eut  pour  lils  Viçvagaçwa,  qui  fut  le  père 
d’Adri  : celui-ci  donna  le  jour  à Youvanàçwa,  qui  eut  pour 
son  fils  Çrâvas.  13,517. 

B Sachez  que  ce  dernier  fut  le  père  de  Çràvastaka,  par 
qui  fut  bâtie  la  rille  de  Çràvastl.  Le  fils  de  Çi'âvastaka  était 
le  puissant  Vrihadaçwa  ; 13,518. 

B Et  le  fils  de  celui-ci  est  célébré  sous  le  nom  de  Kouva- 
lâçwa ; vingt  mille  et  un  fils  étaient  les  enfants  de  Kouva- 
lâçwa. 13,519. 

» Tous,  ils  furent  habiles  dans  les  sciences,  vigoureux, 
bien  terribles  ; ainti  Kouvalâçwa  surpassait  tous  scs  pères 
en  vertus.  13,520. 

» Suivant  la  coutume,  Vrihadaçwa,  son  père,  sacra  sur  le 


282 


LE  MAHA-BH.UIATA. 


trône  Kouvaliçwa,  qui  était,  roi  puissant,  un  héros  de 
qualités  supérieures.  18,521. 

» Quand  il  eut  donné  des  épouses  à ses  fils,  le  dompteur 
des  ennemis,  le  maître  de  la  terre,  le  sage  Vrih.Tdaçwa  se 
retira,  pour  la  pénitence,  dans  le  bois  des  mortifications. 

« Le  plus  grand  des  brahmes,  Outanka,  continua  MAr- 
kandéya,  entendit  parler  du  saint  roi  Vrihadaçwa,  qui 
s’était  confiné  dans  une  forêt  ; 13,522 — 13,523. 

» I.’ anachorète  à l’éclatante  splendeur,  à l’âme  sans 
mesure,  étant  venu  trouver  le  plus  grand  des  rois,  le  plus 
habile  de  tous  ceux,  qui  savent  les  astras,  chercha  à l’en 
détourner.  13,524. 

n Daigne  exercer  la  protection,  lui  dit-il,  qui  doit  être 
faite  aujourd’hui  par  toi,  sire  : puissions-nous  vivre  sans 
trouble  par  la  grâce  de  ta  majesté.  13,525. 

» Défendue  par  ta  magnanimité,  sire,  la  toire  sera  af- 
franchie de  crainte  : ne  veuille  pas  aller  dans  les  forêts. 

» Le  grand  devoir  est  vu  dans  la  protection  des  créa- 
tures, et  non  dans  cette  vie  d’un  bois  : n’aie  pas  une  telle 
pensée.  13,526 — 13,527. 

» Le  devoir  n’est,  certes  ! point  là  où  on  ne  le  voit  pas  tel 
qu’il  fut  exercé  jadis  par  les  radjârshis  pour  la  défense 
des  créatures.  13,528. 

» C’est  au  roi  de  protéger  ses  sujets,  veuille  donc  les 
protéger  : je  ne  puis  cultiver,  sire,  la  pénitence  sans 
trouble.  13,529. 

» Près  de  mon  hermitage,  dans  les  plaines  des  Marou- 
dhanvans,  la  mer,  pleine  de  sable,  est  appelée  Oudjjâlaka. 

» Grande  de  plusieurs  yodjanas,  elle  couvre  plusieurs 
yodjanas  de  ses  Ilots.  Là,  habite  le  terrible  roi  des  Dâ- 
navas,  à la  vigueur  immense,  épouvautable,  l’horrible 


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VA^A-P\RVA. 


283 


Dhoundhou,  le  fils  de  Madhou  et  de  Kattabha.  Ce  monstre 
à la  force  sans  mesure  demeure,  sire,  au  sein  de  la  terre. 

18,530—13,531—13,532. 

U Quand  tu  l’auras  tué,  grand  roi,  alors  tu  pourras  aller 
dans  la  forêt.  11  est  couché,  libre  maintenant  d’une  ef- 
frayante pénitence,  qu’il  a cultivée  pour  la  perte  des 
mondes.  13,533. 

n Car,  depuis  qu’il  a obtenu  cette  grâce  du  suprême 
ayeul  de  toutes  les  créatures,  il  ne  peut  être  mis  à mort 
d’aucun  cêté,  pour  la  ruine  des  mondes,  sire,  ni  pour  la 
ruine  des  Immortels,  ni  par  les  Rakshasas,  les  Nàgas,  les 
Yakshas  et  les  Gandharvas,  ni  par  les  Daltyas,  ni  même 
par  les  Dieux.  13,531. 

» Détruis-le,  que  l’être  absolu  t’assiste  ! ne  mets  pas 
ailleurs  ta  pensée  ! tu  recueilleras  une  gloire  immortelle, 
grande,  impérissable  et  certaine.  13,535 — 13,536. 

» La  fin  de  l’année  est  arrivée  depuis  que  ce  cruel 
exhale  sa  respiration,  enfoui  dans  le  sable,  où  il  dort. 

a Le  vent  de  son  haleine,  sire,  excite  un  vaste  tremble- 
ment de  terre  ; elle  vacille  avec  ses  forêts,  ses  eaux  et  ses 
montagnes.  13,537 — 13,538. 

» Lne  semaine  entière,  celte  épouvantable  commotion 
de  la  terre,  avec  une  flamme  mêlée  de  fumée,  d’où  jaillis- 
saient des  étincelles,  a ému  les  routes  du  soleil.  13,539. 

» A cause  de  cela,  il  m’est  impossible,  Indra  des  rois, 
de  rester  dans  mon  hermitage.  Tue-le  donc  par  le  désir  du 
bien  des  mondes.  13,550. 

» Après  la  mort  de  cet  Asoura  cruel,  les  mondes  iront 
bien  ; et  tu  es  capable  de  cet  exploit  : c’est  mon  senti- 
ment. 13,551. 

» Tu  marches,  ayant  obtenu  une  i'orce,  qui  est  égale  à 


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284 


LE  MAHA-BHARATA. 


celle  de  Vishnou  (1).  Une  grâce,  maître  de  la  terre,  me 
fut  jadis  accordée  parce  Dieu.  ‘13,542. 

« La  vigueur  iiiênie  de  Vishnou,  m’ a-t-il  dit,  entrera 
dans  le  souverain  inaiïrontable,  qui  donnera  la  mort  à ce 
grand  et  terrible  Asoura.  n 13,543. 

» Prends  donc,  Indra  des  rois,  cette  force  difficile  à 
supporter  sur  la  terre,  et  renverse  à tes  pieds  ce  Daltyaà 
la  valeur  épouvantable.  13,544. 

» 11  est  certainement  impossible  d'exterminer  avec  une 
force  petite,  défenseur  de  la  terre,  ce  Dlioundhou  à la 
force  immense,  au  bout  même  de  plusieurs  centaines 
d’années.  » 13,545. 

» \ ces  mots,  l’invincible  et  saint  monarque,  joignant 
ses  mains,  ô le  plus  vertueux  des  Rourouides,  répondit  à 
Outanka  en  ces  termes  : 13,546. 

(I  Cette  visite  de  toi  ne  sera  pas  vaine  ici,  brahme,  : j’ai 
un  fils,  révérend,  nommé  Kouvalâçwa.  13,547. 

» Il  a de  la  fermeté,  il  exécute  promptement  les  choses, 
il  n’a  pas  d’égal  en  vigueur  sur  la  terre  : environné  de  ses 
fils,  qui  sont  tous  des  héros  avec  des  bras  semblables  à 
des  massues,  il  accomplira,  il  n’y  a aucun  doute,  tout  ce 
que  tu  désires.  Laisse-moi,  brahme  ; j’ai  maintenant  dé- 
posé les  armes.  » 13,548 — 13,549. 

O Qu’il  en  soit  .ainsi  ! » lui  fut-il  répondu  par  cet  ana- 
chorète à la  splendeur  sans  me.sure  ; et,  quand  il  eut 
indiqué  son  fils  au  magnanime  Outanka  : «Fais  avec  lui!» 
et,  ce  disant,  il  retourna  dans  la  forêt  sublime.  » — » Qui 
était  ce  Dattya  unique  à la  grande  vigueur,  i-évérend  aux 
riches  mortifications  7 demanda  Youddhishthira. 

(I)  11  y a dans  la  pbruc  une  hypallage,  changement  ou  renvereemeul  de 
contlrudion. 


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VANA-PARVA. 


28i> 

» De  qui  était-il  ou  le  fils  ou  le  petit-fils  ? Voilà  ce  que 
j’ai  eiivio  de  savoir.  Je  n'ai  jauiais  entendu  parler,  saint 
pénitent,  d'un  Daily  a,  qui  eut  une  aussi  grande  vigueur. 

13,660—13,551—13,552. 

U Je  désire  entendre  toute  cette  histoire  en  détail,  ré- 
vérend à la  grande  science,  et  d'une  manière  conforme  à 
la  vérité.  » 13,553. 

« Écoute,  sire,  lui  répondit  Màrkandéya,  toute  cette 
histoire  racontée  en  détail,  savant  monarque,  etd' une  ma- 
nière assortie  à la  vérité.  13,55i. 

» Ce  monde  était  perdu,  fils  de  Bharata,  et  n'était  plus 
qu'une  seule  mer  avec  tous  les  êtres  immobiles  et  mo- 
biles ; aucune  des  créatures  n'était  plus.  13,555. 

» Vishnou,  que  les  anachorètes  parfaits  nomment  la 
cause  de  la  naissance,  l'auteur  du  monde,  l'impérissable, 
l’éternel,  le  souverain  de  tous  les  mondes;  l'adorable  Vish- 
nou dormait,  dans  le  temps  de  son  sommeil,  au  sein  des 
eaux,  sur  le  corps  immense  du  serpent  Çésha àla  vigueur 
infinie.  13,556 — 13,557. 

» Le  créateur  du  monde,  l’adorable  Atchyouta-Hari 
tenait  toute  celte  terre  embrassée  avec  le  grand  corps  du 
serpent.  13,558. 

» Tandis  que  le  Dieu  était  plongé  dans  le  sommeil,  un 
lotus  céleste,  qui  avait  une  splendeur  semblable  au  soleil, 
jaillit  de  son  nombril,  et  dans  le  calice,  pareil  en  éclat  au 
père  du  jour,  naquit  le  suprême  aïeul  des  créatures, 
Brahma  en  [>er.sonne,  l'ancien  des  mondes,  aux  quatre 
Védas,  aux  (juatre  formes,  aux  quatre  visages, 

» InaOrontable  par  sa  puissance,  à l'héroïsme,  à la  force 
immense.  Quelque  temps  après,  deux  Dânavas,  les  plus 
distingués  par  la  vigueur,  13,55'.> — 13,56ü — 13,561. 


286 


LE  MAHA-BHARATA. 


>>  Madhuu  Pt  Kattabha,  virent  l’auguste  Hari,  A lagrande 
splendeur,  couché  dans  ce  lit  céleste,  sur  le  corps  du  ser- 
l>eut,  13,562. 

» Qui,  grand  de  plusieurs  yodjanas,  étendaitsa  longueur 
sur  plusieurs  yodjanas.  X la  vue  du  Dieu,  portant  la 
tiare  et  le  diamant  Ivaàustoubha,  vêtu  d'une  robe  jaune, 

» Flamboyant  de  beauté,  de  splendeur  et  des  charmes 
de  son  corps,  oITrant  un  aspect  semblable  à une  merveille 
et  tel  qu’un  millier  de  soleils  ; à la  vue  même  de  l’aïeul  su- 
prême des  créatures  dans  son  lotus,  dont  ses  yeux  imitaient 
la  couleur,  un  étonnement  inexprimable  saisit  Madhou  et 
KaiUibha.  13,563—13,564—13,565. 

» Ils  inspirèrent  de  l’effroi  à Brahma  d'une  vigueur  in- 
finie, et,  nombre  de  fois  épouvanté  par  eux,  l’illustre 
Brahma  d'agiter  la  tige  du  lotus  : ce  mouvement  réveilla 
Kéçava  du  sommeil.  Govinda  vit  les  deux  Dànavas,  excel- 
lents par  la  force,  13,566 — 13,567. 

» Et  leur  adressa  ce  langage  : « La  bienvenue  soit  à 
vous.  Génies  vigoureux  ; je  vous  accorde  la  plus  éminente 
des  grâces  : vous  faites  naître  ma  satisfaction.  » 13,568. 

« Cæs  Démons  au  grand  orgueil,  à la  grande  force,  se 
moquent  de  Rishtkéça,  et  répondent  de  compagnie,  puis- 
sant roi,  au  meurtrier  de  Madhou  : 13,569. 

Il  C'est  à toi  de  nous  demander  une  grâce.  Dieu,  ré- 
pondirent-ils sans  balancer  ; nous  sommes  donateurs  de 
grâces  : demande,  et  nous  t’accorderons  une  grâce  ! » 

O J’accepte  la  grâce,  reprit  Rhagavat  ; et  voici,  héros, 
celle,  que  je  préfère.  Vous  êtes  doués  de  vigueur,  et  il 
n’existe  pas  un  homme,  qui  soit  votre  égal  en  force. 

13,570—13,571. 

» Consentez,  d vous,  qui  avez  un  courage  infaillible,  àce 


VANA-PARVA. 


287 


que  je  puisse  vous  donner  la  ii>ort  : voilà  cette  grâce,  que 
je  veux  obtenir  pour  le  bien  des  mondes.  » 13,572. 

U Jamais,  répondirent  Madhou  et  Kaitabba,  jamais, 
avant  ce  jour,  une  chose  fausse  n’est  sonie  de  notre 
bouche  dans  les  matières  indifférentes  ; combien  plus  dans 
un  sujet  sérieux  î Sache,  ô le  plus  grand  des  hommes,  que 
nous  mettons  notre  plaisir  dans  le  devoir  et  la  vérité. 

B Nous  n’avons  pas  notre  égal  [tour  la  force,  pour  les 
formes  physiques,  poi.r  la  beauté,  ni  |)our  la  placidité: 
nous  surpassons  tout  en  vertus,  en  pénitence,  en  auméne, 
en  répression  des  sens,  en  qualité  sattwa,  en  bonté  de 
caractère.  13,573 — 13,57â. 

« Une  grande  infortune.  Dieu  chevelu,  est  tombée  sur 
nous  : venge-tüi  et  fais  ce  tjue  tu  as  dit  ; car  il  est  impos- 
sible de  surmonter  le  temps  ou  ta  destinée.  13,575. 

B Nous  désirons  seulement  que  tu  fasses  une  chose,  au- 
guste Dieu  : c’est  que  tu  nous  donnes  la  mort  dans  un  lieu 
à découvert,  ô sublime  et  le  plus  excellent  des  Souras. 

B Nous  obtiendrons  ainsi  l’avantage  de  renaître  tes  fils. 
Divinité  aux  yeux  charmants:  que  celte  grâce  nous  soit 
accordée  ; sache  cela,  ô le  plus  vertueux  des  Immortels. 

13,576—13,577. 

n Accédera  nos  vœux  ne  sera  pwint  faire  un  mensonge,  b 
— U Oui  I reprit  le  bienheureux  Bhagavat  ; je  ferai  ainsi, 
el  loul  ce  f)He  vous  demandez  sera  accompli!  b 13,578. 

B Govinda  réfléchit  un  moment  :1e  meurtrier  de  Madhou 
ne  put  trouver  un  espace,  qui  ne  fut  couvert,  ni  sur  la 
terre,  ni  dans  le  ciel.  13,679. 

B Le  plus  grand  des  Dieux  ne  vit  alors  que  ses  cuisses, 
qui  fussent  à découvert,  et  l'immortel  à l’immense  re- 
nommée coupa,  sire,  les  deux  tètes  de  .Madhou  et  de 


288 


LE  MAHA-BHARATA. 


Kaitabha  sur  elles  avec  le  traiichant  acéré  de  son  disque. 

13,580—13,581. 

» Le  Démon  nommé  Dhouudhou,  le  respieudissont  lils 
de  ces  deux,  à la  grande  valeur,  à la  grande  force,  se  li- 
vra, puissant  roi,  à une  rigoureuse  pénitence.  13,582. 

0 11  se  tint  sur  un  seul  pied,  maigre,  voué  continuelle- 
ment à la  répression  des  sens.  Brahma  satisfait  lui  accorda 
une  grâce  supérieure  ; et  voici  ce  qu’il  choisit  : 13,588. 

« Que  ni  les  Rakshasas,  les  Gandbarvasoules  serpents, 
ni  les  Yakshas,  les  Dânavas  ou  les  Dieux  ne  puissent  me 
donner  la  mort:  voilà  de  quelle  grâce  je  fais  le  choix.  » 

« Qu’il  en  soit  ainsi  ! va  1 » lui  dit  le  suprême  aïeul  des 
créatures;  et  l’anachorète,  ajaut  touché  de  sa  tète  les 
pieds  du  Dieu,  s’en  alla.  13,584 — 13,585. 

» Après  qu'il  eut  reçu  cette  grâce,  Dhoundhou,  invin- 
cible par  sa  valeur  et  sa  force,  se  rappela  la  mort  de  scs 
pères,  et  courut  aussitôt  nuire  à Vishnou.  13,580. 

Il  Victorieux  des  Gandharvas  et  des  Dieux,  Dhoundhou, 
dans  sa  colère,  tourmenta  cruellement  plus  d’une  fois 
Vishnou  et  tous  les  Immortels.  13,587. 

» Il  vint  à cette  mer  pleine  de  sable  et  nommée  Ouddjâ- 
laka,  et,  parvenu  dans  ce  lieu,  seigneur  des  Bharatides,  le 
cruel  ensuite  opprima  parsaforcel'hermitaged'Outanka. 
Caché  dans  le  sable,  enfoncé  dans  le  sein  de  la  terre, 

•I  Dhoundhou,  le  lils,  épouvantable  par  sa  puissance,  de 
Madhou  et  de  Kaitabha,  y resta  couché,  réfugié  sous  la 
vigueur  d'une  forte  pénitence,  pour  la  destmction  des 
mondes.  13,588—13,589—13,590. 

» Sa  respiration  envoyait  des  étincelles  de  feu  dans  le 
voisinage  de  l'hermitage  d’Outanka.  Eu  ce  même  temps, 
escorté  de  sa  cavalerie  et  de  son  armée,  accompagné  d’Ou- 


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VANV-PARVA. 


289 


tanka,  le  maître  de  la  terre,  Kouvalâçwa,  qui  broie  les 
ennemis,  s’avança,  Bharatide,  protecteur  de  la  terre,  envi- 
ronné de  ses  vingt-et-un  mille  fils,  tous  remplisde  vigueur. 

rt  Vishnou,  l’auguste  Immortel,  entra  dans  lui  avec  toute 
sa  force,  grâce  aux  conjurations  d’Outanka,  par  le  désir 
du  bien  des  mondes.  13,591 — 13,592 — 13,593 — 13,594. 

» Pendant  la  marche  de  cet  invincible,  on  grand  bruit 
de  voix  éclata  dans  les  deux  : « Le  voilà  ce  fortuné  héros, 
à qui  l’on  ne  peut  donner  la  mort  : il  deviendra  aujourd’hui 
Dboundhoumâra  ! » r enl-à-dire  ta  mon  de  Dhoudhou. 

n F.es  Dieux  l’inondèrent  de  tous  les  côtés  avec  des  fleurs 
célestes,  et  les  tambours  des  Dieux  résonnèrent  d’ eux- 
mêmes,  sans  qu’une  main  les  frappât.  13,595 — 13,596. 

» Dans  la  marche  de  ce  roi  sage,  le  vent  souffla  d’une 
fraîche  haleine,  dissipant  la  poussière  de  la  terre,  et  le 
souverain  des  Dieux  répandit  sa  pluie.  13,697. 

» On  vit  les  chars  des  Dieux,  Youddhishthira,  se  ras- 
sembler au  sein  des  deux,  lâ,  où  se  tenait  le  grand  Asoura 
Dhoundhou.  13,598. 

» Attirés  par  la  curiosité,  les  maharshis,  accompagnés 
des  Gandharvas  et  des  Dieux,  contemplèrent  ce  terrible 
combat  de  Dhoundhou  et  de  Kouvalâçwa.  13,599. 

U Nârâyana  y vint  lui-même  avec  son  énergie,  rejeton 
de  Kourou.  Bientôt  arrivé  dans  ces  lieux,  environné  de  ses 
fils,  le  roi  maître  de  la  terre,  Kouvalâçwa  fit  creuser  la 
mer.  Quand  ils  eurent,  pendant  sept  jours,  fouillé  dans 
cette  grande  mer,  les  fils  de  Kouvalâçwa  aperçurent  enfin 
ce  Dhoundhou  â la  grande  force.  Son  vaste  corps,  enfoui 
dans  le  sable,  était  épouvantable. 

13,(500—13,601—13,602. 

» Il  flamboyait  de  splendeur,  éminents  Bharatides,  à 
IV  19 


290 


LE  MAHA-BHARATA. 


l’instar  du  soleil.  Dhoundhou  se  tenait  alors , tigre  des 
rois  , couvrant  toute  la  région  occidentale  ; il  était 
endormi , et  son  éclat  était  égal  à celui  du  feu  ou  de  la 
mort.  Environné  de  tous  les  côtés  par  les  fils  de  Kouva- 
làçwa,  13,603—13,604. 

» Ils  fondent  sur  lui,  armés  de  flèches  acérées , de 
pilons,  de  moushalas,  de  pattiças,  de  massues,  de  traits 
barbelés,  de  cimeterres  aigus,  reluisants.  13,605. 

U En  but  à leurs  coups,  le  Uémon  à la  grande  vigueur 
se  lève  avec  colère,  et  dans  sa  fureur,  il  dévore  leurs 
armes  diverses.  13,606. 

» Sa  bouche  , semblable  à un  volcan  sous-marin , 
vomissait  du  feu  : il  consuma  par  sa  splendeur  tous  les 
fils  du  monarc|UP  des  hommes.  13,607. 

U 11  détruisit,  pour  ainsi  dire,  les  mondes  en  un  instant, 
par  le  feu  de  sa  bouche  i rri  tée,  comme  jadis  l’ augu-te  Kapila, 
tigre  des  rois,  consuma  dans  sa  colère  les  filsdeSagara  : ce 
fut  une  chose  merveilleuse.  Quand  ce  feu  irrité  eut  dévoré 
ses  fils,  le  puissant  maître  de  la  terre,  Kouvalàçwa,  ô le 
plus  vertueux  des  Bharatides,  s'approcha  du  magnanime 
réveillé , semblable  à un  second  Koumbhakarna. 

13,608—1 3,609—13,610. 

» Il  répandit  l'eau  à torrent  de  son  corps;  ce  royal  Dé- 
monetsallamme,  puissant  roi,  burent  cette  onde.  13,611. 

B Maître  de  vertus  sur-humaiiies,  il  éteignit  ce  feu  par 
l’eau  et  par  des  moyens  surnaturels.  Ensuite,  il  consuma, 
Indra  des  rois , pour  la  sécurité  de  tous  les  mondes,  ce 
Daîiya  à l'énergie  cruelle  avec  r.astra  de  Brahma.  L'ne 
fois  que  le  saint  roi  eut  brûlé  de  ce  charme,  comme 
un  autre  souverain  des  trois  mondes , le  grand  Asoura, 
ce  meurtrier  des  ennemis,  cet  ennemi  lui-mème  des  Dieux, 


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VANA-PARVA. 


2«1 


alors  Kouvalâçwa,  le  magnanime  roi,  l'héroïque  guerrier, 
fut  nommé  Dhoundhoumâra,  en  souvenir  de  cette  mort 
donnée  à Dboundhou.  Tous  les  Tridaças  joyeux  unis  aux 
matiarshis  : « Choisis  une  grâce  ! » lui  dirent-ils  ; et,  réunis- 
sant les  mains,  le  roi  s’inclinant,  au  comble  de  la  joie, 
répondit  en  ces  termes  : 

13,612— ■13,613— 13,614— 13,615— 13,616. 

Il  Qu’invincible  aux  ennemis  ; je  puisse  donner  des 
richesses  aux  principaux  des  brahmesj  que  Vishnou  m’ac- 
corde son  amitié  ; que  je  ne  fasse  aucun  mal  à tous  les 
êtres  ; que  mon  plaisir  continuel  soit  dans  le  devoir  et 
mon  habitation  éternelle  dans  le  Swarga!  » — o Qu’il  en 
soit  ainsi  I » fut-il  répondu  au  roi  par  les  Dieux  satisfaits, 
les  rishis , les  Gandharvas  et  le  sage  Outanka.  Après 
qu’ils  se  furent  entretenus  avec  lui  et  qu’ils  l’eurent 
comblé  de  bénédictions,  13,617 — 13,618 — 13,619. 

» Les  Dieux  et  les  Maharshis  de  retourner  en  leurs 
habitations.  Il  ne  lui  restait  plus,  Vouddhishthira , que 
trois  fils  : 13,620. 

» Drithâçwa  , Kapilâçwa  et  Tchandrâçwa.  C’est  avec 
eux,  royal  et  bien  vertueux  Bharatide,  que  fut  continuée  la 
race  des  magnanimes  Ikshwâkides , ces  monarques  â la 
splendeur  infinie.  C’est  ainsi  que  tomba  sous  les  coups 
de  ce  terrible  Kouvalâçwa,  13,621 — 13,622. 

» Ce  Démon  appelé  Dhoundhou , fils  de  Madhou  et  de 
Kaîtabha , et  c’est  ainsi  que  fut  donné  à ce  roi  le  nom  de 
Dhoundhoumâra.  13,623. 

» Il  consen’a  désormais  les  qualités  réunies  avec  le 
nom.  Je  t’ai  raconté  entièrement  cet  épisode,  sur  lequel 
tu  m’as  interrogé.  » 13,624. 

L’homme  juste,  par  les  œuvres  de  qui  sera  propagée 


292 


LE  MAHA-BHARATA. 


cette  I(^gende  de  Dhoundhoum&ra,  ou  qui  entendra  récitée 
dans  les  parvans  cette  sainte  aventure  de  Vishnou,  aura 
des  enfants,  une  longue  vie,  des  dignités,  et,  libre  de 
soucis,  il  n'aura  aucune  crainte  des  uialadies. 

13,625— 13,6-26— 13,627. 

Ensuite  le  plus  vertueux  des  Bharatides,  le  roi  Youd- 
dhishthira  d'interi’oger  Màrkandéya  à la  grande  splendeur 
sur  une  question  du  devoir  bien  difficile  à connaître. 

« J’ai  en\ie,  révérend  bralnue , d’entendre  dans  la 
vérité  racontée  par  ta  bouche  la  magnanimité  sublime 
des  femmes,  ce  devoir  si  délicat.  13,628 — 13,629. 

» Car  tu  as  fait  passer  sous  mes  yeux,  ô le  plus 
vertueux  des  brahmes,  les  Dieux,  le  soleil  et  la  lune,  le 
vent,  la  terre  et  le  feu  lui-iuômc,  13,630.  . 

B Le  père  et  la  mère,  et  le  gourou , fils  de  Bhrigou  , et 
les  autres  choses,  très-vertueux  révérend,  que  les  Dieux 
ont  disposées  pour  noire  bien.  13,631. 

» Le  respect  est  dd  à tous  les  gourous  ainsi  qu'aux 
épouses  fidèles.  L’obéissance  des  femmes  vouées  au  culte 
du  nœud  conjugal  me  paraît  bieu  difficile.  13,632. 

» Que  ta  sainteté  veuille  me  dire  la  magnanimité  des 
épouses  fidèles  .'i  leur  époux.  Des  femmes,  qui  se  main- 
tiennent dans  la  pen.sée  de  leur  mari  comme  dans  celle 
d'un  Dieu  et  qui  retiennent  leur  âme,  mortel  sans  péché, 
après  qu’on  y at  renfermé  les  organes  des  sens,  cela  me 
semble  extrêmement  difficile,  révérend  auguste  1 

I)  Obéir  à son  époux,  comme  s'il  était  un  père  ou  une 
mère  : je  ne  connais  rien  d'aussi  difficile,  brahrae,  que  cet 
efl’rayant  devoir  des  femmes.  13,633 — 13,635 — 13,635. 

» Les  épouses  d'un  vertueux  caractère,  qui,  toujours 
prisant  leur  époux  à l’égal  d’un  père  ou  d’une  mère,  sont 


VANA-PARVA. 


298 


restées  fidèles  à ce  sentiment,  ont  fait,  certes  ! une  chose 
bien  difficile,  brahme.  13,636. 

» Les  épouses  fidèles  à leur  époux,  celles,  qui  disent  tou- 
jours la  vérité,  et  celles,  qui  portent  un  fruit  dix  mois  dans 
leur  sein  : 13,637. 

» Est-il  rien  de  plus  admirable  ? Lorsqu’elles  ont  achevé 
le  temps  de  la  gestation,  et  couru  les  plus  grands  risques, 
elles  éprouvent  une  douleur  incomparable.  13,638. 

» Elles  enfantent  nos  fils  avec  beaucoup  de  peine,  et  les 
nourrissent  avec  un  grand  amour,  éminent  et  auguste 
brahme.  13,639. 

» Elles  restent  en  but  au  mépris  dans  toutes  leurs  an- 
goisses, et  n’en  remplissent  pas  moins  toujours  leurs  pé- 
nibles fonctions  : voilà  mon  sentiment.  13,6à0. 

» Dis-moi  dans  la  vérité,  brahme,  la  conduite  des 
magnanimes  kshatryas  attachés  au  devoir.  11  est  bien  dif- 
ficile de  l’acquérir,  ce  devoir,  aux  méchants  ! 13,6àl. 

» Je  désire  entendre  de  ta  voix,  révérend  fidèle  à tes 
vœux,  la  réponse  à cette  question,  vertueux  Bhrigouide, 
le  plus  instruit  des  hommes,  qui  savent  répondre  aux 
questions.  » 13,642. 

ft  Eh  bien  ! reprit  Mârkandéya,  je  vais  répondre  entiè,- 
rement  à ta  demande,  d’une  solution  bien  diflicile  : écoute, 
ô le  plus  vertueux  des  Bharatides , ma  parole  de  vérité. 

» Les  uns  donnent,  pour  l’importance.  Te  premier  rang 
à la  mère  ; les  autres  donnent  ce  rang  au  père  : la  mère 
fait  une  œuvre  difficile  ; elle  fait  grandir  ses  enfants. 

13,643—13,644. 

» Les  pères  sollicitent  des  fils  par  la  pénitence,  les  sa- 
crifices aux  Dieux,  l’obéissance  aux  brahmes,  la  patience, 
et  même  en  recourant  aux  moyens  de  la  magie.  13,645. 


LE  MAHA-BHARATA. 


20A 


» Quand  ils  ont  obtenu  ainsi,  avec  beaucoup  de  peine, 
ce  fils  d’une  acquisition  difiicile,  ils  sont  continuellement 
tourmentés  par  cette  pensée  ; « Que  sera-  t-il  ? i 13.646. 

» Le  père  et  la  mère,  Bharatide,  espèrent  dans  leur 
fils,  assurément!  la  renommée,  la  gloire,  la  puissance,  une 
postérité  et  même  le  devoir.  13,647.. 

« Le  père  et  la  mère  se  réjouissent  continuellement, 
Indra  des  rois,  de  l'enfant  vertueux,  qui  promet  de  cou- 
ronner leurs  espérances.  13,648. 

» Dans  ce  monde  et  dans  l'autre,  ils  auront  par  lui  une 
gloire  immortelle  ; le  devoir  sera  toujours  accompli  : ils 
ne  manqueront  ni  de  sacrifices  et  de  toutes  les  obsèques, 
ni  de  çrâddha,  ni  de  jeûnes.  1 3,649. 

» L’épouse,  qui  obéit  à son  époux,  fait  ainsi  la  conquête 
du  Swarga.  Après  ce  chapitre,  écoute  maintenant,  sire, 
écoute  avec  attention,  Youddhishthira,  la  conduite  sou- 
mise des  épouses  fidèles  àleur  mari.  13,650 — 13,661. 

» Jadis  vécut  un  certain  brahme  éminent,  lisant  les 
Védas,  ascète,  riche  de  pénitences,  au  vertueux  caractère 
et  nommé  Kaâuçika.  13,652. 

I)  Le  meilleur  des  brahmes,  il  avait  In  les  Védas,  les 
Oupanishads  et  les  Védângas.  11  se  tenait  sans  cesse  à la 
racine  d’un  arbre,  feuilletant  les  Védas.  13,653. 

» Une  grue  vint  se  percher  sur  cet  arbre,  et  de-là  elle 
lâcha  ses  excréments  sur  le  brahme.  13,654. 

» Celui-ci  irrité,  vomit  des  imprécations  contre  elle  ; 
il  était  dominé  par  une  violente  colère,  et,  dans  ce  moment, 
il  vit  la  grue.  13,655. 

» L’oiseau,  maudit  par  le  brahme,  descendit  sur  le  sol 
de  la  terre.  Quand  il  vit  l’infortunée  en  has,  hors  d’ elle- 
même,  abandonnée  de  son  âme,  13,656. 


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VANA-PARVA. 


295 


» Le  brahme,  saisi  de  compassion,  la  plaignit  : « Poussé 
par  la  force  et  la  passion  delà  colère, j’ai  fait,  se  dit-il,  une 
chose,  que  je  ne  devais  pas  faire!  u 13,657. 

» Quand  il  eut  articulé  ce.s  mots  nombre  de  fois,  le  sage 
s’en  alla  mendier  au  village  ;il  y parcourut,  éminent  Bha- 
ratide,  les  familles  pures  du  lieu.  13,658. 

» Un  jour,  il  entra  dans  une  maison,  où  déjà  il  était 
venu  auparavant  ; «Donne-moi!»  dit-il.  A celte  demande, 
une  femme  répondit:  « Attends  ! » 13,669. 

» La  maîtresse  du  logis  se  mit  à nettoyer  un  vase,  et 
pendant  ce  tenips-l.A,  éminent  Bharatide,  entra  toul-à-coup 
son  mari,  extrêmement  acc.ablé  par  la  faim.  A la  vue  de 
son  époux,  la  femme  vertueuse  d’abandonner  le  brahme. 

» Elle  donna  à son  mari  de  l’eau  pour  se  laver  les  pieds, 
de  l’eau  pour  se  rincer  la  bouche,  un  siège,  et  la  femme 
aux  yeux  noirs  s’empressa,  inclinée,  autour  de  son  époux. 

IS'.edO— 13,661— 13,662. 

» Elle  lui  servit  de  la  nourriture,  des  aliments,  des  mets 
agréables,  et,  sans  cesse  occupée  de  son  mari,  elle  man- 
geait, Youddhishthira,  ce  qu’il  dédaignait.  13,663. 

» Étudiant  la  pensée  de  son  époux,  elle  regardait  son 
époux  comme  un  Dieu  ; et  d’reuvre,  d’esprit,  de  parole, 
elle  courait  à son  mari,  sans  mettre  ailleurs  sa  pensée. 

» L’embrassant  de  toute  son  âme,  elle  se  complaisait 
dans  l'obéissance  à son  mari,  et  pure,  habile,  de  bonnes 
mœurs,  elle  donnait  tous  ses  désire  au  bien  du  maître  de 
la  maison.  13,664 — 13,665. 

» Elle  recherchait  sans  cesse  ce  qui  était  bon  pour  son 
époux,, son  beau-père,  sa  belle-mère,  les  serviteurs,  les 
hôtes  e’rTes  Dieux.  13,666. 

» Ayant  l’obéissance  pour  le  principal  objet  de  tous  ses 


296 


LE  MAHA-BHABATA. 


moments,  tenant  ses  organes  des  sens  toujours  comprimés, 
elle  vit  enfin  ce  brahme,  qui  restait  là,  attendant  une  au- 
méne.  13,667. 

» Alors,  scs  souvenirs  se  réveillant,  la  vertueuse  femme 
aux  beaux  yeux  demeura  toute  confuse,  et  elle  accomplit 
sa  prome.sse,  6 le  plus  excellent  des  Bharatides.  13,668. 

» Le  brahme  illustre,  ayant  reçu  l'aumône,  sortit  : 

« Qu'est-ce  que  signifie  cette  chose,  belle  dame  7 pensa-t- 
il  ; tu  m’as  dit  : o Attends  ! » 13,669. 

» Tu  ne  m'as  pas  renvoyé,  après  m’avoir  opposé  un 
refus  ! » Dans  ce  moment,  l’honnête  femme,  voyant  le 
brahme  consumé  par  la  colère  et  comme  flamboyant  de 
splendeur,  lui  tint  ce  langage,  que  précédait  un  mot  flat- 
teur : Il  Veuille  me  pardonner,  savant  brahme  ; mon  époux 
est  pour  moi  une  grande  Divinité.  13,670 — 13,671. 

O II  est  venu,  harassé  de  fatigue,  accablé  par  la  faim  ; 
ses  volontés  sont  obéiespar  moi  !»  — « Il  n’est  personne 
plus  vénérable  que  les  brahmes,  lui  répondit  l'anachorète; 
peiises-tu  que  ton  époux  mérite  plus  de  respect?  13,672. 

U En  restant  fidèle  au  devoir  du  maître  de  maison,  tu 
as  méprisé  les  brahmes.  Indra  lui-même  s’incline  devant 
eux  : combien  plus  sur  la  terre  un  simple  enfant  de  Manou  ! 

» Orgueilleuse,  tu  ne  connais  pas  les  brahmes  ! .N'as-tu 
jamais  entendu  ces  mots;  « Les  brahmes,  semblables  au 
feu,  pourraient  consumer  la  terre  elle-même  ! » 

13,673—13,674. 

(I  Je  ne  suis  pas  une  grue,  chef  des  brahmes,  lui  repar- 
tit la  femme  : abandonne  ce  courroux,  homme  riche  en 
mortifications!  Que  feras-tu  de  moi  dans  ta  colère,  avec 
cet  œil  irrité  ? 13,675. 

» Je  ne  méprise  pas  les  brahmes  intelligents,  pareilsaux 


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VANA-PARVA. 


M7 


Dieux  : veuille  me  pardonuer  cette  faute,  brahme  sans 
péché.  13,676. 

» Je  connais  l'énergie  et  la  magnanimité  des  sages 
brahmes  : l’océan  aux  ondes  salées  fut  mis  à sec  dans  leur 
colère.  13,677. 

I)  Je  connais  ce  que  peuvent  ces  ascètes  contemplatifs, 
aux  mortifications  enflammées,  de  qui  le  feu  de  la  colère 
n’est  point  apaisé  aujourd’hui  même  dans  la  forêt  Dan- 
daka.  13,678. 

» Le  mépris  des  brahmes  conduisit  le  cruel  et  dur  Và- 
tApi  sous  le  pouvoir  du  rishi  Agastya,  qui  digéra  ce 
grand  Asoura.  13,679. 

» On  cite  de  nombreux  exploits  des  brahmes  magna- 
nimes : grande  est  leur  colère,  aussi  grande  est  leur  bien- 
veillance. 13,680. 

» Daigne  me  faire  grâce  en  cette  offense,  brahme: 
l’obéissance  à mon  époux  est  le  devoir,  qui  m’est  agréable. 

» Dans  toutes  les  aflaires  des  Dieux  mêmes,  mon  époux 
est  une  Divinité  supérieure  : puissé-je  entièrement,  ô le 
plus  grand  des  brahmes,  accomplir  mon  devoir  à l’égard 
de  lui.  13,681—13,682. 

» Vois  quel  est  le  fruit  de  l’obéissance  à son  époux  I En 
Il  effet,  j’éjaûs  une  grue,  et,  consumée  par  toi  dans  un  moa- 
1]  veinent  de  colère,  voici,  brahme,  ce  que  j’ai  appris. 

a La  colère  est  un  ennemi  placé  dans  le  corps  des  en- 
fants de  Manou,  6 le  plus  grand  des  brahmes  : quiconque 
renonce  à la  folie  et  à la  colère,  les  Dieux  le  reconnaissent 
pour  un  brahme.  13,683 — 13,6SA. 

» Quiconque  dit  ici-bas  la  vérité,  satisfait  son  gourou 
et  ne  répond  pas  au  mai,  qu’on  lui  fait,  par  le  mal,  les 
Dieux  le  reconnaissent  pour  un  brahme.  13,685. 


298 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Quiconque  est  pur,  adonné  an  devoir,  a v»ncu  les 
organes  des  sens,  se  complaît  à murmurer  les  prières  et  à 
mettre  la  colère  et  l’amour  sous  sa  puissance,  les  Dieux  le 
reconnaissent  pour  un  brahme.  13,686. 

» Quiconque  regarde  le  monde  comme  Ini-mème,  con- 
naît le  devoir,  et  trouve  intelligent  son  plaisir  en  tous 
les  devoirs,  les  Dieux  le  reconnaissent  pour  un  brahme. 

j>  Quiconque  lit  ou  fait  lire,  sacrifie  ou  fait  sacrifier,  ou 
donne  suivant  ses  facultés,  les  Dieux  le  reconnaissent  pour 
un  brahme.  18,687 — 18,688. 

» Quiconque,  étant  brahmatchâri,  lit  déjà  les  Védas,  6 
le  meilleur  des  brahmes,  et  n’appcrte  aucune  négligence 
à murmurer  la  prière,  les  Dieux  le  reconnaissent  pour  un 
brahme.  13,689. 

» L’âme,  qui  n’a  pas  le  mensonge  pour  agréable,  célé- 
brera la  vertu  des  brahmes  et  la  vérité  de  leurs  paroles. 

» Réciter  la  prière,  se  dompter,  conserver  la  droiture, 
réprimer  les  organes  des  sens,  on  dit  que  c’est  le  devoir 
éternel  du  brahme,  6 le  plus  vertueux  des  brahmes. 

13,690-18,691. 

B I.es  hommes,  par  qui  le  devoir  est  connu,  disent  que 
le  premier  devoir  est  dans  la  droiture  et  la  vérité  : le  devoir 
immortel  et  difficile  à connaître  consiste  dans  la  vérité. 

0 Que  le  devoir  ait  pour  autorité  la  sainte  écriture  : b 
telle  est  la  maxime  des  anciens  : mais  .souvent  le  devoir,  ô 
le  plus  grand  des  brahmes,  apparaît  d’une  subtilité 
extrême.  13,692 — 13,693. 

B Ta  révérence  est  vertueuse,  elle  est  pure,  elle  se  com- 
plaît à réciter  la  prière  ; mais  tu  ne  connais  pas  le  devoir 
dans  sa  vérité  : tel  est,  révérend,  mon  sentiment. 

B Si  tu  ne  sais  pas  quel  est,  brahme,  le  premier  des 


VANA-PARVA. 


299 


devoirs,  va  à la  cité  de  Mithilà,  et  là  interroge  le  chasseur- 
des-devoirs.  13,694 — 13,695. 

» Docile  à son  père  et  à sa  mère,  organe  de  la  vérité, 
vainqueur  des  sens,  Vyâdha,  c’est-à-dire,  le  chasseur,  doit 
habiter  Mithilà,  il  te  dira  quels  sont  les  devoirs.  13,696. 

» Ensuite  va,  Brahma  te  bénisse  ! où  te  conduira  ton 
désir,  ô le  plus  grand  des  brahmes.  Veuille  me  pardonner, 
anachorète  irréprochable,  tout  ce  que  j’ai  dit  en  dépassant 
les  bornes.  13,697. 

n Quiconque  suit  la  vertu  doit  respecter  la  vie  des 
femmes.  » Le  brahme  lui  répondit  : « Je  suis  content  ; la 
félicité  descende  sur  toi  ! Ma  colère  s’est  envolée,  dame 
charmante.  13,698. 

» Si  tu  as  fait  quelque  chose  outre  la  mesure,  c’est  toi 
seule,  qui  le  blâme  : mon  bonheur  est  extrême.  Salut  ! je 
m’en  vais  : je  ferai  ce  que  tu  dis,  jolie  femme.  » 13,699. 

» 11  prit  congé  d'elle,  et  Kaàuçika  le  plus  vertueux  des 
brahmes  s’en  alla  vers  sa  maison,  en  s’adressant  des  re- 
proches à lui-même.  13,700. 

» Pensant  à ces  choses  merveilleuses,  qu’une  femme  lui 
avait  dites  entièrement  eUp-même,  il  se  blâmait  ; il  était 
comme  s’il  eût  commis  une  faute.  13,701.  ‘ 

1)  11  songeait  comment  il  obtiendrait  le  sentier  délicat  du 
devoir,  qui  lui  était  propre  : « Ce  doit  être  par  la  foi  ; je 
vais  donc  à Mithilà.  1 3,702. 

» Vyâdha,  cet  homme  dompté,  qui  sait  les  devoirs,  ha- 
bite là  ; je  vais  y aller  et  j’interrogerai  sur  le  devoir  cet 
homme  riche  de  pénitences.  » 13,703.  * 

I)  Cela  dit,  il  roulait  dans  son  esprit  le  discours  de  cette 
femme  : « Les  paroles  de  Valàkà,  pensait-il,  étaient 
pleines  de  confiance,  justes  et  brillantes  ! » 13,704.  . i 


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300 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Il  partit  donc  pour  Mithilâ,  conduit  par  la  curiosité  : 
il  franchit  des  forêts,  des  villages  et  des  villes.  13,705. 

» U arrive  à Milhilà,  défendue  alors  par  le  roi  Djanaka  ; 
elle  était  remplie  de  chaussées,  resplendissante,  pleine  de 
fêtes  et  de  sacrifices.  13,700. 

■ 11  entra  dans  cette  ville  enchanteresse,  brillante  de 
portes  arcadées,  de  palais,  de  remparts,  de  chambres 
élevées  sur  les  terrasses  et  résonnante  d’une  fouie  de 
chars.  13,707. 

» Elle  était  ornée  de  fleurs  nombreuses,  sillonnée  de 
grandes  routes  bien  distribuées,  encombrée  d’une  multi- 
tude d’armes,  d’éléphants,  de  chars  et  de  chevaux. 

» Le  brahme,  en  la  traversant,  vit  cette  cité  pleine  d’un 
peuple  joyeux  et  bien  nourri,  retentissante  de  fêtes  conti- 
nuelles et  des  récits  de  nombreuses  histoires. 

» Il  demanda  Dbarma-Vyâdba,  les  brahmes  de  l’indi- 
quer. 11  alla  et  il  le  vit,  placé  dans  un  cercle  d’instruments 
destructeurs.  13,708 — 13,709. — 13,710. 

» L’a-scète  offrait  en  vente  des  viandes  de  buffles  et  de 
gazelles  : le  brahme  se  tint  isolément  des  acheteurs,  à 
cause  de  la  confusion,  où  jetaient  sa  naissance  et  son  état. 

n Dès  que  celui-ci  voit  le  brahme  arrivé,  il  se  lève  avec 
empressement  tout  à coup,  et,  mettant  sa  personne  à part, 
il  va  au  lieu  où  l’autre  se  tenait.  13,711 — 13,712. 

« Je  m’incline  devant  toi,  révérend,  dit  le  chasseur  \ la 
bienvenue  te  soit  donnée,  6 le  plus  grand  des  brahmes  ! 
Je  suis  un  chasseur,  à ton  service  (1):  que  ferai-je? 
Donne-moi  tes  ordres.  13,713. 

Il  Je  sais  tout  ce  que  t’a  dit  une  chaste  épouse  : u Va  à 


(1)  Bhadran  têi* 


VANA-PARVA. 


301 


Mithilâ  I O et  les  raisons,  qui  te  conduisent  ici.  » lS,71i. 

» Quand  il  eut  entendu  ces  paroIe.s,  le  brahme  futtrès- 
étonné  : « Voilà  une  seconde  merveille  ! » pensa-t-il. 

« Ne  peux-tu  quitter  ce  lieu  ? » demanda-t-il  au  chas- 
seur, et  celui-ci  répondit  : « Allons  à ma  demeure,  s’il  te 
plaît,  révérend  ! » 13,716—13,716. 

« Volontiers  ! » reprit  le  nouvel  arrivant  ; et  le  chasseur, 
mettant  le  brahme  devant  lui,  s’en  revint  à sa  maison. 

B Entré  dans  cette  habitation  charmante,  le  plus  grand 
des  brahmes  y fut  honoré  d’un  siège  ; il  reçut  de  l’eau 
pour  se  laver  les  pieds,  de  l’eau  pour  se  rincer  la  bouche. 

13,717—18,718. 

» Et  commodément  assis,  il  dit  à ce  chasseur  : « Ce 
métier  ne  me  .semble  point  assorti  à ton  excellence. 

» Je  souffre  beaucoup,  mon  ami,  de  te  voir  e.xercer  un 
état  si  horrible  ! » — h Cest  un  métier  accoutumé  dans 
ma  famille,  répondit  le  chasseur:  et  l’origine  en  remonte 
à l’aïeul  de  mon  père.  13,719 — 13,720. 

» Ne  veuille  pas  concevoir  de  ressentiment  contre  moi, 
brahme,  si  je  vis  dans  ces  fonctions,  qui  me  sont  propres. 
Ce  métier  fut  disposé  jadis  par  le  créateur,  qui  ne  sortit 
pas  de  son  devoir.  13,721. 

» J’ obéis  avec  attention  à deux  vieux  auteurs  de  mes 
jours,  d le  plus  grand  des  brahmes  ; je  dis  la  vérité,  je  ne 
médis  de  personne  et  je  fais  l’aumône  suivant  mes  fa- 
cultés. 13,722. 

B Je  mange  les  restes  de  mes  serviteurs,  des  hôtes  et 
des  Dieux  ; je  n’ai  de  mépris  pour  qui  que  ce  soit  et  je  ne 
déblaterre  pas  contre  un  homme  plus  fort  que  moi. 

B Le  métier,  qu’on  e.xerce,  ôle  plus  grand  des  brahmes, 
soit  les  lois,  que  le  créateur  lui  a données  jadis  : l’agricul- 


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S02 


LE  JUHA-BHARATA. 


ture,  l'élève  et  l'entretien  dee  troupeaux,  le  commeroe, 
sont  les  professions  de  ce  monde-ci.  13,723 — 13,724. 

» Sache  qu’il  y a trois  systèmes  de  métiers  ; le  monde 
repose  sur  eux  : les  arts  manuels  sont  pour  le  voûdra,  l'a- 
griculture et  te  négoce  regardent  le  vaiçya,  le  châtiment 
est  dit  l'œuvre  des  kshatrya.s.  3,725. 

» La  continence,  les  prières,  la  pénitence  et  toujours  la 
vérité  sont  les  choses  du  brahme.  Le  roi  gouverne  avec 
justice,  et  les  sujets  se  complaisent  dans  leurs  fonctions. 

U I.e  prince  joint  au  prix  de  leurs  œuvres  tous  ceux, 
quels  qu’ils  soient,  qui  font  des  actions  contraires  à la 
justice  ; car  il  faut  toujours  trembler  devant  les  rois  ; ils 
sont  les  maîtres  suprêmes  des  sujets.  13,72(5 — 13,727. 

» Les  rois  empêchent  la  fraude,  comme  on  arrête  la  ga- 
zelle avec  des  flèches.  La  fraude,  elle  n’existe  pas,  brah- 
marshi,  dans  ce  royaume  de  Djanaka  ! 13,728. 

« Les  quatre  castes  se  complaisent  dans  leurs  attribu- 
tions, ê le  plus  grand  des  brahmes  ; et  le  roi  Djanaka 
soumet  au  châtiment  le  criminel,  fût-il  son  fils  lui-même. 
11  ne  contriste  pas  l'homme  vertueux,  et  ce  monarque, 
servi  par  ses  espions,  voit  tout  avec  équité. 

» L'élévation,  le  royaume,  le  châtiment  appartiennent 
aux  kshatryas  : les  rois  espèrent  toujours  de  leur  devoir 
accompli  une  élévation  plus  grande. 

13,729—13,730—13,731. 

» Le  souverain  est  ici  le  protecteur  de  toutes  les  castes. 
Je  ne  tue  pas  de  ma  main,  brahmarshi  ; mais  je  ne  cesse 
pas  de  vendre  un  seul  jour  les  sangliers  et  les  buflles  tués 
par  lin  autre  ; et  moi,  observant  les  saisons  de  l'année,  je 
ne  mange  pas  de  ces  viandes.  13,732 — 13,733. 

« Je  suis  tous  les  jours  dans  le  jeûne,  eije  ne  prends  un 


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VANA-PARVA.  808 

aliment  que  la  nuit  : ainsi,  l’homme,  qui  parait  sans  carac- 
tère, en  a un,  où  il  reste  attaché.  13,73ù. 

» Ainsi  l'hoinnie,  qui  semble  aimer  le  mal  des  êtres  ani- 
més, est  un  homme  vertueux.  Les  Indras  des  rois  causent 
par  leurs  incantations  un  grand  trouble  dans  le  devoir. 

» Le  vice  existe  : de  là  vient  la  confusion  des  êtres.  Les 
hommes  naissent  horribles,  nains,  bossus,  ayant  de  grosses 
tètes,  eunuques,  aveugles,  sourds,  les  yeux  louches  : la  perte 
des  sujets  vienldu  vice  des  rois.  13,735 — 13,730 — 13,787. 

» Ce  roi  Djanaka  étend  sur  tous  les  sujets  les  regards 
de  sa  justice;  il  répand  ses  faveurs  sur  toutes  les  créa- 
tures, et  met  toujours  son  plaisir  dans  les  devoirs  d'un  roi. 

» Les  hommes,  qui  me  louent,  et  les  hommes,  qui  me 
blâment,  je  les  satisfais  tous  également  avec  ce  métier 
bien  exercé.  13,738 — 13,739. 

«Les  princes  donnent  à ceux,  qui  vivent  de  leurs  œuvres, 
les  moyens  d'en  exercer  la  profession  ; mais  les  hommes 
domptés,  au  caractère  élevé,  n’ont  aucun  désir.  18,740. 

» Je  fais  l’aumône  de  nourriture  suivant  mes  facultés, 
ma  patience  est  de  tous  les  instants,  mon  devoir  est  con- 
tinu, et  je  rends  toujours  à tous  les  êtres  l’hommage,  que 
je  reçois  d’eux.  13,741. 

I)  Les  vertus  des  mortels  se  tiennent  dans  l'homme  par 
une  grâce  du  ciel  et  non  pas  autrement.  Qu’il  évite  les  pa- 
roles inutiles,  qu’il  fasse  toujours,  sans  qu’on  le  demande, 
ce  qui  peut  être  agréable.  13,742. 

» Qu’il  ne  s’écarte  jamais  de  la  vertu,  ni  par  amour,  ni 
par  crainte,  ni  par  haine.  Qu’il  ne  se  réjouisse  pas  à 
l’excès  dans  le  bonheur,  et  qu’il  ne  s’afflige  pas  immodé- 
rément du  malheur.  13,743. 

>>  Qu’il  ne  perde  pas  l’esprit  dans  les  difficultés  des 


1 

i. 


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LE  MAHA-BHAR\TA. 


soi 

choses  et  qu'il  n’abandonne  jamais  le  devoir.  S'il  est  oc- 
cupé d'un  eaiïaire  quelconque,  il  ne  doit  pas  alors  se 
mettre  à une  différente.  13,7ii. 

» Qu’il  s'attache  lui-même  à la  chose,  qu’il  juge  excel- 
lente : qu'il  ne  rende  pas  le  mal  pour  le  mal,  et  qu’il  soit 
toujours  bon.  13,765. 

a Si  l'homme,  après  avoir  tué  un  criminel,  désire  com- 
mettre lui-même  un  crime,  c’est  une  mauvaise  action,  qui 
appartient  à de  cruels  pécheurs,  13,746. 

Il  Ceux  qui,  sans  foi  dans  la  vertu,  se  rient  des  pei-sonnes 
pures  et  qui  pensent  : « Ce  n’est  pas  de  la  vertu  ! » ces 
gens  périront,  il  n’y  a aucun  doute.  13,747. 

» lin  méchant  est  continuellement  rempli  de  vent,  i 
comme  un  grand  soufflet  ; il  faut  que  cet  esprit  vain 
soit  inspiré  des  ignorants  et  des  orgueilleux.  13,748. 

» Son  âme  le  met  en  évidence,  comme  le  soleil  fait  voir 
la  forme  du  jour  ; le  sot  ne  brille  pas  dansle  monde,  parce 
qu’il  n’y  sait  faire  que  l’éloge  de  lui  seul.  13,749. 

» L’homme  savant  brille,  fût-il  dépourvu  même  ici-bas 
de  splendeur.  Il  ne  dit  aucun  mal  de  qui  que  ce  soit  au 
moude  et  il  a fait  ainsi  l’éloge  de  lui-même,  o 13,750. 

» On  ne  voit  sur  la  terre  aucune  illustration  qui  noit 
née  des  vertus.  L'homme,  .affligé  par  la  pensée  d’un  acte 
contraire  à la  loi,  qu’il  a commis,  est  délivré  de  son  péché. 

Il  II  ne  faut  pas  que  je  fasse  cela  une  seconde  fois  ! » dit 
l’homme;  et  il  est  délivré  ici-bas  d’une  seconde  faute  par 
le  sentiment,  qui  le  fait  parler,  6 le  plus  grand  des  plus 
énainents  brahmcs.  Telle  est  celte  tradition,  qu’on  voit  çà 
et  là  circuler  sur  les  devoirs.  13,751 — 13,752. 

» Ignorant  d’abord,  l'homme  a-t-il  commencé  par  com- 
mettre des  fautes,  il  les  ellàce  ensuite  par  le  vertueux  carac- 


VANA-PARVA. 


305 


1ère,  dont  il  est  doué.  La  vertu  chasse  des  hommes,  sire  (1) , 
les  péchés,  qu'ils  ontcommis  sur  la  terre  par  inadvertance. 

» L'homme,  qui  s'est  souillé  d'une  faute,  en  vain  pen- 
sera : « Je  ne  suis  point  ainsi  ! » car  il  est  vu  par  les  Dieux 
et  par  l'homme  intérieur,  qui  ala  conscience  de  lui-même 
et  qui,  dans  son  désir  du  bien,  rempli  de  foi  et  sans  envie, 
révèle  les  fautes  des  bons,  comme  les  taches  d'un  habit. 

» L’homme,  qui,  coupable  d’une  faute,  revientà  la  ver- 
tu, est  délivré  de  tous  ses  péchés,  comme  la  lune  d’un 
grand  nuage.  13,753 — 13,754 — 13,755 — 13,756. 

1)  Tel  que  le  soleil  qui,  s'élevant  dans  les  deux,  com- 
mence par  dissifter  les  ténèbres,  l’homme  efface  tous  ses 
péchés  en  s’approchant  du  bien.  13,757. 

» Sache,  ô le  plus  grand  des  brahmes,  que  la  cupidité 
est  la  demeure,  où  habitent  les  fautes  : les  hommes  avares, 
peu  instruits,  sont  accessibles  au  désir  de  commettre  le 
péché.  13,758. 

» Les  vices  sous  les  apparences  de  la  vertu,  ce  sont  des 
puits  cachés  sous  les  herbes.  On  trouve  chez  ces  hpmme$ 
eux  la  répression,  les  purifications,  la  prière  h voix  basse, 
qui  s’appuyent  sur  les  devoirs  : toutes  le»  formes  existent 
assurément  chez  eux,  mais  la  bonne  conduite  est  bien 
difficile  à acquérir.  » 13,759. 

Le  brahme  à la  grande  science  d’interroger  Dharma- 
Vyâdha  : « Comment  acquerrai-je  une  bonne  conduite,  ô 
le  plus  éminent  des  brahmes?  13,760. 

» Je  désire  le  savoir,  s’il  te  plaît,  ôle  plus  vertueux  des 
hommes  vertueux  : dis-le-moi  exactement  et  suivant  la 
vérité,  Vyàdha,  homme  à la  haute  intelligence.  » 13,761. 


(1)  L'auteur  oublie  que  ton  ioterlocuteur  s'adretse  à uu  brahme. 

V -H  20 


306 


LE  MAHA-BHARATA. 


« Le  sacrifice,  l'aumône,  la  pénitence,  les  Védas  et  la 
vérité,  ô le  plus  vertueux  des  brahmes,  lui  répondit  Vyà- 
dha,  ces  cinq  choses  sont  continuelles,  dans  les  hommes, 
que  distingue  une  bonne  conduite  ou  le  hiirti. 

« Lorsque  les  fidèles  ont  mis  sous  leurs  pieds  l’amour, 
la  colère,  l’orgueil,  l’avarice  et  le  mensonge,  et  qu’ils 
disent  avec  satisfaction  : « Voilà  le  devoir!  » ils  sont  ré- 
putés des  çishtas.  13,7ti2 — 13,7(33. 

n Ou  ne  connaît  point  au-dehors  la  conduite  de  ces 
hommes  livrés  à la  prière  et  au  sacrifice  ; la  défense  des 
bonnes  mœurs  est  le  second  caractère  du  çishta.  13,704. 

1)  L’obéissance  au  gourou,  la  vérité,  l’absence  de  la  co- 
lère et  l’aumône,  ces  quatre  choses,  brahme,  sont  conti- 
nuelles dans  les  hommes,  que  distingue  une  bonne  conduite. 

» ('«lui,  qui  a réglé  son  âme  et  l'a  cédée  toute  entière  à 
la  bonne  conduite,  obtient  un  état  de  vie,  qu’il  est  impos- 
sible d’acquérir  d’une  autre  manière,  13,765 — 13,760. 

» La  vérité  est  l’oupai  ishad  du  Véda,  la  répression  des 
sens  est  l’oupanishad  de  la  vérité,  l'aumône  est  l’oupa- 
uishad  de  la  répression  des  sens  ; ces  trois  choses  sont 
continuelles  dans  une  bonne  conduite.  13,707. 

» Ceux,  qui  invectivent  contre  les  devoirs,  sont  des 
hommes  livrés  au  délire  de  leurs  pensées  : la  foule,  qui  les 
suit,  encombre  la  route  .sans  issue,  où  ils  marchent. 

» Mais  les  çishtas  bien  réprimés,  dévoués  à l'aumône  et 
aux  Védas,  entrés  dans  le  chemin  du  devoir,  s’y  adonnent 
à la  vertu  et  à la  vérité.  13,708 — 13,769. 

i>  Les  hommes  doués  d’une  bonne  conduite  .s'élèvent  à 
line  pensée  supérieure  ; et,  sans  cesse  attacbé.s  au  senti- 
meni  d’un  gourou,  ils  tiennent  leurs  yeux  fixés  surlejuste 
et  l’utile.  13,770. 

» Laisse  là  ces  athées,  qui  ont  rompu  les  bornes,  gens 


Diflll)zedj)v  Gooale 


VANA-PARVA. 


307 


cruels,  placésdans  la  pensée  du  crime  et  recherchant  la 
science;  fréquente  les  hommes  vertueux.  13,771. 

» Traverse  ce  fleuve,  qui  a pour  eau  les  cinqorganes  des 
sens,  qui  est  rempli  des  crocodiles  de  l’amour  et  de  la 
cupidité,  et,  te  construisant  un  vaisseau  fait  avec  la  ferme- 
té, franchis  les  écueils  de  la  naissance.  13,772. 

» Qu’un  grand  devoir,  amassé  successivement,  composé 
de  méditation  et  de  pensée,  revête,  comme  une  robe 
blanche,  une  bonne  conduite  daos  Ja.passipn  du  bien. 

» Ne  pas  nuire  à qui  que  ce  soit  est  une  parole  vraie, 
supérieure,  utile  à tous  les  êtres  ; ne  pas  nuire  est  le  pre- 
mier devoir;  il  repose  sur  la  vérité.  13,773 — 13,774. 

» Quand  le  monde  fut  établi  dans  la  vérité,  procéda  le 
cours  des  choses  : ce  qu'il  y a de  plus  important,  c’est 
la  vérité  ; elle  réside  dans  la  bonne  conduite  ou  le 
çùhlAuhûra.  13,775. 

» Les  bonnes  mœurs  sont  le  devoir  des  gens  de  bien, 
et  les  gens  de  bien  portent  le  caractère  des  bonnes  mœurs  : 
l’homme,  qui  est  suivant  la  nature,  mange  le  fruit  de  sa 
nature.  13,77(5. 

» Le  criminel,  qui  ne  sait  pas  se  gouverner  lui-même, 
se  vautre  dans  l’amour,  dans  la  colère  et  dans  les  autres 
péchés  : un  commencement,  qui  est  conforme  à la  droite 
raison,  porte  déjè  le  nom  de  devoir.  13,777. 

I)  Mais  les  mauvaises  mœurs  sont  nommées  le  vice.  Tel 
est  l’arrêt  du  çishta.  Ceux,  qui  évitent  la  colère  et  la  médi- 
sance, qui  sont  libres  d’orgueil,  qui  sont  affranchis  d’en- 
vie, qui  sont  doués  de  la  droiture  et  sans  pa.ssion,  sont  des 
çishtàichàras.  Les  hommes  intelligents,  purs,  riches  dans 
les  trois  Védas,  qui  ont  une  bonne  conduite,  qui  sont  do- 
c'iles  à leur  gourou,  et  qui  ont  vaincu  leurs  sens,  sont  des 


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308 


LE  MAHA-BHARATA. 


çishtâtchâras.  L’imperfection  de  ces  hommes  aux  bonnes 
œuvres,  qui  n'ont  pas  déserté  la  vérité,  dont  il  est  difficile 
d'égaler  les  actions  pures,  est  effacée  par  leurs  œuvres 
mêmes.  Les  hommes  intelligents,  pleins  de  foi,  exempts 
d’orgueil,  honorant  la  personne  des  brahnies,  vont  au 
Swarga,  s’ils  considèrent  d’un  œil  juste  ce  devoir  em- 
preint de  bonne  conduite,  merveilleux,  antique,  immortel 
et  vrai.  13,778—13,779—13,780—13,781  — 13,782. 

» Les  gens  de  bien,  doués  d'une  bonne  conduite  et  des 
Védas,  sont  les  hôtes  du  Swarga.  La  vertu  première,  or- 
donnée par  le  Véda,  la  seconde,  enseignée  par  les  Traités 
du  devoir,  et  le  çishtàichâra  des  hommes  dociles  sont  le 
triple  caractère  du  devoir.  Le  bain,  pris  dans  les  tirthasde 
la  science,  donne  de  la  satisfaction.  13,783—13,784. 

» La  patience,  la  vérité,  la  droiture  et  la  pureté  font 
voir  les  bonnes  mœurs.  Pleins  de  miséricorde  pour  tous  les 
êtres,  se  plaisant  toujoursà  ne  faire  aucun  mal,  les  hommes 
de  bien,  amis  des  brahmes,  ne  disent  jamais  une  parole 
amère.  Les  çishtas,  réputés  les  principaux,  doués  de  la 
droite  raison,  signalés  par  les  vertus,  qui  désirent  le  bien 
du  monde  entier,  connaissent  le  moment  de  la  maturité 
dans  l’accumulation  du  fruit  des  œuvres  bonnes  ou  mau- 
vaises. 13,785 — 13,78Ü — 13,787. 

» Les  hommes  de  bien,  généreux,  purs  de  péchés,  qui 
font  de  leurs  sens  un  partage  équitable,  qui  répandent  leurs 
faveurs  sur  des  infortunés,  sont  entrés  d.ins  une  bonne 
route,  où  ils  ont  fait  la  conquête  du  ciel.  13,788. 

» Les  çishtas,  estimés  les  principaux,  remplis  de  com- 
pa.s$ion  pour  tous  les  êtres,  pleins  de  pénitence  et  riches 
en  connaissance  des  Védas,  sont  vénérables  à tous. 

» Sollicitant  l’aumône,  attentifs  aux  souffrances  de  leur 


VANA-PARVA. 


S09 


lerame  et  de  leurs  serviteurs,  ils  obtiennent  les  mondes 
paisibles  et  la  félicité  ici-bas.  13,789 — 13,790. 

» Les  gens  de  bien,  réunis  avec  les  gens  de  bien,  qui 
voient,  et  la  marche  du  monde,  et  le  devoir,  et  le  bien  d'cux- 
raémes,  donnent  au-delà  de  leurs  facultés.  13,791. 

» Les  hommes  vertueux,  qui  vivent  de  cette  manière, 
s’accroissent  des  années  éternelles.  L’absence  du  niai,  une 
. parole  de  vérité,  Thumaniié,  la  droiture,  la  modération,  la 
pudeur,  la  patience,  la  placidité,  la  répression  des  sens  et 
le  manque  d’orgueil  ; voiUi  quelles  sont  leurs  vertus.  Sages, 
pleins  de  fermeté,  compâtissants  pour  tous  les  êtres,  sans 
colère  et  sans  haine,  les  gens  de  bien  sont  les  témoins  du 
monde.  Les  hommes  vertueux  ontdit  qu’il  existait  pour  les 
hommes  vertueux  trois  routes  au  séjour  suprême. 

» L’homme  de  bien  ne  nuira  jamais,  il  fera  l’aumône, 
il  dira  toujours  la  vérité,  il  sera  de  tous  les  côtés  rempli 
de  compassion,  il  connaîtra  les  infortunes. 

\ 3,792—13,793—13,794—13,795. 

» Les  magnanimes  çishtâtchâras,  de  qui  le  devoir  est 
bien  résolu,  marchent  ici  très-satisfaits  ; puis,  ils  entrent 
dans  le  monde  supérieur  des  hommes,  qui  soutiennent  le 
devoir.  13,796. 

» Lne  parole  exempte  d’injures,  la  patience,  la  placi- 
dité, le  contentement,  un  langage  affectueux,  l’absence  de 
colère  et  d’amour,  sont  la  constante  pratique  du  çish- 
tâtchâra.  13,797. 

» Les  œuvres  conformes  au  Véda  sont  la  route  suprême 
des  gens  de  bien  : les  hommes  fidèles. au  devoir  habitent 
continuellement  le  çishtàtchâra.  13,798. 

» Considérant  les  différentes  marches  du  monde,  ô le 
. plus  élevé  des  brahmes,  et  montés  sur  le  palais  de  la 


810 


LE  MAHA-BHARATA. 


science,  ils  sont  délivrés  de  grandes  alarmes.  13,790. 

» Les  péchés  ne  sont  très-souvent,  0 le  plus  grand  des 
plus  grands  brahmes,  que  l’excès  des  vertus.  Je  t’ai  narré 
tout  cela  suivant  la  science  et  comme  je  l’ai  oui  dire, 
brahme,  en  plaçant  au  premier  rang  la  qualité  du  çishtâ- 
tchira.»  13,800— -13,801. 

i>  Dharma-Vyâdha  dit  encore  à ce  brahme,  Youddhisb- 
thira  : n Le  métier,  que  je  fais,  est  sans  doute  horrible. 

» Il  est  difficile  d’échapper  à la  force  du  Destin,  qu’on 
s’est  prép.-»ré  d’avance;  et  cette  faute  du  métier  est  souvent 
celle  du  péché,  que  l’on  a commis  jadis.  13,802-13,803. 

» J’ai  renfermé  mes  efforts  dans  l’obstacle,  que  m’oppo- 
sait cette  faute  ; car  dans  un  coup,  que  le  Destin  a frappé 
d’abord,  brahme,  le  meurtrier  n’est  qu’un  instrument. 

» Nous  sommes  devenus  un  simple  instrument  dans 
cette  affaire,  ô le  plus  grand  des  brahmes  : le  devoir  sera 
donc  ici  dans  le  service,  çue  je  rends  à tous,  en  donnant  à 
manger  ces  animaux  tués,  dont  je  vends  la  chair.  Les 
herbes  annuelles  et  les  plantes  rampantes,  les  bestiaux, 
les  volatiles  et  les  quadrupèdes  servent  pour  les  hommages, 
que  l’on  rend  aux  Mânes  et  aux  Dieux,  pour  la  noun'iture 
des  hôtes  et  de  la  f.imillc  : ils  sont  devenus  aujourd’hui  les 
aliments  du  monde  : ainsi  fut  dit  p.ir  les  Vëd,as. 

1 3 , 804— 1 3, 805— 1 3 , 806—13 ,807. 

» Le  roi  Çivi,  fils  d’Ouçînara,  s'gnalé  par  sa  patience, 
est  parvenu  au  ciel  difficile.  <à  atteindre,  û le  plus  ver- 
tueux des  brahmes,  en  livrant  sa  propre  chair  pour  ali- 
ment. 13,808. 

» Deux  mille  bestiaux  furent  tuéschaque  jour,  brahme, 
avant  cette  époque,  dans  la  cuisine  du  roi  Rantidéva. 

» Tous  les  jours,  on  abattait  deux  mille  bœufs,  carRan- 


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VANA-I'ARVA. 


3i1 

tidéva  faisait  continuellement  l'aumône  de  nom  riture  avec 
cesviandei.  13,809 — 13,810. 

» I.a  gloire  de  ce  monarque  était  incomparable  : on  im- 
molait sans  interruption  des  bestiaux,  dit-on,  au  sacrifice 
du  quatrième  mois.  13,811. 

» Les  feux  aiment  la  chair,  c’est  un  mot  du  Véda  : aussi 
les  brahmes  abattaient  continuellement  des  animaux  dans 
les  sacrifices.  13,812. 

» Ornés  des  prières,  ces  hommes  se  sont  élancés  vers  le 
Swarga.  Si  les  feux  n’avaient  pas  aimé  la  chair  dans  les 
jours  antérieurs,  personne,  ôle  plus  vertueux  des  brahmes, 
ne  ferait  aujourd’hui  sa  nourriture  de  la  viande.  Sur  la  terre 
même,  la  règle  permit  aux  hermites  de  manger  la  chair. 

» L’homme,  qui  mange  toujours,  après  qu'il  a donné  ce 
qu’il  doit  aux  .Mânes  et  aux  Dieux,  ne  commet  pas  de  faute 
pour  les  choses,  qu’il  mange,  suivant  la  règle  et  selon  le 
çrâddha.  13,813—13,814—13,815. 

» De  cette  manière  il  ne  mange  pas  de  chair,  nous  disent 
les  Védas.  Le  brahmatchàri,  qui  prcndjine  épouse  dansla 
saison,  est  un  brahme.  13,816. 

» Après  avoir  délibéré  sur  ce  qui  est  vrai  et  sur  ce  qui 
est  faux,  appelons  ici  la  règle.  Sous  l'impulsion  puis.sante 
d’une  malédiction,  le  roi  Saàudâsa  mangea  des  hommes: 
que  dois-je  en  conclure  ? « 11  fit,  dira-t-on,  ce  qu’il  devait 
faire  ! » Je  n’abandonne  pas  mon  devoir,  6 le  plus  grand 
des  brahmes.  13,817 — 13,818. 

» Ce  métier  fute.xercé  avant  moi,  je  lésais  ; donc,  je  vis 
de  ce  uiéîîérnr  y a vice,  paralt-il,  quand  un  homme  dé- 
serte son  œuvre.  13,819. 

B Aimer  ses  occupations,  c'est  accomplir  le  devoir  : telle 
est  la  décision.  Le  métier  fut  disposé  avant  nous,  il  ne 
quitte  pas  un  instant  le  mortel.  13,820. 


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812 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Voici  la  règle,  qui  fut  enseignée  nombre  de  fois  parle 
créateur,  dans  le  doute  d’une  chose  à faire  : « Êtes-vous 
engagé  dans  une  alTaire  désagréable,  il  vous  faut  consul- 
ter la  science.  » 13,821. 

» Comment  ferai-je  une  bonne  action  ? Comment  évi- 
terai-je le  mépris?  Faites  plusieurs  fois  en  vous-même  l’in- 
vestigation de  cette  affaire  désagréable.  13,822. 

a Je  me  complais  sans  cesse  dans  l’aumêne,  dans  un 
langage  conforme  à la  vérité,  dans  l’obéissance  à mon 
gourou,  dans  l’hommage  rendu  aux  brahmes,  et  dans  le 
devoir.  13,823. 

» Je  m’abstiens  des  paroles  hautaines  ou  injurieuses,  6 
le  plus  grand  des  brahmes.  L’agriculture  est  une  chose 
excellente,  pense-t-on  ; mais  l’abstention  de  faire  aucun 
mal  est  dite  sut^rieure.  13,824. 

» Les  hommes,  en  labourant  avec  des  charrues,  tuent 
une  grande  multitude  d'êtres  endormis  sur  la  terre,  et 
d’autres  animaux  vivants  en  grand  nombre  : que  t'importe 
cela?  13,825. 

O Le  blé,  les  semences,  le  riz  et  toutes  ces  autres  choses, 
que  l'on  dit  vivre  sur  la  terre,  ô le  plus  grand  des  brahmes, 
que  t’importe  cela?  13,826. 

» Les  hommes,  s’étant  rendus  maîtres  des  bestiaux,  les 
tuent  et  les  mangent  : ils  coupent-  les  arbres  et  les  herbes 
annuelles.  13,827. 

» Il  y a de  nombreuses  existences,  brahme,  et  dans  es 
arbres  et  dans  les  fruits  : il  y en  a même  un  grand  nombre 
dans  l’eau  :-que  t’importe  cela?  13,828. 

» Toutes  ces  choses  ne  sont-elles  pas  occupées,  brahme, 
par  des  êtres  animés,  qui  ont  pour  aliments  d’autres  êtres 
animés  ; les  po'issons  dévorent  les  poissons  : que  t’importe 
cela?  13,829. 


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VANA-PARVA. 


SIS 


» Souvent,  6 le  plus  vertueux  des  brahmes,  les  animaux 
font  l\£uerre  aux  animaux  ; les  êtres  animés  se  mangent 
les  uns  les  autres  : que  t’importe  cela  ! 13,830. 

» Les  hommes  écrasent  sous  leurs  pieds  de  nombreux 
êtres  vivants,  qui  marchent  sur  la  terre  et  rôdent  çà  et  là: 
que  t'importe  cela,  brahme?  13,831. 

» Assis  ou  couchés,  à leur  escient  ou  sans  le  savoir,  ils 
tuent  des  êtres  vivants  plus  d’une  fois  : que  t’importe  cela? 

» Cette  atmosphère  entière  et  la  terre  sont  dévorés  par 
des  êtres  vivants;  ils  se  nuisent  mutuellement  sans  en 
avoirconnaissance  ; que  t’importe  cela?  13,832 — 13,833. 

« .Ibstenez-vous  du  mal  à autrui  ! » C’est  un  mot,  qui 
fut  dit  Jadis  en  dérision  par  les  hommes.  Qui  sont  dans  ce 
monde,  ô le  plus  vertueux  des  brahmes,  les  êtres,  qui  ne 
nuisent  pas  aux  vivants  7 13,8ttl. 

» Ayant  roulé  souvent  celte  pensée  en  eux-mêmes:  «Il 
n’est  personne,  qui  ne  fasse  du  mal  ! » les  yatis  se  plaisent  à 
n’en  pas  faire.  13,833. 

» S’ils  causent  du  mal,  ils  s'efforcentau  moins  de  l’atté- 
nuer. Les  hommes,  qui  naissent  dans  une  famille  remar- 
quable par  de  grandes  qualités,  13,830. 

» Ne  rougissent  pas,  quand  ils  ont  fait  les  actions  les 
plus  épouvantables.  L’ennemi  ne  voit  pas  d’un  œil  satis- 
fait son  ennemi,  ni  l’ami  son  ami,  progresser  par  les 
voies  légitimes.  Les  parents  ne  se  réjouissent  pas  de  la 
fortune,  que  leurs  parents  ont  acquise.  13,837 — 13,838. 

» Des  insen.sés,  orgueilleux  de  leur  vaine  science,  mé- 
prisent leurs  gourous  mêmes.  On  voit,  6 le  plus  vertueux 
des  brahmes,  beaucoup  de  choses  contraires  dans  ce 
monde.  13,839. 

U Que  t’importe  de  voir  ici  le  vice  associé  à la  vertu  ? Il 


31i 


LE  MAHA-BHARATA. 


est  possible  de  dire  beaucoup  de  choses  différentes  sur  les 
matières  du  vice  et  de  la  vertu  ; 13,840. 

U Mais  quiconque  sc  complaît  dans  scs  attributions, 
obtiendra  sûrement  une  grande  renommée.  » 13,841. 

Ÿ Mârkandéya  dit  : 

« Dharma-Vyàdlia,  le  plus  vertueux  de  tous  les  hommes 
vertueux,  adressa  de  nouveau,  Youddhishlhira,  ce  langage 
habile  au  plus  éminent  des  brahmes  : 13,842. 

O Le  devoir  a pour  autorité  l'Écriture,  c'est  le  précepte 
des  vieillards.  La  route  du  devoir  est  délicate  ; elle  se  di- 
vise en  plusieurs  branches,  elle  n’est  pas  voisine.  13.843. 

1)  Dans  le  mariage  et  pour  sauver  sa  vie,  le  faux  estf  | 
bjâmable  : que  la  vérité  soit  avec  le  faux  et  que  le  faux  . 
même  ressorte  de  la  vérité.  13,844. 

» La  vérité  est  ce  que  veut  le  bien  des  êtres  au-delà  de 
toute  mesure  : tel  est  le  précepte.  Le  devoir  est  marqué 
d'opposition  ; vois  la  ténuité  du  devoir.  13,845. 

» L'homme  obtient  nécessairement  le  fruit  de  l'oeuvre 
bonne  ou  mauvaise,  qu'il  a faite,  excellent  brahme  : il  n'y 
a là  aucun  doute.  13,84<3. 

1)  .\rrivé  dans  un  lieu  difficile,  l'ignorant  vomit  de  vio- 
lents reproches  contre  les  Dieux  : il  ne  discerne  pas  les 
malheurs,  qui  viennent  do  son  action.  13,847. 

1)  Le  sot,  le  méchant  ou  l'inconstant,  ù le  plus  vertueux 
des  brahmes,  ne  manque  jamais  d'arriver  à l'effet  con- 
traire de  ses  actes  agréables  ou  fâcheux.  13',  848. 

» 11  n’est  sauvé  ni  par  le  courage,  ni  par  la  bonne  con- 
duite, ni  par  la  science  : il  faut  qu’il  obtienne  son  désir, 
suivant  ce  qu’il  a désiré.  13,84h. 

I)  Parce  que  le  fruit  des  oeuvres  ne  dépend  pas  du  cou-y 
rage,  on  voit  des  honunes  intelligents,  habiles,  domptés,'* 


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VANA-PARVA. 


SIS 


vertueux,  qui,  abandonnés  de  leurs  œuvres,  ne  produisent 
aucun  fruit.  Un  autre,  sans  cesse  occupé  de  nuire  aux 
autres,  ne,  s'en  élève  pas  moins.  13,850 — 13,851. 

» Livré  à tromper  le  monde,  il  vil  dans  une  paix  con- 
tinuelle. La  fortune  visite  chacun  des  hommes,  qu’il  soit 
immobile  ou  même  assis.  13,852. 

» Vaquant  aux  œuvres,  il  ne  parvient  pas  aux  choses,*' 
qu’il  devrait  obtenir.  Après  qu’ils  ont  sacrifié  aux  Dieux 
et  pratiqué  la  pénitence,  des  enfants,  opprobre  de  leur 
famille,  et  qu’une  mère  a portés  dix  mois  dans  son  sein, 
naissent  à des  pères  malheureux  et  qui  ont  désiré  des  fils. 
D’autres  viennent  au  monde,  sollicités  avec  de  grands 
vœux,  pour  consumer  les  provisions,  les  grains,  les  ri- 
chesses amassées  par  leurs  pères.  Les  travaux  des  hommes 
enfantent  des  maladies  : il  n’y  a là  aucun  doute. 

» Us  sont  agités  par  les  soucis,  comme  de  viles  gazelles 
par  les  chasseurs.  Tels  que  ceux-ci  arrêtent  desantilopes, 
ils  sont  arrêtés  par  des  maladies  combattues  avec  des  mé- 
decins habiles,  experts,  et  des  simples,  qui  repoussent  la 
mort.  Quant  aux  aliments,  qu’ils  voudraient  manger, 
empêchés  par  une  maligne  dyssenterie, 

13,853—13,854—13,855—13,866—13,8,57. 

» Us  ne  peuvent  prendre  aucune  nourriture  : vois  donc, 

Ô le  plus  vertueux  des  hommes  vertueux  ! Un  grand 
nombre  d’autres,  qui  ont  la  force  des  bras,  sont  aiUigéspar  ) 
la  douleur.  13,858. 

n Le  mal  leur  interdit  les  aliments,  et  l’on  ne  crie  pas  : , 

« Ce  monde  est  assiégé  par  le  chagrin  et  la  folie  ! L’un  / 
est  renversé  plus  d’une  fois  par  le  cours  du  fleuve,  l’autre  \ 
est  emporté  par  sa  force  violente.  Les  hommes  ne  ( 
mourraient  pas,  ils  ne  vieilliraient  pas,  ils  seraient  tous  ] 


S16 


LE  MAHA-BHARATA. 


au  comble  de  tous  les  désirs,  ils  ne  subiraient  pas  des 
choses  désagréables,  s'il  était  gouverné.  » Tout  homme 
s’efforce  de  s’élever  au-dessus  du  monde. 

» Il  y tend  de  toutes  ses  forces,  mais  il  n’en  est  pas  comme 
il  veut.  Beaucoup  de  gens  naissent  sous  des  constellations 
également  propices.  13,859 — 13,800 — 13,801 — 13,802. 

(,!  » Mais  on  aperçoit  une  grande  inégalité  dans  les  œuvres, 
qui  s’y  trouvent  jointes  : tous  les  hommes  ne  sont  donc  p.as 
libres  de  saisir  eux-mêmes  ce  qu'ils  veulent,  ôle  plus  ver- 
tueux des  brahmes.  13,803. 

» On  voit  ici-bas  des  gens  vils,  que  les  œuvres  font 
prospérer  ; et  « la  vie  est  éternelle,  » comme  nous  l’avons 
appris  des  Védas.  13,80A. 

» Le  corps  n’est  pas  sûr  dans  ce  monde-ci  pour  tous  les 
1 êtres  animés,  et,  le  corps  une  fois  mort,  il  s’ensuit  la 
y perte  de  l’être  physique.  13,805. 

» Mais  l’âme,  attachée  par  le  lien  des  œuvres,  suit  une 
marche  différente.  » — « Comment  l’âme,  ô le  plus  savant 
des  hommes  versés  dans  les  œuvres,  est-elle  impérissable  ? 
interrompit  le  brahme.  Voilà  ce  que  je  désire  connaître 
dans  la  vérité,  6 le  plus  éloquent  des  êtres  doués  de  la 
parole.  » 13,800. 

)>  Dharma-Vyâda  répondit  : 

<1  L’âme  ne  meurt  pas  dans  la  séparation  du  corps,  n 11 
est  mort,  » dit-on  : c’est  un  non-sens  des  ignorants. 
L’âme  détachée  du  corps  continue  sa  marche.  Elle  est 
séparée  du  corps,  quant  aux  cinq  sens.  13,807. 

» Dans  ce  monde  des  enfants  de  Manou,  un  homme  ne 
mange  pas  l’œuvre,  qu’un  autre  a faite  : il  mange  le  fruit 
de  l’action,  dont  il  est  auteur  lui-même.  L’œuvre  ne  périt 
pas  avec  le  corps,  13,808. 


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VANA-PARVA. 


317 


» En  effet,  des  hommes  an  caractère  bien  vertueux  re- 
naiisent  vertueux  ; des  hommes  à l’esprit  bas  commettent 
des  actes  criminels.  L’homme,  revenant  ici  à la  vie,  renaît, 
occupé  aussitôt  par  la  force  de  ses  précédentes  œuvres.  » 

« Comment  natt-il  dans  une  matrice?  demanda  le 
brahme.  On  comment  les  naissances  de  l’homme  pur  ou 
impur  se  font-elles?  Comment  se  dirige-t-il,  très-vertueux 
' Yyâda,  vers  des  actions  saintes  ou  coupables  ? » 

• — 13,869—13,870. 

« Considérez  cette  chose  dans  son  union  avec  les  céré- 
monies, qui  précèdent  la  conception,  répondit  le  chasseur. 
Je  t’en  parlerai,  ô le  plus  grand  des  brahmes,  avec  con- 
cision, en  peu  de  mots.  13,871. 

i>  Quand  l’assemblage  cor;)s  est  complet,  les  hommes 
renaissent,  le  bon  dans  une  sainte  mère,  le  méchant  au 
•sein  d’une  pécheresse.  11  sera  pour  des  actions  pures,  s’il 
est  Dieu,  ou  pour  des  œuvres  mêlées  de  bien  et  de  triai, 
s’il  doit  être  un  homme.  13,872. 

» Le  pécheur,  qui  descend  ici-bas  en  de  viles  matrices, 
erre  sans  cesse  au  milieu  des  maux  stupéfiants  de  la  nais- 
sance, de  la  vieillesse  et  de  la  mort.  13,873. 

» L’homme,  victime  des  fautes,  qu’il  a commises,  par- 
court des  milliers  de  mères  brutes,  et  descend  même  au 
Naraka.  13,S7è. 

» Les  âmes  roulent,  attachées  par  le  lien  de  leurs 
œuvres,  et  l’homme  est  affligé  après  samort  pour  telle  ou 
telle  action,  qu’il  a faite.  13,875. 

» Il  lui  arrive  de  renaître  dans  une  matrice  impure  à 
cause  de  l’obstacle,  qu’il  trouve  en  ses  vices.  Ensuite,  il 
ramasse  un  grand  nombre  de  nouvelles  actions  ; 13,876. 

» 11  est  tourmenté  de  nouveau  pour  elles,  comme  un 


318 


LE  MAHA-BHAHATA. 


malade,  qui  a mangé  un  alimentinsalubre  (1).  Un  homme 
qui  n’a  jamais  connu  l'afUiclion  et  n’a  goûté  que  le  plaisir, 
est  sans  cesse  en  proie  à la  douleur.  13,877. 

U A cause  de  son  lien,  où  il  ne  cesse  pas  d’être  attaché, 
et  pour  la  rétribution  de  noiirclle.f  œuvres,  il  tournoie  dans 
le  monde  comme  un  tchakraet  subit  une  foule  de  misères. 

» S’il  est  libre  de  son  lien  et  que  ses  œuvres  l’aient  ren- 
du pur,  il  procède  alors,  ô le  plus  vertueux  des  brahmes, 
par  le  coiumencenient  de  la  contemplation  et  de  la  péni- 
tence. 13,878 — 13,870. 

» L’homme  obtient  par  des  actions  nombreuses  de 
savourer  le  fruit  des  mondes  supérieurs.  S’il  est  délivré 
de  son  lien  et  que  ses  œuvres  l’aient  rendu  pur,  il  obtient 
les  mondes  du  juste,  où,  une  fois  entré,  il  ne  connaît  plus 
l’alHiction.  Une  autre  a-t-il  une  conduite  blâmable  et 
fait-il  le  mal,  il  ne  va  pas  jusqu’à  l’extrémité  du  mal. 

Il  Que  l’homme  s’efforce  donc  toujours  do  faire  le  bien 
et  qu’il  évite  le  mal.  Celui,  qui  n’est  pas  médisant  et  qui 
garde  le  souvenir  des  bienfaits,  goûte  des  plaisirs  excel- 
lents; il  obtient  l’utile  et  le  juste  avec  le  Swarga.  'felle 
est  dans  ce  monde  et  dans  l’autre  vie,  la  conduite  du  sage, 
orné  de  rerius,  comprimé,  dompté,  à l’ânie retenue  : qu’il 
vive  avec  l’équité  des  gens  de  bien,  et  qu’il  s’acquitte  des 
sacrifices,  comme  un  çistha. 

13,880—13,881—13,882—13,883—13,884. 

» Qu’il  désire  observer  une  conduite,  qui  ne  donne 
aucun  souci  au  inonde.  Les  çishtas  connaissent  les  Çàstras; 

ils  sont  versés  dans  le  Tantra.  13,883.  .t| 

> 

(l)  Bhùuk1u:â  jtaihjam,  dit  le  texte.  11  est  éTideot  que  rapostrophe  est 
oubliée  eatre  les  deux  motsy  et  qu'il  faut  lire  : bhouklwd  'pathyam. 


VANA-PARVA. 


319 


» L'adoration  est  le  devoir  particulier  du  sage  dans  ce 
monde  des  œuvras  ; il  n’est  pas  né  d’uii  sang  mêlé,  il  se 
complaît  dans  le  devoir,  il  observe  le  devoir.  13,88(5. 

» Il  arrose  avec  les  richesses  amassées  en  suivant  ce 
devoir,  ô le  plus  vertueux  des  bralunes,  les  racines  de  la 
chose,  oit  il  voit  des  qualités,  13,887. 

» Ainsi,  il  acquiert  ràme  du  juste,  sa  pensée  est  sereine, 
et,  content  par  le  cercle  de  ses  aiuis,  il  jouit,  d.ms  ce 
monde  et  dans  l’autre  vie,  du  son,  des  qualités  tactiles, 
des  choses  agréables  pour  la  forme,  des  parfums  et  des 
ttlimcnis,  qu’il  désire.  11  obtient  l’empire,  excellent 
anachorète  : voilà  ce  qu’on  appelle  le  fruit  du  devoir. 

13,888—13,889. 

» Quand  il  a obtenu  ce  fruit  du  devoir,  il  n'est  pas 
encore  saiisliiit,  et,  ne  se  trouvant  pas  rassasié,  il  tombe 
avec  l’œil  de  la  science  dans  le  mépris  de  soi-mème. 

» L’homme,  qui  possède  l’œil  de  la  science,  ne  donne 
pas  son  approbation  à la  faute  ; il  s’eu  détourne,  s'il  vous 
plait,  et  n'abandonne  pas  le  devoir.  13,890—13,891. 

» Ayant  vu  que  ce  monde  est  la  destruction  même,  il  J 
s’elTorce  de  renoncer  à tout  ; il  tente  de  parvenir  à laf 
délivrance,  mais  non  par  des  moyens,  qui  sortent  de  \ 
moyens  secondaires.  13,892. 

» Ainsi,  il  acquiert  l'humilité,  il  abandonne  les  .actions 
criminelles,  il  devient  même  vertueux,  et  il  arrive  à 
l'airranchissement  suprême.  13,893. 

I)  Les  pénitences,  la  placidité,  la  répression  des  sens  : 
voilà  les  racines  de  la  délivrance  ; c’est  par  elles,  qu’il 
obtient  la  réalisation  de  tous  les  vœux,  qu’il  a caressés 
dans  son  âme.  13,89à. 

« Par  la  répression  des  sens,  par  la  vérité,  en  se 

/ 


320 


LE  MAHA-BHARATA. 


domp'ant  soi-mème,  il  parvient  au  prem'er  rang  du 
brahme,  ô le  plus  vertueux  des  régénérés.  » 13,803. 

Cl  Quels  sont,  demanda  le  brahme,  ces  organes,  qui 
sont  appelés  des  sens,  mortel  aux  vœux  comprimés? 
Comment  doit-on  procéder  à la  répression  des  sens?  Et 
quel  est  le  fruit  de  celle  répression  ? 13,896. 

» Comment  obtient-il  cette  récompense  des  sens  com- 
primés, ô toi,  le  plus  vertueux  des  homme.s,  qui  soutien- 
nent la  vertu  ? Je  désire  connaître  ce  devoir  dans  la 
vérité  : écoute  ma  prière.  » 13,897. 

» ces  paroles  du  brahme,  Dharma-Vyâdha  lui  répondit 
en  ces  termes  ; écoute  cela,  Youddhishthira,  souverain 
des  hommes  : 13,898. 

« Chez  les  enfans  de  Manou,  la  première  impulsion  de 
l’âme  se  porte  vers  l’envie  de  connaître.  Quand  cette 
ronuniiwiflnrcestobtenue,  6 le  plus  vertueux  des  brahmes, 
l’âme  est  affectée  de  désir  ou  d’aversion.  13,899. 

» Elle  dirige  là  ses  efforts,  elle  entreprend  un  vaste  ou- 
vrage, elle  désire  faire  l’expérimentation  des  odeurs, 
des  formes  et  de  toutes  les  choses  désirées. 

» Ensuite,  naît  l’amour  ; après  lui,  vient  la  haine  ; puis, 
le  désir  de  posséder  ; bientôt  après,  succède  le  dégoût. 

13,900—13,901. 

» Dominée  par  l’avarice,  frappée  d’amour  et  de  haine, 
sa  pensée  ne  naît  pas  d’abord  dans  le  devoir  ; elle  fait  le 
devoir  comme  en  dissimulant.  13,902. 

» L’intelligence  marche  dans  le  devoir  avec  artifice, 
elle  approuve  l’utile  avec  artifice,  elle  se  complaît  ici  en 
des  richesses,  que  fait  prospérer  l’artifice  ; de-là,  en 
vain  retenu  par  des  amis  et  des  savants,  6 le  plus  grand 
des  brahmes,  l'homme  désire  commettre  le  péché. 


V.\N\-PARVA. 


321 


» L' interrogez-vom,  11  vous  donue  une  réponse  qui 
semble  conforme  aux  Védas,  et  que  les  Védasn’ autorisent 
pas.  Le  vice,  qui  naît  des  fautes  de  l'amour,  se  monstre 
avec  trois  formes  ; 13,903 — 13,904—13,905. 

» 11  pense  le  mal,  il  dit  le  mal,  il  faitlemal.  Entré  dans 
le  vice,  toutes  les  bonnes  qualités  de  l'homme  s'éva- 
nouissent. 13,900. 

U Eng.igé  dans  le  péché,  son  amour  de  la  solitude,  sa 
^ disposition  4 l'amitié  s'en  vont.  Par-là,  il  obtient  ici 
l'infortune,  et,  dans  l'autre  monde,  il  est  malheureux. 

» 11  devient  donc  ainsi  vicieux.  Écoute-moi  te  raconter 
le*  avantiigen,  gui  airomptigneiil  l'acquisition  delà  vertu. 
L'homme,  qui,  aidé  par  le  savoir,  commence  par  consi- 
dérer ces  conséquences  des  fautes,  est  h,abile  ; qu'il  soit 
dans  l'infortune  ou  dans  la  itrospérité,  son  habitation  est 
toujours  la  vertu.  Cette  première  entrée  dans  le  devoir 
fait  briller  son  âme  au  milieu  des  devoirs.  » 

13,907—13,908—13,909. 

« Tu  dis  une  chose  vraie,  assortie  au  devoir,  interrom- 1 
pit  le  brahme,  et  telle  que  n’existe  pas  un  autre  pour  la  I 
dire.  Tu  es  à mes  yeux  un  bien  excellent  rishi,  qui  a la  | 
majesté  d’un  Dieu.  » 13,910. 

n Les  brahmes  vertueux,  continua  le  vendeur  de  chair, 
sont  toujours  des  pères,  de  qui  les  bras  atteignent  ce  qui 
est  devant  devant  eux.  Ln  homme  intelligent  doit  faire, 

(le  toute  son  âme,  ce  qui  leur  est  agréable  dans  le  monde. 

n Je  te  dirai  ce  qui  leur  est  agréable,  ôleplus  vertueux 
des  br.^bmes , quand  j’aurai  fait  mon  adoration  aux 
brahmes,  à la  science,  dont  Brahma  est  la  source.... 
Écoute-moi.  13,911 — 13,912. 

» Brahman,  qui  estl’essence  même  des  grands  éléments, 

i\  21 


(C 


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322 


Li:  MAHA-BHAIL\TA. 


a conquis  tout  cet  univers  entièrement,  de  tous  les  côtés. 
11  ne  doit  pas  y avoir  un  autre  système  que  celui-là. 

» L'air,  le  vent,  le  feu,  l’eau  et  la  terre  sont  des  élé- 
ments primaires  : le  son,  le  toucher,  la  forme,  le  goût  et 
l'odorat  sont  des  qualités.  13,913 — 13, 91  A. 

» Toutes  ces  qualités  sont  mutuellement  les  enveloppes 
lesunesdesautres;toutescesqualités,  celles-ci  avant,  celles- 
là  après,  dérivent  par  ordre  de  trois  qualités  primordiales* 

U La  sixième  est  ce  qu’on  nomme  l’attention,  la  ré- 
flexion est  dite  la  septième;  ensuite  vient  l’intelligence; 
après  celle-ci,  l’amour  de  soi-même.  13,915 — 13,916. 

» Ces  cinq  organes  des  sens  procèdent  eux-mèmes  des 
qualités  radjas,  sattwa  et  tainas  ; ce  groupe  de  dix-sept 
n’a  qu’une  connaissance  indistincte.  13,917. 

*.  i>  11  y en  a vingt-quatre,  dit-on,  avec  toutes  les  choses 
des  sens  bien  enveloppées  de  netteté  et  de  confusion  : telle 
est  la  qualité  faite  de  choses  distinctes  et  indistinctes. 

» Je  t’ai  expliqué  tout  cela  : pourquoi  désires-tu  en 
apprendre  davantage?  » 13,918 — 13,919. 

I)  A ces  mots  de  Dharma-Vyàdha,  le  brahme  fil  une 
question  nouvelle,  fds  de  Bharata,  et  l’autre  se  mit  à ra- 
conter de  nouveau,  une  narration,  qui  accrut  la  joie  de 
son  âme.  13,920. 

O 11  y a,  dit-on,  cinq  éléments  primaires,  ô le  plus  ver- 
tueux des  hommes  vertueux,  reprit  le  brahme  ; dis-moi 
les  qualités  de  chacun  des  cinq  en  particulier.  » 13,921. 

« La  terre,  l’eau,  la  lumière,  le  vent  et  l’air,  répondit  le 
vendeur  de  chair,  sont  tous  excellents  par  leurs  qualités: 
je  vais  te  dire  quelles  sont  les  qualités  de  chacun. 

» La  terre  a cinq  qualités,  brahme  ; l’eau  en  a quatre  ; 
trois  sont  les  attributs  de  la  lumière  ; l’air  et  le  vent  n’ont 


VANA-PARVA. 


323 


pour  eux  deux  que  trois  qualités.  13,922 — 13,923. 

» Le  son,  le  toucher,  la  forme,  le  goût  et  l’odorat  : voilà 
cinq  qualités.  Elles  sont  les  plus  excellentes  de  toutes,  et 
elles  appartiennent  à la  terre.  13,024. 

» Les  qualités,  que  je  te  dis  être  celles  des  eaux,  ô le 
plus  grand  des  brahmes,  .nnachorète  aux  vœux  constants, 
sont  le  toucher,  le  son,  la  forme  et  le  goût.  J 3,925. 

• M Le  son,  le  toucher  et  la  forme  : voilà  trois  qualités, 
qui  .appartiennent  à la  lumière.  Le  son  et  le  tact  se  trouvent 
dans  le  vent,  et  le  son  dans  l’air.  13,92tt. 

» Ces  quinze  qualités,  brahme,  existent  dans  les  cinq 
éléments  ; et  les  mondes  consistent  dans  tous  ces  éléments. 

» Ces  qualités  ne  se  nuisent  pas  entre  elles,  brahme, 
et  le  concert  en  résulte.  Alors  que  les  êtres  immobiles  et 
mobiles  ont  parcouru  une  existence  soumise  aux  sens,  le 
mortel  obtient  de  la  mort  un  autre  corps  : tous  les  êtres 
naissent  tour-à-tour,  et  meurent  successivement. 

13,927—13,928—13,929. 

» On  voit  çà  et  là  des  métaux,  composés  des  cinq  élé- 
ments : tout  ce  monde  des  créatures  immobiles  et  mobiles 
en  est  couvert.  13,930. 

» Tout  ce  qu’on  appelle  le  distinct  est  créé  par  les  or- 
ganes des  sens  : ce  qui  est  au-dessus  des  sens,  où  l’on  ne 
peut  atteindre  que  par  des  inductions  logiques,  sache  que 
c’est  l’indistinct.  13,931. 

» Dès  que  l’homme,  qui  porte  ces  organes  des  sens,  en 
reçoit,  comme  siennes,  les  impressions  du  son  et  des  autres 
qualités,  il  en  est  impérieusement  affecté.  13,932. 

» Il  voit  que  l’homme  lui-même  s’étend  dans  ce  monde 
même  : il  examine  alors  attentivement  les  êtres  avec  la 
connaissance  du  meilleur  et  du  pire.  13,933. 


LE  MAHA-BHARATA. 


S2A 

» L'intime  union  de  lui,  quinefait  qu’un  avec  l’être  su- 
prême, et  qui  voit  en  soi  tous  les  êties  et  toujours  dans 
toutes  les  conditions,  ne  peut  être  acquise  avec  le  péché. 

» L’énergie,  qui  a surmonté  la  jieine  de  l’esprit,  est 
l’es  ence  même  de  la  racine  de  la  science  ; la  lumière  de 
la  marche  du  monde  est  le  chemin  suivi  pour  aller  à la 
science.  13,934 — 13,935. 

» L’intelligent  Bhagavat  dit  à Vishnou,  l'être  sans  com-j 
mencement  ni  fin,  toujours  impérissable,  sans  corps,  etç^ 
qui  n’a  rien  de  semblalile  dans  le  monde  : 13,936. 

U Toutes  les  questions,  que  tu  m’as  adressées,  brahme, 
sont  les  racines  de  la  pénitence  : on  pratique  la  pénitence, 
en  comprimant  ses  organes  des  sens,  et  non  pas  autrement. 

i>  Des  sens  dépend  tout  ce  <|ui  concerne  le  SwargaetJe 
Naraka;  comprimés  ou  relâchés,  ils  conduisent  l’homme, 
soit  au  Swarga,  soit  au  Naraka.  13,937 — 13,938. 

I)  C’est  la  règle  entière  de  l’unirication,  tant  que  l’on 
est  revêtu  des  organes  des  sens  ; à cette  racine  tiennent 
entièrement  le  Naraka  et  le  salut.  13,939. 

n Les  appétits  des  sens  vous  mènent  sans  aucun  doute 
à la  faute  ; si  on  les  comprime,  on  obtient  la  béatitude. 

1)  Quiconque  pai  vient  à dominer  les  sk  organes,  qui 
se  meuvent  sans  cesse  en  lui-même,  n’est  jamais  souillé 
par  les  vices  : d’où  viendrait  à l’homme,  victorieux  des 
sens,  les  infortunes,  desquelles  on  gémit?  13,940-13,941. 

’ » Le  corps  de  l’homme  est  regardé  comme  son  char  ; il 

' en  est,  dit-on,  le  cocher  ; ses  chevaux  sont  les  organes  des  \ 
i sens.  Le  sage,  sans  négligence,  tel  que  le  maître  d’un 
' char,  va  au  bonheur  avec  ces  chevaux  bien  dressés,  ha-  ' 
biles  et  de  noble  sang.  13,942. 

U L’homme  intelligent,  qui  sait  bien  retenir  les  rênes 


VANA-PARVA. 


325 


\aux  six  organes  des  sens,  réunis  en  lui  pour  son  malheur, 
/est  un  excellent  cocher.  13,943, 

» Qu’il  use  de  sa  fermeté  pour  les  sens,  comme  pour  les 
chevaux,  lancés  sui-  les  routes,  et  il  obtiendra  certaine- 
ment la  victoire  dans  la  conduite  du  char.  13,944. 

» Mais  celui,  de  qui  l’ànie  obéit  aux  sens  dans  leur 
marche,  cette  soumission  emporte  son  âme,  de  même  qu’un 
navire  est  emporté  sur  les  eaux  par  le  vent.  13,945. 

» Quiconque  lit  avec  résolution  les  Védas,  gagne  le 
fruit  de  la  méditation  avec  les  six  organes,  dont  le  délire 
vous  trouble  dans  l’acquisition  du  fruit.  » 13,946. 

Mârkandéya  dit  : 

A Tandis  que  Dharma-Vyâdha  parlait  ainsi  de  C ârtie 
subtile,  le  brahme,  plein  d’attention,  lui  fit  de  nouvelles 
questions  sur  les  qmlités  du  subtil.  13,947. 

« Réponds  ici  exactement,  suivant  la  vérité,  à mes 
questions,  demanda  le  brahme,  sur  ce  qu’il  en  est  au  juste 
des  qualités  dé  sattvva,  de  radjas  et  de  tamas.  » 13,948. 

» Vyâdha  lui  répondit  ; 

« Eh  bien  ! je  vais  te  dire  ces  choses,  sur  lesquelles  tu 
m’interroges  ; écoute  de  ma  bouche  quelles  sont,  chacune 
à part,  ces  qualités.  13,949. 

» Le  tamas  est  l’essence  elle-même  de  l’ignorance  ou  du 
vice  ; le  radjas  donne  le  stimulant  aux  qualités  ; et  le  sat- 
twa  est  dit  ici  ce  qu’il  y "a  de  mieux,  à cause  de  l’abon- 
dance des  lumières.  13,950. 

» L’homme,  qui  appartient  à cette  qualité  tamas,  est 
insensé,  paresseux,  colère,  plongé  dans  l’ignorance, 
adonné  au  sommeil  ; il  n’a  point  de  pensée,  il  est  mal  sen  i 
parles  organes  des  sens,  il  est  enveloppé  d’obscurité. 

V Le  ministre,  qui  est  sans  envie,  et  le  chef  des  hommes 


V 


326 


LE  MAHA-BHARATA. 


a-t-il  commencé  son  discours,  s’il  y montre,  brahmarshi, 
■ de  l’envie,  de  l’orgueil,  de  l’ignorance,  il  appartient  à la 
qualité  radjas.  13,951 — 13,952. 

« Mais  l’homme  sage,  ferme,  dompté,  sans  colère,  sans 
médisance,  sans  envie,  qui  abonde  en  lumière,  est  inspiré 
de  la  qualité  sattwa.  13,953. 

U Le  savant,  qui  est  doué  de  cette  qualité,  est-il  péni- 
blement affecté  de  la  marche  du  monde  ; il  méprise,  dès 
qu’il  s’en  aperçoit,  cette  marche  du  monde,  qu’il  est  im- 
portant de  connaître.  13,964. 

» D’abord,  il  entre  dans  la  forme  première  de  l’homme 
sans  passion  ; l’amour  de  soi-même  est  doux  en  lui,  et  ce 
qui  est  sincérité  lui  sourit.  13,956. 

» Ensuite,  toutes  ses  guerres  intestines  se  calment  l’une 
l’autre,  et  il  n’existe  plus  aucun  danger  pour  lui  nulle  part, 

f»  S’il  naît  d’une  mère  çoûdrî  et  se  maintient  dans  les 
qualités  du  bien,  il  obtient  de  renaître  vaîçya  ; ensuite, 
il  gagne  la  condition  de  kshattrya.  13,956 — 13,957. 

» Y passe-t-il  sa  vie  dans  la  droiture,  il  naît  dans  la 
classe  du  brahme.  Je  t’ai  raconté  entièrement  quelles  sont 
les  qualités  : que  désires-tu  entendre  de  nouveau  ? » 

^ » Le  brahme  dit  alore  : 

« Comment  le  feu,  mêlé  à l’élément  de  la  terre,  prend- 
il  un  corps  ! Comment  Anila  ou  le  vent  remplit-il  entière- 
ment les  intervalles  ? » 13,968 — 13,959. 

» Cette  question  fut  adressée  par  le  brahme,  Youd- 
dhishthira,  reprit  Mârkandéya,  et  Vyàdha  se  mit  à ra- 
conter de  nouveau  à ce  magnanime  régénéré  : 13,960. 

« Le  feu  va  se  placer  dans  la  tête,  d’où  il  conserve  le 
' corps;  le  souille  se  meut,  agissant,  et  dans  la  tête,  et 
dans  le  feu.  13,961, 


VANA-PARVA. 


327 


» Tout  ce  qui  est,  ce  qui  fut  et  ce  qui  sera  consiste 
dans  le  souille.  Nous  honorons  celte  production  de  Brahma 
comme  le  plus  grand  des  éléments.  13,9C2. 

» Cet  être  est  l’ànie  de  tous  les  êtres,  c’est  l’esprit 
suprême,  éternel  ; c’est  la  grande  connaissance  intérieure, 
individuelle  f c’est  pour  tous  les  êtres  l’objet  présenté  aux 
sens.  13,063. 

» Ainsi  tout  ici-bas  est  conservé  par  le  souille  vital  : il 
va  dans  chacune  de  ses  voies  suivant  l'air  digestif. 

Il  11  se  retire  vers  le  feu  à l'anus,  qui  est  à la  rac'me  du  I 
ventre  : il  porte  aux  dehors  les  excréments,  l’urine,  et  I 
devient  le  crepitut.  13,064 — 13,063. 

n 11  est  seul  dans  ces  trois  choses  ; la  détermination, 
l’action  et  la  force.  Les  hommes,  qui  connaissent  l’ame 
suprême,  disent  qu'il  est  l’éructation.  13,066. 

» Le  vent  est  dans  tous  les  corps,  il  pénètre  dans 
chaque  vide  : on  l’appelle  vyâna,  l'air,  qui  circule  dans 
tout  le  corps  des  hommes,  13,067. 

» Le  feu  s’étend  dans  les  humeurs,  il  est  mis  en  actipn 
par  le  vent  ; il  parcourt,  donnant  le  mouvement  aux 
humides,  aux  principes  du  corps,  et  il  active  la  circulation. 

» L’état  languissant  des  trois  humeurs  est  produit  par 
l’état  morbide  du  souille  vital  : sache  que  le  feu  est  le  . 
calorique  ; c’est  lui,  qui  digère  ou  cuit  la  nourriture  dans  ^ 
le  corps  des  hommes.  13,968 — 13,060. 

_ a Le  souille  de  vie  et  le  crepüus  vont  de  compagnie  au 
milieu  de  l'air  digestif  et  de  l’éructation  : mêlé  avec  eux, 
le  feu  échauffe  convenablement  t estomac,  sou  récep- 
tacle. 13,970. 

a Dans  le  corps,  l'extrémité  de  l’anus  est  connue  sous 
le  nom  de  goûda  ou.  le  fondement  ; de  lui,  naissent  les 


328 


LE  M\HA-BHAR\TA. 


courants  des  humeurs  dans  tous  les  souffles  vitaux  des 
hommes.  13,071. 

« La  respiration  dissémine  partout  l’activité  du  feu  : à 
Textrémité  du  fondement,  elle  est  repoussée  et,  revenue  en 
haut,  elle  donne  un  stimulant  au  feu.  13,972. 

» Le  récipient  des  viandes  est  au-dessus  du  nombril,  le 
récipient  des  aliments  digérés  est  au-dessous  : tous  les 
souffles  vitaux  du  corps  se  maintiennent  au  milieu  de 
l’ombilic.  13,973. 

I)  Toutes  les  veines  partent  du  cœur,  en  haut,  en  bas,  de  ' 
travers,  et,  stimulées  par  les  dix  souffles  vitaux,  elles 
portent  les  breuvages  et  les  vivres  dans  toutes  les  parties 
du  corps.  13,974. 

» Telle  est  la  route  des  yogis,  par  laquelle  marchent 
avec  attention  les  sages  à l’esprit  égal,  victorieux  des 
inquiétudes  et  qui  ont  su  faire  de  leur  âme  le  chef  de  leur 
conduite.  13,975. 

» Le  souffle  de  vie  et  la  respiration  s’étendent  ainsi  dans 
tous  les  hommes.  L’âme,  qui  est  composée  d’atômes,  porte 
en  soi-même  onze  sentiments.  13,97(5. 

Il  Sache  quelle  a un  corps,  elle  apparaît  toujours  dans 
la  victoire  même  sur  les  œuvres  : le  feu  est  simultané- 
ment dans  elle  comme  le  feu  placé  dans  une  chaudière. 

I)  Sache  que  c’est  l’âme,  qui  toujours  obtient  la  victoire 
elle-même  dans  les  yogisetqui  se  maintient  dans  eux  avec 
son  caractère  divin,  comme  la  goutte  d’eau  dans  un  lac. 

13,977—13,978. 

» Sache  que  c’est  l’ârae,  qui  toujours  obtient  la  victoire 
dans  r unification  ; apprends  que  les  qualités  radjas, 
sattwa  et  tamas  sont  l’essence  même  d?  la  vie.  13,979. 

» Sache  que  la  vie  est  une  qualité  de  ràme,  et  que 


VANA-PARVA. 


SSO 


Tâme  est  ainsi  une  partie  de  l'âme  universelle.  13,980. 

1)  On  dit  que  la  qualité  de  la  vie  est  et  sans  intel- 

ligence ; elle  se  meut,  et  donne  le  mouvement  à tout  : 
aussi,  les  sages  disent-ils  que  l’âme  est  supérieure  et 
qu’elle  a créé  les  sept  mondes.  13,981.  n 

» Ainsi,  l’âme  desétre^pparait  dans  tous  les  êtres  : les  [ 
savants  la  voientavec  leur  intelligence  supérieure  et  subtile. 

» Grâce  à la  pensée,  elle  détruit  les  œuvres  bonnes  e* 
mauvaises;  celui,  qui  a su  mettre  en  soi  la  sérénité  de 
l’âme,  jouit  du  bonheur  à l’inrini.  13,982 — 13,983. 

, » Le  signe  de  cette  grâce,  c’est  quand,  rassasié,  il  dort  i 

I en  paix,  comme  une  lampe,  heureusement  allumée,  éclaire  ' 

I à l’abri  du  vent.  13,984. 

» Dans  la  seconde  moitié  de  la  nuit,  il  applique  conti- 
nuellement sa  pen.sée,  et,  sa  nourriture  obtenue,  il  se  voit 
lui-même  en  soi-même.  13,985. 

» 11  se  voit  à la  clarté  de  son  esprit  comme  à la  lueur  i 
d’une  lampe  allumée; et,  quand  il  a vu,  brahme,  que  lui-  I 
même  n’est  pas  autre  que  l’âme  universelle , il  est  alors 
délivré.  13,080. 

n II  a fait  par  tous  les  moyens  la  coercition  de  la  colère 
et  de  l'avarice,  (’.ette  pénitence  pure  est  jugée  un  pont 
\ jeté  pour  traverser  les  mondes.  13,987. 

>1  Que  l’homme  sauve  toujours  à la  faveur  de  cette 
grâce  la  pénitence  de  la  colère , le  devoir  de  l’envie , la 
science  de  l’orgueil  et  de  l’infamie.  13,988. 

» L’humanité  est  le  premier  devoir , la  patience  est  la 
plus  grande  des  forces,  la  science  de  l'ânieest  laplusémi- 
I nente  des  sciences , le  vœu  de  la  vérité  est  le  premier  des 
vœux.  13,989. 

» Un  mot  de  vérité  est  ce  qu’il  y a de  plus  excellent  : 


330 


LE  MAHA-BHARATA. 


la  science  dans  la  vérité  sera  toujours  salutaire  : cet  infini, 
le  bien  des  êtres,  on  l'estime  la  plus  grande  des  vérités. 

Il  L'iiooime  désintéressé , de  qui  tous  les  commence- 
ments ne  sont  pas  liés  par  l’espérance  et  qui  a tout  sacrifié 
dans  son  abandon , est  un  homme  intelligent. 

13,990—13,991. 

» Aussi  n’est-il  pas  nécessaire  qu’un  gourou  lui  parle 
et  lui  donne  ses  conclusions  : ce  brahme  sait  que  l’yoga, 
qui  mérite  le  nom  d’yoga , consiste  dans  la  séparation. 

. U 11  ne  fait  du  mal  à aucun  être  ; il  marche , tenant  la 
I route  de  la  bienveillance,  et,  dans  cette  ligne  de  vie,  où  il 
lest  entré,  il  n’exerce  d’hostilité  contre  qui  que  ce  soit. 

13,992—13,993. 

» La  pauvreté,  la  privation  d’espérances,  le  parfait 
contentement,  la  consistance,  tout  cela  est  d’un  ordre 
très-élevé  ; mais  la  science  de  l’âme  est  toujours  la 
plus  haute  science.  13,99i. 

Il  Qu’il  abandonne  sans  chagrin  sa  famille , et  qu’em- 
brassant un  état  immobile  dans  ce  monde  et  dans  l’autre, 
il  soit  engagé  ferme  de  pensée  dans  son  vœu.  13,995. 

» Il  faut  qu’un  solitaire  soit  continuellement  dans  la 
pénitence,  dompté,  maître  de  son  âme,  attaché  à vaincre 
ce  qui  n’est  pas  encore  vaincu,  et  insensible  au  milieu  des 
désirs.  13,999. 

n Le  détachement  du  bien  et  du  mal  est  la  seule  aifaii-e 
immédiate  du  brahme  ; il  n’a  qu’un  pas  à faire,  dit-on, 
pour  saisir  le  bonheur.  13,997. 

1)  L’homme  , qui  tout  â la  fois  abandonne  le  plaisir  et 
la  peine,  obtient  l’infini,  brahme,  et  va  dans  la  route,  où 
n’entrent  pas  les  alTections.  13,998. 

Il  Tu  as  entendu  entièrement , û le  plus  vertueux  des 


VANA-PARVA. 


3S1 


brahmes,  ma  réponse  à toutes  les  demandes,  que  tu  m’as 
adressées  : que  désires-tu  entendre  par-dessus  ces  choses  7 n 

» Quand  Dharma- V j &dha  eut  ainsi  raconté  entièrement 
le  devoir  et  la  délivrance,  continua  le  narrateur,  lebi-ahme 
au  comble  de  la  joie  lui  dit  : 13,999 — 1A,000. 

<1  Ta  sainteté  vient  de  m’exposer  toutes  ces  choses  sui- 
vant la  convenance;  certes,  on  ne  voit  rien  ici  dans  les  de- 
voirs, qui  ne  soit  connu  de  toi.  » 1A,001. 

« Vois , 6 le  plus  grand  des  brahmes , lui  répondit 
Vyâdha,  celui,  qui  est  le  devoir  à mes  yeux,  l’homme,  à 
qui  je  dois  cette  perfection.  14,002. 

Il  Lève-toi,  révérend!  Entre  vite  dans  l'intérieur  de  ma 
maison  : tu>es  digne  de  voir,  brabme  vertueux,  ma  mère 
et  mon  père  ! » 14,003. 

I)  A ces  mots , entrant  avec  lui , il  vit , éclatante  de 
splendeur,  une  maison  composée  de  quatre  pièces,  jolie, 
au  plus  haut  point  ravissante.  14,004. 

» Semblable  au  palais  des  Dieux  , les  Divinités  la  fré- 
quentaient avec  plaisir;  elle  était  encombrée  de  sièges  et 
de  couches,  elle  était  parfumée  de  senteurs  exquises. 

» Assis  sur  les  plus  dignes  des  sièges  et  vêtus  de  robes 
blanches,  le  père  et  la  mère  de  Vyâdha  étaient  là  en  grand 
honneur,  devant  des  aliments  préparés,  et  dans  la  plus  vive 
satisfaction.  14,005 — 14,006. 

Il  A leur  aspect,  Dharma-Vyâdha  se  prosterna,  la  tête 
à leurs  pieds.  « Lève-toi!  lui  disent  les  deux  vieillards; 
lève-toi  ! que  le  devoir  te  protège!  14,007. 

Il  Nous  sommes  contents  de  ta  pureté  : obtiens  une 
longue  vie , la  voie  désirée , la  science  et  le  sacrifice  de 
l’ordre  le  plus  élevé.  14,008. 

U Nous  avons  toujours  été  bien  traités  par  toi,  qui  es 


332 


LE  MAHA-BHARATA. 


un  vertueux  fils , au  temps  convenable  : il  n’existe  parmi 
les  Dieux,  mon  fils,  aucune  autre  Divinité  pour  toi. 

» Tu  es  doué  de  la  répression  des  sens,  grâce  aux  soins 
des  brahmes.  L’aïeul  de  ton  père  et  même  ses  bisaleux 
sont  contents  de  toi  : honore-nous  toujours,  mon  fils,  par 
la  répression  de  tes  sens.  Il  n’est  rien,  que  tu  négliges  en 
œuvre,  en  pensée,  en  parole,  et  môme  en  obéissance. 

14,009—44,010—14,011. 

n De  même  que  le  Djamadagnide  et  Kàma  ont  bien  ho- 
noré leurs  vieux  parents,  de  même  ne  voit-on  pas  en  toi 
maintenant  une  pensée  différente.  14,012. 

» Tu  as  fait  tout  ce  qu’ils  ont  fait  eux-mêmes  ; et  leurs 
qualités  sont  encore  supérieures  en  toi,  mon  fils,  n Ensuite 
Dharina-Vyâdha  leur  présenta  le  brahme.  14,013. 

» 11  fut  accueilli  par  eux  avec  un  souhait  de  bien- 
venue. L’bermite  rendit  aux  deux  vieillards  ses  hommages 
en  échange  des  leurs,  et  demanda  s’ils  jouissaient  de 
la  prospérité  dans  leur  maison  avec  leurs  fils,  avec  leurs 
domestiques  ; si  la  bonne  santé  était  ici  toujours  la  com- 
pagne de  leurs  deux  personnes.  14,014—14,015. 

« Le  salut  règne  ici  partout  dans  notre  maison,  bi*ahme, 
et  parmi  la  classe  de  nos  serviteurs,  lui  répondit  le  vieux 
couple.  Ta  révérence  est-elle  arrivée  sans  obstacle  en  ces 
lieux?»  14,010. 

« Oui  ! » leur  dit-il,  rempli  de  joie.  Dharma-Vyàdha, 
ayant  fixé  les  yeux  sur  le  brahme,  lui  tint  ce  langage  : 

a Mon  père  et  ma  mère  sont  mes  plus  grandes  Divi- 
nités ; ce  qu’on  doit  faire  envers  les  Dieux,  révérend,  je  le 
fais  à leur  égai’d.  14,017 — 14,018. 

» De  même  que  tous  les  trente-trois  Dieux,  Çatakratou 
à leur  tête,  méritent  les  hommages  du  monde  entier,  de 


VANA-PARVA. 


S38 


même  ces  deux  vieillards  sont  dignes  des  miens.  14,010. 

<1  Tels  que,  daus  les  sacrWices,  les  brahmes  offrent  des 
présents  aux  Uieux  ; ainsi  fais-je  sans  paresse  à l'égard  de 
cxs  bons  rieilUirds.  14,020. 

» Mon  père  et  ma  mère  sont  l’un  et  l’autre  ma  Divinité 
suprême  : je  cherche  à leur  plaire  continuellement,  brah- 
me,  avec  des  présents  de  fleurs,  de  fruits  et  de  pierreries. 

» Ces  deux  auteurs  de  mes  jours  sont  pour  moi  ce  que 
les  sages  nomment  les  feux  : les  sacrifices,  les  quatre  Vé- 
das,  brahme,  ils  sont  tout  pour  moi  1 14,021 — 14,022. 

» C'est  à cause  d’eux  que  j'ai  le  souille  de  l'existence, 
une  épouse,  un  fils,  des  amis  : je  rends  continuellement 
l'obéissance  à ces  vénérables,  accompagné  de  mon  épouse 
et  de  mon  fils.  14,023. 

Il  Je  les  baigne  moi-mème,  ô le  plus  grand  des  brah- 
mes ; je  leur  lave  les  pieds  ; ils  reçoivent  de  ma  main  la 
nourriture.  14,024. 

Il  Je  leur  adresse  une  parole  aimable , j’évite  une 
fuipression  fâcheuse  : ce  qui  est  même  de  travers,  je  le 
fais  droit  pour  eux.  14,025. 

» S.idiant  l'importance  du  devoir,  j’obéis  à sa  loi,  0 le 
plus  vertueux  des  brahmes;  et,  sans  paresse,  je  pratique 
sans  cesse  l’obéissance.  14,026. 

U 11  y a cinq  gourous  pour  l’ homme,  qui  désire  l’exis- 
tence, 6 le  saint  des  brahmes  : son  père,  sa  mère,  le  feu, 
son  âme  et  son  instituteur  spirituel.  14,027. 

» Quiconque  se  maintiendra  entièrement,  fortuné  brah- 
me, dans  ces  cinq  honorabilités,  aura  les  feux  toujours 
bien  séparés.  14,028. 

» Tel  est  l’éternel  devoir  de  l’homme,  qui  est  dans 
l’état  de  maître  de  maison.  » 14,029. 


vCi«r 


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88è 


Lü  MAHA-BHARMA. 


» Quand  il  eut  présenté  au  brahme  ces  deux  vieillards, 
son  père  et  sa  mère,  le  vertueux  Vyâdha  reprit  en  cet 
termes  la  parole  adressée  à son  hôte  : 14,030. 

O Tu  me  regardes  comme  une  personne,  de  qui  la  vue 
est  assurée  ; et  j’admire  la  force  de  ta  dévotion  en  ce  que 
tu  donna.s  confiance  à une  épouse,  qui  est  dévouée  à l'o- 
béissance conjugale,  domptée,  adonnée  à la  vérité,  quand 
elle  te  dit  : « Vas  à Mithilâ  ! Vyâdha  doit  habiter  là,  il 
t’exposera  les  devoirs.  » 14,081 — 14,032. 

« Je  me  rappelle  la  parole  de  cette  femme  chaste,  vé- 
ridique, opulente  de  bonnes  mœurs,  lui  répondit  le 
brahme,  et  j’estime,  homme  juste,  ferme  en  tes  vœux,  que 
tu  es  rempli  de  vertus.  » 14,033. 

« Cette  dame  chaste  a vu  entièrement,  reprit  Vyâdha, 
il  n’y  a nul  doute,  éminent,  ôle  plus  vertueux  des  brahmes, 
ce  qu’elle  t’a  dit  sur  moi.  14,034. 

» Inspiré  d'une  pensée  bienveillante  pour  toi,  je  vais  te 
montrer  ce  que  tu  fus  jadis,  brahme  : écoute  ma  parole, 
mon  fils  ; je  te  dirai  ce  qui  est  .salutaire  pour  toi.  14,035. 

» Tu  as  trompé,  éminent  brahme,  ton  père  et  ta  mère  : 
ils  ne  t’ont  pas  renvoyé,  mais  tu  es  sorti  de  leur  maison, 
non  blâmé  par  eux.  14,036. 

» Tu  as  fait  cette  action  inconvenante  pour  arriver  à la 
prononciation  des  Védas,  et  ces  deux  sages  vieillards  sont 
devenus  aveugles  du  chagrin,  que  tu  leur  as  causé. 

» Va  regagner  leur  bienveillance  : ne  néglige  pas  ce 
devoir:  tu  es  un  magnanime  ascète,  de  qui  le  devoir  fit 
toujours  le  plaisir.  14,037 — 14,038. 

>)  Toute  cette  science,  que  tu  veux  acquérir,  est  sans 
profit  pour  toi.  Hâte-toi  de  te  les  rendre  favorables:  crois- 
er;; moi,  brahme,  ne  veuille  pas  agir  d’une  autre  manière. 


lir,ili7Çd‘5yX^OOgle 


VANA-PARVA. 


3S5 


» Va-t-en  maintenant,  brahmarshi,  je  t’ai  dit  sur  quoi  le 
salut  repose  !»  — « Tout  ce  qui  fut  dit  par  ta  sagesse,  reprit 
le  brahme,  est  sans  doute  la  vérité.  li,0S9 — 14 ,0i0. 

» Je  suis  enchanté  de  toi.  Que  le  bonheur  descende  sur 
ta  sagesse,  homme,  que  les  qualités,  les  bonnes  mœurs 
et  le  devoir  accomp.ignent  !»  — « Tu  es  semblable  à un 
Dieu,  repartit  Vyâdha,  toi,  qui  es  dévoué  au  devoir  antique, 
étemel,  céleste,  inaccessible  aux  insensés.  Rends-toi,  sans 
tarder,  0 le  plus  vertueux  des  brahines,  en  présence  de 
ton  père  et  de  ta  mère  ; acquitte-toi  promptement  des 
hommages,  qui  leur  sont  dus.  Cela  excepté,  je  ne  vois 
d'aucun  cété  nul  autre  devoir  à remplir.  » 

H C'est  le  bonheur,  qui  m’a  conduit  ici,  ré|K>ndit  le 
brahme  ; c’est  lui-méme,  qui  fut  l’auteur  de  ma  réunion 
avec  toi.  Des  hommes  tels,  qui  exposent  le  devoir,  sont 
difficiles  à obtenir  dans  le  monde. 

14,041—14,042—14,043—14,044. 

» Il  n'existe  pas,  dans  un  millier  d’individus,  un  senl 
homme,  qui  soit  ai/m  versé  dans  le  devoir.  Je  suis  en- 
chanté de  toi,  en  vérité  : sur  toi  descende  la  félicité,  0 le 
plus  grand  des  hommes!  14,045. 

» J’étais  aujourd’hui  tombé  dans  le  Naraka,  ta  sagesse 
m’en  a retiré  ; il  en  devait  être  ainsi,  homme  sans  péché, 
puisque  tu  as  été  vu  par  moi.  14,040. 

» De  même  que,  tombé,  le  roi  Yayâti  fut  sauvé  par  les 
vertueux  fils  de  sa  fille,  ainsi  moi,  un  brahme  ! 0 le  plus 
excellent  des  hommes,  je  fus  sauvé  p.ir  ta  sagesse. 

» Je  rendrai,  suivant  ta  parole,  l'obéissance  à mon  père 
et  à ma  mère.  Un  méchant  n’enseigne  pas  à connaître  la 
distance,  qui  sépare  le  vice  et  la  vertu.  14,047-14,048. 

» Le  devoir  immortel  et  difficile  à connaître,  on  le  trouve 


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386 


LE  MAHA-BHAftATA. 


Imême  dans  une  matrice  de  çoûdra.  Je  pense  que  tu  n'es 
pas  un  çoûdra  ; mais  il  doit  exister  une  cause,  qui  t’a  fait 
en)brasser  cette  condition  de  çoûdra,  où  tu  es  par  la  na- 
ture de  tes  fonctions.  Je  désire  la  connaître,  homme  à la 
(^ande  sagesse,  selon  ce  qui  en  est  naturellement. 

» Raconte-moi  tout,  d'une  âme  soumise,  suivant  mon 
désir  et  selon  la  vérité.  « — « Je  ne  dois  pas  manquer  â 
la  profession  du  brahme,  ô le  plus  vertueax  de  cet  ordre, 
lui  dit  Vyàdha.  lâ,0âd — 14,050 — 14,051. 

* Écoute  ce  qui  m’est  arrivé  dans  le  corps,  dont  j’étais 
précédemment  revêtu.  Jadis,  je  fus  un  brahme  et  fils  du 
plus  grand  des  brahmes.  14,052. 

» J’étais  appliqué  à l’étude  des  Védas,  fort  instruit,  par- 
venu à la  rive  ultérieure  des  Védàngas;  et  c’est  par  me.s 
propres  fautes,  brahme,  que  je  suis  tombé  dans  cette  con- 
dition. 14,053. 

» Un  certain  roi,  livré  à l’exercice  de  l’arc,  était  mon 
ami,  et  j’étais,  brahme,  le  plus  adroit  à manier  l’arc  de 
toute  sa  cour.  14,054. 

a Dans  ce  temps,  le  monarque  sortit  pour  la  chasse, 
accompagné  des  princijtaux  de  ses  guerriers  et  environné 
de  ses  ministres.  14,055. 

» Là,  après  que  j’eus  abattu  un  nombre  considérable  de 
gazelles  non  loin  d'un  hermitage,  je  décochai,  û le  plus 
vertueux  des  brahmes,  une  flèche  malheureuse.  14,056. 

» Ce  trait  aux  nœuds  droits  blessa  un  rishi,  qui,  tombé 
sur  la  terre,  parla  et  fit  retentir  les  échos  de  ses  cris. 

Il  Je  n'ai  commis  d’offense  à l’égard  de  personne, 
i’icriail-il:  par  qui  cette  mauvaise  action  a-t-elle  été 
faite?  » Moi,  seigneur,  pensant  que  f twuig  frappé  une 
gazelle,  j’accourus  sur  le  lieu  à la  bâte.  14,057 — 14,058. 


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VANA-PARVA. 


5S7 


« Je  vis  un  rishi,  que  ce  dard  aux  nœuds  droits  avait 
blessé  : mon  cœur  fut  vivement  ému  de  cette  action,  que 
je  n’aurais  pas  dû  faire.  IA,059. 

U Je  dis  à ce  brahme  aux  terribles  pénitences,  qui  gé- 
missait, étendu  sur  le  sol  de  la  terre  : « J'ai  lancé  ma 
flèche,  sans  savoir  que  tu  était  là.  1A,060. 

» Veuille  me  pardonner  tout  1 » C’est  ainsi  que  je  parlai 
au  solitaire  ; et  le  rishi,  plein  de  colère,  me  répondit  en 
ces  termes  : 1A,061. 

«Tu  seras  up  cruel  vyâdha,  c’est-à-dire,  un  chasseur, 
et  tu  prendras  naissance  dans  le  sein  d’une  çoûdrt!  » c’est 
ainsi,  brahme,  qu’il  me  parla. 

» Ainsi  maudit  par  l’anachorète,  0 le  plus  grand  des 
plus  excellents  brahmes,  je  le  suppliai  eu  ces  mots  ; 
« Sauve-moi  ! — 14,063. 

1)  J’ai  fait  aujourd’hui  cette  action  par  ignorance  ; veuille 
me  la  pardonner  toute  entière,  sois-moi  favorable,  révé- 
rend. » 14,064. 

O La  malédiction  ne  sera  pas  d’une  autre  manière; 
il  en  sera  sans  doute  ainsi,  reprit  le  rishi  ; mais,  par  hu- 
manité, je  fais  maintenant  un  peu  de  bienveillance  à ton 
égard. 

» Renaissant  dans  une  matrice  de  çoûdra,  tu  connaîtras 
le  devoir;  tu  rendras  l’obéissance  due  à tou  père  et  à ta 
mère.  14,065 — 14,066. 

» Tu  obtiendras  par  cette  obéis.sance  la  grandeur  et  la 
perfection  ; lu  garderas  le  souvenir  de  ta  précédente  nais- 
sance et  tu  monteras  au  ciel,  i 4,067. 

U Au  terme  révolu  de  cette  malédiction,  tu  seras  de 
nouveau  un  brahme.  » Cest  ainsi  que  jadis  je  fus  mau- 
dit par  ce  brahme  à la  splendeur  flamboyante.  14,068. 

22 


IV 


338 


LE  MAflA-BHAKAÏA. 


1)  Il  m'accorda  sa  bienveillance,  (t  le  meilleur  des 
hommes,  et  je  retirai  la  flèche  de  sa  blessure.  14,069. 

» Je  le  portai  à son  herniitaf;e,  et  il  ne  fut  pas  séparé 
du  souffle  de  l'existence.  Je  t'ai  raconté  entièrement  ce 
que  j'ai  été  dans  une  vie  antérieure.  14,070. 

Il  11  faut  que  j'aille  bientôt  dans  le  ciel,  ô le  plus  grand 
des  brahmes.  » — n Les  hommes,  répondit  celui-ci,  ob- 
tiennent ainsi  le  bien  et  le  mal  dans  la  vie  : tu  ne  dois  pas  en 
prendre  de  chagrin,  homme  <4  la  grande  intelligence.  Tu 
remplis  des  fonctions  certainement  pénibles,  parce  que  tu 
connais  le  mystère  de  ta  naissance,  ô toi,  qui  es  sans  cesse 
livré  au  devoir  et  qui  sais  la  vraie  nature  des  choses  du 
monde.  La  faute  attachée  à ces  actions,  homme  instruit, 
est  celle  de  ta  naissance. 

» Après  un  certain  espace  révoln  de  temps,  tu  seras  un 
brahme,  di.s-tu  ; mais  je  t'estime  dès  ce  moment  un 
brahme  : il  n'y  a là  aucun  doute. 

14,071—14,072—14,073—14.074. 

» Un  brahme  savant,  s'il  est  un  hypocrite,  un  artisan 
de  mauvaises  œuvres,  un  homme  placé  hors  de  ses  fonc- 
tions en  des  œuvres,  où  il  y a matière  à pécher,  sera  l'égal 
d'un  çoùdra.  14,075. 

I)  Mais  le  çoùdra,  qui  est  continuellement  appliqué  au 
devoir,  .4  la  vérité,  à la  répression  des  sens,  je  le  regarde 
comme  un  brahme;  il  est  brahme  par  sa  manière  de  vivre. 

» Il  obtient  sur  la  terre,  par  la  faute  de  ses  œuvres,  un 
chemin  inégal,  effrayant  : je  pense,  moi  1 que  sa  faute  se 
trouve  effacée  et  qu'il  ressemble  à toi,  ô le  plus  grand  des 
hommes.  14,07(5 — 14,077. 

» iNe  veuille  pas  en  concevoir  de  chagrin.  Les  hommes, 
tels  que  tu  es,  adonnés  sans  cesse  au  devoir,  et  qui  savent 


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VANA-PARVA. 


SS» 


ubéir  h la  marche  du  monde,  ne  connaissent  pas  les 
troubles  de  l'âme.  » 1A,078. 

« Que  l'homme  guérisse  les  peines  de  l'âme  par  la 
science,  reprit  Vyàdha,  et  les  maux  du  corps  par  les 
simples  : c'est  là  en  effet  la  pouvoir  de  la  science.  Qu'on 
n’aille  point  à l'égalité  d'humeur  avec  des  amusements 
frivoles.  14,079. 

» Les  hommes  d'une  iutelligence  étroite  sont  enchaînés 
aux  peines  de  l'esprit,  par  l'éloignement  de  ce  qu'ils 
aiment  et  la  présence  de  ce  qu'ils  n'aiment  pas.  14,080. 

» Toutes  les  aéatures  sont  unies  aux  qualités,  ou  elles 
en  sont  séparées,  et  ce  n'est  pas  une  occasion  de  chagrin 
pour  un  seul.  14,081 — 14,082. 

» A la  vue  d'une  pereonne  bien  douée,  77îffi.»  non  enviée, 
on  se  détourne  promptement  de  la  vertu.  On  la  venge  du 
dédûin,  si  l’on  examine  les  choses  dès  le  commencement. 

» Ri  n ne  sert  à l'homme  de  se  plaindre;  il  est  tour- 
menté : voilà  tout  ! Les  sages,  qui  renoncent  tout  ensemble 
au  plaisir  et  à la  douleur,  croissent  en  félicité.  Les  igno- 
rants n'ont  pas  le  contentement  de  l'âme  pour  leur  prin- 
cipal objet  ; les  vrais  savants  parviennent  seuls  à posséder 
une  âme  satisfaite.  14,083 — 14,084. 

» Il  n’est  pas  de  fin  au  déplaisir  ; le  saint  contentement 
est  le  plaisir  suprême.  Ceux,  qui  ont  fait  leur  chemin,  ne 
s’ affligent  pas,  car  ils  voient  derant  eux  la  route  absolue. 

» Il  ne  faut  pas  jeter  fâme  dans  la  consternation,  qui 
est  le  plus  grand  des  poisons  : elle  tue  ceux,  de  qui  la 
science  est  imparfaite,  comme  le  serpent  en  colère  tue  un 
enfant.  14,08.â — 14,086. 

» II  n’existe  pas  de  bien  poud’homme  dépourvu  d’éner- 
gie, que  la  crainte  surmonte  à son  premier  pas  fait. 


340 


LE  MAHA-BHARATA. 


\ 


» On  ne  voit  pas  le  fruit  d’une  œuvre  faite  par  con- 
trainte. <}uiconque  descend  au  mépris  de  soi-môme,  ne  par- 
vient pas  à faire  quelque  chose*  de  beau.  14,087 — 14,088. 

» Que  l'homme  jette  mèuie  les  yeux  sur  un  moyen  pour 
l’affranchissement  de  la  douleur  ; qu’il  se  mette  à l’œuvre 
sans  gémir,  et  que  délivré,  il  soit  heui'eux.  14,089. 

» Ceux,  qui  ont  acquis  la  science  et  qui  sont  parvenus 
au  plus  haut  point  de  l’intelligence,  ne  tombent  pas  dans 
l’affliction,  une  fois  qu’ils  ont  pensé  à la  non-existence  des 
■ • êtres,  car  ils  voient  devant  eux  la  voie  suprême.  14,090. 

» Placé  ici-bas,  où  j’attends  le  moment,  je  ne  m’afflige 
point,  et,  appuyé  sur  ces  exemples,  je  ne  me  laisse  pas 
toniber  dans  le  découragement,  brahme  savant  et  ver- 
tueux. » 14,091. 

« Tu  as  acquis  la  science,  répondit  le  brahme,  tu  es 
doué  d’intelligence,  et  ta  pensée  est  vaste  ; je  ne  déplore 
pas  le  sort  de  ta  sagesse  ; tu  connais  le  devoir,  et  tu  es 
rassasié  de  science.  14,092. 

» Je  te  fais  mes  adieux  : salut  à toi  1 Que  le  devoir  te 
protège  I II  faut  mettre  ses  soins  dans  le  devoir,  ô la  plus 
forte  des  colonnes,  qui  soutiennent  le  devoir  ! » 14,093. 

« Bien  1 « reprit  Vyàdha,  ses  mains  réunies  au  front  ; 
et,  quand  il  eut  décrit  autour  de  lui  un  pradakshina,  le 
saint  brahme  se  mit  sur  sa  route.  14,094. 

» Arrivé  chez  lui,  le  brahme,  bien  instruit  sur  les 
devoirs,  sut  rendre,  .suivant  la  convenance,  à sou  vieux 
père  et  k sa  vieille  mère,  l’obéissance  à tous  les  degrés. 

» C’est  ainsi  que  j’ai  répondu  entièrement,  Youddhish- 
thira,  mon  lils,  à toutes  les  questions,  que  tu  m’as  adressées 
sur  le  devoij',  ô le  plus  vertueux  des  hommes  vertueux. 


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VANA-PARVA. 


m 


» Dbarma-VyAdha  t'a  raconté,  pieux  roi,  la  magnani- 
mité de  l'épouse  chaste,  la  grande  âme  du  brahoie  et 
l'obéissance,  que  l’on  doit  à son  père  et  à sa  mère.  » 

O Tu  m'as  narré,  6 le  plus  verlueux  des  anachorètes  et 
le  plus  instruit  des  hommes,  qui  savent  tous  les  devoirs, 
répondit  Youddhishlhira,  celte  légende  sublime  des  ver- 
tus, qui  est  plus  que  merveilleuse.  14,01)7 — 14,098. 

» s'est  écoulé  pour  moi,  comme  uu  instant, 

par  le  plaisir  de  t'entendre  ; et  l’audition  de  cette  magni- 
fique légende  ne  m’a,  certes  ! point  rassasié  encore.  » -*• 

Alors  qu’il  eut  ouï  cette  brillante  narration,  assortie  au 
devoir,  Dharmarddja  interrogea  de  nouveau  le  rishi  Màr- 
kandéya  en  ces  termes  : 14,090 — 14,100. 

« Cximment  le  feu  est-il  allé  au  bois  ? Comment  jadis 
Augiras  fut-il  honoré?  Comment  dans  la  chiite  du  feu, 
ce  radieux,  devenu  Agni,  a-t-il  porté  l'olTrande  aux  Dieux? 

» Si  Agni  est  un  de  ta  nature,  on  voit  qu’il  e.st  multiple 
par  les  elTets.  Je  désire,  adorable,  être  éclairé  sur  tout 
cela.  14,101—14,102.  . 

» Comment  Kârtikéya  est-il  né  ? Comment  fut-il  le  fils 
d'Agni  ? Comment  est-il  né  de  Çivaetdela  Déesse Gangâ? 
Comment  fut-il  nourri  par  les  Pléiades?  14,103. 

U Rempli  de  curiosité,  je  désire  connaître  cela  suivant 
la  nature  et  selon  la  vérité,  anachorète  à la  grande  lu- 
mière, le  plus  vertueux  des  enfants  de  Bhrigou.  » 14,104. 

O On  raconte  ici  même,  dit  .Vlàrkandéya,  cet  antique 
itihâsa,  qu'Agui  courroucé  s’en  était  allé  dans  le  bois  pour 
s’y  livrer  à la  pénitence  ; 14,105.  , 

n Que  le  révérend  Angiras  avait  pris  la  place  du  feu 
même,  qu’il  échauffait  par  sa  lumière  et  qu’il  chassait 
l’obscurité.  14,100. 


LE  MAHA-BHARATA. 


S«2 

I)  Avant  lui,  Angiras  avait  embrassé,  guerrier  aux  longs 
bras,  une  pénitence  supérieure,  et,  retiré  dans  un  hermi- 
tage,  le  solitaire  d’une  haute  vertu  surpassait  le  feu  même. 

» Devenu  tel,  il  illuminait  alors  le  monde  entier  ; et 
Agni,  le  foyer  de  la  chaleur,  était  échauffé  par  sa  lumière. 

14,107—14,108. 

» Le  radieux  en  fut  beaucoup  attristé  ; il  ne  produisait 
plus  rien  : l’adorable  Agni  se  mit  donc  à penser  : 14,109, 

« Brahma  a fait  ici  un  autre  feu  pour  les  mondes  : j’ai 
perdu  ma  puis-sance  d’échauffer  ; j’ai  besoin  de  l’être  moi- 
même,  et  je  n’ai  plus  de  chaleur.  14,110. 

» Comment  pourrais-je  donc  redevenir  le  feu?  » Tandis 
qu’il  songeait  ainsi,  il  vit  le  grand  anachorète,  qui  échauffait 
les  mondes  par  la  force  du  feu.  14,111. 

I)  Angiras  alors  s’approcha  de  lui,  et  dit  lentement  ces 
mots  avec  crainte  : « Sois  promptement  ce  que  tu  étais,  et 
redeviens  Agni,  qui  entretient  la  vie  des  mondes.  14,112. 

» Tu  es  connu  des  trois  mondes,  qui  marchent  dans  les 
lieux  assignés  à leurs  évolutions  •,  tu  es  .Vgni,  qui  dissipe 
l’obscurité,  et  tu  es  la  première  création  de  Brahma. 

» Reprendsdonc  promptement  ta  place,  ê toi,  qui  chasses 
les  ténèbres.  » — « Ma  gloire  est  perdue,  répondit  Agni  ; 
c’est  ta  sainteté,  qui  est  maintenant  le  feu  des  holocaustes. 

14,113—14,114. 

» C’est  toi  maintenant,  et  non  pas  moi,  que  les  créa- 
tures désormais  reconnaîtront  pour  le  feu.  Je  déposerai 
en  toi  ma  puissance  de  brûler  : sois  le  premier  Agni. 

Il  Je  serai  1|  second  et  un  Prâdjàpatya.  » — « Té- 
moigne une  bonté  céleste  pour  les  créatures,  et  sois  encore 
Agni,  qui  dissipe  l’obscurité,  repartit  Angiras. 

14,115—14,116. 


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VANA-PARVA. 


313 

» Fais  bien  vite  de  moi,  Dieu  Agni,  ton  fils,  le  premier- 
né.  » A peine  eut-il  entendu  sa  parole,  le  feu  aussitôt 
exécuta  s:i  dE'm.inde.  lâ,l  17. 

» Yrihaspali,  sire,  fut  ensuite  le  fils  de  cet  Angiras. 
Quand  les  Dieux  surent  c|u’ Angiras  était  le  fils  ainé  du 
feu,  ils  vinrent  et  l'interrogèrent  sur  la  cause  ; et  lui,  à 
cette  question,  Bbaratide,  de  raconter  aux  Dieux  ce  qui 
précède.  14,118— 14,11  ü. 

a Les  habit-..nts  du  ciel  reçurent  donc  cette  réptonse 
d' Angiras.  Je  te  dirai  qu'il  y a des  feux  brillants,  très- 
divers  d'emploi,  variés,  invoqués  ici-bas  chez  les  brahmes, 
en  de  nombreuses  cérémonies.  14,1'20 — 14,121. 

» Brahmana  fut  son  troisième  fils,  propagateur  de  la 
race  des  Kourouides  ; celui-ci  eut  une  belle  épouse  : 
apprends  de  moi  à quels  enfants  il  donna  l'èlre  dans  son 
sein.  14,122. 

» Ce  fut,  sire,  à Vrihatklrti,  4 Vribadjdjyoti,  à Vrihad- 
brabman,  à Vrihanmanas,  àYrihanmantra,à  Vrihadbhasa 
et  à Vribaspati.  14,123. 

» La  Déesse  Bbânoumatl,  la  première  fille  d' Angiras, 
fut  sans  égale  en  beauté  au  milieu  de  tous  ces  enfants. 

» Râgâdràgà,  que  l'on  dit  la  seconde  fille  d' Angiras, 
était  alors  comme  l'amour  de  toutes  les  créatures,  mis  en 
elle.  14,124-14,125. 

)j  Visible  et  invisible  par  son  corps  à l’ètre  incorporé, 
Sintbali,  qui  fut  dite  la  fille  de  Kapardi,  était  la  troisième 
fille  d' Angiras.  14,126. 

» Paçyatl,  Archisbmatl,  Bhàbhi,  Havirbbl,  Havisbmati 
et  la  sainte  .Uahishmati,  qui  fut,  dit-on,  la  sixième  de  ces 
filles  d' Angiras. 

a L'Augiraside,  nommée  Mahâmati,  brahmeàlagraude 


m 


LE  M.VHA-BHARATA. 


intelligeDce,  est  citée  comme  la  septième  de  ses  filles,  au 
milieu  des  grands  sacrifices  flamboyants.  Ii,127-1A,128. 

U Kouhoû,  qu'on  appelle  aussi  Tkânansà,  est  dite  une 
autre  fille  d’Angiras.  Quiconque  l’a  vue,  admire  cette  ado- 
rable comme  une  nouvelle  lune.  14,129. 

U Tcbàndramast  fut  l'épouse  de  Vrihaspati  : cette  dame 
illustre  enfanta  les  feux  purs  et  une  fille,  qui  eut  nom 
Shadékâ.  14,130. 

» L’Agni,  par  lequel  est  déposé  le  beurre  clarifié  dans 
les  invocations  du  feu,  est  un  fils  aux  grands  vœux  de 
Vrihaspati,  appelé  Çanyou.  14,131. 

» Ce  vigoureux  Agni,  enflammé  par  des  splendeurs  telles 
que  plusieurs  flammes,  est  celui  même,  qui  offre  le  bétail 
premier-né  dans  l’açva-médha,  dans  le  sacrifice,  et  dans 
ceux,  qu’on  célèbre  tous  les  quatre  mois.  14,132. 

Il  Troisfemmes sanségales  : Satyâ,  Asatyâet  Dhannajnà, 
furent  données  à Çanyou  ; Agni  fut  son  fils  resplendissant 
et  il  eut  trois  filles  dévouées  à leurs  vœux.  14,133. 

» Agni,  qui  est  honoré  dans  le  sacrifice  par  la  première 
portion  de  beurre  clarifié,  est  le^randAgni.  Bbaradwâdja 
est,  dit-on,  son  premier-né.  14,134. 

» Cet  Agni,  qui  est  nommé  Bharata,  est  le  deuxième  fils 
de  Çanyou  : c'est  en  son  honneur  que,  dans  tous  les  sa- 
crifices de  la  pleine  lune,  l’oblation  et  le  beurre  clarifié 
sont  levés  par  la  sainte  cuiller.  14,136. 

» Il  a trois  autres  filles,  desquelles  Bharata  est  l’époux  ; 
mais  Bharata,  son  fils,  n’eut  qu’une  fille  nommée  Bbaratl. 

U Bharata  est  le  fils  du  feu  Bharata,  et  Pàvaka  du  l’ra- 
djap&ti  : sa  forme  est  grande,  considérable,  honorée,  ô le 
plus  vertueux  des  Bharatides.  14,136 — 14,137. 

1)  Pindadà  est  l’héroïque  épouse  du  héros  Bharàdwàdja: 


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VANA-PARVA. 


Hb 


les  brabmes  célëbrentlentementson  sacrifice  avec  le  beurre 
clarifié,  comme  celui  de  Lunus.  lë,138. 

» Celui,  qui  est  associé  avec  Lunus,  au  partage  de  la 
seconde  offrande,  est  nommé  Roumbharétas,  qui  remplit 
les  routes  carrossables  par  la  multitude  de  ses  chars. 

» Afin  de  produire  l’accomplissement  automnal,  Bha- 
bhris  a caché  le  soleil  de  feu,  sans  cesser  un  instant  de 
l’honorer  : il  est  toujours  enfanté  dans  l’invocation. 

» Mais  celui,  qui  ne  tombe  point  à chaque  moment  de 
sa  renommée,  de  sa  splendeur,  de  sa  beauté,  le  Feu, 
nommé  Niçtchyavana,  loue  seulement  la  terre.  1A,1A1. 

» Le  pécheur  est  par  lui  délivré  de  ses’  souillures 
et,  devenu  pur,  il  éblouit  de  splendeur.  Le  Feu  Vipâpa, 
son  fils,  est  véridique;  il  veille  au  devoir  des  enga- 
gements. 1A,1A2. 

» Le  Feu,  nommé  Niçkriti,  qui  accorde  le  pardon  aux 
êtres,  qui  gémissent  dans  le  malheur,  donne  des  honneurs 
en  échange  du  culte,  qu’on  lui  rend.  1A,1A3. 

» Le  Feu,  appelé  Swana,  grâce  à qui,  tourmentés 
par  la  douleur,  sanglottent  les  hommes,  est  son  fils  et 
cause  les  maladies.  1A,1AA. 

» Les  sages  disent  que  le  Feu,  nommé  Viçvadjit,  se 
tient,  infestant  la  pensée  du  monde  entier.  1A,1AÔ. 

» Le  Feu  dit  Intérieur,  est  celui,  qui  fait  digérer  les  ali- 
ments dans  le  corps  des  êtres  animés  : il  est  connu  sous  le 
nom  de  Viçvabhoudj  dans  tous  les  mondes.  1A,1A6. 

» Le  bramatchâri  à l’âme  domptée,  toujours  lié  par  de 
grands  vœux,  et  les  brahmes  honorent  ce  feu  dans  les 
sacrifices  appelés  Pàkas.  1A,1A7. 

» 11  est  une  rivière  purificatrice,  nommée  la  Gomatt, 


LE  MAHA-BHARATA. 


Sifl 

qni  fut  son  épouse.  C’est  en  lui  que  les  brabmes  vertueux 
accomplissent  toutes  leurs  cérémonies.  li,lA8. 

n Le  feu  Mui-marin  Vadava  inspire  la  plus  grande 
épouvante  ; il  absorbe  les  eaux.  Ce  Dieu,  qui  babite  dans 
les  souffles  de  la  respiration,  est  appelé  Oùrddhabhâg- 
Oûrddhabhâg. 

>1  C’est  en  son  honneur  qu’on  donne  toujours  le  beurre 
clarifié  à la  porte  septentrionale  de  la  maison.  Qu’ ensuite 
le  sacrifice  soit  parfaitement  célébré  ; celui,  qui  offre  bien 
le  beurre  clarifié,  est  dit  le  premier  des  sacrificateurs. 

» Le  ressentiment  est  un  feu  dans  les  êtres  paisibles  : 
il  naquit  bientôt  une  fille  orgueilleuse  à ce  Dieu  cour- 
roucé. 14,149—14,160—14,151. 

» Elle  se  nomme  Swàhâ  ; elle  est  épouvantable,  cruelle 
en  tous  les  êtres.  Personne  n’existe  dans  le  Tridéva,  égal 
en  beauté  au  Feu,  dont  je  vais  parler.  Les  Dieux  lui  ont 
donné  le  nom  de  Kâma  ou  l'Amour,  parce  qu’il  n’a  rien 
qui  lui  soit  comparable.  Armé  d’un  arc,  paré  d’une  guir- 
lande, mais  portant  la  colère  en  son  cœur,  il  s’avance 
triomphant  sur  un  char.  14,152 — 14,153. 

Il  Le  leu,  qui  est  appelé  Amogha,  peut  détruire  les 
ennemis,  suivant  ses  instructions  : trois  stances,  prince 
vertueux,  sont  consacrées  à l’éloge  du  Feu,  quiestnommé 
Ouktha.  14,154. 

» 11  est  père  de  la  grande  parole,  qui  est  appelée  la 
foi.  14,155. 

« Le  Kaçyapide,  le  Vaçisbthide  et  Pràna,  Agni,  fils 
de  Pràna,  et  'fcbyavana  l’Angiraside  à la  splendeur  trois 
fois  éclatante,  se  soumirent,  dans  la  vue  d’obtenir  un 
fils,  à une  rigoureuse  pénitence,  qui  dura  im  grand 
nombre  d’années  : « Puissions-nous,  disaient-ils,  obtenir 


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VANA-PARVA.  847 

nn  fils  vertueux  et  de  qui  la  renommée  égale  celle  de 
Brahma!»  14,180 — 14,157. 

» Les  cinq  brahmes,  qui  prononçaient  au  commence- 
ment des  hymnes  les  grands  mots  consacrés,  eurent  à la 
fois  cette  même  pensée  : aussi,  il  leur  naquit  pour  tous  un 
seul  fils,  auguste,  brillant  de  splendeur  et  réunissant 
Cassemblage  de  cinq  couleurs.  14,158. 

» Il  était  parla  tête  un  feu  allumé,  ses  bras  étaient  pareils 
au  soleil,  ses  yeux  avaient  la  couleur  de  l’or,  et  ses  jambes, 
Bharatide,  étaient  noires  ou  d’un  bleu-foncé.  14,169. 

» Né  de  cinq  couleurs  par  la  pénitence  de  ces  cinq 
personnes  (1) , ce  Dieu  fut  donc  appelé  Pântchadjanya  et 
fut  le  tronc,  où  s’embranchèrent  cinq  familles.  14,100. 

>1  Cet  être  aux  grandes  mortifications,  s’étant  livré 
douze  mille  ans  à une  austère  pénitence,  engendra  le 
terrible  feu  des  Mânes  et  créa  les  mortels.  14,161. 

» 11  fit  naître  de  sa  tête  le  vaste  Sâma-Véda  ; de  sa 
bouche,  la  respiration  et  la  vitesse;  de  son  nombril,  le 
Véda;  de  sa  force,  Indra,  et,  de  son  souille  vital,  Vâshou 
et  Agni.  14,102. 

>1  De  ses  bras,  il  produisit  les  accents  toniques  et  toutes 
les  créatures,  qui  sont  dans  l’univers  ; puis,  quand  il  eut 
accompli  ces  opérations,  il  créa  des  fils  à ces  cinq  pères. 

» Il  donna  Pranidhi  à Vribadratha,  Mahattara  à 
Kaçyapa,  Bhânou  à Angiras  ; Saâubhara  fut  le  sage  fils  d' A- 
gni,  Anoudâtta  était  le  fils  de  Prûna  : tels  furent  les  noms, 
que  portaient  les  cinq  fils.  Il  créa  quinze  autres  Dieux 
supérieurs  et  vingt,  qui  se  glissèrent  subrepticement  au 
sein  des  sacrifices.  14,103 — 14,164 — 14,105. 

» La  pénitence  créa  Soubhtma,  Atibhlma,  Bhtma, 


{{)  Fântchadjana. 


m 


LE  M.\H\-BHARATA. 


Bbtmavala  el  Abnla,  ces  cinq,  qui  dérobent  les  sacrifices 
des  Dieux.  1A,160. 

» Ces  cinq  Dieux  furent  aussi  les  fils  de  la  pénitence  : 
Soumltra  et  Mitravat,  Mitradja,  Mitravarddhana  el 
Uitradharman.  1A,167. 

» La  pénitence  créa  encore  les  cinq,  de  qui  les  noms 
suivent  : Sourapravira  et  Vira,  Souvéça,  Souravartchasa 
et  rimmolateur  des-Souras.  1A,168. 

» Ces  Génies,  séparés  en  trois  bandes,  chaque  groupe 
à part,  cinq  par  cinq,  dérobent  à ceux,  qui  ofiient  les 
sacrifices  en  vue  du  Swarga.  1A,109. 

U Ils  enlèvent,  iis  détruisent  la  vertu  du  sublime 
havish,  versé  par  eux  dans  le  feu.  Rivaux  des  feux 
consacrés,  ils  détruisent,  ils  enlèvent  la  science  extérieure 
et  l’aumône  exercée  par  les  gens  habiles,  mais  ils  se 
gardent  bien  d’avancer  vers  le  lieu,  où  reste  le  Feu. 

14,170—14,171. 

• Emportant  leur  butin  du  bûcher  funèbre,  ils  font 
déborder  le  beurre  clarifié  de  l’un  et  de  l’autre  côté  ; 
mais,  calmés  par  les  prières,  ils  respectent  l’hostie,  qui 
est  propre  au  sacrifice.  14,172. 

n Le  grand  ascète  Ouktha,  le  fils  d’Agni,  s’approche 
de  la  terre,  et,  quand  l'oblation  est  consumée,  les  hommes 
de  bien  le  sacrifient  lui-mème  sur  la  terre.  14,173. 

» On  célèbre  Agni  llathantara  comme  le  fils  de  la  péni- 
tence ; les  adwaryous  disent  que  l’oblation  lui  est  présentée 
afin  de  serrer  le  nœud,  qui  unit  à nota  les  amis.  14,174. 

» Au  comble  de  la  joie,  ce  Dieu  à la  haute  renommée 
goûte  le  bonheur  avec  ses  fils.  14,175. 

» Le  feu,  surnommé  Bharata,  est  né  des  violentes  macé- 
rations. Ce  feu,  de  qui  l'inclination  se  porte  à la  nourriture, 
quand  il  est  satisfait,  procure  les  aliments  à tous  les  êtres. 


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VANA-PAUVA.  ■ 


3A9 


» 11  nourrit  toutes  les  créatures,  et  c'est  pour  cela  qu’il 
est  nommé  Rharata.  Lu  feu,  qui  est  appelé  Açiva,  a pour 
son  premier  objet  l’hommage  et  la  force.  14,170 — 14,177. 

U Le  feu  Çiva  fait  constamment  le  bonheur  de  tous  les 
êtres  ainigés  du  malheur.  Voir  le  fruit  de  la  pénitence, 
c’est  obtenir  une  grande  vertu.  14,178. 

» Pourandara  naquit  son  fils  ; il  est  sage,  il  a le  désir  de 
sauver.  La  Chaleur  est  née  de  la  chaleur  même  ; ce  feu  est 
vu  dans  tous  les  êtres.  14,179.  * 

» Le  feu,  appelé  Manou,  incite  les  créatures  à produire 
ime  lignée.  11  est  un  feu,  que  les  brahmes  arrivés  à la  rive 
ultérieure  des  Védas,  nomment  Çambhou.  14,180. 

U Les  régénérés  appellent  Avasathya  un  feu  tout  flam- 
boyant et  d’un  grand  éclat  ; ils  nomment  des  feux,  qui  ont 
une  splendeur  pareille  à l’or,  les  Causes-du-fluide-séminal. 

» Ensuite  la  pénitence  a fait  naître  ici-bas,  dans  l’apai- 
sement des  passions,  les  cinq  sacrifices  pour  ses  fils.  Le 
feu,  tourmenté  par  la  pénitence,  vertueiM  prince,  est  le 
seigneur  des  rayons.  14,181 — 14,182. 

» Angiras  fut  le  père  des  Asouras  terribles  et  des  mor- 
tels divers  : il  a créé  le  soleil  et  Manou,  qui  fut  le  fils  de 
sa  pénitence.  14,183. 

» Les  brahmes,  qui  ont  lu  entièrement  les  Védas, 
épellent  ce  soleil  le  Grand-Bhanou.  Soupradjâ  et  Brihad- 
bhasâ,  la  fille  de  Sourya,  furent  les  épouses  du  soleil. 

» Elles  ont  donné  le  jour  à six  fils  ; écoute  quels  iissont. 
Le  feu  Balada,  qui  donne  à tous  les  êtres  faibles  le  soufile 
de  la  vie,  est,  dit-on,  le  fils  premier-né  du  soleil.  Le  feu, 
appelé  Manyoumat,  qui  est  dans  les  créatures  paisibles 
l’épouvantable  ressentiment,  fut  le  deuxième  fils  de  Bha- 
nou,  c’est-à-dire,  du  soleil.  Celui,  avec  lequel  on  accomplit 


360 


LE  MAHA-BHARATA. 


ici-bas  le  sacrifice  de  la  nouvelle  et  de  la  pleine  lune,  est 
nommé  Ravis.  1A,18A — lâ,185 — 13,188 — 14,187. 

» Le  feu,  qui  est  appelé  sur  la  terre  Vishnou,,  et  le  feu, 
qui  a nom  Dhritimat,  sont  les  deux  autres  fils.  Celui,  par 
qui  l'oblation,  accompagnée  d’Indra,  est  offerte,  dit-on, 
au  temps  où  mûrit  le  blé,  est  nommé  Angiras.  14,188. 

» Ce  feu,  qu’on  appelle  encore  Agrayana,  est  de  la  famille 
elle-même  du  soleil.  L’anachorète  est  le  père  des  sacri- 
fices continuellement  offerts  à chaque  fin  de  quatre  mois. 

» Stoobha  de  la  race  même  de  Bhanou  e.st  accompagné 
de  quatre  fils.  I.a  Nuit  donna  la  naissance  à une  fille  et 
deux  fils,  Agni  et  Soma.  14,189 — 14,190. 

» Bhanou  eut  lui-même  une  épouse  ; elle  mit  au  monde 
cinq  feux.  Agni  est  honoré,  à chaque  fin  de  quatre  mois, 
par  une  offrande  supérieure.  14,191. 

» Le  feu  Valçvânara  est  charmant  ; il  marche  accom- 
pagné d'Indra  : c’est  lui  que  ce  monde  entier  célèbre  sous 
le  nom  de  Prabhou.  14,192. 

» Le  feu,  appelé  Viçvapati,  c'est-à-dire,  le  maître  de 
l’univers,  est  le  deuxième  fils  de  Manou  ; mais  le  premier 
est  Swishtakrit,  au  nom  duquel  le  beurre  clarifié  sera  bien 
sacrifié.  14,193. 

» vierge,  nommée  Rohint,  fut  la  fille  d’Hiranyaka- 
çipou  : elle  brilla  par  ses  œuvres,  comme  épouse.  Vahni 
estlePradjâpati,  qui  forme  le  corps  des  âmes  incorporées, 
aussitôt  qu’elles  sont  arrivées  à respirer  le  souffle  de  la 
vie.  Le  Génie,  qu’on  nomme  Sannihila,  est  le  père  de  cet 
être,  qui  a la  forme  du  son.  14,194 — 14,195. 

» Le  Dieu,  qui  a une  route  blanche  et  noire,  est  celui,  qui 
nourrit  le  feu  : sans  péché,  il  est  auteur  des  péchés,  quand 
il  est  passé  à la  colère.  14,196. 


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VANA-PARVA. 


SM 


I)  Les  Yatis  ont  tonjonrs  dit  que  Kapila  était  un  risbi 
du  plus  haut  rang  : c'est  par  ce  feu,  nommé  Kapila,  que 
les  esprits  sont  excités  à s'absorber,  nombre  de  fois,  en 
Dieu.  14,197. 

n Ce  feu,  par  qui  les  êtres  se  mettent  continuellement 
au-dessus  des  autres,  a nom  le  Principal  dans  les  différents 
sacrifices.  14,198. 

n 11  créa  ces  autres  feux  en  grand  nombre,  fameux  sur 
la  terre,  pour  l'expiation  d'un  mauvais  agiiihotra.  14,199. 

I)  Quand  les  flammes  du  feu  se  touchent  l'une  l'autre, 
de  quelque  manière,  par  l'effet  du  vent,  on  doit  sacrifier 
avec  le  feu  Çoutchi,  préparé  dans  huit  vases.  14,200. 

» Quand  les  flammes,  tournées  à droite,  se  réunissent  en 
deux  faisceaux,  on  doit  sacrifier  avec  le  feu  VIti,  préparé 
dans  huit  vases.  14,201. 

» Si  les  flammes  du  feu,  placé  à l'entrée,  viennent  à se 
toucher  par  l'incendie  d'une  forêt,  on  doit  sacrifier  avec 
le  feu  Çoutchi,  préparé  dans  huit  vases.  14,202. 

» Si  une  femme,  affligée  de  son  mois,  touche  au  feu  de 
l'agnihotra,  on  doit  sacrifier  avec  le  feu  Dasyoumat,  pré- 
paré dans  huit  vases.  14,203.  , 

» Si  les  bestiaux  s'approchent  d'un  mort,  qui  est  sup- 
posé vivant, un  doit  sacrifier  avec  le  feu  Souramat,  pré- 
paré dans  huit  vases.  14,204. 

» Ln  brahme  sacrifie-t-il  au  feu  trois  jours,  dans  une 
situation  d'esprit  affligé,  on  doit  sacrifier  avec  le  feu  Su- 
périeur, préparé  dans  huit  vases.  14,205. 

» Celui,  de  qui  ou  le  mois  ou  le  demi-mois  est  au  com- 
plet, doit  sacrifier  avec  le  feu  Pathikrit,  préparé  dans  huit 
vases.  14,206. 

» Quand  le  feu  d'une  femme  nouvellement  accouchée. 


362 


LE  MAHA-BHARATA. 


toache  le  feu  de  l'agnihotra,  on  doit  sacrifier  avec  le  feu 
Agnimat,  préparé  dans  huit  vases.  1A.207. 

U La  fille  d'Apa  (1)  fut  la  première  épouse  deSaha.  Le 
roi  Bhouvabhartri  eni;eDdra  le  feu  supérieur,  celui,  qu’on 
appelle  le  souverain  de  tous  les  éléments.  « Tu  es  le  père 
nourricier  du  inonde,  » lui  disent  les  brahmes  dans  leurs 
prières.  ■14,208 — 14,200. 

» Le  vénérable  feu  à la  grande  splendeur,  qui  est  le 
maître  de  tous  les  grands  éléments,  parcourt  sans  cesse 
l’univers.  14,210. 

Il  Le  feu,  nommé  Grihapatiou  le  teigneur  de  la  maieon, 
est  honoré  dans  tous  les  sacrifices  : c’est  lui,  qui  porte  au 
ciel  l'oblation  sacrifiée  dans  ce  inonde.  14,211. 

» Sattwabhougya  fut  l’éminent  et  très-merveilleux  en- 
fant des  eaux.  Le  roi  Bhouvabhartri  est  nommé  le  Maître  : 
le  feu,  par  qui  sont  consumés  les  êtres  morts,  fut  le  nour- 
ricier de  ce  grand  Dieu.  On  célèbre  dans  l’agnishtoma, 
le  sacrifice  nécessaire,  le  plus  grand,  de  ce  père  nourricier. 

» Les  Dieux  cherchent  continuellement  l'auguste  et  pre- 
mier feu.  Quand  il  (2)  les  vit  arriver  avec  dévotion,  la 
crainte  le  fit  entrer  dans  la  mer. 

14,212—14,213—14,214. 

» Les  Dieux  vont  alors,  cherchant  de  plage  en  plage. 
A leur  vue,  le  feu  tint  ce  langage  à Atharvan  : 14,215. 

« Porte  l’oblation  aux  Dieux  : car  je  suis  bien  faible, 
héros  ! Va,  toi  I rends-moi  ce  service  avec  des  yeux  bien- 


(1)  L'eaUf  à la  forme  maftculiiie. 

(2)  Le  texte  douue  i lire  un  xin^lier:  i7  le  vit.  Nous  mettona  le  pluriel 
pour  la  liaiaon  de»  idée»,  ou  il  existe  ici  quelque  lacune.  Au  reste,  le  inor> 
ceau,  qui  suit,  nous  semble  dau»  un  étal  de  mutilation  complète  : nous  le 
traduiroBS  donc,  eu  nous  tenant  le  plus  près  du  texte,  qu'il  noiu  est  possible 


cd  by  Google 


VANA-PARVA. 


353 


veillants.  » Quand  il  eut  envoyé  Atharvan,  le  feu  passa 
dans  un  autre  lieu.  Les  poissons  de  lui  raconter,  et  il  dit 
irrité  à ceux-ci  : 14,216—14,217. 

« Vous  semrez  d'aliments  aux  hommes  en  vos  différentes 
existences.  » Le  Feu  ensuite  adressa  un  discoura  à Athar- 
van. 14,218. 

» Il  le  persuada  beaucoup,  d’après  les  paroles  des  Dieux. 
Havis  ne  désirait  pas  conduire  les  offrandes  au  ciel,  et  il 
abandonna  entièrement  son  corps.  14,219. 

» Une  fois  qu’il  eut  quitté  son  enveloppe  corporelle,  il 
entra  dans  la  terre,  et,  dès  qu’il  eut  touché  le  sol,  il  créa, 
chacun  à part,  les  nombreux  métaux.  14,220. 

» H fit  sortir  de  son  pus  l’odeur  et  la  splendeur,  de  ses 
08  les  pins  devadàrous,  de  son  flegme  le  cristal,  de  .sa 
bile  les  vents,  14,221. 

» Et  de  son  foie  le  fer.  Cet  auguste  produisit  de  nouvelles 
créatures  en  trois  espèces  : de  ses  ongles  sortit  la  masse 
des  nuages,  la  multitude  des  veines  et  le  corail.  14,222. 

» De  son  corps  naquirent  les  divers  autres  métaux;  et, 
quand  il  eut  ainsi,  prince,  abandonné  sou  corps,  il  entra 
dans  une  pénitence  supérieure.  14,223. 

Il  Élevé  plus  encore  par  la  pénitence  que  Bhrigou, 
Angiras  et  les  autres  ascètes,  il  flamboya  d’une  vive 
lumière  ; et  cette  pénitence  l’environna  même  de  splen- 
deur et  de  rayons.  14,224. 

» Effrayé  à l’aspect  du  rishi,  il  entra  dans  la  grande  mer, 
et  lui,  perdu,  le  monde  épouvanté  recourut  à AthaiTan. 

a 11  fut  honoré  même  p.ar  les  Dieux  et  les  autres.  Athar- 
van alors  vit  le  Feu,  et  tira  les  mondes  de  lui-même. 

14,225—14,226. 

» C’est  ainsi  que  le  Feu,  perdu  naguère,  agita  par  le 

23 


LE  MAHA-BH/VRATA. 


ibh 

révérend  Atharvan  le  grand  Océan,  malgré  la  résistance 
de  tous  les  éléments.  li,227. 

» Invoqué,  At’iarvan  porte  sans  cesse  l'oITrandedetous 
les  êtres  : parcourant  les  différentes  contrées,  errant  dans 
le  fleuve  Sindhou  et  le  pnyn  du  Panjab,  il  fil  sortir  ainsi 
les  nombreux  et  divers  feux,  mentionnés  dans  les  Védas. 

1 La  Dévikâ,  la  Sai'aswati,  la  Gangft,  la  Çatakoumbhâ, 
la  Çarayoù,  la  Gandasàhvayâ,  laTchannan  vati,  la  Maht  et  la 
pure  Médhàtithi,]^  Tâmràvati,  laVétravati  et  la  Kaàuçtkl, 
qui  est  la  troisième  rivière,  la  Tama.sà,  la  Narmadà  et  la 
rivièie  Godâvari,  la  Vénâ,  l’Oupavénâ  et  l'elfroyable  Va- 
davà,  Bharatide,  la  Bharati,  la  Souprayôgà,  la  Kàvéri  et 
la  Mourraourâ,  la  Toungavénâ,  la  Krishnavénâ,  la  kapilâ, 
et  le  Çona  : voilà  quelles  rivières  sont  dites  les  mères  des 
feux.  {De  lu  stance  14,228  à la  staw  e lâ,23;i.) 

1)  Priyà  fut  l’épouse  d’Adbhouta,  et  Vibhoùrasi  fut  son 
fils.  Un  rapporte  que  les  somas  sont  en  aussi  grand  nombre 
que  les  feux.  14,234. 

» Des  brahui&s,  créatures  intellectuelles,  sont  nés  dans 
la  famille  d'Airi  : il  a porté  en  sa  personne  tous  ces  fils 
désireux  eux-mêmes  de  créer.  14,235. 

» Les  brahmes  retirent  donc  les  feux  de  son  corps.  Ici, 
j’ai  fini  de  te  raconter  quels  sont  les  Feux  magnanimes, 
infinis,  beaux,  dissipateurs  des  ténèbres,  et  comme  ils 
existent.  Sache  que  telle  est  la  grandeur  d’Adbhouta, 
ainsi  qu’il  eu  est  parlé  dans  les  Védas  : « Tous  viennent 
d'un  seul  Feu.  » Il  faut  savoir  que  ce  feu  unique  et  véné- 
rable est  le  premier  Angiras,  14,236 — 14,237 — 14,238. 

» Et  que  de  son  corps  est  sorti  de  différentes  manières 
le  sacrifice  Djyotishtoma.  Ici,  je  finis  de  t’exposer  la  bien 
grande  famille  des  Feux,  qui,  honorée  parles  diverses  for- 


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VANA-PARVA. 


355 


mules  de  prières,  conduit  au  ciel  l'offrande  des  mortels. 

>>  On  raconte  dilférentes  origines  des  Agnis.  Écoute, 
irréprochable  descendant  de  Kourou,  la  naissance  du  sage 
et  mei’veilleiix  Kàrttikéya,  que  je  vais  te  rapporter.  Je 
commencerai  par  te  dire  que  les  épouses  des  brahmarshis 
avaient  paru  mettre  au  monde  un  fils,  la  merveille  des 
merveilles,  pieux,  à la  vigueur  infinie  et  donnant  un  nou- 
veau relief  à la  gloire.  14, '239-14,240-14,241-14,262. 

» Déployant  leurs  efforts,  jadis  les  Asouras  et  les  Dieux 
se  tuaient  les  uns  les  autres  ; dans  ces  batailles,  c’étaient 
les  Dànavas  aux  formes  épouvantables,  qui  toujours  obte- 
naient la  victoire  sur  les  Dieux.  14,243. 

» Quand  il  vit  ses  bataillons  immolés  par  différentes 
armes,  Pourandara  se  mit  alors  à chercher  dans  ses  pen- 
sées soucieuses  quel  général  il  fallait  donner  à son  armée. 

» Voyant  l'armée  des  Dieux  rompue  par  les  Dànavas  : 
Il  II  me  faut  connaître,  songea-t-il,  un  homme  à la  grande 
vigueur,  qui,  appuyé  sur  la  force,  protégera  mes  guer- 
riers 1 » 14,244 — 14,245. 

n Parvenu  au  mont  iMànasa,  profondément  occupé  de 
cette  pensée,  il  entendit  un  cri  épouvantable  de  détresse, 
que  jetait  une  femme  : 14,246. 

U Que  tout  homme  vole  à mon  secours  et  qu’il  me  défende. 
Qu'il  montre  à mes  yeux  un  époux  1 ou  devienne  mon 
époux  lui-mèmel  » 14,247. 

» Mais  Pourandara  lui  dit  ; « Necrains  pas  ! Tu  ne  cours 
aucun  danger  1 » Quand  il  eut  parlé  de  cette  manière,  il 
vit  Kéçi  placé  devant  lui.  14,248. 

U Coiffé  d'une  tiare,  portant  une  massue  à la  main,  il 
ressemblait  à une  montagne  riche  en  métaux.  Le  fils  de 
Vasou  prit  la  jeune  dame  par  la  main  et  dit  au  ravisseur  ; 


356 


LE  MAHA-BHARATA. 


« Pourquoi  veux-tu  enlever  cette  jeune  vierge?  action 
sans  noblesse  ! Sache  que  je  suis  le  héros,  qui  tient  la 
foudre  ; cesse  de  lui  causer  de  la  douleur.  » 

14.249—14,250. 

« Lâche  cette  jeune  fille  I répondit  Kéçi  ; je  l’aime, 
Çakra  : lâche-la^  te  dis-je^  et  tu  peux  t’en  retourner  vivant 
à ta  ville,  Pàkaçâsana  I » 14,251. 

» 11  dit,  et  d’envoyer  sa  massue  pour  la  mort  d’Indra  ; 
mais  celui-ci,  au  milieu  de  son  vol,  la  trancha  par  la  moitié 
avec  sa  foudre.  14,252. 

» Kéçi  en  colère  lui  jette  la  cîme  d’une  montagne  ; Ça- 
takratou  voit  cette  masse  venir  ; il  la  coupe,  sire,  avec  son 
tonnerre,  et  elle  tombe  sur  la  lerre.  Blessé  par  1^  éclats 
de  sa  montagne  abattue,  Kéçi  abandonne  la  vertueuse 
femme  et  s’enfuit,  en  proie  à un  violent  désespoir.  Alors 
que  cet  Asoura  fut  parti,  le  fils  de  Vasou  dit  à la  jeune 
dame:  14,253 — 14,254 — 14,255. 

« Qui  es-tu,  fille  au  charmant  visage  ? A qui  es-tu  ? 
Que  fais-tu  ici  ? » 14,256. 

a Je  suis  la  fille  du  Pradjâpati,  lui  répondit  la  dame  ; 
mon  nom  est  Dévasénâ  : ma  sœur  Daîtyasénâ  fut  d’abord 
enlevée  par  Kéçî.  14,257. 

n Ma  sœur  et  moi,  nous  allions  toujours  avec  nos  amies 
nous  divertir  au  lac  Mânasa,  après  avoir  obtenu  la  per- 
mission du  Pradjâpati,  notre  père.  14,258. 

» Kéçi,  le  grand  Asoura,  désirait  continuellement  nous 
enlever  : il  attira  sur  lui  un  désir  de  Daîtyasénâ,  mais  non 
de  moi,  Pâkaçâsana.  14,259. 

» Elle  fut  ravie  par  lui,  adorable,  et  moi,  je  fus  sauvée 
par  ta  force.  Je  désire,  roi  des  Dieux,  que  tu  m’indiques 
la  demeure  de  mon  invincible  époux.  » 14,260. 


VANA-PARVA. 


357 


« Tu  es,  reprit  Indra,  la  fille  de  la  sœur  de  ma  mère  ; 
je  suis  le  fils  de  Dâkshàyant,  ma  mère.  Je  désire  à mon 
tour  que  tu  célèbres  ma  force.  » 15,261. 

Il  Je  suis  une  femme.  Dieu  aux  longs  bras,  répondit-elle  ; 
le  vigoureux  Bâlavat,  honoré  des  Asouras  et  des  Dieux, 
sera  mon  époux  par  le  choix  de  mon  père.  » 14,262. 

« Quelle  peut  être,  dit  Indra,  la  force  de  ton  époux. 
Déesse  ? Je  désire  entendre  de  ta  bouche,  irréprochable 
dame,  ce  langage.  » 14,263. 

« Ce  héros  à la  grande  force,  à la  grande  vaillance, 
reprit  la  jeune  femme,  est  le  vainqueur  des  impurs  Daityas, 
des  Rakshasas,  des  Ouragas,  des  Kinnaras,  des  Yakshas, 
des  Dànavas  et  des  Dieux.  14,264. 

Il  Ce  fils  de  Brahma  est  un  prince,  qui,  allié  à toi, 
vaincrait  tous  les  êtres  : ce  héros,  qui  ajoute  sans  cesse  à 
sa  gloire,  sera  assurément  mon  époux,  u 14,265. 

>>  Quand  il  eut  entendu  ces  paroles  d’elle,  Indra  se 
plongea  en  de  profondes  réflexions  : u Sans  doute  l’époux 
de  cette  Déesse  n’est  point  comme  elle  dit.  » 14,266. 

VI  Ce  Dieu,  brillant  àl’instar  du  soleil,  vit  à la  première 
heure  du  matin,  le  soleil,  père  du  jour,  et  la  vertueuse 
lune,  qui  sert  aux  computations  du  temps.  14,267. 

I)  La  nouvelle  lune  avait  marché,  l’heure  était  reli- 
gieusement terrible  : il  vit  sur  une  montagne,  à ce  point 
du  jour,  le  combat  des  Asouras  et  des  Dieux.  14,268. 

» L'adorable  Çatakratou  vit  le  crépuscule  oriental  en- 
veloppé avec  des  nuages  de  sang  ; il  vit  rouge  la  mer,’ 
s^'our  de  Varouna.  14,269. 

» Les  disciples  de  Bhrigou  et  d’Angiras  sacrifiaient  à 
cet  instant  avec  diverses  prières  ; et  le  soleil  entra  dans 
le  feu,  après  qu’il  eut  reçu  sou  offrande.  14,270. 


368 


LE  MAHA-BHARATA. 


U Le  soleil  s’était  avancé  vers  son  vingt-quatrième  par- 
van,  et  l’auguste  lune  venait  à son  devoir  accQÿtumé,  en 
s’approchant  du  soleil.  14,271. 

» Quand  il  vit,  d’un  côté,  l'unité  du  soleil  et  de  la 
lune,  de  C autre  part,  l'effrayante  multiplicité  det  té- 
nèbres, Çakra  se  mit  à réfléchir  : 14,272. 

« Dans  cotte  lin  de  nuit,  qui  proclame  une  grande  ba- 
taille, on  voit  les  disques  terribles  du  soleil  et  de  la  lune. 

I)  Le  fleuve  Sindhou  a largement  bu  le  sang  de  l’armée 
ennemie  : une  femelle  de  chacal,  à la  guenle  de  feu,  glapit 
en  face  du  soleil.  14,273 — 14,274. 

U Cette  grande  réunion,  environnée  de  lumière,  elle 
imprime  la  terreur  ! Cotte  rencontre  du  feu,  de  la  lune  et 
du  soleil  est  admirable.  14,275. 

» Le  fils,  à qui  Lunus  donnera  le  jour,  sera  l'époux  de 
cette  Déesse.  Agni  est  doué  de  toutes  les  qualités  ; mais 
Agni  est  une  grande  Divinité.  14,276. 

U Si  Lunus  donne  le  jour  à un  fils,  il  sera  l’époux  de 
celte  reine!  » Occupé  de  ces  pensées,  l’adorable  Dieu  prit 
avec  lui  Dévasénà,  monta  au  monde  de  Brahma  et,  s’in- 
clinant devant  le  suprême  aïeul  des  créatures,  il  dit  : 
n Allons  ! montre-moi  le  héros,  qui  sera  l’époux  de  cette 
Déesse.  » 14,277—14,278. 

« 11  naîtra  un  fils  à la  grande  vaillance,  répondit 
Brahma,  capable  d’effectuer  la  chose,  qui  loule  dans  ta 
pensée,  meurtrier  des  Dâuavas.  14,279. 

1)  11  sera  le  général  de  l'armée  céleste  avec  toi,  Çata- 
kratou  ; il  sera  aussi  le  vigoureux  époux  de  celte  Déesse.  » 

1)  Dès  qu’il  eut  ouï  ces  paroles,  le  roi  des  Dieux  fit 
l'adoration  à Brahma,  et  s’en  alla  avec  la  jeune  femme 
au  lieu,  où  étaient  les Dévai’shis.  14,280 — 14,281. 


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VANA-PARVA. 


369 


» Les  principaux  chefs  des  plus  énergiques  brahtnes, 
Vaçishthaà  leur  tète,  et  les  Dieux  altérés,  devant  lesquels 
marchait  Çataltratou,  vinrent  à ce  sacrifice  boire  le  soraa  et 
recevoir  une  portion  de  leurs  pénitences.  Quand  iis  eurent 
accompli,  suivant  les  rites,  le  sacrifice  dans  le  feu  bien 
allumé,  14,282—14,283. 

» Les  magnanimes  versèrent  l’oblation  en  l’honneur  de 
tous  les  habitants  du  ciel.  Le  Feu  admirable,  auguste,  si- 
lencieux, invité  selon  la  rubrique,  quitta  pour  y venir  le 
disque  du  soleil.  Les  brahmes  de  sacrifier,  suivant  les 
mantras,  l’oblation,  qu’il  devait  obtenir.  14,284-14,285. 

» Dès  qu’il  eut  reçu  les  offrandes  variées  des  rishis,  le 
Feu,  vertueux  Bbaratide,  les  rendit  aux  habitants  du  ciel. 

U Fn  s’en  allant,  U vit  les  épouses  de  ces  magnanimes 
brahmes,  assises,  chacune  dans  son  hermitage,  et  goûtant 
un  tranquille  sommeil.  14,28(5 — 14,287. 

» Semblables  à des  autels  d’or,  pures  comme  lecroissant 
de  la  lune,  pareilles  aux  flammes  du  feu,  on  eût  dit  que 
toutes  étaient  autant  d'étoiles  admirables.  14,288. 

U Les  organes  des  sens  troublés  à cette  pensée,  le  Feu, 
à l’aspect  de  ces  épouses  des  principaux  brahmes,  tomba 
sous  le  pouvoir  de  l’amour.  14,289. 

» 11  roula  plus  d'une  fois  ces  pensées  en  lui-même: 

Il  Voilà  que  je  suis  ému  plus  qu’il  n’est  convenable 

j’aime  malgré  elles  ces  vertueuses  épouses  des  principaux 
brahmes.  14,290. 

a Je  ne  puis  ni  les  voir,  ni  les  interroger  sans  une  cause  ; 
je  vais  donc  entrer  dans  cette  chapelle  du  feu  perpétuel 
afm  de  les  contempler  à mon  aise  (1).  » 14,291. 


(1)  AiBiiiU9AÇAS,  ic  uepius. 


300 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Entré  dans  l’endroit  saint,  il  eut  du  plaisir  à les 
regarder,  comme  s'il  eût  touché  avec  ses  flammes  toutes 
ces  femmes  à l’éclat  d’or.  14,202. 

» Après  qu’il  eut  demeuré  là  bien  long-temps,  le  Feu, 
tombé  dans  l’esclavage  et  rempli  d’amour  pour  ces 
dames,  jeta  sur  elles  sa  pensée.  14,293. 

» Le  cœur  consumé  d’amour  et  résolu  d’abandonner 
son  corps,  puisqu’il  ne  pouvait  obtenir  ces  épouses  de 
brahmes,  Agni  s’avança  dans  la  forêt.  14,294. 

>1  Swâhà,  la  fille  de  Daksha,  eut  pour  lui  un  premier 
amour.  Cette  noble  dame  essaya  long-temps  de  trouver  le 
côté  faible  de  ce  Dieu  toujours  attentif  ; la  femme  char- 
mante ne  put  le  voir.  Informée  exactement  que  le  Feu 
était  venu,  consumé  en  vérité  d’amour,  dans  cette  forêt, 
il  s’offrit  à la  dame  cette  pensée  : « Je  me  créerai  des 
formes  semblable.s  aux  formes,  que  possèdent  les  épouses 
des  sept  grands  rishis  du  pôle,  et  je  forcerai  à m’aimer  ce 
Feu,  qui  est  consumé  d’amour  pour  elles  et  fou  de  leur 
beauté.  La  chose  étant  faite  ainsi,  il  y aura,  de  son  côté, 
plaisir,  et,  du  mien,  satisfaction  donnée  à l’amour.  » 

14,295—14,296—14,297—14,298. 

» iVlors,  s’étant  créé  une  première  forme,  qui  lui  donnait 
l’air  de  Çivà,  l’épouse  d’.Vngiras,  douée  des  qualités  de 
la  beauté  et  du  cai'aclère,  la  Déesse,  roi  des  hommes,  s’en 
alla  près  du  Feu  et,  sous  les  apparences  d’une  mortelle, 
lui  dit  ces  mots  : « Agni,  veuille  bien  m’aimer,  moi,  que 
consume  l’amour.  14,299 — 14,300. 

» Pense  que  je  meurs,  si  tu  n’agis  pas  ainsi.  Je  m’appelle 
(jivà,  ô toi,  qui  manges  les  oblations,  et  je  suis  l’épouse 
d’Angiras.  14,301. 

» Ces  dociles  épouses  m’ont  envoyée,  après  qu’ elles 


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VANA-PARVA. 


361 


eurent  délibéré  avec  moi  celte  résolution.  » — « Comment 
savez-vous,  répondit  Agni,  toi  et  les  autres  femmes,  dont 
tu  parles  et  qui  toutes  sont  les  épouses  des  sept  rishis, 
que  je  suis  tourmenté  par  l’amour?  » — « Tu  es  aimé 
de  nous,  reprit-elle  ; et  nous  sommes  à cause  de  toi  en 
des  alarmes  continuelles.  13,802 — 13,303. 

I Nous  avons  deviné  ta  pensée  par  tes  gestes,  et  je  fus 
envoyée  vers  toi.  Je  suis  venue  ici  pour  l’amour,  hâte-toi 
de  satisfaire  mon  désir.  13,303. 

» Mes  sœurs,  les  autres  épouses  m'attendent  : j’irai 
ensuite  vert  ei/e»,  mangeur  de  l’offrande  ! » Alors  au 
comble  du  plaisir,  Agni  s’unit  à cette  fausse  Çivâ,  pleine 
de  joie.  13,306. 

» La  Déesse,  de  qui  les  désirs  étaient  satisfaits,  prit 
Çoukra  par  la  main  et  lui  dit  : « Ceux,  qui  verront  dans 
la  fftret  cette  forme,  dont  je  vais  me  revêtir.  Feu,  diront 
qu’on  chercherait  en  vain  une  faute  dans  la  conduite  des 
femmes  brahmanis  : je  vais  donc  par  précaution  me 
changer  en  une  Garoûdi.  13,306 — 13,807. 

II  De  cette  manière,  je  sortirai  do  bois  sans  payer  mon 
plaisir  à la  critique  du  monde.  » A ces  mots,  s’étant 
métamorphosée  en  une  Souparnt,  elle  sortit  de  la  forêt. 

» Elle  vit  le  mont  Çwéta,  bien  couvert  des  tigesdu  sao 
charum  sara  et  gardé  par  des  serpents  merveilleux  aux 
sept  têtes,  au  regard  empoisonné.  13,308 — 13,309. 

» Il  était  infesté  de  Rakshasas,  de  PiçAtchas,  de 
Raàudras,  de  BhoAtas  et  de  Ganas  : il  était  rempli,  avec 
ces  Rakshasas,  de  quadrupèdes  et  de  volatiles.  13,310. 

U Elle  arriva  promptement  sur  le  dos  de  cette  montagne 
inaccessible,  et  la  belle  jeta  à la  bâte  dans  une  urne  d’or 
la  semence  du  F’eu.  13,311. 


V 


362  LE  MAflA-BHARATA. 

• La  Déesse  se  fit  semblable  par  la  forme  aux  épouses 
des  sept  magnanimes  rishis  et  alluma  dans  Agni  le  feu  de 
l'amour.  1A,312. 

» Mais  il  lui  fut  impossible  de  revêtir  les  formes  célestes 
d’Aruundhatl  pour  la  vigueur  de  sa  pénitence  et  pour  son 
obéissance  à son  époux.  1A,313. 

» Six  fois,  la  semence  d'Agni  fut  donc  jetée  en  cette 
urne,  à le  plus  grand  des  Kourouides,  par  l’amoureuse 
Swàbâ.  lâ,31A. 

» Elle  enfanta  de  cette  semence  un  fils,  enveloppé  de 
splendeur,  et  conduisit  ce  germe  à l'honneur  d’être 
Skanda  (1)  lui  même.  1A,315. 

I)  Le  jeune  Dieu  naquit  avec  six  têtes,  deux  lois  autant 
d’oreilles,  douze  yeux,  un  nombre  égal  de  bras;  mais 
avec  mi  seul  cou  et  un  seul  ventre.  1A,316. 

» Distinct  à la  deuxième,  l'enfant  resplendissait  à la 
troisième  heure  : muni  de  tous  ses  membres  et  de  tous 
ses  organes,  Gouha  naissait  à la  quatrième  heure. 

» 11  était  enveloppé  d'un  grand  nuage  à la  couleur  de 
sang,  d'où  jaillissaient  des  éclairs:  tel  le  soleil,  qui  brille, 
se  levant  au  milieu  d’un  immense  amas  de  nuées  rouges. 

14,317—14,318. 

R 11  saisit  un  grand  arc,  l’effroi  du  monde,  que  le 
meurtrier  de  Tripoura  avait  déposé  là  pour  mettre  en 
pièces  les  ennemis  des  Dieux.  14,319. 

» Maître  de  cette  arme  excellente,  le  vigoureux  poussa 
un  cri,  qui  jeta  l’épouvante  dans  ces  trois  mondes  avec 
leurs  êtres  immobiles  et  mobiles.  14,320. 

» A l'audition  de  ce  bruit,  pareil  à celui  d’un  amas  de 


(I)  Un  nom  de  KarttiU;*,  le  Dien  de  la  guerre. 


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VANA4»ARVA. 


ses 


grands  nuages,  les  deux  énormes  serpents,  Atrâvata  et 
Tchitra,  s’envolèrent.  1A,3'21. 

» Quand  l'enfant,  de  qui  la  splendeur  égalait  la  lumière 
du  soleil,  les  vit  s’enfuir,  il  les  prit  avec  deux  de  ses 
mains  : dans  une  autre,  il  tenait  une  lance  de  fer. 

» De  sa  quatrième  main,  le  fils  d’Agni  tenmt  embrassé 
un  coq  au  vaste  corps,  à la  crête  de  sang,  le  plus  fort  des 
coqs  vigoureux.  1A,322 — ^13,323. 

• Tandis  qu’il  tenait  cet  oiseau,  le  guerrier  aux  longs 
bras,  s’amusant  arec  lui,  jeta  un  cri  épouvantable.  Avec 
deux  autres  mains,  le  robuste  enfant  porte  à ta  bouche  la 
plus  grande  des  conques,  lA,32i. 

» Et  lui  fit  rendre  un  son,  effroi  de  tous  les  êtres 
puissants.  Avec  deux  autres  mains,  il  battit  l’air  à coups 
redoublés.  14,326. 

» Mahàséna  resplendissant  se  jouait  et  semblait  boire 
les  trois  mondes  avec  ses  bouches.  Assis  sur  la  cime  d’une 
montagne,  comme  le  soleil  à son  lever,  ce  guerrier  à la 
orce  prodigieuse,  à l’ême  sans  mesure,  contemplait  avec 
ses  diverses  têtes  les  différente!  plages  du  ciel. 

14,32e— 14,327. 

U En  regardant  les  êtres  variés,  il  poussa  de  nouveau 
un  cri  : à ce  bruit,  tous  les  hommes  de  tomber  par 
troupes.  14,328. 

» Effrayés,  l’âme  troublée,  ils  vinrent  implorer  sa  pro- 
tection. Les  hommes,  accourus  supplier  ce  Dieu,  appar- 
tenaient à différentes  castes.  14,329. 

» Ils  parlèrent  aux  brahmes  spectateurs,  que  distinguait 
une  force  immence  : mais  l'enfaut  aux  longs  bras  se  leva  et, 
les  flattant,  rastura  les  hommes.  14,330. 

a 11  banda  son  arc  et  décocha  ses  traits  au  mont 


m 


LE  MAHA-BHARATA. 


Çwéta  ; U rompit  de  ses  flèches  le  mont  Kraàantcha,  le 
fils  de  r Himalaya.  1A,331. 

» Cette  destruction  force  les  cygnes  et  les  vautours  à 
visiter  la  montagne  du  Mérou.  Le  mont  brisé  tombe  et 
jette  les  plus  hauts  cris  de  détresse.  ji,S32. 

jt  D'autres  montagnes  gémirent  alors,  plaignant  la 
chute  du  mont.  Les  sanglots  de  ces  montagnes,  cruelle- 
ment tourmentées,  n'émurent  pas  ce  guerrier  àl' âme  sans 
mesure,  le  plus  excellent  des  forts  ; mais,  levant  sa  lance, 
il  poussa  un  nouveau  cri,  et  le  magnanime  aussitèt  envoya 
cette  arme  éblouissante.  1A,333 — lâ,33â. 

U 11  fendit  rapidement  la  cime  eflrayante  du  mont 
Çwéta.  Frappée  par  lui,  eflrayée  par  ce  bien  magnanime, 
cette  alpe  rompue  tomba  sur  la  terre  avec  ses  hauts 
sommets,  quelle  abandonna  dispersés.  La  terre  agitée 
s'ouvrit  de  tous  les  cétés.  lâ,33â — lâ,336. 

Il  Désolée,  elle  s’approcha  suppliante  de  Skanda,  et 
reprit  aussi tét  sa  vigueur  : les  montagnes,  suivant  l'exemple 
delà  terre,  firent  l'adoration  àce  Dieu,  et  le  monde  honora 
ce  fils  d' Agni  le  cinquième  jour  de  la  quinzaine  lumineuse. 

14,337—14,338. 

» Quand  naquit  Mahâséna  à la  grande  vaillance,  à la 
grande  force,  il  apparut  des  prodiges  non  petits,  de  forme 
variée,  effrayante.  14,339. 

a On  vit  opposés,  et  les  hommes  etles  femmes,  et  le  mâle 
la  femelle  parmi  les  animaux,  qui  vivent  deux  à deux  : 
et  les  planètes  se  montrèrent  enflammées  ; de  vastes  bruits 
firent  résonner  l'atmosphère,  les  plages  du  ciel  et  la 
terre.  14,340. 

» A la  vue  de  ces  prodiges  grandement  épouvantables, 
de  tous  côtés  les  tremblants  risbis,  par  qui  ce  monde 


VANA-PABVA. 


366 


existe,  firent  pour  le  monde  des  cérémonies  propitia- 
toires. lA.Sâl. 

a Des  hommes,  qui  habitaient  dans  les  bocages  du 
Tchaltraratha  : « C'est  le  Feu  lui-méme,  dirent-ils,  qui, 
après  s'ètre  uni  d'amour  à six  épouses  des  sept  grands 
rishis,  a fait  naître  jxiur  nous  cette  grande  infortune  ! a 
D’autres  accusèrent  la  Garoudt  : « C'est  toi,  qui  nous  as 
apporté  ce  malheur  ! a 1A,3A2— 1A,3A3. 

a L'amoureuse  Déesse  alors  s'approcha  de  ceux,  qui 
l’avaient  toujours  vue  sous  sa  forme  naturelle  : « Personne 
n’a  vu,  pensait-elle,  l’action,  que  fit  Swâhi.  a li,34i. 

a A ces  paroles,  Souparni  avança  ; « Que  enfant  soit 
mon  fils  I a Elle  vint  lentement  trouver  Skanda,  et  lui  dit  ; 
« Je  suis  ta  mère  ! a li,3A6. 

a Les  sept  rishis,  ayant  appris  qu’il  était  né  un  fils  à la 
grande  force,  répudièrent  leurs  six  épouses  à l’exception 
de  la  divine  Aroundhatl.  1&,3&6. 

a Les  habitants  du  bois  dirent  alors  : a C’est  que  les 
six  ont  donné  le  jour  à un  fils  I a Swàhk  dit  aux  sept 
rishis  : a Ce  fils  est  à moi.  lé, 347. 

a La  chose  n’est  pas  arrivée,  je  le  sais,  comme  vous 
pensez  I a Mot,  qu’elle  répéta,  sire,  deux  et  plusieurs  fois. 
Un  jour,  Viçvftmitra  à l’éclatante  splendeur  avait  célébré 
le  sacrifice  des  sept  rishis.  14,348. 

a II  availsuivi  par  derrière,  sansêîre  vu,  leFeu  consumé 
d’amour,  et  toute  cette  affaire  dans  toute  son  étendue  lui 
fut  exactement  connue.  14,349. 

a Viçvâraitra  d’abord  iuiplora  la  protection  du  jeune 
Dieu  ; ensuite,  il  entonna  l’éloge  céleste  de  Mahâséna. 

a Le  grand  anachorète  célébra  toutes  les  quatorze 
cérémonies,  qui  tiennent  à l’enfance  : il  récita  les  prières. 


366 


LE  MAHA-BHABATA. 


pour  la  scission  du  cordon  ombilical,  et  les  autres  : 

14,350—14,351. 

» La  magnanimité  du  héros  aux  six  têtes,  l’accomplis- 
sement de  son  émancipation  finale,  la  perfection  de  sa 
divine  Çakti  et  celle  de  ses  assemblées.  14,352. 

» Mçvimitra  fit  cette  chose  j^ur  le  bien  du  monde  : 
le  risbi  fut  donc  l'ami  de  Koumâra.  14,353. 

» Le  grand  solitaire  ne  désaprouva  point  les  métamor- 
phoses, qu’avait  prises  Swàhâ  ; il  dit  à tous  les  ana- 
chorètes : « Vos  femmes  n’ont  pas  commis  d’offense.  » 

» (1)  A peine  eurent-ils  entendu  cette  parole  de  lui, 
qu’ils  abandonnèrent  aussitôt  de  tous  côtés  leurs  épouses. 
Quand  les  Dieux  eurent  ouï  Skanda,  ils  dirent  de  concert 
au  fils  de  Vasou  : 14,354 — 14,365. 

« 11  y a dans  Skanda  une  force  intolérable  ; tue-le,  sans 
tarder,  Çatakratou.  Si  tu  l'épargnes,  il  deviendra  le  roi 
des  Dieux.  14,356. 

» Ce  guerrier  à la  grande  vigueur  commencera  par 
enchaîner  les  trois  mondes,  puis  nous,  Qakra,  et  toi-même.» 
Le  Dieu  ému  leur  fit  cette  réponse  : « C’est  un  enfant  à 
la  bien  vaste  force.  14,357. 

» Vainqueur  dans  un  combat,  il  pourrait  tuerie  créateur 
même  : mais  je  ne  puis  donner  la  mort  à un  enfant,  » 
dit  Qakra.  14,358. 

O Tu  manques  de  vigueur,  puisque  tu  parles  ainsi, 


(i)  11  doit  y avoir  ici  une  locuoe  : autrement  cette  proposition  ne 
serait  pas  afOrntative  ; elle  contiendrait  une  négation  :na  atyadjan;  ou 
bien  : iU  reprirent  ; d'ailleurs  U phrase,  qui  suit  dans  la  même  stance, 
est  motivée  par  un  discours  précédent,  non  plus  de  Viçvàmitra,  mais  de 
SkA&dn.  Je  ne  corrige  pas,  je  traduis. 


VANA-PARVA. 


867 


reprirent -ils.  Que  toutes  les  mères  du  monde  s’en  aillent 
maintenant  trouver  Skanda  ; lè,3ô9. 

» Et  qu’il  soit  tué  par  ces  Déesses,  qui  ont  la 
puissance  de  l’Amour.  » — « Qu’il  en  soit  ainsi  1 » 
répondit  Indra.  Elles  allèrent  et  quand,  le  visage  cons- 
terné, elles  eurent  vu  l’enfant  à la  force  incompa- 
rable : 1A,360. 

« 11  nous  est  impossible  de  lui  donner  la  rnort^  » 
pen^rent-elles  ; et,  cette  réflexion  faite,  elles  se  mirent 
sous  sa  protection.  « Enfant  à la  grande  force,  lui  dirent- 
elles,  sois  notre  fils.  1A,361. 

» Veuille  bien  nous  accepter  pour  tes  nourrices^  nous, 
que  l’on  vante  et  qui  sommes  troublées  par  notre  lait.  » 
A ces  paroles  d’elles,  l’auguste  Mahâséna  d’honorer  ces 
Déesses  aux  seins  gonflés  par  le  désir  de  lui  donner  sa 
nourriture,  et  l’enfant  de  leur  accorder  ce  qu’ elles  dési- 
raient. Le  vigoureux  nourrisson  vit  son  vigoureux  père, 
Agni,  qui  s’avançait.  14,362 — 14,363. 

O Le  Dieu  fut  honoré  par  l’enfant  avec  le  groupe  de  ses 
nourrices.  Environnant  Mab^éna  de  sa  protection^  Çiva 
se  tenait  là  pour  sa  garde.  14,364. 

» Celle  de  toutes  ses  mères,  qui  était  la  fille  de  la 
Colère,  Dhâtri,  une  lance  à la  main,  défendait  Skanda, 
comme  elle  aurait  défendu  son  propre  fils.  14,365. 

» Tenant  Mahâséna  enibrassé,  Rroûrâ,  jeune  fille  de  la 
mer  de  sang  et  qui  faisait  du  sang  toute  sa  nourriture,  le 
protégeait  comme  un  fils.  14,366. 

» Naîgaméya  à la  tête  de  bouc,  père  de  nombreux 
enfants,  changé  au  Diea  Agni,  divertissait  le  jeune  nour- 
risson avec  ses  métamorphoses  comme  avec  des  jeux. 


SflB 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Les  planètes,  les  étoiles  filantes,  les  rishis  et  lès 
mères  de*  ImmorteU,  les  principaux  des  feux  et  les 
troupes  joyeuses  des  chœurs  célestes,  ces  Dieux  et  d'autres 
en  grand  nombre,  épouvantables  habitants  du  Tridiva,  se 
tenaient  à l'entour  de  Mahâséna  avec  ses  nourrices. 

14,367—14,368—14,369. 

» Ayant  vu  la  victoire  incertaine  et  désirant  obtenir  la 
victoire,  le  souverain  des  Immortels  s'avança,  monté  sur 
Atrâvata  et  suivi  des  Dieux,  vers  le  jeune  Skanda. 

» Le  vigoureux  Indra,  sa  foudre  à la  main,  environné 
par  toutes  les  armées  des  Dieux,  et  désireux  d'immoler 
ses  ennemis,  s'approcha  d'une  marche  très-hâtée  vers 
Mahà.séna.  14,370—14,371. 

» L'armée  des  Dieux  à la  grande  splendeur,  mnnie 
d'arcs,  montée  sur  une  foule  de  chars,  de  chevaux  et 
d'éléphants,  revêtue  de  cuirasses,  ombragée  de  drapeaux 
yariés,  s’avançait  effrayante  avec  un  vaste  bruit. 

» Koumâra  porta  ses  pas  derrière  Çakra,  qui  marchait 
avec  le  désir  d'immoler  ses  ennemis,  éblouissant  de  pa- 
rures, admirable  de  beauté,  revêtu  d’une  robe  précieuse. 

14,372—14,873. 

» Le  puissant  monarque  des  Dieux  s’avance  rapide- 
ment, fils  de  Prithà,  désirant  tuer  le  fils  du  Feu  et  pous- 
sant des  cris,  qui  jettent  l’effroi  dans  l’année  des  Immor- 
teU. 14,374. 

» Honoré  des  Tridaças  et  des  rishis  du  plus  haut  rang, 
quand  il  fut  arrivé  près  de  Karttikéya,  le  fils  de  Vasou,  le 
roi  des  Dieux,  jeta  son  cri  de  guerre,  soutenu  par  les  cris 
des  Souras.  A ce  bruit,  Gouha  répondit  comme  la  mer  en 
fureur.  14,376—14,376. 


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VANA-PARVA. 


3«9 


» A cette  immense  clameur,  la  lumière  sortit  des  eaux 
de  la  mer,  et  l’année  des  Dieux,  hors  d’elle-même,  flotta 
çàetlà.  14,377. 

» Quand  il  vit  que  les  Dieux  étaient  venus  avec  l’envie 
de  le  détruire,  le  fils  courroucé  du  Feu  vomit  de  sa  bouche 
d’immenses  nammes  de  feu.  14,378. 

» 11  brûla  les  armées  tremblantes  des  Dieux  sur  le  sol 
de  la  terre.  Ceux-ci  tombés,  le  corps  et  la  tête  en  feu, 
les  armes  et  les  montures  en  feu,  ressemblaient  à des 
troupes  d’étoiles,  qui  jonchaient  la  plaine.  En  proie  aux 
flammes,  ils  implorèrent  le  secours  du  lils  d'Agni. 

14,379—14,380. 

» Abandonnant  le  Dieu,  qui  tient  la  foudre,  ils  deman- 
dent la  paix.  Déserté  par  les  Dieux,  Çakra  fait  alors  tom- 
ber sur  Skanda  son  tonnene.  14,381. 

I)  (’Ætte  fondre  lancée  frappa  impétueusement  le  côté 
droit  de  l’enfant  Dieu  ; elle  brisa,  puis.sant  roi,  le  flanc  de 
ce  magnanime.  14,382. 

n Ce  coup  du  tonnerre  (it  paraître  un  nouvel  homme  à 
la  place  de  Skanda;  il  était  jeune,  il  j>ortait  une  cuirasse 
d’or,  il  tenait  une  lance  de  fer,  il  avait  de  célestes  pende- 
loques. 14,383. 

I)  L’entrée  du  tonnerre  dans  son  corps  en  lit  sortir  la 
constellation  'Viçâkha.  Quand  il  vit  naître  un  autre 
homme  d’une  splendeur  égale  au  feu  de  la  mort,  Indra, 
joignant  .ses  mains,  implora  d’effroi  la  |)rotection  de 
Skanda.  Le  vertueux  jeune  homme  lui  accorda  la  paix,  à 
lui  et  à son  armée.  14,384 — 14,385. 

» Alors,  transportés  de  joie,  les  Dieux  firent  résonner 
leurs  instruments  de  musique.  14,386. 

» .Apprends  quels  furent  ses  terribles  compagnons  !i 
IV  ' 24 


870 


LE  MAHA-BHARATA. 


l'aspect  admirable  : les  Koumâras  naquirent  de  ce  coup 
de  foudre  envoyé  à Skanda.  18,387. 

» Non-seulement  ce  coup  de  tonnerre  fit  naître  ces  êtres 
épouvanmbles,  qui  enlèvent  les  enfants  nés  ou  portés  en- 
core dans  le  sein  de  leur  mère  ; il  produisit  même  des  jeu- 
nes filles  à la  grande  vigueur.  14,388. 

» Les  Kouniàras  firent  de  l’astérisme  ViçAkha  leur  père. 
Le  vénérable  à la  lèle  de  bouc,  venu  à la  vie,  et  B'  adra- 
çâkha,  qui  fut  un  présent  des  mères  attentives,  le  défen- 
dirent dans  la  guerre,  environnés  par  les  troupes  des 
jeunes  filles  et  par  tous  les  jeunes  fils,  leurs  parents. 

» Les  hommes  invoquèrent  Skanda  sur  la  terre  sous  les 
noms  de  Koumâra  et  de  Pitri  ; ils  semèrent  dans  les  con- 
trées le  bruit  que  Çiva  avait  joué  le  personnage  du  puis- 
sant Agni,  et  son  épouse  Oumâ  celui  de  SwAhà. 

14,389—14,890. 

Il  Les  hommes,  qui  aiment  leurs  fils  ou  qui  veulent  en 
obtenir,  lui  sacrifient  sans  cesse.  Le  Feu  du  sacrifice  en- 
gendra heureusement  les  jeunes  filles,  qui  sont  nommées 
les  Tapas  ou  tes  obligations  parlit  ulières  à chacune  des 
castes.  14,391 — 14,392. 

n Que  ferai-je?  » dirent  ces  vierges.  Elles  s’approchè- 
rent de  Skanda  : « Puissions-nous  être  les  mères  suprêmes 
du  monde  entier I » lui  demandèrent-elles.  14,3t>3. 

» Et  pui.ssions-nous  être  honorées  par  1 1 grâce  ! fais- 
nous  ce  plaisir.  » — « Oui,  répondit-il;  soyez  ainsi,  cha- 
cune en  particulier,  14,394. 

» Amies  ou  ennemias  tour  à tour,  et  douées  d’une  noble 
intelligence.  » Quand  il  eut  établi  Skanda  dans  la  qualité 
de  père,  le  groupe  des  mères  se  retira.  14,395. 

n Kàkl,  Halimà  etMàlinI,  Vrinhilâ,  Aryà,  Palâlâ  et 


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VANA-PARVA. 


S71 


Yatroitrâ  ; telles  sont  les  sept,  qui  furent  les  nourrices  de 
l'enfant.  1A,306. 

» Nàniâii,  enfant  terrible,  épouvantable,  doué  de  vi- 
gueur, aux  yeux  couleur  de  sang,  naquit  leur  fils  par  la 
grâce  de  Skaiida.  lâ,3t>7. 

» Ce  héros,  né  du  groupe  des  mères,  est  dit  le  huitième 
fils  de  Skanda;  la  Tûte-de-bouc  est  cité  avec  lui  comme  le 
neuvième.  14,398. 

n La  sixième  tête  de  Skanda  est  celle  empruntée  au 
bouc,  sache  -le  : l'espace  entre  les  six  têtes  fut  toujours 
honoré,  sire,  par  les  troupes  des  nourrices.  14,399. 

I,a  meilleure  des  six  têtes  de  Skanda,  celle,  avec  laquelle 
il  créa  son  énergie  divine,  est  nommée  en  ce  bas  monde 
Bhadraçaka.  14,4üü. 

« Ces  événements  variés  sont  arrivés  le  cinq,  et  son 
grand  combat  fut  livré  là,  souverain  des  hommes,  le  t4t 
de  la  quinzaine  lumineuse.  14,401. 

» Ensuite  la  Beauté,  ayant  pris  elle-même  un  corps  sous 
la  forme  d'un  lotus,  s’approcha  du  jeune  et  généreux  héros 
aux  boucles  d'oreilles  étincelantes,  de  Skanda  assis,  à la 
guirlande  et  à la  cuirasse  d'or,  à la  tiare  et  à l'aigrette 
d’or,  aux  yeux  couleur  d’or,  à la  splendeur  éclatante,  aux 
dents  aiguës,  vêtu  d’une  robe  rouge,  enchanteur,  réunis- 
sant tous  les  caractères  de  la  beauté,  et  bien  chéri  des 
trois  mondes.  14,402 — 14,403 — 14,404. 

U Alors,  tous  les  êtres  virent  assis,  comme  la  lune  dans 
sa  pléoménie,  ce  p'us  gracieux  des  jouvenceaux  à la  vaste 
renommée,  aux  six  visages  parés  de  leur  beauté.  14,405. 

» Les  magnanimes  brahmarshis  honorèrent  le  vigou- 
reux Skanda  et  les  maharshis  lui  adressèrent  ce  langage  : 

« Enfant  d'or,  la  félicité  descende  sur  toi  ! accorde  ta 


S72 


LE  MAHA-BHAR4TA. 


faveur  aux  mondes.  Tu  es  né  depuis  six  jours  seulement, 
et  tu  es  capable  de  mettre  tous  les  mondes  sous  ta  loi. 

14,406—14.407. 

» Tu  leur  rendras  la  sécurité,  Ole  plus  grand  des  Dieux. 
Que  ta  divinité  soit  donc  Indra,  assurant  la  sécurité  des 
trois  mondes.  » 14,408. 

« Qu’est-ce  qu’Indra  fait  ici  pour  tous  les  mondes?  ré- 
pondit Skanda.  Comment  le  souverain  desSouras  défend- 
il  toujours  les  armées  des  Dieux  ? » 14,409. 

(I  Indra  a disposé  la  force  et  la  vigueur  pour  tous  les 
êtres,  reprirent  les  rishis  ; il  donne  le  plaisir  aux  créa- 
tures : ce  maître  des  Dieux  accomplit  tous  les  désirs, 
quand  il  est  satisfait.  14,410. 

» Le  meurtrier  de  Bala  détruit  les  méchants,  il  gra- 
tifie les  bons  ; il  gouverne  les  êtres  dans  leurs  alTaires. 

» Grâce  à lui,  le  soleil  brillerait  quand  il  n’y  a pas  de 
soleil  ; la  lune  reluirait,  quand  il  n’y  a pas  de  lune  ; le 
feu,  le  vent,  la  terre  et  l’eau  subsistent  par  ses  a^'tions. 

14,411—14,412. 

» Voilà  ce  qui  est  dans  les  fonctions  d’Indra,  car  il  est 
en  lui  une  force  puissante.  Sois  donc  Indra  maintenant, 
héros,  toi,  qui  es  le  plus  fort  parmi  les  êtres  forts.  14,413. 

» Sois  Indra!  apporte-nous  le  plaisir  à tous,  dit  Çakra. 
Sois  inauguré  à l’instant  même,  car,  6 le  plus  éminent  des 
Dieux,  tu  as  acquis  ton  développement.  » 14,414. 

« Règne  sans  trouble  sur  les  trois  mondes , répondit 
Skanda,  et  complais-toi  dans  la  victo  re.  Je  suis  ton  ser- 
viteur, Indra,  et  je  ne  désire  pas  la  domination.  » 14,415. 

« Il  est  une  force  merveilleuse  en  toi,  héros;  extermine 
les  ennemis  des  Dieux,  reprit  Çakra.  Les  mondes,  émer- 
veillés de  ta  vigueur,  auront  du  mépris  pour  moi,  placé 


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VANA-PARVA. 


575 


sur  un  trône  suprême,  mais  vaincu  et  privé  de  force.  Us 
publieront  avec  ardeur  qu’une  mutuelle  division  nous  sé- 
pare. là.âlt) — 14, M7. 

» Si  tu  étais  divisé,  le  monde  s’en  irait  en  deux  parties, 
seigneur;  mais,  quand  même  les  mondes  seraient  divisés 
et  auraient  pris  parti  contre  nous  deux,  livre  ce  combat. 
Dieu  puissant,  malgré  cette  division  même.  La  bataille, 
comme  on  te  l’a  dit,  mon  enfant,  te  fera  conquérir  ma 
vigueur.  14,418 — 14,419. 

» Ta  majesté  sera  donc  Indra , ne  balance  pas  ! » — 
« Toi-même,  s’il  te  plaît,  reprit  Skanda,  sois  le  souverain, 
et  des  trois  mondes,  et  de  moi.  14,420. 

» Que  ferai-je  pour  toi,  Çakra?  Donne-moi  tes  ordres.  » 
— « Je  serai  Indra,  répondit  celui-ci,  comme  tu  l’as  dit, 
héros  à la  grande  force.  14,421. 

» Si  cette  parole  fut  avancée  avec  vérité  par  toi  et  sur 
une  détermination  prise,  ou,  situ  veux  exécuter  cet  ordre, 
écoute-moi,  Skanda.  14,422. 

» Sois  inauguré  dans  le  généralat  des  Dieux,  enfant  à 
la  grande  vigueur.  » — « Pour  la  mort  des  Dânuvas,  re- 
prit Skanda,  pour  le  succès  de  l’afl'aire  des  Dieux 

» Et  pour  le  bien  des  brahmes  et  des  vaches,  sacre-moi 
dans  le  généralat.  » Sacré  par  .Uaghavat,  accompagné  de 
tous  les  choeurs  des  Dieux,  14,423 — 14,424. 

» Il  brilla,  exalté  par  les  maharshis,  d'un  éblouissant 
éclat  ; et,  portée  sur  sa  tête,  resplendit  l’ombrelle  d’or, 

U Comme  un  disque  de  feu  grandement  allumé.  L’il- 
lustre meurtrier  de  Tripoura  s’approcha  lui-même,  ac^ 
compagné  d’Oumà,  victorieux  monarque  des  hommes,  et 
attacha  de  sa  main  sur  lui  une  céleste  guirlande  d’or,  ou- 
vrage de  Viçvakarma.  14,  i2ô— 14,426 — 14,427. 


374 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Skanda  fut  honoré  de  l’Immortel  bien  joyeux,  qui 
arbore  un  taureau  sur  le  champ  de  son  drapeau.  Les 
brahme.s  disent  qu’Agni  était  Çiva,  et  c’est  pourquoi  ce 
jeune  Dieu  est  nommé  le  fils  de  Çiva.  14.4tl8. 

I)  Roudra  laissa  tomber  sa  semence,  dinent-ih,  et  le 
mont  Swéia  fut;  les  Pléiades  conservèrent  dans  le  mont 
Swéta  cette  semence  de  feu.  14,420. 

» Après  que.  tous  les  habit  nts  du  ciel  eurent  vu  Roudra 
honorer  cet  enfant,  ils  dirent  que  Gouha,  le  mieux  doué 
des  êtres  bien  doués,  était  le  fils  de  Roudra.  14,430. 

» Cet  enfant  suivit  Roudra  entré  dans  le  feu  : de-là  vint 
son  nom  de  Skanda;  de-là  vint  qu’il  fut  appelé  le  fils  de 
Roudra.  14,431. 

» Skanda  né  de  Roudra,  du  Feu,  de  Swâhâ  et  des  six 
nourrices,  est  ainsi  le  plus  e.xcellent  des  Dieux,  Bharatide, 
et  le  fils  de  Roudra.  14,432. 

» Revêtu  de  deux  robes  indestructibles,  couleur  de  sang, 
le  fils  du  Feu,  beau,  le  corps  enflammé,  brille  comme  le 
soleil,  enveloppé  par  deux  nuées  rouges.  14,433. 

» Agni  lui  donna  un  coq  et  un  drapeau  décoré,  cra- 
moisi, qui  brille,  arboré  au-dessus  de  son  char,  comme  le 
feu  de  la  mort.  14,434. 

U Devant  lui  est  sa  lance,  cpii  étend  la  victoire  des 
Dieux,  et  la  splendeur,  qui  est  le  désir  de  tous  les  êtres,  et 
la  placidité,  et  la  force.  14,435. 

» Dana  son  corps  entra  une  cuirasse  naturelle  ; elle  se 
manifeste  toujours  au  moment  où  le  Dieu  combat.  14,436. 

‘ » L’énergie,  le  devoir,  la  force,  la  splendeur,  la  beauté, 
la  vérité,  le  succès,  la  science  brahmique,  la  fermeté  d’âme 
et  la  défense  des  créatures,  le  retranchement  des  ennemis 
et  la  protection  des  mondes  : toutes  ces  qualités,  mo- 


Digitizad 


VANA-PARVA. 


375 


narque  des  hommes,  sont  nées  avec  Skanda  même, 
n Inauguré  ainsi  par  tous  les  chœurs  des  Dieux,  l’Im- 
mortel satisfait,  bien  paré,  brilla  comme  le  disque  de  la 
lune  dans  une  pléoménie.  14,437 — 14,438 — 14,439. 

i>  Environné  par  les  sacrifices,  le  murmure  des  prières, 
le  son  des  instruments  célestes,  le  chant  des  Gandharvas 
et  des  Dieux,  par  tous  les  chœurs  des  Apsaras,  14,440. 

» Entouré  parceux-ci  et  par  d’autres  en  grand  nombre, 
satisfaits,  joyeux,  bien  parés,  les  troupes  des  Piçàtchas  et 
la  foule  des  Dieux,  14,441. 

U Le  fils  du  Feu,  sacré  par  la  main  des  Immortels, 
brillait  alorsen  se  jouant.  Les  habitants  du  ciel  virentdonc 
Mahâséna  sacré  dissiper  les  ténèbres,  comme  on  voit  le 
soleil  à son  lever.  Toutes  les  armées  des  Dieux  s'avan- 
cèrent vers  lui  par  milliers;  14,442 — 14,443. 

1)  Et,  s’étant  approchées  de  tous  les  points  de  l’espace, 
elles  disaient  ; « Tu  es  notre  général  ! » L’  Adorable,  en- 
vironné par  toutes  les  troupes  des  Bhoûtas,  répondit  à ces 
honneurs  et  à ces  éloges  avec  des  compliments  aux  divines 
armées  ; et  Çatakratou  alors  de  sacrer  Skanda  en  qualité 
dégénérai.  14,444 — 14,443. 

U Voilà  cette  Dévasénà  (1),  se  rappela-t-il,  qui  fut  sauvée 
par  moi  : c’est  Brahma  sans  doute,  qui  a disposé  lui- 
mème  cet  enfant  pour  être  ici  le  général  ! » 14,440. 

» Cette  réflexion  fuite,  il  fit  venir  près  de  lui  cette 
vierge  bien  décorée,  et  le  destructeur  des  armées  dit  ces 
paroles  à Skanda  ; <i  Tu  u’étais  pas  encore  né,  quatid  l’Étre- 
existant-par-lui-même  désigna  cette  jeune  fille,  ô le  plus 
grand  des  Dieux,  pour  être  un  jour  ton  épouse.  Prends 


(l)  Dëv<uénd  veut  dire  formée  des  Dieujr. 


376 


LE  MAHA-BHARATA. 


donc,  suivant  les  rites  et  mettant  au  premier  rang  les 
prières,  avec  ta  main,  qui  a l'éclat  des  lotus,  la  main 
droite  de  cetie  princesse.  » A ces  mots,  Skandn  prit  à la 
rûrge  sa  main  suivant  les  rites.  lA,AA7-lA,Aè8-lè,AiO. 

» Vrihaspati,  versé  dans  les  mantras,  récita  les  prières 
et  célébra  le  sacrilice.  Les  peuples  disent  que  Dévasénà 
devint  ainsi  la  royale  épouse  de  Skanda.  1A,A50. 

» Les  brahmes  rapportent  qu’il  épousa  encore  AparA- 
djità,  Sadvriiti,  Kouhoû,  Sintvàli,  Soukhapradà,  etLaksh- 
mlmàsà,  qui  fut  lasixième.  1A,A51. 

» Alors  que  Dévasénà  eut  acquis  l’immortel  Skanda  pour 
son  époux,  la  Déesse  Lakshmi,  empruntant  un  corps, 
vint  d’elle -même  le  trouver.  1A,A5'2. 

n Skanda,  cher  à la  fortune,  eut  donc  Çrî  pour  cinquième 
épouse  : c’est  pour  cela  que  Çri  est  surnommée  Pantcha- 
mî  (1)  ; ce  sixième  jour  est  ainsi  un  grand  jour  lunaire, 
parce  qu’il  triomplia,  n’étant  âgé  que  de  sixjours.  'IA,A53. 

Les  six  épouses  des  sept  grands  rishis  se  rendirent  en 
la  présence  de  Mahàséna,  cher  à la  fortune,  et  devenu  le 
général  de  l’armée  des  Dieux.  lA,AàA. 

Il  Répudiées  par  les  rishis,  ces  femmes  vertueuses  aux 
grands  vœux  accoururent  à la  hâte  et  dirent  à l’auguste 
chef  de  l’armée  df  s Immortels  : 1A,A5Ô. 

n Abandonnées  sans  cause,  dans  un  mouvement  de  co- 
lère, par  nos  époux  en  estime  auprès  des  Dieux,  nous 
sommes,  mon  fils,  déchues  du  rang  de  la  vertu.  1A,AÔ6. 

Il  C est  à nous,  certes  ! que  tu  dois  ta  naissance,  nous 
fut-il  dit  par  quelqu’un.  A cause  de  cette  vérité,  veuille 
bien  nous  sauver,  maintenant  que  tu  l’as  entendue. 


(I)  G'esl-à-<lire,  la  cinijuiètne. 


VANA-PARVA. 


377 


» Puissions-nous,  grâce  à toi,  seigneur,  obtenir  l'éter- 
nel Swarga  1 Nous  désirons  que  tu  nous  sois  donné  pour 
fils  : que  cette  action  t’affranchisse  de  ta  dette  ! » 

O Vos  Grâces  sont  mes  mères,  et  je  suis  votre  fils,  irré- 
prochables dames,  répondit  Skanda  ; tous  vos  désirs  seront 
accomplis.  » 14,457 — 14,458 — 14,459. 

» A Indra,  qui  voulait  parler:  « Que  dois-je  faire? 
Parle  ! U dit-il.  A ces  paroles  de  Skanda,  le  fils  de  Vasou 
tint  ce  langage  : 14,400. 

(I  Abhidjit  (1),  qui  est  la  plus  jeune  soeur  de  Rohini  (2), 
désire  la  supériorité,  et,  dans  son  émulation,  elle  s'en  est 
allée  au  bois  se  livrer  â la  pénitence.  14,401. 

» Cette  constellation  tombée  du  ciel  me  fait,  s’il  m’est 
permis  de  le  dire,  perdre  ici  l'esprit  : Rohini  remonte  au 
premier  temps  avec  Brahma;  pense-s-y,  Skanda.  14,402. 

1)  Brahma  fit  Dhamishtha  ;3)  et  le  premier  temps;  Ro- 
hini était,  certes  ! avant  emr  : ainsi,  le  nombre  était  au 
complet.  » 14,403. 

» Comme  Çakra  parlait,  les  Pléiades  vinrent  au  Tridi  va  : 
cet  astérisme.  Divinité  du  feu,  brillait,  semblable  à sept 
têtes.  14,404. 

n Yinatà  dit  à Skanda  : «Tu  es  mon  fils,  qui  doit  m’offrir 
le  gâteau  funèbre  : ie  désire  toujours  siéger  avec  toi,  mon 
fils.»  14,405. 

« Qu’il  en  soit  ainsi  ! lui  répondit  Skanda.  Hommage  te 
soit  rendu  pour  ton  amour  à ton  fils!  Donne-moi  tes 
ordres  ! Tu  habiteras  toujours  avec  moi.  Déesse,  honorée 
par  tes  brus.  » 14,400. 

» Ensuite,  le  groupe  entier  des  mères  dit  ces  mots  .4 


(1-3-3)  Trois  constellations  luoairei*. 


578 


LE  MAHA-BHARATA. 


Skanda  : « Les  poètes  nous  célèbrent  comme  les  mères  du 
monde  entier.  Iâ,â67. 

Il  Nous  désirons  être  en  qualité  de  m“res  avec  toi  : 
veuille  bien  nous  honorer.  » — « Vos  Grâces,  répondit 
Skanda,  sont  mes  mères,  et  je  suis  le  fils  de  vos  Grâces. 

» Dites-moi  ce  que  vous  désirez  que  je  fasse.  — « On  a 
créé  des  mères  avant  ce  monde,  reprirent  ses  nourrices. 

14,468— lâ, 460. 

» Qu’il  y ait  un  lieu  pour  nous  et  qu'il  n'y  ait  pas  un 
lieu  pour  elles  : soyons  en  honneur  dans  ce  monde,  ô le 
plus  grand  des  Dieux,  et  qu' elles  n’y  soient  pas  en  honneur 
elles-mêmes.  14,470. 

I)  Elles  ont  enlevé  nos  enfants  : livre-nous  ces  mères  à 
cause  de  celte  action.  » — « Des  enfants  leur  furent 
donnés  : sur  lesquels  vous  ne  pouvez  arrêter  vos  désirs. 

» Quel  autre  enfant  désirez-vous  dans  votre  cœur,  que 
je  vous  abandonne  ?»  — « Nous  désirons  dévorer  les  en- 
fants des  mères  : donnc-nous-les  ! » repartirent  ses 
nourrices.  14,471 — 14,472. 

— « Je  vous  livre  ces  enfatits,  reprit  Skanda  ; mais  ce 
que  vos  Grâces  ont  dit  là  est  une  parole  malhem'euse. 

» Conservez,  s’il  vous  plaît,  les  enfants,  de  gui  les  pa~ 
rente  vous  rendront  un  digne  hommage.  » — uNouscon- 
serverons  ces  enfants,  comme  tu  le  désires,  Skanda,  répon- 
dirent ses  nourrices  : la  félicité  descende  sur  toi  ! 

14,473—14.474. 

» 11  nous  est  agréable  d’habiter  long-temps  avec  toi, 
auguste  Skanda.  » — « Tourmentez  sous  des  formes  va- 
riées, reprit-il,  les  jeunes  enfants  des  hommes,  tant  qu’ils 
n’auront  pas  seize  années  : je  vous  donnerai  moi  ! une  âme 
terrible,  immortelle,  14,475—14,476. 


VANA-PARVA. 


379 


» Grâce  à laquelle  vous  habiterez,  honorées,  avec  la 
tranquillité  la  plus  grande  au  milieu  des  nouffrances,  dont 
vous  serez  la  cause.  » Ensuite,  il  sortit  du  corps  de  Skanda 
un  homme  très-auguste,  éclatant  comme  le  feu,  pour 
dévorer  les  enfants  des  mortels.  II  tomba  soudain  sur  la 
terre,  l’aine  égarée,  tourmenté  par  la  faim. 

» Congédié  par  Skanda,  il  devint  un  Démon  aux  formes 
terribles.  Les  plus  savants  des  brahmes  appellent  ce  Génie 
aux  mains  saisissantes  l'Épilepsie-de-Skanda. 

14,477—14,478—14,479. 

» Vinalà  aux  formes  bien  etfrayantes  est,  assure-t-on, 
un  Démon-oiseau  ; on  dit,  suivant  la  science,  que  ce  Génie, 
dévorant  les  enfants,  est  la  Rakshast  Poutanà.  14,480. 

» Une  Piçàtcht,  cruelle  rôdeuse  des  nuits,  à l'aspect 
horrible,  aux  formes  effrayantes,  aux  apparences  épou- 
vantables, est  nommée  la  Furie-Glaçante.  14,481. 

» Une  Goule  terrible  à voir  enlève  les  enfants  des 
hommes  : on  l’appelle  Aditi-Révati.  Le  Démon  Ralvala 
est  son  fils.  14,482. 

» Ce  puissant  Génie,  à l’aspect  effrayant,  tourmente 
les  enfants.  Diti,  qui  est  la  mère  des  Dattyas,  est  la 
Démone,  que  l’on  appelle  Moukhainandikà.  14.483. 

» Des  jouvencelles  et  des  jouvenceaux  inaiïrontables, 
que  la  chair  des  enfants  met  au  comble  de  la  joie,  sont 
dits  encore  tirer  de  Skanda  leur  naissance.  14,484. 

» Tous  ces  mangeurs  d’embryons,  descendant  de 
Kourou,  sont  de  bien  grands  Démons  : on  cite  même  les 
époux  de  ces  épouses.  1A,485. 

» Engagés,  sans  y être  appelés,  en  de  terribles  affaires, 
ils  saisissent  les  enfants.  Sourabhi,  sire,  que  les  savants 
disent  la  mère  des  vaches,  et  Çakouni,  montant  sur  la 


380 


LE  MAHA-BHARATA. 


feoime,  dévorent  ensemble  les  enfants  sur  la  terre.  La 
Déesse  Saranià,  qui  est,  monarque  des  hommes,  la  mère 
des  chiens,  ne  cesse  pas  (l'enlever  les  fruits  au  sein  des 
filles  de  Manou.  Celle,  qui  est  la  mère  des  arbres  et  qui  à 
pour  habitation  un  karandja  (1),  est  bienveillante;  elle 
donne  des  grâces,  elle  est  pleine  de  compassion  pour  les 
créatures  : aussi  est-elle  adorée  au  pied  d’un  karandja 
par  les  hommes,  qui  dé.sirent  avoir  des  enfants. 

lâ,486  -14,487—14,488—14,489. 

» Ces  d x-huit  autres  Furies,  avides  de  liqueurs  spiri- 
tueuses  et  de  chair,  se  tiennent  sans  ce.sse  deux  fois  cinq 
nuits  dans  la  chambre  â coucher  des  femmes.  14,490. 

» Kadroû,  s'étant  fait  un  corps  subtil,  entre  dans  la . 
femme  enceinte;  elle  dévore  là  son  fruit,  et  la  mère  accou- 
che d'un  serpent.  14,491. 

» Celle,  qui  est  la  mère  des  Gandharvas,  s'enfuit, 
emportant  le  fruit  ; et  la  tille  de  Manou  ensuite  est  vue  sur 
la  terre  avec  son  fruit  disparu.  14,492. 

» Mais  celle,  qui  est  la  mère  des  Apsaras,  demeure 
après  qu'elle  a enlevé  le  fruit  ; et  les  femmes  disent  alors 
que  le  fruit  a péri.  14,493. 

» La  fille  de  l’océan,  couleur  de  sang,  qui  est  appelée 
la  nourrice  de  Skanda,  est  henorée  au  pied  d'un  kadamba 
sous  le  nom  de  Lohitàyani,  14,494. 

» On  ofire  des  sacrifices  pour  des  vœux  particuliers  à 
Aryà,  la  mère  du  Kouinàra,  noble  entre  les  femmes, 
comme  Çiva  l'est  parmi  les  hommes.  14,495. 

» Je  t'ai  raconté  r«s  grands  Démons,  tyrans  des  enfants, 
qu'ils  oppriment  jusqu'à  l’âge  de  seizeannées.  14,496. 

(1)  Geiedupa  arborea. 


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VANA-PARVA. 


381 


» J'ai  dit,  et  les  groupes  des  Furies,  et  les  mauvais 
Génies  mâles  : les  hommes  ne  doivent  jamais  ignorer  tous 
ces  êtres,  compris  sous  le  nom  de  Démons-de-SItanda. 

Il  11  faut  se  les  rendre  favorables  par  des  ablutions,  des 
fumigations,  des  onctions  de  collyre,  des  offrandes  à toutes 
les  créatures,  des  cérémonies,  des  fleurs  déposées  sur  les 
autels,  et  surtout  des  sacrifices  à Skanda.  1A,&97-Ié,i98. 

U Tous  honorés  ainsi,  ils  accordent  aux  hommes  unevie 
heureuse  eüa  vigueur,  quand  on  leur  a,  Indra  des  mo- 
narques, rendu  convenablement  l'honneur  et  l'adoration. 

U Je  vais  te  dire,  après  que  j'aurai  fait  hommage  à Ua^ 
héçwara,  les  Démons,  qui  affligent  les  hommes,  passé  l’âge 
de  seize  ans.  lé, 199 — 11,500. 

» L'homme  q .i,  éveillé  ou  dormant,  voit  les  Dieux,  est 
bientôt  frappé  de  folie  ; l’oppresseur  est  appelé  le  Démon 
des  Dieux.  11,501. 

» L'homme  qui,  assis  ou  couché,  voit  les  Mânes,  est 
bientôt  frappé  de  folie  ; l’oppresseur  est  appelé  le  Démon 
des  Mânes.  11,502. 

a Celui,  qui  méprise  les  saints,  ou  celui,  qu’ils  mau- 
dissent avec  colère,  est  bientôt  frappé  de  folie;  l’oppres- 
seur est  appelé  le  Démon  des  saints.  11,503. 

» Celui,  qui  savoure  les  parfums  et  les  mets  variés,  est 
bientôt  frappé  de  folie  ; l’oppresseur  est  appelé  le  Démon 
des  Rakshasas.  11,501. 

U L’homme,  dans  lequel  entrent  sur  la  terre  les  célestes 
Gandharvas,  est  bientôt  frappé  de  folie;  l'oppresseur  est 
appelé  le  Démon  Gandharvique.  11,505. 

» L'homme,  sur  qui  montent  continuellement  les  Piçâ- 
tchas,  e.st  bientôt  frappé  de  folie  ; l'oppresseur  est  appelé 
le  Démon  Palçâtchique.  11,506. 


382 


LE  MAHA-BHARATA. 


» L’homme,  au  sein  duquel  entrent  les  Yakshas  dans 
l’adversité  des  temps,  est  bientôt  frappé  de  folie  ; l’oppres- 
seur est  appelé  le  Démon  des  Takshas.  1i,ô07, 

» Le  mortel,  par  les  fautes  de  qui  l’àme  est  troublée 
jusqu’à  la  colère,  est  bientôt  frappé  de  folie  ; et  son  châti- 
ment est  conforme  aux  Çâstras.  li,508. 

■>  Si,  ou  par  la  vue  de  choses  épouvantables,  ou  par 
crainte,  ou  par  une  commotion  de  l’âme,  il  est  frappé  tout 
à coup  de  folie,  on  y remédie  en  le  caressant  lâ,60t*. 

» L’amour  du  jeu,  un  autre  amour,  qui  est  celui  de  la 
table,  uu  autre,  qui  est  l'ivresse  de  l’amour  : voilà  trois 
sortes  de  Dénions.  1i,510. 

i>  Tels  sont  les  Démons,  qui  possèdent  les  hommes  jus- 
qu’à l’âge  de  soixante-dix  années  ; une  fois  ce  temps 
passé,  la  maladie  est  un  Démon  semblable  pour  les  êtres 
mortels.  1A,511. 

» Les  Démons  ne  s’attaquent  jamais  à l’homme  pieux, 
rempli  de  fui,  dompté , pur,  qui  tient  la  bride  à ses  or- 
ganes des  sens  et  qui  est  toujours  sans  paresse,  là, 51 2. 

» Ici,  j’ai  achevé  de  t’énumérer  les  Démons,  qui  infes- 
tent les  enfants  de  Manou  : ces  fantômes  ne  touchent  ja- 
mais aux  hommes,  dévoués  au  Dieu  Hahéçwara.  li,513. 

O .Après  qu’il  eut  ainsi  accordé  à ses  nourrices  cette 
chose  agréable,  Swàhft  tint  elle-même  ce  langage  à 
Skanda  : « Tu  es  le  flls,  né  de  mon  sein.  1A,51&. 

» Je  désire  que  tu  me  fasses  un  plaisir  de  la  plus  grande 
difRculté  à obtenir.  » Skanda  lui  répondit  : « Quel  est  ce 
plaisir,  objet  de  ton  désir?  u là, 615. 

a Je  suis  la  fille  chérie  de  Daksha,  répondit-elle  ; mon 
nom  est  Stvàhâ,  guerrier  aux  longs  bras.  Dès  l’enfance, 
j’ai  toujours  eu  de  l’amour  pour  le  Dieu  du  feu.  14,51(5. 


VANA-PARVA. 


383 


» Mais  le  Feu  ne  sait  pas  bien,  mon  fils,  que  je  suis 
amoureuse  de  lui.  Je  souhaite  demeurer  d’une  habitation 
éternelle  avec  le  Feu.  » 1A,.ôl7. 

n Les  brahmes  u’ofiriront  jamais  dans  le  feu.  Déesse, 
rep  it  Skanda,  les  oblations  aux  Dieux,  les  oITrandes  aux 
MAncs  et  toute  chose  quelconque  louée  dans  les  formules 
de  prières,  sans  qu’ils  n’aient  dit  à haute  voix  : « SwâhA  ! » 

» A compter  de  ce  jour,  les  hommes  à la  conduite  sape 
et  placés  dans  la  route  du  bien  sacrifieront  ainsi,  et  le  feu 
habitera  toujours  de  cette  manière  avec  loi , dame  char- 
mante. » 14,518 — 14,510. 

» Satisfaite  à ces  mots,  Swâhà,  honorée  par  Skanda, 
fut  unie  d’hymen  au  leu,  et  rendit  grâces  à son  fils. 

» Ensuite,  Brahma  le  Pradjâpaii  dit  à Mahâdéva  : « Va 
trouver  le  Grand-Dieu , ton  père , le  meurtrier  de  Tri- 
poura.  I)  1A,520 — 14,521. 

» Quand  tu  seras  entré  avec  Roudra  dans  le  feu , avec 
Ouroâ  dans  Swâhâ , pour  le  bien  de  tous  les  mondes , tu 
seras  invincible.  » 14,522. 

U I.e  magnanime  Roudra  arrosa  d’une  semence  la  ma- 
trice d’Oumà  : elle  est  tombée  sur  cette  montagne , et  de 
là  sont  nés  Mindjika  et  M'ndjikâ.  14,523. 

U Un  reste  de  la  semence  apparue  tomba  dans  la  mer 
couleur  de  sang , un  autre  dans  les  rayons  du  soleil , un 
autre  sur  la  terre.  14,524. 

» Un  autre  enfin  s’attacha  aux  arbres  ; elle  tomba 
donc  en  cinq  portions.  Les  hommes  intelligents  doivent 
comprendre  que  de-là  sont  nés  des  groupes  aux  formes 
diverses,  14,525. 

» Et  ces  horribles  mangeurs  de  chair , qui  seront  tes 
compagnons.  » — « Qu’il  en  soit  ainsi  I » répondit  Mahâ- 


m 


Lt:  MAHA-BHARATA. 


séoa,  qui,  doué  d'une  âme  san.s  mesure  et  rempli  d’amour 
pour  ses  pères , honora  le  Grand-Dieu , son  père.  Les 
hommes , qui  désirent  des  richesses , doivent  faire  hom- 
mage à ces  cinq  groupes  d'êtres  avec  des  fleurs , pré.seot 
du  soleil.  lA,ô2tf — 1A.527. 

» Voulez- vous  écarter  les  maladies,  il  faut  rendre  hon- 
neur à ces  tnyslirieuies  crialuret.  Quiconque  désire  le 
bien  de  ses  enfants,  ne  doit  manquer  jamais  de  faire  ado- 
ration à Mindjika  et  Mindjikâ,  ce  couple,  enfant  de  Rou- 
dra.  Il  y a des  femmes  anthropophages,  nommées  les 
Vriddhikâs.  14,628—14,629. 

» Ceux,  qui  désirent  une  descendance,  ont  à rendre  un 
hommage  à ces  Déesses , nées  au  sein  des  arbres.  De 
même,  les  troupes  des  Ihçâtchas  sont,  dit-on,  innombra- 
bles. 14,630. 

n Écoute-moi,  sire,  te  raconter  l’origine  des  clo- 
chettes et  du  drapeau.  Alrâvata  possédait  une  couple  de 
clochettes,  connues  sous  le  nom  de  Victorieuses.  14,631. 

» Le  sage  Indra  se  fit  apporter  ces  clochettes  et  le.s 
donna  lui-même  à Gouha  : l'une  d'elles  appartient  à Vi- 
çâkha,  l’autre  est  à Skanda.  14,632. 

> L'étendard  de  Kârttikéya  et  de  Viçâkha  est  rouge  ; 
ces  choses  lui  furent  données  comme  des  joujoux  par  les 
Dieux.  14,633. 

» Le  Divin  Mrhâséna  à la  grande  force  s'amuse  avec 
ces  jouets.  Environné  ) ar  les  troupes  des  Piçàtcbas  et  par 
les  chœurs  des  Dieux,  enflammé,  revêtu  de  beauté,  il 
brillait  sur  la  montagne  d'or  ; et  ce  mont  aux  forêts  char- 
mantes brillait,  embelli  par  ce  héros,  14,634—14,636. 

B Comme  le  Mandara  aux  belles  grottes  orné  du  ra- 
dieux soleil.  I,e  mont  Çwéta  de  resplendir  avec  ses  bois 


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VANA-PAUVA. 


385 


fleuris  de  karavira  (1),  avec  ses  forêts  de  Santânakas  (2), 
avec  ses  bocages  de  l’àridjàtas  (3),  avec  ses  bosquets  d'a- 
çokas  et  de  roses  de  la  f4hine,  avec  ses  multitudes 
d’arbres  kadaiiibas,  avec  ses  troupes  de  gaze. les  célestes, 
avec  ses  bandes  d'oiseaux  divins.  .Alors,  tous  les  chœurs 
des  Dieux  et  tous  les  Dévarshis  imitaient  le  fracas  des 
nuages  ou  le  bruit  de  la  mer  agitée  avec  leurs  instruments 
de  musique:  alors  dansèrent  les  Apsaras  avec  les  célestes 
Gandharvas.  15,536—14,537— 14,638-15,539. 

» Alors  se  fit  entendre  un  grand  tumulte  d'êtres  joyeux  : 
ainsi,  tout  le  monde  avec  Indra  était  réuni  en  ce  moment 
sur  le  mont  Çwéta.  14,540. 

» Ils  contemplaient  Skanda  plein  de  joie,  et  leurs  yeux 
fixés  sur  lui  ne  se  fatiguaient  pas.  (juand  on  eut  sacré  dans 
le  généralat  l'adorable  fils  du  Feu,  14,541. 

» L’auguste,  le  fortuné  Çiva,  accompagné  de  Pârvatl, 
s’en  alla  joyeux  à son  bienheureux  figuier,  sur  un  char  à 
la  couleur  du  soleil.  14,542. 

» Un  millier  de  lions  étaient  attelés  à ce  véhicule  su- 
blime. Us  .s’élancèrent,  stimulés  par'  le  Dieu,  vers  le  ciel 
splendide.  14,543. 

» Us  semblaient  absorber  l’atmosphère  : terrifiant  les 
choses  immobiles  et  mobiles,  ces  lions  à la  superbe  cri- 
nière marchaient  dans  le  ciel  en  rugissant.  14,544. 

» Placé  sur  ce  char  en  compagnie  d'Oumâ,  Paçoupati  y 
brillait,  comme  le  .soleil  avec  l'éclair  sur  un  nuage  paré  de 
l’arc  d'Indra.  14,545. 

» Devant  lui,  au  milieu  des  Gouhyakas,  s’avançait» 


(1)  Oleanrier  ou  NVrium  odorum. 
(2-3)  Arbres  du  Paradis. 

IV 


25 


380 


LE  MAHA-BHARATA. 


l’adorable  Dieu  des  richesses,  le  guide  deshomoies,  monté 
sur  le  resplendissant  Poushpaka.  14,546, 

1)  Porté  sur  Airâvata,  (Jakra  avec  les  Dieux  suivait  par 
derrière  dans  sa  marche  le  donateur  des  grâces,  qui  ar- 
bore sur  le  champ  de  son  enseigne  un  taureau.  14,547. 

» Rangé  à son  c6té  droit,  le  grand  Yaksha  Ainogha 
s'avance  avec  les  Djrimbhakas,  les  Vak.shas  et  les  Raksha- 
sas,  ornés  de  guirlandes  et  tous  bien  parés.  14,548. 

» \ droite  venaient  les  Dieux  en  grand  nombre,  com- 
battants divers  réunis  aux  Vasous  et  aux  Roudras. 

» Ensuite  parait  avec  des  formes  variées,  Yama,  accom- 
pagné de  la  Mort,  et  de  toutes  parts  environné,  par  des 
centaines  d'horribles  maladies.  14,549 — 14,550. 

» Derrière  Yama  s’avance,  épouvantable,  armé  de  trois 
pointes,  aigu,  bien  paré,  le  trident  de  Çiva,  nommé  la 
Victoire.  14,551. 

» L’adorable  Varouna,  le  souverain  des  eaux,  environné 
par  différents  monstres  aquatiques,  chemine  lentement  au- 
tour de  lui  avec  son  terrible  nœud  coulant.  14,552. 

» Derrière  Vidjaya  ou  la  Victoire,  marche  le  pattiça 
même  de  Roiidra,  entouré  de  sa  massue,  de  son  pilon,  de 
sa  lance  de  fer  et  des  autres  armes,  les  plus  excellentes  de 
tontes.  14,553. 

Il  L’ombrelle  épouvantable,  sire,  à l’éclatante  splendeur, 
suivait  le  pattiça  : à côté  d’elle  venait,  honoré  par  de  nom- 
breux maharshis,  le  pot  d’argile,  avec  lequel  ce  Dieu  men- 
diait. 14,554. 

* » A droite  de  lui,  marchait  et  brillait  son  bâton,  revêtu 
de  beauté,  accompagné  par  Bhrigou  et  Angiras,  vénéré 
par  les  Divinités.  14,555. 

» Après  ceux-ci,  arrivait  enfin  Roudra,  monté  sur  un 


Dig 


VANA-PARVA. 


387 


char  sans  tache,  et  réjouissant  de  sa  splendeur  tous  les 
hôtes  du  Tridiva.  lô,556. 

» Les  rishis,  les  Dieux,  les  Gandharvas  et  les  serpents, 
les  rivières,  les  lacs  profonds,  les  mers  et  les  troupes 
mêmes  des  Apsaras,  1A,557. 

» Les  constellations,  les  planètes,  les  enfants  des  Dieux 
avec  des  femmes  aux  formes  diverses,  suivaient  le  char 
de  Boudra.  14,558. 

» De  belles  dames  d’un  type  charmant  semaient  des 
pluies  de  fleurs  ; etl’ardjanya  venait  ensuite,  faisant  l’ado- 
ration au  Dieu,  qui  tient  l’arc  Pinâka.  14,559. 

I)  Lunus  portait  sur  le  front  de  celui-ci  la  blanche  om- 
brelle, Agni  et  le  Vent  étaient  là,  agitant  eux-mêmes  les 
cha.sse-mouches.  14,560. 

» Çakra,  revêtu  de  beauté,  suit  par  derrière,  sire,  avec 
tous  les  râdjai'shis,  exaltant  le  Dieu,  qui  a pour  enseigne 
un  taureau.  14,561. 

» Gaâurî,  Vidyâ,  Gândhârt,  Kéçinî,  Mitrasâhvayâ  et 
Savitrl  : toutes  ces  Déesses  allaient  sur  les  pas  de  Pârvatt, 
avec  tous  les  groupes  quelconques  de  sciences,  que  les 
poètes  ont  inventées.  Les  Dieux  avec  Indra,  exécutaient 
sa  parole  au  frjnt  de  l’armée.  14,562 — 14,563. 

» Graha,  le  Rakshasa,  marche  en  avant,  un  étendard  à 
la  main,  avec  l’ami  de  Roudra,  Pingala,  roi  des  Yakshas, 
continuellement  occupé  dans  les  cimetières  et  qui  verse 
la  douleur  sur  le  monde.  Accompagné  d'eux,  le  Dieu  fait 
route  à son  aise.  14,564 — 14,565. 

» -Ni  devant,  ni  derrière,  la  marche  de  son  armée  n’est  ja- 
mais sur  la  terre.  Les  mortels  honorent  ici-bas  par  des  actes 
de  vertu  le  Dieu  Roudra,  que  l’on  appelle  Çiva,  le  Seigneur 
te  premier  Roudra,  le  grand-Ayeul  : ils  honorent  Mahé- 


388 


LE  MAHA-BHARATA. 


çwara  par  des  œuvres  de  formes  diverses,  lâ, 566-1 4, 567. 

» Le  nourrisson  des  Pléiades,  doué  de  la  science  brah- 
m’que,  l’époux  de  L'évasenâ,  environné  par  l’ai-mée  des 
Dieux,  suivait  le  souverain  des  Immortels.  14,568. 

« Alahadéva  dit  à Mahâséna  cette  grande  parole  : 
« Défends  toujours  sans  paresse  le  septième  corps  des 
Màroutes.  » 14,569. 

« Je  défendrai,  seigneur,  lui  répondit  Skanda,  le 
septième  corps  des  Màroutes.  Quelle  autre  chose  veux-tu 
que  je  fasse?  Dis-le-raoi,  Dieu,  sans  balancer.  » 14,570. 

« Tu  dois  toujours  en  tes  actes,  mon  fils,  reprit  Çiva, 
tenir  tes  yeux  fixés  sur  moi.  Grâce  à cette  vue  de  moi,  tu 
devras  à ta  piété  d’obtenir  la  félicité  suprême.  » 44,571. 

» Mahéçwara,  ces  mots  dits,  l’embrassa  et  le  congédia. 
Au  moment  de  ce  congé,  parut  un  grand  prodige.  14,572. 

» Il  troubla  soudain,  puissant  roi,  tous  les  Dieux  ; 
l’atmosphère  s’enflamma  avec  les  constellations,  et  le 
monde  fut  violemment  agité.  14,573. 

» La  terre  trembla  et  mugit,  l’univers  parut  enveloppé 
de  ténèbres.  Çankara  ému,  la  vertueuse  Oumâ,  les  Dieux 
et  les  maharshis  virent  cet  horrible  état  des  choses.  Au 
milieu  du  trouble  commun  à tous,  une  grande  armée  ter- 
rible, elfrayante,  innombrable,  articulant  différentes  voix 
menaçantes,  munie  d’armes  diverses,  se  montra,  sem- 
blable à des  nuages,  sur  la  montagne. 

» Elle  fondit,  engageant  le  combat,  sur  les  Dieux  et  sur 
l’adorable  Çankara  : elle  fit  pleuvoir,  à différentes  fois, 
des  multitudes  de  flèches  sur  les  armées  célestes. 

14,574—14,575-14,576-^14,577. 

» Les  pilons,  les  massues,  les  épées,  les  traits  barbelés, 
les  çataghnîs  et  les  fragments  de  montagnes  furent  lancés 


VANA-PARVA. 


389 


par  ces  grands  et  terribles  guerriers,  qui  se  précipitaient 
sur  rarmée  des  Dieux,  l/l, 578. 

» On  la  vit  toute  en  un  moment  tourner  le  dos  et  s’en- 
fuir : les  éléphants  des  combattants  étaient  mutilés,  les 
grands  chars  des  combattants  étaient  brisés,  lé, 579. 

» L’armée  des  Dieux  en  déroute,  maltraitée  par  les 
Dânavas  et  détruite  par  la  main  des  Asouras,  semblaifune 
forêt  en  proie  à la  fureur  des  flammes.  14,580. 

» Elle  tombait  comme  un  bois  de  hauts  arbres,  dont  la 
plus  grande  partie  est  consumée.  Ces  habitants  du  ciel 
couraient,  le  corps  et  la  tête  en  lambeaux.  14,581. 

» Les  battus  dans  ce  combat  ne  trouvaient  pas  un  dé- 
fenseur. Le  Dieu  Pourandara  vit  son  armée  en  fuite. 

n Le  destructeur  des  bataillons,  rassurant  ses  phalanges 
malmenées  par  les  Dânavas,  leur  dit  : « Abandonnez  la 
crainte:  sur  vous  descende  la  félicité!  Héros,  saisissez 
vos  flèches!  14,582 — 14,583. 

» Mettez  votre  pensée  dans  la  valeur  : que  nul  trouble 
n’agite  vos  esprits  ! Triomphez  de  ces  Dânavas  impurs,  à 
l’aspect  épouvantable  ! 14,584. 

» Courez  avec  moi,  s’il  vous  plaît,  sur  ces  grands 
Asouras  ! » Les  hôtes  du  ciel,  rassurés  par  ces  paroles  de 
Çakra  14,585. 

» Et  mettant  en  Çakra  leur  appui,  de  résister  alors  aux 
Dânavas.  Tous  les  Tridaças,  les  Maroutes  à la  grande 
force,  les  vertueux  Sàdhyas  avec  les  Vasous  tournent  face 
à l’ennemi  : ils  envoient  d’une  main  irritée,  dans  ce  con- 
flit, leurs  flèches  sur  les  bataillons.  14,586 — 14,587. 

» Les  traits  s’abreuvent  de  sang  à flots  dans  les 
corps  des  Daîtj  as.  On  voyait  sortir  de  leurs  corps,  qu’elles 
avaient  transpercés,  les  flèches  aiguës  comme  des  serpents, 


390 


LE  MAHA-BHAMTA. 


qui  sortent  des  arbres.  Percés  par  ces  flèches,  les  corps 
des  Dciltyas  tombaient  de  toutes  parts,  sire,  à la  surface 
de  la  terre  comme  des  nuages  brisés.  L’armée  des  Dànavas, 
épouvantée  dans  la  bataille  par  les  traits  divers  et  par 
tous  les  bataillons  des  Dieux,  fut  mise  en  complète  dé- 
route. Alors,  transportés  de  joie,  élevant  leurs  armes,  tous 
les  Immortels  poussent  des  cris  de  triomphe. 

14,588-14,589—14,590-14,591. 

» Plus  d'une  fois  résonnèrent  sous  les  coups  les  instru- 
ments de  musique  : la  plus  profonde  horreur  régnait  dans 
cette  bataille,  oh  la  même  ardeur  excitait  l'un  et  l'autre 
parti.  14,592. 

O On  vit  soudain  naître  un  bourbier  de  sang  et  de  chair 
de  Dànavas  et  de  Dieux,  sous  les  traits  de  ces  deux  frac- 
tions du  monde  divin.  14,593. 

U Ainsi,  les  terribles  hôtes  du  ciel  tuaient  les  Dànavas, 
et  les  formidables  Dànavas  exterminaient  les  hôtes  du  ciel. 
Les  roulements  du  tambour  et  le  son  des  instruments  de 
musique  retentissaient.  14,594. 

» Les  cris  de  guerre,  jetés  par  les  Indras  des  Dànavas, 
étaient  épouvantables.  Alors,  de  l'armée  terrible  des 
Dattyas  sortit  un  Dànava  à la  grande  vigueur  ; il  avait  nom 
Hahisha;  il  enleva  une  vaste  montagne.  A la  vue  de  ce 
mont,  levé  par  lui  et  caché  par  son  corps,  comme  le  soleil 
par  les  nuages,  les  habitants  du  ciel  de  prendre  aussitôt  la 
fuite.  Mahisha  courut  sur  les  Dieux  et  jeta  sur  eux  sa 
montagne.  14,595 — 14,596 — 14,597. 

» Dix  mille  de  l'armée  divine,  sire,  tombèrent  sur  le 
sol,  écrasés  par  la  chute  de  ce  projectile  aux  formes  épou- 
vantables. 14,598. 

H Eilrayant  les  Dieux,  Mahisha  fondit  précipitamment 


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VANA-PARVA. 


S9l 


sur  eux  avec  les  Dânavas,  comme  un  lion  sur  de  faibles 
gazelles.  IA, 509. 

» A peine  les  habitants  du  ciel  eurent-ils  vu  avec  Indra  le 
Démon  accourir,  qu’ils  s’enfuirent  épouvantés  dans  le  com- 
bat, dispersant  leurs  armes  et  leurs  étendards.  1A,0OO. 

» Mahislia  irrité  de  s’avanctr  légèrement  vers  le  char 
de  Roudra  ; accouru  là,  il  saisit  le  timon  de  sa  voiture. 

» Quand  le  Démon  en  courroux  fut  arrivé  dans  un 
instant  près  du  char  de  Roudra,  le  ciel  et  la  ten'e  de  pousser 
des  cris,  les  maharshis  de  tomber  dans  la  stupeur. 

14,601—14,602. 

» Les  Daityas  aux  grands  corps  jeuüent  ces  clameurs  : 
a C'en  est  fait  d’eux  ! Nous  les  avons  vaincus  I » 14,603. 

» Dans  cet  état  de  choses,  l’adorable  frappa  Mahisha 
au  milieu  du  combat  ; mais  il  se  rappela  que  Skanda  même 
devait  apporter  la  mort  à cet  être  d’une  âme  méchante. 

U A la  vue  du  char  de  Roudra,  le  teiTible  Mahisha  poussa 
un  cri,  qui  effraya  les  Dieux  et  réjouit  les  Daityas. 

14,604—14,606. 

» Au  milieu  de  cet  épouvantable  danger  survenu  aux 
habitants  du  ciel,  Mabaséna  s’approcha,  flamboyant  de 
colère  à l'égal  du  soleil.  14,606. 

» L'auguste  aux  longs  bras  était  revêtu  d’une  robe  cra- 
moisie, il  portait  une  parure  et  des  guirlandes  couleur  de 
sang,  ses  chevaux  avaient  le  poil  rouge,  et  sa  cuirasse 
était  d’or.  14,607. 

» 11  était  monté  sur  un  char  semblable  au  soleil.  L'année 
des  Daityas,  voyant  ce  héros,  qui  resplendissait  comme 
l’or,  s’enfuit  aussitôt  sur  le  champ  de  bataille.  14,608. 

<>  Le  vigoureux  Mahaséna  d'envoyer  sa  lance  de  fer, 
Indra  des  rois,  flamboyante  et  meurtrière  de  âlahisha. 


392 


LE  MAHA-BHARATA. 


0 Le  trait  lancé  enleva  la  grande  tê'e  au  Démon  : Ma- 
hisha,  le  chef  coupé,  tomba,  ayant  déserté  la  vie. 

» La  chûte  de  cette  immense  tête,  pareille  à une  mon- 
tagne, ferma  un  passage  de  seize  yodjanas  et  le  rendit  in- 
surmontable. 14,609 — 14,610 — 14,611. 

» Grâce  à elle,  les  Outtarakourous  vont  et  viennent  en 
paix.  A chaque  fois  quelle  est  envoyée,  cette  lance  de  fer 
immole  des  ennemis  par  milliers  ; 14,612. 

» Et  les  Dieux  avec  les  Dànavas  la  voient  retourner 
d' elle-même  dans  la  main  de  Skanda.  Les  flèches  inévi- 
tables, que  le  sage  Mahaséna  décoche  coup  sur  coup, 
exterminent  ce  qui  reste  de  l’armée  tremblante,  épouvantée 
des  Daityas.  Les  compagnons  du  héros  les  tuent  et  les 
dévorent  par  milliers.  14,613 — 14,614. 

» En  se  repaissant  des  Dànavas,  ils  s’abreuvaient  de 
leur  sang  ; et,  dans  l’ardeur  suprême,  dont  ils  étaient 
animés,  un  seul  instant  suflit  pour  dépeupler  entièrement 
ces  champs  de  Dànavas.  14,615. 

» Le  glorieux  Skanda  triompha  de  ces  ennemis  par  son 
énergie,  comme  la  lumière  chasse  les  ténèbres,  comme  le 
feu  dévore  les  arbres,  comme  le  soleil  dissipe  les  nuages. 

» Honoré  par  les  Dieux,  mais  prosterné  devant  Mahé- 
çwara,  le  nourrisson  des  Pléiades  brillait  alors  tel  que  le 
soleil  à pleins  rayons.  14,616 — 14,617. 

» Lorsque  Skanda  à la  grande  armée,  ses  ennemis  tnés, 
se  fut  avancé  vers  le  Grand-Seigneur,  Pourandara  l’ayant 
embrassé  lui  dit  : 14,618. 

<1  Cette  insigne  faveur,  Skanda,  te  fut  accordée  par 
Brahma  : tu  as  immolé  Mahisha,  par  qui  les  Dieux,  ô le 
plus  grand  des  victorieux,  étaient  méprisés  comme  une 
herbe  vile.  14,619. 


-Digitizf'ü;, 


VANA-PARVA. 


3U3 


» Tu  as  débarrassé  la  terre  de  cette  épine  des  Dieux, 
héros  aux  longs  bras  : tu  ns  tué  dans  cette  grande  bataille 
cent  Dànavas,  égaux  à Mahisha,  les  ennemis  des  Dieux, 
par  qui  nous  étions  avant  ce  jour  opprimés.  Les  tiens  ont 
dévoré,  par  troupes  de  cent  à la  fois,  les  autres  Dânavas. 

» Tu  es  invincible  dans  un  combat  aux  ennemis,  comme 
l’auguste  époux  d'Oumâ.  On  racontera,  puissant  Dieu, 
ce  premier  exploit  de  ta  grandeur  ; 

lâ,620— iA,621— lâ,«22. 

» Et  ta  gloire  sera  impérissable  dans  les  trois  mondes. 
Les  Dieux  marcheront  sous  tes  ordres,  guerrier  aux  longs 
bras.  » di,623. 

» Quand  il  eut  parlé  de  cette  manière  à Mahaséna,  l'époux 
de  Çatcbi  garda  le  silence.  L’atlorable  Dieu  aux  trois  yeux 
lui  donna  congé,  à lui  et  à ses  Immortels.  1A,62A. 

» Çiva  revint  à Bhadravatta,  et  les  hôtes  du  ciel  s’en  re- 
tournèrent : « Regardez  Skanda  comme  moi-même,  » leur 
avait  dit  Roudra.  1A,023. 

U Le  nis  du  Feu,  quand  il  eut  exterminé  les  bataillons 
des  Dànavas,  fut  honoré  par  les  maharshis  ; il  subjugua  les 
trois  mondes  dans  un  seul  jour.  » là,626. 

Si  le  brahme  récite  avec  recueillement  cette  naissance 
de  Skanda,  il  obtiendra  la  nourriture  ici-bas,  et  s’en  ira 
ensuite  partager  le  monde  de  Kârttikéya.  lâ,627. 

« Révérend,  le  plus  grand  desbrahmes,  dit  Youddhish- 
thira,  je  désire  entendre  les  noms,  qui  sont  donnés  à ce 
magnanime,  dans  les  trois  mondes.  >i  1A,628. 

A ces  mots,  prononcés  en  présence  du  rishi  par  le  fils 
de  Pàndou,  le  révérend  Màrkandéya,  l’homme  aux  grandes 
pénitences,  répondit  ; 14,629. 

« Agnéya,  Skanda,  le  Dieu  à la  gloire  éclatante,  la 


m 


LE  MAHA-BHAUATA. 


Santé,  le  Dieu,  qui  porte  l’emblème  du  paon  à son  étendard, 
le  Juste,  le  maître  des  êtres,  le  meurtrier  de  Mahisha, 

» Le  vainqueur  de  l’Amour,  le  Dieu  qui  satisfait  les 
désirs,  le  Beau,  le  Véridique,  le  Souverain  du  monde, 
l’Enfant,  le  Dieu  aux  pieds  légers,  le  Pur,  le  Violent, 
Celui,  qui  a la  couleur  du  feu,  le  Dieu  au  charmant  visage, 

14,630—14,631. 

))  Celui,  de  qui  les  coups  ne  sont  jamais  vains,  le  Dieu 
sans  péché,  Raâudra,  l’Ami,  le  Dieu  à la  face  de  lune,  le 
Dieu  à la  lance  de  fer  enflammée,  le  Dieu  à Tâme  pacifiée, 
le  Dieu,  qui  donne  le  succès,  le  Dieu,  qui  frappe  la  fraude 
de  folie,  14,632. 

» L’ami  de  Shashthî  ou  Dourgâ^  le  Dieu,  qui  tient  son 
âme  dans  le  devoir,  le  Purificateur,  l’enfant  chéri  de  ses 
nourrices,  l’époux  de  la  Kanyâ  ou  de  la  vierge^  le  Dévot, 
le  Dieu,  qui  eut  pour  mère  Swâhà,  le  fils  de  Révatî, 

» L’auguste,  le  Chef,  Viçâkha,  l’Instituteur,  le  Dieu  aux 
actes  bien  difliciles,  le  Dieu  aux  vœux  constants,  le  Rouge, 
l’ami  des  jouets  enfantins,  14,633 — 14,634. 

» Le  Dieu,  qui  marche  dans  les  airs,  le  Brahmatchâri 
ou  le  novice^  le  héros  né  dans  le  bois  des  çaras,  l’ami  de 
Viçvàrnitra,  le  mari  de  Dévasénâ,  14,633. 

» L’ami  du  Vasoudévide,  le  Chéri,  le  Dieu,  qui  fait  des 
choses  aimables.  » Quiconque  récitera  ces  noms  divins  de 
Kàrttikéya,  obtiendra  le  ciel,  la  gloire  et  la  richesse  : il 
n’y  a là  aucun  doute.  » 14,636. 

« Je  vais  louer  Gouha,  de  qui  les  rishis  et  les  Dieux 
aiment  le  courage,  continua  Mârkandéya,  ce  héros  aux 
vœux  constants,  infini  dans  ses  noms,  et  qui  porte  une 
.sextuple  énergie.  Écoute  ces  noms,  ô toi,  le  plus  excellent 
des  Kourouides.  14,637. 


VANA-PARVA. 


3»ô 

» Brahme,  fils  de  Brahma,  versé  dans  les  Védas,  le 
maître  des  Védas  et  le  plus  savant  de  ceux,  qui  savent  les 
Védas,  ami  de  Brahma,  tu  eslié  par  les  vœux  du  brahme, 
tu  connais  les  Védas  et  tu  es  le  guide  des  brahmes. 

» Tu  es  Swâhà  et  Swadâ  (1),  tu  es  la  purification  su- 
périeure, tu  es  loué  dans  les  mantras  ; on  t’appelle  Sha- 
dartchi  (2).  Tu  es  l’année,  et  les  six  saisons,  et  le  mois,  et 
le  demi-mois  ; tu  es  les  gâteaux  ofTerts  aux  Dieux,  tu  es 
les  points  de  l’espace.  14,638 — 14,639.  • 

» Tu  as  des  yeux  de  lotus,  tu  as  un  visage  de  nélumbo, 
tu  as  mille  faces,  tu  as  mille  bras,  tu  es  le  protecteur  du 
monde,  tu  es  l’offrande  suprême,  tu  es  l’univers,  tu  es 
l’arghya  des  Asouras  et  des  Dieux.  14,640. 

» Tu  es  le  généralissime  des  armées,  tu  es  le  Violent, 
tu  es  Prabhou  et  Vibhou,  tu  es  le  vainqueur  des  ennemis, 
tu  as  des  milliers  d’existences,  tout  est  porté  sur  toi,  tu 
as  mille  jouissances,  tu  manges  des  milliers  de  choses. 

» Tu  as  mille  têtes,  tu  as  mille  pieds,  tu  es  infini  dans 
tes  formes.  Dieu  puissant,  tu  portes  l'énergie  de  ton  père; 
tu  es  le  fils  de  la  Gangâ,  sans  blesser  ton  sentiment  que 
tu  es  le  fils  de  Swâhà,  de  la  terre  et  des  Pléiades. 

14,641—14,642. 

» Tu  fais  ton  jouet  d’un  coq,  tu  changes  de  forme  en 
diverse  manière,  au  gré  de  tes  désirs  ; tu  es  Daksha, 
Lunus,  Maroute  ; tu  es  le  devoir  continuel,  le  vent,  le  roi 
des  monts,  Indra.  14,643. 

» Tu  es  le  Dieuâl’arc  terrible,  l’auguste  Immortel  entre 
les  augustes  Immortels  ; tu  es  le  créateur  des  saisons,  la 


(1)  Flxclamattous  coniacrées  dans  les  oblations^  l'une  aux  Dieux,  l’autre 
aux  Mines. 

(2J  a six  flwnmes. 


396 


LE  MAHA-BHARATA. 


mort  des  fils  de  Dlti,  le  vainqueur  des  ennemis,  le  plus 
éminent  des  Dieux.  1A,6AA. 

» Tu  es  l'àme  universelle,  tu  es  ce  qu’il  y a de  plus 
élevé  dans  la  pénitence,  tu  connais  ce  qui  est  devant  et  ce 
qui  est  après,  tu  es  le  passé  et  l’avenir;  tu  es,  grâce  à 
ton  énergie,  magnanime  Dieu,  ce  qui  est  toute  la  vertu, 
l’amour  et  la  béatitude  finale.  lâ,6Aâ. 

» Ta  force  remplit  le  monde,  ô le  plus  grand  de  tous 
les  Dieux,  objet  de  mes  louanges,  protecteur  du  monde. 
Adoration  te  soit  adressée.  Dieu  aux  douze  yeux,  aux  douze 
bras  ! Au-delà,  ta  route  m’est  inconnue.  » 14,646. 

Le  brabme,  qui  récitera  avec  recueillement  celte  nab- 
sance  de  Skand  i,  qui  la  fera  entendre  aux  brahmesou  qui 
l’entendra  racontée  par  la  bouche  d’unbrahme,  obtiendra 
de  partager  le  monde  de  Skanda,  après  qu’il  aura  recueilli 
ici-bas  le  contentement,  la  nourriture,  la  victoire  sur  les 
ennemis,  des  fils,  une  renommée  éclatante,  une  longue  vie 
et  le  devoir.  14,647 — 14,648. 


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U con\t:rsation  de  draaupadi  et  de 


SATTABHAMA. 


Vatçarnpâyana  dit  : 

Tandis  que  les  brahmes  et  les  magnanimes  fils  de  Pàndou 
étaient  assis  dam  ces  entretiens,  Draâupadi  et  Satyabhâmâ 
entrèrent  alors  dans  l’hermitage.  14,649. 

Elles  s’assirent  là,  bien  joyeuses,  riant  beaucoup,  à leur 
aise  ; et,  quand  elles  se  furent  long-temps  regardées,  Indra 
des  rois,  en  s'adressant  l’une  à l’autre  des  paroles  aimables. 

Elles  se  mirent  à raconter  différentes  histoires,  sorties 
des  familles  de  Kourou  et  (l'Yadou.  Sathyabhàmâ,  l’épouse 
chérie  de  Krishna,  S:UràdJitI  à la  taille  gracieuse  tint  en 
particulier  ce  langage  à la  belle  Yajiiaséni  : a Par  quelle 
conduite,  Draâupadi,  triomphes-tu  des  fds  de  Pàndou, 
ces  jeunes  héros,  unis  par  le  plus  grand  des  liens  et  sem- 
blables aux  gardiens  du  monde  7 Comment  ne  s’irritent- 
ils  pas,  dame  charmante,  de  marcher  sous  ta  puissance? 

14,650—14,661—14,652—14,653. 


398 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Les  fils  de  Pândou  sont  toujours  tes  sujets  dociles, 
femme  à l’aspect  aimable  ; tous,  ils  ont  les  yeux  fixés  sur 
ton  visage  : raconte-moi  cela  dans  la  vérité.  1/i,C5A. 

» Cela  vient-il  du  bralmiatcharya,  ou  de  la  pénitence, 
des  ablutions,  des  prières  ou  des  simples  des  champs?  Ou 
doit  la  vigueur  à la  science.  Celle-ci  a pour  ses  racines  la 
prière  à voix  basse,  l’olFrande  versée  dans  le  feu  ou  les 
médicaments.  4 A, 655, 

» Raconte-moi  en  ce  moment,  Krishnâ-Pântchâlî,  quelle 
fameuse  Divinité  opère  ce  miracle,  afin  que  Krishna 
marche  continuellement  soumis  à ma  volonté.  » 4 A, 656. 

Quand  elle  eut  dit  ces  mots,  l’illustre  Satyabhâmà  de 
garder  le  silence,  et  la  vertueuse  Draâupadî,  la  chaste 
épouse,  de  lui  répondre  en  ces  termes  : 1A,657. 

« Tu  m’interroges,  dame  véridique,  sur  la  conduite  des 
femmes  malhonnêtes:  comment  pourrais-je  te  répondre 
sur  la  route,  que  suivent  les  femmes,  qui  ne  sont  pas  ver- 
tueuses? 4 A, 658. 

» Il  ne  te  sied  pas  de  faire  cette  demande,  ou  d’avoir 
là-dessus  un  doute;  car  tues  douée  d’intelligence,  épouse 
bien-aimée  de  Krishna.  1A,659. 

» Alors  qu’un  époux  saura  sa  femme  livrée  à la  vertu 
des  racines  et  à la  puissance  des  incantations,  qu’il 
tremble  devant  elle  comme  s’il  était  entré  dans  la  caverne 
d’un  serpent.  4 A, 660. 

» D’où  viendrait  la  tranquillité  à l’homme,  qui  tremble 
sans  cesse?  D’où  viendrait  le  plaisir  à f homme,  de  qui 
l’àme  est  sans  cesse  agitée?  Jamais  un  époux  ne  marchera 
sous  la  loi  d'une  femme,  qui  met  en  œuvre  les  incantations. 

» Ce  sont  des  massues  bien  épouvantables,  que  nous 
lancent  des  ennemis  ! Les  femmes,  qui  désirent  la  mort 


VANA-PARVA. 


S99 


à quelqu’un,  lui  administrent  du  poison  sous  les  appa- 
rences de  racines.  14,661 — 14,662. 

» Les  poud.  es  données,  qu’nn  homme  s’inocule  par  sa 
langue  ou  sa  peau,  ne  tarderont  pas  à lui  causer  la  mort: 
il  n’y  a pas  de  doute.  14,663. 

» Ces  femmes  affligent  les  hommes  d’hydropisie  : elles 
leur  apportent  la  blancheur  de  la  peau  décolorée,  les  che- 
veux gris,  l’impuissance,  l’idiotisme  ; elles  les  rendent 
aveugles  ou  sourds.  14,664. 

U Ces  femmes  criminelles,  qui  marchent  sur  les  pas  du 
vice,  sont  les  ennemies  de  leurs  époux.  Jamais  une  épouse 
ne  doit,  en  aucune  manière,  commettre  une  chose  désa- 
gréable à son  mari.  14,665. 

» Écoute,  illustre  Satyabhâmâ,  dans  la  vérité,  toute  la 
conduite,  que  j'observe  à l’égard  des  magnanimes  fils  de 
Pândou.  14,666. 

» Sans  ces.se  mettant  de  côté  l’orgueil,  la  colère  et 
l’amour,  je  sers  toujours  dévotement  ces  fils  de  Pândou, 
qui  sont  en  communauté  d’épouse.  14,667. 

Il  Refoulant  mon  aiïection,  me  déposant  moi-même  en 
moi-même,  pleine  d'obéissance,  vide  d’orgueil,  je  cherche 
à connaître  la  pensée  de  mes  époux.  14,668. 

I)  En  doute  pour  un  mot,  que  j’ai  mal  prononcé  ; mal- 
heureuse, parce  qu’on  me  jette  un  fâcheux  regard,  ou  parce 
que  je  reste  mal  à propos,  ou  parce  que  je  m’éloigne  à 
contre-temps,  ou  par  le  geste,  qui  gouverne  ma  volonté. 

Il  Je  sers  ces  héroïques  princes  majestueux,  à la  terrible 
énergie,  qui  éblouissent  les  regards,  qui  ressemblent  à 
Lunus,  qui  sont  égaux  à Agni  ou  au  soleil. 

14,669—14,670. 

Il  Je  n’estime  pas  un  autre  homme,  qu’il  soit  Dieu  ou 


AOO 


LE  MAHA-BHARATA. 


mortel,  ou  G.mdharva.  jeune,  bien  paré,  opulent  ou  d’un 
charmant  visage.  14,(571. 

» Je  n’entre  d je  ne  mange  jamais  avant  que  mon  époux 
ne  soit  entré,  n’ait  mangé,  n’aitpris  son  bain, lui  et  même 
ses  serviteurs.  14,(572. 

» Que  mon  époux  revienne  à la  maison,  ou  d’un  champ, 
ou  du  bois,  ou  du  village,  je  me  lève  aussitôt  pour  lui 
offrir  un  siège  et  de  l’eau  fraîche.  14,673. 

» Soumise,  ayant  bien  lavé  tous  les  vases,  parfaitement 
balayé  la  maison,  tenant  mes  provisions  bien  gardées, 
ayant  sucré  les  aliments,  je  donne  la  nourriture  au  moment 
révolu.  14,674. 

0 Je  ne  fréquente  pas  les  femmes  de  mauvaise  vie,  qui 
ont  des  entretiens  profondément  secrets  (1)  ; je  suis  tou- 
jours bienveillante  et  n’ai  jamais  de  paresse.  14,676. 

» Toujours  sans  n)al  aux  yeux,  toujours  souriante,  ma 
place  à chaque  instant  est  vers  la  porte;  j’évite  de  faire 
un  long  séjour  au  milieu  des  ordures  et  dans  les 
privés.  14,676. 

» J’évite  l’excès  dans  le  rire  et  l’excès  dans  le  courroux, 
je  fuis  les  occasions  de  me  mettre  en  colère  ; je  me  plais 
continuellement  dans  la  vérité  et  dans  le  service  de  mes 
époux.  14,677. 

» Je  ne  désire  jamais  d’aucune  manière  l’al)sence  de 
mon  mari  : s’éloigne-t-il  afin  d’aller  chez  quelqu’un  pour 
affaire  d’un  parent,  j’observe  mon  vœuet  je  suis  nîorn  une 
fleur,  dont  la  couleur  a disparu.  Je  refuse  toutes  les  choses, 
que  mon  époux  ne  boit  pas,  qu'il  n’aime  pas  et  dont  il  ne 


(1)  Le  texte  dit  atiraSf  mot,  qui  n'exi^te  pas  ; il  est  é?ideDt  qu'il  faut  ici  : 
iitirnfiait. 


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VANA-PARVA.  ^ 


AOl 


inange  pas.  Je  sais  toujours  soumise,  noble  dame,  comme 
j’en  ai  reçu  le  précepte.  1A,678— 1A,O70 — lA,fl80. 

» Bien  parée,  toujours  docile,  je  trouve  mon  plaisir  dans 
ce  (pii  pialt  à mon  époux.  J'ai  appris  au  temps  passé,  de 
la  bouche  de  ma  belle-mère,  quels  devoirs  sont  à remplir 
envers  ies  parents.  1A.681. 

» Je  connais  l’aumOne,  l’olTrande  à tous  les  êtres,  le 
çrAddba,  la  cuisson  dans  un  vase  d'argile  aux  jours  des 
parvans,  ie  traitement  respectueux  à l’égard  des  personnes 
vénérables,  et  tous  les  autres.  1A,682. 

i>  Jour  et  nuit  sans  négligence,  je  suis  tous  ces  devoirs, 
et  touj<nirs  je  tends  de  toute  mon  Ame  A la  modestie  et  à 
la  répression  des  sens.  1A.683. 

i>  Je  sers,  comme  des  serpents  irrités,  mes  époux  ver- 
tueux, doux,  adonnés  A la  vérité  et  qui  • ont  les  défenseurs 
du  devoir  de  la  vérité.  1A,08A. 

■ L’habitation  avec  son  époux  fut  toujours  estimé  le 
devoir  éternel  de  la  femme  : il  est  son  Dieu,  il  est  sa  voie  ; 
il  n’en  est  pas  une  autre.  Qui  d'elles  ferait  jamais  une 
chose  désagréable  A son  époux  ? 1A,6S6. 

» Je  ne  dors  pas,  je  ne  mange  pas,  je  ne  sois  pas  ornée 
plus  que  ne  sont  mes  époux,  et  ; quand  je  trouve  toujours 
devant  moi  cet  obstacle,  je  ne  calomnie  point  ma  belle-mère. 

» Mesri'nÿ  maris,  dame  très-vertueuse,  marchent  tou- 
jours avec  attention  sous  ma  loi,  pour  le  temps  dn  lever 
et  pour  l'obéissance  A leur  gourou.  1A,686 — 1 A,687. 

» Je  sers  moi-mème  ses  aliments,  son  breuvage  et  son 
ombrelle  à la  noble  Kountt,  qui  a donné  le  jour  A des  héros 
et  ne  s’est  jamais  souillée  d'un  mensonge.  1A.688. 

» Mon  sommeil  et  le  sien  ont  la  même  dorée.  Qu’elle 
marche  mon  égale  en  nourriture,  en  vêtements,  en  parure; 

IV  26 


A02 


Lli  MAHA-BH/VRATA. 


je  n’insinue  jamais  une  calomnie  sur  Piilhà,  qui  est  seuii- 
blablc  à la  terre.  1 A, 689. 

» Dans  la  maison  d’Youddhishthira,  huit  mille  brahmes 
mangent  toujours  devant  moi  sur  des  plats  d’or.  1A.690. 

U Youddhishthira  donne  la  nourriture  à quatre-vingt 
mille  initiés  maîtres  de  maison,  servis  chacun  par  trente 
esclaves.  14,691. 

» Dix  mille  Y'atis  continents  enlèvent,  sur  des  plats 
d'or,  les  mets  délicatement  préparés.  14,692. 

» J'honore,  comme  ils  en  sont  digues,  tous  ces  brahmes, 
récitateurs  des  Védas,  avec  des  aliments,  une  ombrelle, 
des  breuvages  et  des  concessions  de  terres  ou  de  villages. 

U Le  m.ngnanime  fds  de  Kountl  est  environné  par  cent 
mille  servantes  bien  parées,  aux  bracelets  de  coquillages 
et  qui  portent  le  Nishka  dor  au  cou.  14,693 — 14,694. 

» Elles  semblent  faites  d'or,  elles  sont  arrosées  de  san- 
dal,  leurs  ornements  et  leurs  bouquets  sont  de  haute  va- 
leur ; elles  portent  l’or  et  les  pierreries  ; elles  sont 
instruites  dans  le  client  et  la  danse.  14,696. 

U Je  connais  de  toutes  ces  femmes,  et  le  nom  et  les 
traits,  et  les  vêlements,  et  la  nourriture,  et  l’ouvrage, 
quelles  ont  fait,  et  celui,  qui  reste  à faire.  14,696. 

» 11  y a cent  mille  esclaves  mâles,  qui  jour  et  nuit,  le 
plat  à la  main,  nourrissent  les  liâtes  du  sage  lils  de  Kountl. 

U Cent  mille  chevaux,  dix  myriades  d’éléphants,  qui 
habitent  Indraprastha,  forment  les  équipages  d’Youd- 
dhislithira.  14,697 — 14,698. 

» Telle  était  la  fortune  de  ce  prince  alors  qu’il  gouver- 
nait la  terre.  Je  savais  entièrement,  depuis  les  bergers 
jusqu’aux  rois,  tout  ce  qui  était  ou  n’était  pas  fait  par  ces 
gyiiœcées  etparcesnombi’eux  hâtes  ou  serviteurs,  dont  je 


VANA-PARVA. 


iOS 

viens  de  te  dire,  comme  je  les  ai  entendus,  le  nombre  et 
la  condition.  lâ,699 — 14,700. 

» A moi  seule,  illustre  dame,  je  connaissais  la  liante 
pros|)érité  des  lils  de  Pàndou,  la  richesse  entière  du  roi, 
son  revenu  et  sa  dépense.  14,701. 

» Contents  de  mon  sen  ice,  tous  ces  éminents  Bhara- 
tides  ont  attaché  sur  moi,  dame  au  noble  vis.-ige,  toutes 
les  portions  réunies  de  leur  famille.  14,702. 

» Et  moi,  renonçant  à tout  plaisir,  je  fais  mes  efforts, 
jour  et  nuit,  pour  supporter  ce  fardeau  lié  sur  mes  épaules, 
et  que  les  âmes  vulgaires  ne  pourraient  supporter  : 

>1  De  même  le  poids  intolér.ible  des  mers  pleines  de 
richesses  ne  convient  qu’à  Varouna.  Seule,  je  connais  le 
trésor  demes  époux,  qui  marchent  dans  le  sentier  du  devoir. 

14,703—14,704. 

w Dans  ce  jour  sans  fin,  j’ai  pour  compagnes  la  faiui  et 
la  soif  : tandis  que  je  cherche  à gagner  la  faveur  de  ces 
rejetons  de  Kourou,  ma  nuit  est  semblable  à mon  jour. 

U Je  suis  réveillée  la  première,  et  je  me  couche  après 
tous  les  autres.  Voilà  quelle  est,  Satyâ,  ma  grande  incan- 
tation de  tous  les  temps.  14,706 — 14,706. 

» Je  sais  faire  de  cela  même  le  grand  enchantement  de 
mes  époux  : je  n’ai  pas  suivi  la  route  des  femmes  vicieuses 
et  je  ne  désire  point  la  suivre.  » 14,707. 

Quand  elle  eut  entendu  ces  paroles  associées  nu  devoir, 
qu’avait  prononcées  Krishna,  Satyâ  d’honorer  cette  Pân- 
tchàli  soumise  à la  vertu,  et  de  lui  répondre  ces  mots  : 

« Je  suis  une  malheureuse,  Pânichàli  : veuille  bien  me 
pardonner,  Yajnaséni  ; car  le  désir  des  amies  est  sourent 
une  ridicule  parole,  n 14,708 — 14,700. 

Draânpadt  repartit  : 


404  LE  MAHA-BHARATA. 

B Je  te  dirai  ce  moyen  infaillible  pour  captiver  l’âme 
d’un  époux  : tant  que  tu  resteras  dans  cette  route  exacte- 
ment, tu  couperas  la  voie,  mon  amie,  qui  mène  un  époux 
auprès  des  courtisanes.  14,710. 

» Il  n’existe  pas  un  tel  Dieu,  Satyâ,  dans  tous  les 
mondes,  auxquels  président  les  Dieux.  Lu  é|M)ux  est  con- 
tent ; tous  ses  désirs  peuvent  être  satisfaits  jar  la  bien- 
veillance : il  faut  tes  exaucer,  autrement  il  tuerait  dans 
sa  colère.  14,711. 

» De  lui,  tu  obtiendras  des  enfants,  diverses  jouissances, 
des  couches,  des  sièges,  les  plus  beaux  miroirs,  des 
vêtements,  des  guirlandes  et  des  parfums,  le  Swarga,  le 
monde  et  une  gloire  immense.  14,712. 

))  Le  plaisir  doit  être  acquis  ici-bas  avec  plaisir,  jamais 
avec  peuic.  La  femme  vertueuse  goûte  les  plaisirs.  Con- 
cilie-toi donc  le  cœur  de  Krishna  par  tes  badineries 
aimables,  et  sans  cesse  par  ta  toilette,  14,71.1. 

U Par  des  mets  excellents,  de  belles  et  précieuses  guir- 
landes, des  manières  polies  et  des  senteurs  diverses,  o Je 
suis  son  époux!  » dira-t-il  à la  fin  de  ces  choses;  il  te 
serrera  d.ins  ses  bras  : tient  cela  pour  assuré.  14,714. 

» Aussitôt  que  tu  auras  entendu  le  bruit  de  ton  époux, 
qui  vient  à la  porte,  lève-toi  et  reste  debout  .au  milieu  de 
la  maison.  Dès  que  tu  l’auras  vu  entrer,  offre-lui  avec  em- 
pressement l'hommage  du  siège,  et  de  l’eau  pour  se  laver 
les  pieds.  14,715. 

U As-tu  donné  un  ordre  à une  .servante,  lève-toi  et  fais 
tout  de  ta  main.  Que  Krishna  sache  que  tel  est  ton  carac- 
tère, et  tu  pourras  dire,  Satyâ  : k 11  m’aime!  » 14,716. 

1)  Quelque  chose  que  ton  époux  dise  en  ta  présence,  tu 
dois  le  taire,  ne  fùl-ce  point  un  secret.  Si  ta  co-épouse 


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VANA-PARVA. 


AOô 

quelconque  babille  auprès  du  Vasoudévide,  ce  défaut  ne 
peut  que  lui  rapporter  l'indifféreiice.  14,717. 

n Offre  de  différentes  manières  à manger  aux  amis  de 
Krishna,  à ceux,  qui  lui  sont  dévoués  ou  qui  ont  pour  lui 
de  bons  sentiments  ; et  sois  toujours  antipathique  à ses 
ennemis,  à ses  rivaux,  à ceux,  qui  lui  sont  contraires,  et 
aux  fourbes  orgueilleux.  14,718. 

U Mets  de  côté  l'orgueil  et  la  négligence,  qui  sont  ordi- 
naires aux  hommes;  contiens  ton  naturel  et  observe  le 
silence.  Tu  ne  dois  jamais  servir  en  secret  Pradyoumna 
etÇâmba  même,  tes  deux  jeunes  fds.  14,710. 

n Lie-toi  d'amitié  avec  d&s  femmes  vertueuses, 
éloignées  des  vices,  et  de  nobles  familles  : fuis  celles,  qui 
sont  emportées,  adonnées  aux  liqueurs,  grandes  man- 
geuses, méchantes,  voleuses  ou  légères.  14,720. 

» Cette  conduite  procure  la  renommée,  un  hymen  cé- 
leste, le  Swarga,  et  détruit  les  ennemis.  Gagne  le  cœur 
de  ton  époux  avec  de  suaves  parfums,  avec  la  beauté 
des  parures  et  des  bouquets  précieux.  » 14,721. 

Après  que  Djanârddana  eut  resté  14,  avec  les  magna- 
nimes fds  de  Pàndou,  Màrkandéya  et  les  autres  brahmes, 
occupé  de  ces  narrations  charmantes  ; après  (]u'il  eut  fait 
avec  eux  cet  entretien,  Kéçava  eut  le  désir  de  remonter 
dans  son  char,  et  appela  Satyà.  14,722 — 14,723. 

Elle  d'embrasser  aloi's  la  lille  du  roi  Droupada,  et  de  lui 
adresser  ces  paroles  gracieuses,  recueillies  et  conformes  à 
son  caractère  : 14,724. 

U Krishnâ,  n'aie  pas  de  chagrin,  ni  de  trouble,  ni  de 
soucis  : tu  jouiras  de  la  terre,  vaincue  par  te  bras  de  tes 
époux,  semblables  aux  Dieux.  14,72ô. 

B Les  femmes,  qui  sont  douées  d’un  tel  caractère,  qui 


400 


LE  MAHA-BHARATA. 


possèdent,  comme  toi,  des  marques  si  honorées,  ne  de- 
meurent pas  long-temps,  dame  aux  yeux  noirs,  plongées 
dans  l’aflliclion.  14,720. 

» Nécessairement,  toi  et  tes  époux,  vous  jouirez  de  cette 
terre,  débarrassée  de  ses  épines;  il  n’y  a aucun  doute: 
c’est  ainsi  que.  je  l’ai  ouï  dire.  14,727. 

» Quand  il  aura  donné  la  mort  aux  Dhritaràshtrides  et 
traversé  ces  inimitiés,  tu  verras  de  nouveau  la  terre,  fille 
du  roi  Droupada,  soumise  aux  lois  d’ Youddhishthira. 

» Tu  verras  bientôt,  semblables  à des  cadavres,  ces 
femmes  des  Kourouides,  cpii,  dans  le  délire  de  l’orgueil, 
ont  ri  de  te  voir  jetée  en  exil.  14,728 — 14,729. 

» Sache  que  ces  femmes,  qui  ont  osé  faire  une  chose, 
qui  te  fut  désagréable,  partent  déjà  toutes  pour  les  de- 
meures d’Y'ama  ! 14,730. 

» Prativindya,ton  fds,  Soutasoma  et  Tathàvidha,  Çrou- 
tarkarmau  , fils  d’Arjouna,  Çatânika  le  Nakoulide,  et 
Qroutaséna,  qui  est  né  de  toi  par  Sahadéva,  tous  ces  héros, 
tes  fils,  sont  bien  portants  : ils  ont  terminé  l’étude  des 
armes.  14,731 — 14,732. 

» Ils  vivent  joyeux  comme  Abhinianyou,  ils  se  com- 
plaisent dans  Dwàravatî  : Soubhadrâ  se  porte  de  toute  sou 
âme  à les  aimer  autant  que  toi.  14,733. 

» Elle  est  contente,  n’ayant  aucun  doute  sur  toi,  n’é- 
jirouvant  aucune  inquiétude  pour  eux.  Qu’elle  marche  de 
toute  son  âme,  elle  et  la  mère  de  Pradyoumna,  heureuse 
de  ton  plaisir,  affligée  de  ta  peine  ! Kéçava  lui-même  n’est 
pas  estimé  plus  que  ces  enfants  par  le  roi  et  sa  cour. 

14,734 — 14,735. 

» Mon  beau-j)ère  est  sans  cesse  occupé  de  leur  nour- 
riture et  de  leur  haljillement.  Balai'àma  et  les  autres, 


VAN.V-P.VRVA. 


407 


tous  lés  Alidhakas  et  les  Vrislinides  aiment  tes  enfants. 

» L’amitié  est  égale,  noble  dame,  pour  eux  et  Pra- 
dyoumna.  » Quand  elle  eut  prononcé  ces  mots  et  d’autres 
non  moins  aim.ables,  vrais,  gracieux,  ravissant  l'âme,  elle 
mit  sa  pensée  pour  le  retour  sur  la  char  du  Vasoudévide. 
La  royale  épouse  de  Krishna  décrivit  un  pradakshina 
autour  d’ Yajnasénl  ; 14,730 — 14,737 — 14,738. 

Et  la  noble  Satyabbàmà  monta  dans  le  char  de  Çaâuri. 
Le  plus  éminent  des  Yadouides  sourit,  adressa  des  paroles 
caressantes  à Draàupadi,  et  s’avança  pour  son  retour  avec 
ses  coursiers  rapides  vers  sa  ville.  14,730 — 14,740. 


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L’EXCURSION  A GHOSHA. 


Djanamédjaya  dit  : 

X Tandis  que  ces  nobles  hommes  habitaient  ainsi  dans 
la  forêt,  le  corps  déchiré  par  la  pénitence,  lèvent,  le  froid 
et  le  chaud,  et  qu’ils  se  furent  approchés  de  ce  lac  et  du 
bois  saint,  que  firent  après  cela  les  enfants  de  Prîthà  7 » 

Vaiçampâyana  répondit  : 

Quand  les  fils  de  Pândou  se  furent  approchés  de  ce  lac, 
quand  ils  eurent  quitté  ce  personnage,  ils  se  firent  une 
habitation,  et  parcoururent  les  bois  charmants,  les  mon- 
tagnes, les  rivières  et  les  différentes  places. 

14,741— là, 742. 

Des  brahmes , personnes  éminentes , chargées  d’an- 
nées , adonnées  à la  lecture , riches  de  mortiGcations  et 
versées  dans  les  Védas  , s’avancèrent  vers  ces  héros , qui 
demeuraient  dans  le  bois,  et  s’acquittèrent  des  honneurs 
envers  eux.  14,743. 


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VANA-PARVA.  400 

Certain  jour,  un  brahme,  habile  narrateur  d'histoires, 
s'approcha  des  fils  de  Kourou  sur  la  terre,  et,  quand  il  se 
fut  mis  en  contact  avec  eux  de  son  mouvement  spontané, 
il  s'avança  vers  le  roi  Vaitchitravlrya  oh  Dhriiardthtra. 

Il  s'assit  et,  quand  il  eut  reçu,  en  échange  des  siens, 
les  hommages  du  sage  roi,  le  plus  éminent  des  Kouroui- 
des,  il  prit,  excité  par  lui,  les  fils  d'Indra,  du  Vent,  d'Yama 
et  les  deux  jumeaux  pour  sujet  de  sa  narration  ; 

Ces  héros  maigres,  le  corps  déchiré  par  le  soleil  et  le 
vent,  tombés  dans  la  gueule  d'un  malheur  épouvantable  ; 
cette  Krishnà  elle-même,  sans  défense,  pour  ainsi  dire, 
sous  la  protection  de  ces  héros  et  liée  arec  la  corde  de 
l'affliction.  14,744—14,746—14,746. 

Après  qu'il  eutouï  ses  récits,  le  roi  Vaitchitravlrya  fut 
consumé  de  compassion,  à la  nouvelle  que  les  fds  et  les 
petits-fds  de  Prithâ  languissaient  dans  la  forêt , tombés 
dans  un  fleuve  d'infortunes.  14,747. 

L'âme  frappée  d'abattement,  troublé  par  le  vent  de  ses 
soupirs,  quand  il  eut  repris  un  peu  de  fermeté,  il  pensa  à 
tous  ses  fils  et  dit  cette  parole  : 14,748. 

« Comment  l'alné  de  mes  neveux,  Dharmarâdja,  pur, 
véridique,  à la  conduite  noble,  comment  cet  Adjâtaçatrou 
peut-il  supporter  d'être  couché  sur  le  sol  de  la  terre,  lui, 
qtii  auparavant  avait  pour  couche  un  amas  de  tissus  faits 
avec  le  poil  de  l'axis  moucheté.  14,749. 

» Sans  doute,  couché  sur  la  face  de  la  terre,  il  se  ré- 
veille, à la  fin  de  la  nuit,  an  chant  des  troupes  d'oiseaux, 
lui,  qui,  semblable  à Indra  même,  se  réveillait  aux 
louanges  d'une  troupe  de  bardes  et  de  poètes  ! 14,750. 

» Comment  Vrikaudara,  les  membres  enveloppés  de 
colère,  peut-il  supporter,  en  présence  de  Krishnd,  lui,  de 


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410 


LE  MaHA-BHAI’vAÏA. 


qui  le  curps  est  accoutumé  à la  fatigue  et  à l’abondaote 
nourriture  (1),  d’ôtro  couché  sur  le  sol  de  la  terre,  le  corps 
déchiré  par  le  vent  et  le  soleil  ? 14,751. 

I)  Et  le  sage  Arjouiia,  bien  délicat,  placé  sous  le  pou- 
voir du  roi,  fds  d’Yama,  ne  passe-t-il  point  assurément 
ses  nuits  dans  la  colère,  tous  ses  membres  comme  agités 
par  la  douleur?  14,752. 

» A la  vue  des  jumeaux,  et  de  Krishna,  et  d'Youddbish- 
tbira,  et  de  Bhima,  séparés  du  plaisir,  est-ce  que  ce  héros 
à la  splendeur  terrible  ne  coule  ix>int  assurément  ses 
nuits  dans  la  colère,  soupirant  comme  un  serpent? 

» Et  ces  jumeaux,  qui  méritent  le  plaisir  et  qui  n'ont 
pas  de  plaisir,  eux,  d’une  si  grande  beauté  et  qui  ressem- 
blent à des  Immortels  dans  les  deux,  l'ème  inquiète,  en- 
vironnés pai-  le  devoir  et  la  vérité,  pour  sûr  ils  se  tiennent 
constamment  éveillési  14,753 — 14,754. 

U Ce  blanc  et  vigoureux  fils  de  Maroute,  égal  au  vent 
pour  la  force,  il  gémit  pour  sûr,  il  retient  sa  colère  à cause 
' de  son  frère  atné,  qui  porte  à sa  main  le  lacet  de  la  Mort  I 

» Se  roulant  sur  la  terre  et  désirant  la  mort  de  mes  fils, 
mais  retenu  par  le  devoir  et  la  vérité,  lui,  qui  est  supé- 
rieur à tous  les  autres  dans  les  combats , il  attend  que  le 
moment  soit  arrivé  I 14,755 — 17,750. 

I)  Ces  pai-oles  amères,  qui  sont  entrées  dans  les  cœurs, 
et  que  Douççàsana  a dites,  le  jour  que  Youddhishthira  lut 
vaincu  par  la  déloyauté,  elles  brûlent  le  sang  de  Vrikau- 
dara,  comme  le  feu  consume  les  arbres  daus  une  forêt  in- 
cendiée! 14,757. 


(I)  Vrithivyâtmf  moU  inconnus,  «Jont  \\  faut  chercher  dans  lei  racines 
une  ait^alficalion  aveuturéc. 


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VANA-PARVA. 


AH 

» Est-il  possible  que  le  fils  d’Yatna  ne  songe  point  au 
criiueet^iM’  Dbanandjaya  même  habitechcz  luifCe  séjour 
dans  la  forêt  augmente  la  colère  de  Bhîma,  comme  le 
vent  accroît  la  puissance  du  feu  ! 1A.758. 

Il  Ce  héros,  consumé  par  cette  colère,  broyé  ses  mains 
l’une  dans  l’autre;  il  pousse  d’une  manière  é|>oavantable 
ses  brûlants  et  longs  soupirs,  (jui  semblent  dévorer  déjà 
mes  fils  et  mes  petits-fils.  1A,7Ô9. 

1)  liTités,  semblables  à la  mort  destructive , l’archer, 
qui  tient  l’arc  Gùndiva,  et  Vrikaudara,  semant  leurs  flèches 
pareilles  à la  foudre,  ne  laisseront  rien  sub^ster,  une  fois 
le  combat  engagé,  au  .sein  de  l’armée  ennemie.  1A,760. 

■>  Douryodbana,  Çakouni,  le  fils  du  cochet"  et  Donççà- 
sana,  hommes  d’une  bien  faible  intelligence,  ont  vu  les' 
douceurs  de  l'action,  mais  ils  n'ont  pas  vu  le  précipice, 
puisqu’ils  ont  enlevé  le  royaume  en  s’appuyant  sur  le 
jeu!  lâ,70d. 

Il  L’homme,  s'il  a fait  une  œuvre  bonne  ou  mauvaise, 
en  attend  le  fruit  : l’auteur  de  l'action  a nécessairement 
son  âme  égarée  par  le  fruit  : comment  la  délivrance  de 
l’homme  viendrait-elle  de  ce  fruit?  14,762. 

Il  Ln  champ  est  bien  labouré,  on  y sème  des  grains,  le  ' 
nuage  y répand  ses  pluies  dans  la  saison,  et  le  fruit  ne 
viendrait  pas  à sou  temps!  Cx)inbien  moins  sa  gloire  vien- 
dra-t-elle  d’ailleurs  que  du  destin!  c’est  ainsi  que  je 
pense.  14,703. 

» Ce  temps  me  semble  être  celui  de  la  mort  des  Kou- 
rouides,  parce  qu’on  s’est  déloyalement  servi  de  dés  pipés 
avec  le  fils  de  Pândou,  ami  de  la  loyauté,  parce  que  j’ai 
suivi  moi-  même  les  sentiments  de  mes  fils  dépravés. 

» L’homme,  s'il  n’est  point  exilé,  enverra  pour  sûr  en  exil  ; 


«12 


LE  MAHA-BHARATA. 


la  femme  encelute  accouchera,  comaie  la  destruction  delà 
nuit  arrivera  au  commencement  du  jour  et  la  destruction 
du  jour  au  commencement  de  la  nuit.  lA,7(ià — l&,70ô. 

Il  Nos  actes  sont  la  cause  des  actions  des  autres.  Que 
les  hommes  d'aucune  manière  ne  donnent  leurs  biens  : 
autrement,  arrivés  au  temps  de  se  servir  des  choses,  ils 
en  ressentiraient  l'absence.  « Comment  cela  sera-t>il7  ou 
avec  quoi,  diraient-ils,  pourrais-je  faire  cette  chose  7 

» Comment  un  secret  ne  pourra-t-il  s'échapper,  s'enfuir 
ou  s'écouler7  » Qu'on  le  répende,  s'il  n’est  pas  un  secret, 
par  cent  fuis,  dans  le  monde.  Une  chose  faite  ne  s'y  perdra 
point,  assurément.  14,766 — 14,767. 

» Dhanandjaya  est  monté  de  la  forêt  dans  le  monde  de 
Çakra,  admirez  son  courage!  et  s'en  est  revenu  dans  ce 
monde,  après  qu'il  eut  appris  les  armes  célestes  des  quatre 
espèces.  14,768. 

H Quel  homme,  monté  dans  le  ciel  avec  son  corps,  au- 
rait voulu  revenir  ici-bas  7 S'il  n'en  a pas  été  ainsi  de  l'ar- 
cher Arjouna,  de  l'ambidextre,  qui  tient  l'arc  Gàndtva  à 
la  fougue  épouvantable,  c’est  qu'il  a vu  les  Kourouides  sur 
le  point  de  mourir  et  plusieurs  d’entre  eux  frappés  déjà 
par  la  mort  ! Qui  soutiendrait  ici  les  armes  célestes  et  la 
furie  de  ce  héros,  le  troisièuie  det  fils  de  Kounti?  » 

14,769—14,770. 

Le  liis  de  Soubala,  dès  qu’il  eut  entendu  les  paroles  du 
roi,  en  avertit  Douryodhana,  et,  s'étant  réuni  à Karna,  cet 
homme  d'une  faible  intelligence,  en  fut  tout  attristé. 

A peine  eut-il  ouï  ce  langage  du  monarque , Çakouni, 
assisté  de  Karna,  dit  alors  en  particulier  ces  mots  opportuns 
à Douryodhana  : 14,771 — 14,772. 

« Après  que  tu  as , par  ta  vigueur , chassé  en  exil  les 


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VANA-PARVA. 


413 


héros  fils  de  Pândou,  jouis  seul  de  cette  terre,  Bharatide, 
comme  le  meurtrier  de  Çambara  jouit  du  ciel.  14,773. 

» Tous  les  rois,  qui  habitent  à l’orient,  au  midi,  à l’oc- 
cident ou  au  septentrion,  ont  tous  été  réduits,  puissant 
monarque,  à te  payer  des  tributs.  14,774. 

» Cette  éclatante  prospérité  , qui  jadis  enveloppait  les 
fils  de  Pàndou,  elle  est  venue  A toi  maintenant,  sire,  à toi 
et  à tes  frères.  1 4,775. 

n Celte  prospérité  flamboyante  , que  jadis  nous  admi- 
rions en  Youddhishthira , trônant  dans  Indraprastha, 
maintenant,  sire,  nous  la  contemplons  autour  de  toi. 

» Tes  ennemis  seront,  avant  qu’il  ne  s’écoule  un  long 
temps,  en  proie  aux  chagrins.  Cette  éclatante  prospérité, 
tu  l’as  rejetée  , par  la  vigueur  de  ton  intelligence  , héros 
aux  longs  bras,  loin  de  ce  fameux  roi  Youddhishthira. 
Ainsi  les  .souverains,  Indra  des  rois,  immolateur  des  héros 
ennemis,  sont  tous  obéissants  à tes  ordres  et  te  disent  : 
« Quelle  chose  ferom-nous  ? • Elle  est  à toi  entièrement 
cette  divine  terre , sire , avec  sa  robe  des  mers , avec  ses 
montagnes  et  ses  forêts , avec  .ses  formes  de  villes  et  de 
villages,  cette  terre  embellie  par  des  monts,  avec  ses 
différents  sites  de  bois. 

14,776-14,777—14,778—14,779—14,780. 

U Salué  par  les  brahmes,  honoré  par  les  rois,  tu  brilles 
par  ton  courage,  sire,  comme  l’astre  du  jour  dans  le  ciel 
entre  les  Dieux.  14,781. 

Il  Tel  que  le  roi  Yama  au  milieu  des  Roudras , tel  que 
le  fils  de  Viisou  , entouré  des  Maroutes,  tu  brilles,  sire, 
environné  de  tes  Kourouides,  comme  le  roi  des  constella- 
tions. 14,782. 

a Ceux  , par  qui  ton  ordre  ne  serait  point  observé  , ne 


LE  MAHA-BHAKATA. 


m 

soDt  pas  sous  ta  lot.  Nous  voyons  les  Pàndouides,  la  splen- 
deur éclipsée,  habiter  les  forêts,  là, 783. 

» On  nous  a dit,  grand  roi,  que  ces  fils  de  Pàndoii  de- 
meurent , avec  des  brahmes , hôtes  des  bois,  près  du  lao 
de  Dwallavan.'i.  là,78à. 

» Avance-toi,  sire,  orné  d’un  éclat  suprême  et  consu- 
mant, conune  le  soleil,  par  ta  splendeur  ces  enfants  de 
P&ndou.  là, 786. 

» Placé  sur  le  trône,  sire,  tourne  tes  regards  sur  les  fils 
de  Pândou,  tombés  du  trône,  environné  de  splendeur  sur 
eux  privés  de  splendeur,  regorgeant  de  biens  sur  eux  dé- 
pourvus de  richesses,  là, 786. 

» Que  les  Pàndouides  te  contemplent  doué  d'une  grande 
famille,  florissant  d’une  brillante  fortune,  comme  Yayâti, 
le  fils  de  Nabousha.  là, 787. 

» Cette  prospérité , que  tes  amis  et  tes  ennemis  voient 
éclater  en  ta  personne , elle  est  pleine  de  puissance , mo- 
narque des  hommes,  là, 788. 

» Être  dans  un  lieu  plane  et  voir  ses  ennemis  dans  un 
lieu  inégal,  au  sommet  d’une  montagne  et  les  voir  dans  la 
plaine,  est-il  un  plaisir  plus  grand  que  celui-là?  là, 781). 

» On  n’obtient,  ni  par  l'acquisition  des  richesses,  ni 
par  celle  d’un  fils,  ni  même  par  celle  d’un  royaume, 
une  satisfaction  égale  à celle,  que  l’on  ressent  de  voir  ses 
ennemis  commettre  des  fautes!  là, 790. 

I)  Quel  ne  serait  pas  le  plaisir  de  l’homme,  qui,  au 
comble  de  ses  vamx , pourrait  voir  Dbanandjaya  habiter 
dans  un  hcrmitage,  revêtu  d’une  peau  d’antilope  et  d'un 
valkala.  là, 791. 

» Que  tes  épouses,  splendidement  vêtues,  contemplent 
Krishnà,  affublée  d’une  peau  de  gazelle  et  d’un  valkala. 


VANA-PARVA. 


Al  5 

malheureuse,  rougissant  d’elle-mâme,  s’adressant  des  re- 
proches et  blâmant  sa  vie,  déchue  de  la  richesse.  Sa  con- 
fusion n'aura,  certes!  pas  été  aussi  grande  dans  l'assem- 
blée, quelle  le  sera  à la  vue  de  tes  épouses  splendidement 
paréesl  » 14,792—14,793—14,794. 

Quand  Çakouni  et  Karna  eurent  parlé  ainsi  de  concert 
au  jeune  roi , il  se  tinrent  en  silence  à la  fin  de  ce  dis- 
cours. 14,795. 

Dès  que  le  prince  Douryodhana  eut  entendu  ce  langage 
de  Karna,  il  redevint  joyeux,  mais  il  répondit  ces  paroles 
affligées:  14,790. 

« Toute  la  chose,  que  tu  dis,  est  déjà  arrêtée  dans  mon 
cœur,  mais  je  n’obtiendrai  pas  la  permission  d'aller  où 
résident  les  fils  de  Pândou.  14,797. 

» Dhritarâshtra  , le  souverain  de  la  terre  , plaint  ces 
héros  ; il  pense  <|ue  la  supériorité  appartient  aux  Pân- 
douides  par  l’union  de  la  pénitence.  14,998. 

» Que  le  roi  s’aperçoive  de  ce  que  nous  avons  le  désir 
de  faire,  il  nous  refuse  la  permission  par  la  seule  considé- 
ration de  l'avenir.  14,799. 

1)  Il  n'existe  aucune  affaire  pour  nous  dans  le  Dwatta- 
vana,  prince  à la  grande  splendeur,  si  ce  n’est  la  perte  de 
ces  hommes,  qui  habitent  dans  la  forêt.  14,800. 

» Tu  sais  quel  langage  nous  fui  adressé  par  Kshattri, 
à moi  et  à toi  également,  fils  de  Sabala,  alors  qpie  régnait 
le  temps  du  jeu.  14,801. 

■>  Me  rappelant  toutes  ces  paroles  et  autre  chose,  qui 
est  l’objet  des  plaintes  de  mon  père,  je  ne  vais  pas 
lui  demander  sa  permission  pour  ce  voyage,  ni  autre 
chose.  14,802. 

» ()e  m’est,  certes  I une  grande  joie  de  voir  accablés  de 


Aie 


LE  HAHA-RHAKATA. 


douleur,  au  milieu  d'une  forêt,  Bhtma  et  Phâlgouna,  en 
compagnie  de  Krishnâ.  1A.803. 

» L’acquisition  de  cette  terre  elle-même  ne  me  cau- 
serait pas  une  satisfaction  égale  à celle,  que  j'éprouverais 
en  voyant  ces  fils  de  Pândou,  revêtus  d'une  peau  d’antilope 
et  d'un  valkala  ! 1A,80A. 

I)  Est-ce  qu'il  y aurait  une  chose  supérieure  au  plaisiT 
de  voir  DraâupadI,  la  fille  du  roi  Droupada,  habillée  d'un 
vêtement  rouge,  au  milieu  d'une  forêt  I 1A,805. 

Il  Si  Dliarmarâdja,  si  le  Pândouide  Bhtinaséna  pouvûent 
me  voir  enveloppé  d'une  pompe  royale  éclatante,  il  me 
semblerait  alors  que  je  sortisse  du  tombeau  ! IA, 806. 

Il  Mais  je  ne  vois  aucun  moyen  d’aller  au  bois,  car  le 
souverain  n'autoriserait  pas  mon  départ,  accompagné  de 
Douççâsanaet  du  fils  de  Soubala.  Imagine  donc  un  moyen 
adroit  pour  que  nous  puissions  aller  au  bois. 

U Moi,  qui  ai  résolu  maintenant  d'y  aller,  et  qui  ai  ari-êté 
d’autres  desseins,  j'irai  alors  d’une  manière  habile  vei'S  le 
fils  dePritlià.  1A,807— 1A,808— lA-,80». 

n Pendant  que  Bhishma,  le  plus  vertueux  des  Kou- 
rouides,  et  moi,  nous  sommes  encore  assis  dans  ce  lieu, 
dis-moi  avec  le  fils  de  Soubala  quel  moyen  vous  imaginez. 

Il  Quand  j'aurai  entendu  la  voix  de  Bhishma  et  du  roi 
sur  le  voyage,  j'arrêterai  ma  résolution  en  me  conciliant 
mon  grand-père.  » 1A,810 — 1A,811. 

Après  qu’il  eut  parlé  ainsi,  tous  de  s’en  retourner  à 
leurs  maisons,  et  lorsque  la  nuit  fut  écoulée,  Karna  vint 
trouver  le  jeune  roi.  1A,812. 

11  dit  en  souriant  ces  paroles  à Douryodhana  : « Voici 
le  moyen,  que  nous  avons  imaginé.  Écoute-le,  souverain 
des  hommes.  1A,813. 


VANA-PARVA. 


417 


» Ghosha  ou  le  parc  de»  vachet  est  dansleDwaltavana  : 
nons  attendons  tous  que  lu  nous  y conduises.  Nous  irons 
vers  les  fils  de  Pândou,  sous  prétexte  de  faire  un  voyage 
au  parc  des  vaches  : il  n’y  a pas  de  doute.  14,814. 

» Une  excursion  au  Ghosha  fut  toujours  dans  tes  habi  - 
tudes,  monarque  des  hommes  : ainsi,  ton  père  ne  refusera 
point,  sire,  de  t’accorder  sa  permission.  » 14,815. 

Dans  cette  conversation,  ils  arrêtèrent  la  résolution  d’un 
voyage  au  parc  des  vaches  ; et  Çakouni,  le  roi  du  Gân- 
dhàra,  dit  en  souriant  : 14,816. 

O Ce  prétexte  du  voyage  fut  imaginé  par  moi  : le  roi 
nous  accordera  sa  permission,  et  même  il  nous  pressera 
départir^  14,817. 

» Le  Ghosha  est  dans  le  Dwaltavana  ; tous,  nous  atten- 
dons quel»  nous  y conduises,  monarque  des  hommes.  Nous 
irons  vers  les  fils  de  Pândou,  sous  prétexte  de  faire  un 
voyage  au  parc  des  vaches  : il  n’y  a aucun  doute.  » 

Alors,  tous  en  riant  ils  se  donnèrent  la  main  l’un  k 
l’autre,  et,  quand  ils  eurent  pris  cette  résolution,  ils  s’en 
allèrent  trouver  le  roi,  le  plus  grand  des  Kourouides. 

14,818—14,819. 

Tons  ils  virent  Dhritarâshtra  : ils  demandèrent  au  roi 
s’il  était  content  de  sa  santé,  Djanamédjaya,  et  reçurent 
de  lui  cette  même  demande.  14,820. 

Un  pasteur,  nommé  Samanga,  qu’ils  avaient  d’avance 
disposé,  annonça  au  roi  Dhritarâshtra  que  ses  vaches 
étaient  près  de  ces  lieux.  14,821. 

Aussitôt  après,  le  fils  adoptif  de  Râdhâ  et  Çakouni 
dirent  ces  roots  au  monarque,  le  meilleur  des  princes  : 

« Le  parc  aux  vaches  est  maintenant  en  des  régions  dé- 
licieuses, rejeton  de  Kourou.  Voici  le  moment  arrivé  pour 
IV  27 


Ai8 


LE  MAHA-BH/VRATA. 


le  recensement  et  la  marque  des  veaux.  1&,822 — IA, 823. 

U Ce  temps  d’ailleurs  nous  invite  à la  ctia.sse  : veuille 
donc  accorder  à Uouryudliana,  ton  lils,  la  permission  de 
s’en  aller  au  Chosha.  » 1A,82A. 

« l.a  chasse  développe  la  beauté  i il  faut  donner  son 
attention  aux  vaches,  répondit  Uhritaràshtra;  mais  il  faut 
éviter  la  familiarité  avec  les  pasteurs  : tels  sont  les  pré- 
ceptes, dont  j’ai  retenu  le  souvenir.  IA, 825. 

» Mais  près  de  là,  nous  a-t-on  dit,  sont  les  filt  de 
Pândou,  ces  tigres  des  hommes.  Par  conséquent,  je  ne 
puis  vous  accorder  la  permission  d’aller  au  Chosha. 

» Cxts  hommes,  vaincus  au  jeu  par  la  tricherie,  sont 
déchirés  par  le  chagrin  ; ils  sont  continuellement  sous  le 
joug  de  la  pénitence  ; et  ces  héros,  lils  de  Râdhâ,  sont 
doués  de  puissance.  IA, 826 — 1A,827. 

» Il  ne  faut  pas  irriter  Dharmarâdja,  ni  le  violent  Bhl- 
maséiia.  Quant  à la  fille  d’Yajnaséna,  elle  est  toute  splen- 
deur elle-même.  1A.828. 

» Si  aveuglés  par  le  délire  de  l’orgueil  il  vous  arrivait 
de  commettre  une  injure  envers  eux,  ces  héros,  doués  de 
la  pénitence,  ils  vous  consumeraient  ! 1A,82P. 

» Ces  guerriers  armés,  réunis,  ceints  du  cimeteire,  en- 
veloppés de  courroux,  ils  vous  consumeraient  par  la  force 
des  armes.  1A,830. 

» Que  vous  les  rejetiez  par  le  nombre  de  quelque  ma- 
nière, est  une  chose  ignoble,  supérieure  à vous  d’ailleurs 
et  que  j’estime  impossible.  1 A. 8.31. 

» En  effet,  Dhanandjaya  aux  longs  bras  a demeuré  dans 
le  monde  d'Indra  ; il  en  est  revenu  au  milieu  des  bois, 
après  qu'il  eut  obtenu  les  armes  célestes.  IA, 832. 

» l.a  terre  fut  jadis  vaincue  par  Bibhatsou,  avant  qu’il 


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VANA-PARVA. 


âl» 

n’eût  fait  l’étude  des  armes  ; combien  plus  ce  héros  pour- 
rait-il en  triompher  maintenant  qu'il  a cette  connaissance. 

» Ou,  ayant  entendu  ma  parole,  vous  ferez  vos  efforts 
pour  la  suivre  ; tinon  votre  habitation  sera  pleine  de 
troubles,  et  la  peine  naîtra  de  votre  confiance. 

14,838—18,884. 

D Ou  certains  guerriers  commettront  des  offenses  à 
l’égard  d’Youddhishthira  : cet  acte,  marqué  au  coin  de 
l’inintelligence,  causera  votre  faute.  14,835. 

I)  Que  des  hommes,  serviteurs  deconliance,  aillent  donc 
pour  le  recensement  : il  ne  me  plaît  pas,  Bharatide,  que 
tu  t’y  rendes  en  personne.  » 14,836. 

0 L’ainé  des  Pàndouides  connaît  le  devoir,  reprit  Ça- 
kouni  ; il  s’est  lié  par  une  promesse  faite  dans  l’assemblée: 
il  doit  haltiter  dans  le  bois  douze  années,'  fils  de  Bharata. 

1 Tous  les  fils  de  Pàndoului  obéissent  et  marchent  dans 
le  seniier  du  devoir  ; Youddhisbthira,  le  fils  de  Kountt, 
ne  pourra  donc  s’irriter  contre  nous,  rejeton  de  Bharata. 

. 14,837—14,888. 

» Le  désir  d’aller  à la  chasse  nous  tourmente  beaucoup: 
nous  désirons  faire  les  recensements  et  non  voir  ces  en- 
fants de  Pândou.  14,839. 

» Personne  ne  se  conduira  là  avec  bassesse  : nous  n'irons 
pas  au  lieu  où  est  leur  habitation.  » 14,840. 

A ces  mots  de  Qakouni,  Dhritarâshtra,  le  souverain  des 
hommes,  donna  à contre-cœur  sa  permission  à Douryo- 
dhana  et  aux  conseillicrs  du  prince.  14,841. 

Ayant  pris  congé  de  ton  père,  le  lils  de  Gândàrl,  le  plus 
grand  des  Bharatides,  sortit,  accompagné  de  Karna,  au 
milieu  d’une  nombreuse  année.  14,842. 

11  était  environné  de  femmes  par  milliers,  de  Douççâsana, 


420 


LE  MAHA-BHARATA. 


de  l'ingénieux  fils  de  Soubala,  de  ses  frères  et  d'autres. 

Tous  les  habitants  de  la  ville  suivirent  avec  leurs 
épouses,  dans  ce  bois,  le  prince  aux  longs  bras,  qui  sor- 
tait pour  visiter  le  lac  Dwaitavana.  14,843 — 14,844. 

11  emmenait  huit  mille  chars,  trois  myriades  d'éléphants, 
des  fantassins  par  nombreux  milliers,  et  quatre-vingt-dix 
centaines  de  chevaux.  14,845. 

Il  avait  des  charrettes,  des  boutiques,  des  marchands, 
des  poètes  encomiastes,  des  hommes  adonnés  à lâchasse, 
par  centaines  et  par  milliers.  14,840. 

lin  bien  vaste  bruit  environnait  le  pnnce  dans  sa 
marche  : tel,  dans  la  saison  des  pluies,  monarque  des 
hommes,  un  grand  vent  furieux.  14,847. 

Le  roi  Doui^odhana  s'étendait  alors  sur  l’étendue  d’un 
gavyoûti  ; et  le  lac  Dwaitavana  était  rempli  des  véhicules 
du  monarque,  qui  s’avançait.  14,848. 

Le  royal  Douryodhaua  s’en  allait,  habitant  çàet  là  dans 
la  forêt  : il  mit  sa  demeure  près  du  parc  aux  vaches. 

Les  hommes  firent  leurs  habitations  dans  un  lieu  aux 
grands  arbres,  aux  limpides  ondes,  délicieux,  recherché 
et  doué  de  toutes  les  qualités.  14,849 — 14,860. 

Les  maisons  particulières  de  Karna,  de  Çakouni  et  de 
tous  ses  frèius  étaient  nombreuses  et  voisines  de  son 
palais.  14,861. 

Le  prince  vit  les  vaches  alors  par  centaines  et  par 
milliers  ; il  les  marqua  toutes  par  des  signes  et  des  em- 
blèmes. 14,852. 

11  fit  des  marques  sur  les  veaux,  il  en  prit  connaissance 
en  s’approchant  d’eux  ; il  compta  même  les  vaches,  qui 
avaient  des  veaux  nouvcaux-nés.  14,86.3. 

» Quand  il  eut  fait  le  recensenient  et  qu’il  eut  marqué 


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VÀNA-PARVA.  ' m 

celles,  qui  étaient  âgées  de  trois  ans,  le  rejeton  de  Kourou 
joyeux  s’amusa,  environné  des  pasteurs.  14,854. 

Tous  les  habitants  de  la  cité  et  les  guerriers  par  mil- 
liei*s  se  divertirent  à cœur  joie  comme  des  Immortels  au 
sein  de  cette  forêt.  14,855. 

Ensuite  les  pasteurs  les  plus  habiles  dans  le  chant,  dans 
la  danse  et  à faire  résonner  les  instruments  de  musique, 
servirent  les  fils  de  Dhritarâshtra  de  concert  avec  les  jeu- 
nes filles  dans  leur  plus  belle  parure.  14,856. 

Le  roi  joyeux,  environné  de  ses  femmes,  leur  distribua 
des  richesses  suivant  leur  mérite,  des  aliments  divers  et 
différents  breuvages.  14,857. 

Après  qu’ils  se  furent  réunis  tous,  ils  se  mirent  à chas- 
ser de  tous  côtés  les  hyènes,  les  buffles,  les  antilopes,  les 
gayals,  les  ours  et  les  sangliers.  14,858. 

Quand  ses  flèches  eurent  taillé  en  pièces  de  nombreux 
éléphants  dans  la  forêt,  Douryodhana  fit  prendre  les  ga- 
zelles dans  ces  délicieuces  contrées.  14,859. 

Goûtant  du  laitage,  savourant  mille  jouissances,  fils  de 
Bharata,  contemplant  ces  bois  et  ces  bocages  charmants, 
où  murmuraient  des  abeilles  enivrées,  où  gazouillaient  les 
oiseaux,  il  parcourut  successivement  ce  lac  saint  «lu  Dwaî- 
tavana,  habité  par  des  mouches  à miel  ivres  d’amour,  ré- 
sonnant des  chants  du  gallinule,  rempli  de  saptatchadas, 
chargé  de  mimusops  et  de  lotus.  14,860-14,861-14,862. 

Nageant  au  sein  de  la  plus  haute  félicité,  comme  le  grand 
Indra,  qui  tient  la  foudre,  le  filsd’Yama,  Youddhishthira, 
se  tenait  dans  ce  bois  de  sa  libre  volonté.  14,863. 

Il  sacrifiait,  souverain  des  hommes,  ô le  plus  vertueux  des 
Kourouides,  avec  le  sacrifice  des  rois  saints,  cérémonie  ins- 
tantanée, céleste,  diverse,  faite  avec  les  présents  des  forêts. 


A22 


LE  M AHA-raARATA. 


Le  sage  monarque , accompagné  de  sa  chaste  épouse 
Draàupadi,  avait  fixé,  rejeton  de  Kourou,  son  habitation 
près  du  lac.  14,8(5i — 14,8rt5. 

Alors  Douryadhana  prescrivit  cet  ordre  à des  serviteurs 
par  milliers  : « Construisez-moi  promptement  des  maisons 
d'amusement.  » 14,866. 

n Oui  1 » répondent  au  Kourouide  ces  hommes,  obéis- 
sants à sa  volonté;  et  ils  se  rendent  aux  rives  du  lacDwat- 
tavana,  désirant  y bâtir  ces  maisons  d’agrément.  14,867. 

Les  Gandharvas  sur  le  rivage  repoussèrent  le  gros  de 
l’armée  du  Dbritarâshtride , qui  entraient  dans  le  bois  et 
s’avançaient  vers  le  lac  Dwaltavana.  14,868. 

Entouré  de  Ganas,  le  roi  des  Gandharvas  était  revenu 
précédemment,  roi  des  hommes,  du  palais  de  Kouvéra. 

Ami  des  amusements,  il  avait  environné  ce  lac  pour 
ses  jeux  avec  des  troupes  d’Apsaras  et  des  fils  de  Tri- 
daças.  14,869 — 14,870. 

Quand  ils  virent  ce  lac  cerné,  les  serviteurs  du  roi  s’en 
revinrent,  sire,  où  était  le  prince  Douryodhana.  14,871. 

A peine  eut-il  entendu  leurs  paroles , descendant  de 
Kourou , il  envoya  des  guerriers , altérés  de  combats  : 
n Faites-les  retirer  I B dit-il.  14,872. 

Dès  qu’ils  eurent  ouï  ces  mots  du  roi , les  conducteurs 
de  l’armée  s’en  furent  au  lac  Dwaltavana  et  tinrent  ce 
langage  aux  Gandharvas  : 

« Il  est  un  roi  puissant,  le  fils  de  Dhritarâshtra,  qui  est 
nommé  Doui7odhana  : il  est  venu,  désireux  de  s’amuser  ; 
retirez-vous  à cause  de  cela!  » 14,873 — 14,874. 

A ces  mots,  les  Gandharvas  répondirent  en  riant,  maî- 
tre des  hommes,  ces  paroles  mordantes  aux  guerriers  : 

« Le  roi  Souyodhana  à l’intelligence  étroite  ne  nous 


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VANA-PABVjI. 


m 


connaît  pas,  lui,  qui  nous  donne  à nous,  habitants  du  ciel, 
ses  ordres  comuie  à des  Vaiçyas.  14,875 — 14.870. 

1)  S.ans  doute,  vous  désirez  mourir,  hommes  de  peu  de 
science,  ioseusés,  qui  venez  nous  parler  ainsi  d'après  ses 
paroles.  14,877. 

» Retourncz-vous-en  vite  aux  lieux  où  est  ce  roi,  issu 
de  Kourou  : si  vous  ne  le  faites  à l'instant  même,  vous 
allez  tous  descendre  au  séjour  de  Dharmarâdja.  a 

A ce  langage  des  Gandharvius,  les  chefs  de  l’armée  cou- 
rurent là  où  était  le  roi,  fils  de  Dhritaràshtra. 

14,878—14,870. 

Ils  s'approchèrent  tous  de  compagnie  vers  Douryo- 
dbana,  et  lui  rapportèrent,  puissant  roi,  ce  que  les  Gan- 
dbarvas  avaient  dit  sur  les  Kourouides.  14,880. 

Rempli  de  colère  à la  nouvelle  que  les  Gandharvas 
avaient  arrêté  son  armée,  l'auguste  Douryodhana  adressa, 
Bharatide,  les  paroles  suivantes  à ses  guerriers  : 14,881. 

« Punissez  ces  gens  vicieux  , qui  s’opposent  à ce  qui 
m’est  agréable,  (’.atakratou  avec  tous  les  Dieux  folâtrât-il 
en  ces  lieux!»  14,882. 

A ces  mots  de  Douryodhana,  tous  les  robustes  guerriers 
de  Dhritaràshtra , couverts  de  leurs  armes,  par  milliers, 
écrasent  tous  les  gardiens,  entrent  de  force  dans  la  forêt, 
et  remplissent  d’un  immense  cri  de  guerre  les  dix  points 
de  l’espace.  14,883—14,884. 

Les  guerriers  de  Kourou  trouvèrent  d’autres  Gandhar- 
vas pour  les  empêcher  : arrêtés  même  par  des  mots  ca- 
ressants, souverains  de  la  terre,  ils  ne  prêtèrent  aucune 
attention  aux  prières  de  ces  Gandharvas  et  ils  entrèrent 
dans  la  grande  forêt.  Voyant  que  les  Dhritaràshirides  et 
leurs  chefs  ne  s’arrêtaient  pas  à leurs  paroles,  tous  ces 


LE  MAHA-BHARATA. 


hU 

Génies  ailés  vinrent  l’annoncer  à Tchitraséna.  Le  m des 
Gandharvas,  Tchitraséna  en  colère  dit  alors  au  sujet  de 
tous  ces  enfants  de  Kourou  : « Cliâtiez-moi  ces  gens 
vils  ! » Les  Gandharvas,  Bharatide,  autorisés  par  sa  per- 
mission» lâ,885 — 14,886 — 14,887 — 14,888. 

Saisissent  leurs  armes  et  courent  tous  sur  les  Dhrita- 
ràshtrides.  A la  seule  vue  des  Gandharvas,  qui  accourent, 
les  armes  levées,  d’un  pied  hâté,  ils  s’enfuient  tous  aux 
différents  points  de  l’espace,  sous  les  yeux  mêmes  de  Dou- 
ryodhana.  Quand  il  vit  tous  ses  guerriers  tournant  le  dos  en 
déroute,  le  fils  héroïque  de  Râdhâ  ne  prit  pas  alors  la  fuite  ; 
mais,  à l’aspect  de  la  grande  armée  des  Gandharvas,  qui 
accourait,  Râdhéya  les  airôta  av''c  une  grande  averse  de 
flèches,  avec  des  traits  en  pied  de  cheval,  avec  des  bhallas, 
avec  des  dards,  qui  figuraient  une  dent  de  veau,  avec  des 
flèches  de  fer.  14,889 — 14,890 — 14,891 — 14,892. 

L’héroïque  fils  du  cocher  abattit  par  centaines  les  Gan- 
dharvas, grâce  à sa  légèreté,  et  trancha  leurs  membres 
supérieurs.  14,893. 

Dans  un  instant,  il  eut  dispersé  toute  la  grande  armée 
de  Tchitraséna.  Frappés  de  ces  coups  par  l’habile  fils  du 
cocher,  les  Gandharvas  l’assaillirent  d’une  attaque  plus 
violente  par  centaines  et  par  milliers.  La  terre  fut  dans 
un  moment  couverte  de  Gandharvas  14,894 — 14,895. 

Par  les  guerriers  de  Tchitraséna,  qui  accouraient, 
pleins  d’une  grande  impétuosité.  Alors  le  roi  Douryo- 
dhana,  et  Çakouni  le  111s  de  Soubala , et  Douççâsana , et 
Vikarna,  et  d’autres  Dhritarâshtrides  fondirent  sur  cette 
armée  avec  des  chars,  qui  imitaient  le  bruit  du  vol  de  Ga- 
rouda.  14,896 — 14,897. 

Ils  mirent  Kama  à leur  tète  et  renouvelèrent  le  corn- 


VANA-PARVA. 


m. 

bat,  avec  les  évolutio»s  d’une  grande  multitude  de  chars. 

Défendant  Vraikarthana , ils  remplirent  de  traits  l’ar- 
mée des  Gandharvas.  On  voymt  alors  tous  les  Gandhar- 
vas  tomber  avec  les  Kourouides.  lA, 898— 14,899. 

Alors  s’élève  un  combat  très-tumultueux  , horripilant 
d’épouvante.  Accablés  de  flèches,  les  Gandharvas  n’avaient 
plus  qu’une  valeur  émoussée.  14,900. 

Les  Kourouides  poussent  de  hautes  clameurs,  en  voyant 
faiblir  les  Gandharvas.  A l’aspect  de  ses  guerriers , qui 
tremblent,  Tchitraséna  en  courroux  s’élança  furieux  de 
son  tréne,  dirigeant  sa  peusée  vers  la  mort  des  ennemis  ; 
il  recourut  à l’astra  de  la  magie,  et  combattit  avec  la 
science  des  routes  différentes.  14,901 — 14,902. 

Cette  magie  de  Tchitraséna  jeta  dans  régarementl’esprit 
des  Kourouides.  Les  guerriers  de  SOuyodhana  croyaient 
alors , noàie  rejeton  de  Bharata,  avoir  chacun  à combattre 
avec  dix  et  dix  Gandharvas.  Ensuite,  accablés  par 
une  grande  armée , ces  Kourouides,  qui  avaient  désiré 
vaincre , s’enfuirent  çà  et  là  sur  le  champ  de  bataille. 
Les  armées  du  Dbritarâshtride,  sire,  étaient  entière- 
ment rompues;  mais  Karna,  le  fils  du  soleil,  se  tint, 
immobile  comme  une  montagne.  Douryodhana,  et  Karna, 
et  Çakouni,  le  fils  de  Soubala,  tous  les  trois  horriblement 
blessés,  soutinrent  le  combat  des  Gandharvas.  Tous  ceux- 
ci,  doués  d’une  force  supérieure,  fondirent  de  compagnie, 
par  centaines  et  par  milliers,  avec  l’envie  de  le  tuer,  sur 
Kai’na,  tenant  à leur  main  des  épées,  des  pattiças,  des 
tridents  et  des  massues.  ( De  la  stance  14,903  à la  stance 
14,908.) 

Désireux  de  lui  arracher  la  vie , ils  enveloppèrent  de 
toutes  parts  le  fils  adoptif  du  cocher.  Les  uns  blessèrent 


436 


LE  MAHA-BHARATA.  ' 


son  attelage,  les  autres  abattirent  son  drapean.  14,609. 

Ceux-ci  firent  tomber  leurs  coups  sur  le  bout  du  timon, 
ceux-là  sur  le  joug,  plusieuis  sur  le  cocher,  certains  sur 
l’ombrelle,  les  uns  sur  les  rebords  du  char,  les  autres  sur 
son  diadème.  14,010. 

Les  Gandharvas  en  nombreux  milliers  dispersèrent  son 
char  en  morceaux  aussi  petits  que  des  graines  de  s'same. 
Alors,  le  fils  adoptif  du  cocher  sauta  en  bas  du  char,  l'é- 
pée à la  main,  le  bouclier  au  bras,  et,  montant  sur  le  char 
de  Vikarna,  il  stimula  les  chevaux  pour  sa  délivrance. 

Quand  les  Gandharxas,  roi  puissant,  eurent  rompu  le 
héros  Karna,  toute  son  armée  prit  la  fuite  sous  les  yeux 
du  Dhritaràshtride.  14,911 — 14,912 — 14,013. 

Dès  qu’il  vit  courir  en  déroute  tous  ses  guerriers,  le 
grand  roi  ne  les  imita  point.  14,914. 

A peine  eut-il  vu  la  grande  armée  des  Gandharvas  ac- 
courir, le  héros,  dompteur  des  ennemis,  fit  pleuvoir  sur 
elle  une  orageuse  averse  de  flèches.  14,915. 

Mais,  sans  tenir  compte  de  cette  pluie  de  traits , les 
Gandharvas  entourent  son  char  et,  désireux  de  le  tuer, 
ils  enveloppent  Douryodhana  de  tous  les  côtés.  14,916. 

Us  dispersèrent  sous  leurs  flèches  en  morceaux  aussi 
menus  que  la  graine  de  sésame  le  joug,  le  timon,  les  re- 
bords de  son  char,  son  drapeau,  son  cocher,  ses  chevaux, 
le  trirènou  et  sa  couche.  14,917. 

Aussitôt  que  Tchitraséna  aux  longs  bras  vit  Dnuryo- 
dhana  sans  char  et  tombé  à terre,  il  courut  et  le  fit  vivant 
son  prisonnier.  14,018. 

Cet  Indra  des  rois  tombé  dans  les  fers,  les  Gandharvas 
enveloppèrent  de  tous  les  côtés  et  cernèrent  Douççàsana, 
placé  sur  son  char.  14,919. 


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./ VANA-PARVA. 


hV! 

Les  uns  luirent  Vîvinçati  et  /«  Dnçarathide  Tchitraséna, 
les  autres  Binda  et  Anoubinda;  ils  firent  prisonnières  les 
épouses  du  roi  entièrement,  et  coururent  de  düTéronts  cAtés. 

L'armée  du  fils  de  Dhritarâshtra  fut  dispersée  tout  à 
fait  par  les  Gandliàrvas.  Après  cette  défaite,  ils  s’en  furent 
de  compagnie  trouver  les  fils  de  Pàndou.  li,020>li,9'2i. 

Ils  avaient  le  joug  des  chars,  les  habits,  l'orgueil  et  les 
chars  mêmes  entièrement  brisés  : ils  vinrent  implorer  le 
secours  des  PAndouides , après  que  le  monarque  eut  été 
pris.  lè,922. 

Les  guerriers  diient  : 

« Le  roi,  fils  de  Dhritarâshtra,  à la  grande  force,  aux 
longs  bras,  qui  ne  voyait  que  des  choses  aimables,  a été 
fait  prisonnier  par  les  Gandharvas  : venez  à son  secours, 
enfants  de  Prithâ.  1&,923. 

» Douççâsana,  Dourvisaha,  Dourmoukha  et  Douijaya, 
enchaînés,  sont  dans  les  prisons  des  Gandharvas  : toutes 
les  femmes  du  roi  ont  été  prises.  » 1A,92A. 

Affligés,  consternés,  tourmentés  par  le  désir  de  revoir 
le  roi  captif,  tous  les  ministres  de  Douryodbana  vinrent 
trouver  Youddhishthira,  en  jetant  ces  plaintes.  1A,925. 

Bhlmaséna  répondit  ainsi  à ces  vieux  conseillers  de 
Douryodhana,  tristes,  émus  par  le  chagrin,  qui  mendiaient 
le  secours  d’Youddhishthira  : lâ,926. 

a 11  vous  faut  déployer  un  grand  effort,  vous  armer, 
monter  sur  vos  chevaux  et  sur  vos  éléphants  pour  défaire 
ce  qui  a été  fait  par  les  Gandharvas.  li,927. 

» Si  vous  agissez  autrement,  vous  obtiendrez  des  ré- 
sultats différents.  C’est  une  affaire,  qui  fut  mal  conseillée 
maintenant  à ce  roi,  qui  jndû  nul  jouer  un  jeu  perfide. 

n C'est  abattre  l'ennemi  d’un  eunuque  I » avons-nous 


Â28 


LE  MAHA-BHARATA. 


ouï  dire  ; mais  ces  Gandbarvas  ont  fait  ici,  sous  nos  yeux, 
une  chose  plus  qu’humaine.  1â,928 — 14,929. 

» Par  bonheur,  il  existe  dans  le  monde  un  certmn 
homme,  porté  à vous  obliger  : il  vous  enlèvera  ce  fardeau 
et  vous  apportera  un  plaisir,  qui  ne  vous  coûtera  que  la 
peine  de  C attendre^  tranquillement  assis.  14,930. 

» Cet  insensé  ciésire  vous  voir  d’un  lieu  plane,  vous, 
jetés  sur  un  sol  raboteux,  déchirés  par  la  pénitence,  ayant 
à supporter  le  soleil,  le  vent  et  la  froidure.  14,931. 

» Ils  éprouvent  donc  maintenant  la  défaite,  ces  hommes, 
qui  se  modèlent  sur  le  caractère  de  ce  méchant  rejeton  de 
Kourou,  le  disciple  du  vice  ! 14,932. 

» Le  vice  est  toujours  commis  par  l’homme,  à qui  il  fut 
enseigné.  Je  dis  cela  en  présence  de  vous,  innocents  fils 
de  Kountl.  » 14,933. 

Le  roi  Y ouddhùhthira  répondit  à Bhimaséna,  qui  par- 
lait ainsi  et  terminait  son  discours  : « Ce  n’est  point  ici  le 
moment  de  ces  paroles  amères  I » 14,934. 

» Comment  tiens-tu  un  tel  langage  à ces  enfants  de 
Kourou,  tombés  dans  le  malheur,  tourmentés  parla  crainte 
et  conduits  vers  nous  par  le  désir  du  secours.  14,935. 

» Des  divisions  et  des  querelles  existent  dan  s les  parents  ; 
des  inimitiés  sont  allumées  entre  eux  ; mais  cela  n’ entraîne 
pas  la  perte  du  devoir  à l’égard  de  la  famille.  14,936. 

n Quand  une  personne,  étrangère  aux  liens  de  parenté, 
réclame  l'appui  d’une  famille,  les  sages  ne  souffrent  pas 
que  cet  homme  soit  maltraité  par  un  étranger.  14,937. 

» Cet  insensé  Douryodhana  sait  assurément  que  nous 
habitons  ici  depuis  long-temps.  Lorsqu’il  nous  a vaincus 
ainsi,  il  a fait,  certes,  une  chose,  qui  nous  fut  désagréable. 

» Douryodhana  pris  de  force  par  les  Gandbarvas,  ses 


VANA-PARVA.  42» 

femmes  outragées,  seigneur,  c’est  nous  ravir  notre  fa- 
mille à nous-mêmes  ! 14,938 — 14,93». 

» Levez-vous,  tigres  des  hommes,  pour  sauver  notre 
famille  et  ces  malheureux,  qui  implorent  notre  appui! 
Tenez-vous  prêts,  sans  perdre  de  temps  ! 14  »40. 

» Arjourna,  les  jumeaux  et  toi,  qui  es  un  héros  invin- 
cible, délivrez,  intrépides  guerriers,  Douryodhana  des  fers 
du  prisonnier.  14,941. 

« Ces  chars  éclatants  des  fils  de  Dhritarâshtra,  aux 
drapeaux  d’or,  sont  pleins  de  toutes  les  armes.  14,942. 

» Montez  sur  ces  chars  bruyants,  toujours  prêts,  con- 
duits par  Indraséna  et  les  autres  cochers,  qui  ont  la  science 
des  armes.  14,943. 

U Debout  sur  les  chars,  livrez  avec  ardeur  le  combat 
aux  Gandharvas,  et  déployez  sans  paresse  vos  elTorts  pour 
la  délivrance  de  Souyodhana.  14,944. 

n Tout  homme,  s’il  est  kshatrya,  doit,  sa  lance  au  poing, 
défendre  l’ennemi,  qui  est  venu  ici  implorer  du  secours  : 
à plus  forte  raison  le  dois-tu,  Vrikaudara.  14,946. 

» Qui  pourrait  voir  avec  indifférence  un  ennemi,  tombé 
dans  la  nécessité  d’un  appui  et  criant,  les  mains  jointes  : 
a Viens  à mon  secoura  I » et  conserverait  ici-bas  sa  no- 
blesse 7 14,946. 

» Le  don  des  grâces,  l’acquisition  d’un  royaume,  la 
naissance  d’un  enfant,  ces  trois  choses  réunies  re  valent 
rien  de  plus  que  ne  vaut  le  seul  fait  de  sauver  un  ennemi 
du  malheur.  14,947. 

» Souyodha,  tombé  dans  l’infortune,  cherche  à sauver 
sa  vie,  en  recourant  à la  force  de  ton  bras,  est-il  rien  de 
supérieur  à cela?  14,948. 

I)  Je  volerais  moi-même  à son  secours,  Vrikandara,  si 


6S0 


LE  MAHA-BHARATA. 


mon  sacrifice  n'était  pas  commencé  : c'estU,  héroa,  ce  qui 
me  fait  ici  balancer.  lé,OAO. 

» Efibrce-toi,  Bhlma,  rejeton  de  Kourou,  de  sauver 
Souyodhana  par  tous  les  moyens,  en  commençant  par  ce- 
lui même  de  In  conciliation.  1A,9Ô0. 

» Si  le  roi  des  Gandharvas  ne  se  rend  pas  au  langage 
conciliant,  sauvez  Souyodhana  en  usant  du  courage,  sans 
rigueur.  lâ,951. 

» Et  si  Bhtma  ne  réussit  pas  à sauver  les  enfants  de 
Kourou  avec  une  valeur  douce,  comprimez  les  ennemis  et 
délivrez  nos  cousins  par  tous  les  moyens  ! 1A,952. 

Il  Certes!  il  ne  m’est  pas  défendu,  Vrikaudara,  de  te 
donner  ces  instructions  dans  l'instant  même,  où  mon  grand 
sacrifice  s'accomplit  au  sein  du  feu.  » 1 A.9.53. 

Aussitôt  qu'il  eut  entendu  ces  paroles  d'Adjâtaç.atrou, 
Dhanandjaya  de  se  lier  en  ces  termes,  devant  son  frère 
aiué,  pour  la  délivrance  des  enfants  de  Kourou  : 1A,9ÔA. 

n Si  les  Gandharvas  refusent  de  rendre  les  Dhritarâsh- 
trides  àdes  paroles  conciliantes,  la  terre  aujourd’hui  même 
boira  le  sang  du  roi  des  Ghandharvas  I » 1A,9Ô3. 

A peine  eurent-ils  ouï  la  parole  d'Arjouna,  qui  jamais 
n'avait  dit  un  mensonge,  la  vigueur  revint  bien  vite  au 
coeur  des  rejetons  de  Kourou.  14,95(5. 

Au  langage  d’ Youddhisbtbi  ra,  tous  ces  vaillants  hommes, 
à commencer  par  Bhlmaséna,  s'exaltèrent,  le  visage  en- 
flammé d’une  noble  ardeur.  14,957. 

Ensuite,  tous  ces  héros  endossent,  fils  de  Bharata,  leurs 
dilfércntes  cuirasses  d'or  iiubrisables.  14,958. 

Ils  prirent  leurs  diverses  arra'^s  célestes,  et,  revêtus  de 
cuirasses,  montés  sur  de%  chars,  ombragés  de  drapeaux, 
munis  de  sièges  et  de  flèches,  on  vit  les  l’âûdouides  briller 


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./  -/V-ANA-PARVA.  f 


à$l 

. tous  comme  des  feux  flamboyants.  Portés  sur  ces  chars 
bien  doués,  attelés  de  rapides  coursiers,  les  plus  éminents 
des  hommes,  qui  possèdent  un  char,  s’avancèrent  à pas 
rapides,  et  une  vaste  clameur  des  armées  de  Kourou 
s’éleva  au  milieu  des  airs.  1A,959 — 1A,960 — 14,961.  • 

Les  héros  ailés,  qui  avaient  triomphé  dans  le  premier 
.combat,  virent  approcher,  tous  réunis,  les  vaillants  guer- 
riers, fils  de  Pcàndou.  14,962. 

Ceux-ci  en  un  moment  arrivèrent  de  compagnie  dans 
ce  bois  avec  intrépidité  : tous  les  Gandharvas  reculèrent, 
malgré  la  confiance,  que  leur  avait  inspirée  ce  premier 
succès.  14,963. 

Ils  virent  les  fils  de  Pândou,  habiles  dans  les  combats, 
montés  sur  des  chars;  ils  les  virent  resplendissants  de  lu- 
mière, vigilants  comme  les  gardiens  du  monde.  14,964. 

Les  grandes  armées,  habitantes  du  mont  Gandhamâ- 
dana,  s’arrêtèrent.  Alors,  se  rappelant  cette  parole  dusage 
roi,  fils  d’Yama,  qu’ils  avaient  entendue,  les  Pândouides 
commencèrent  à combattre  avec  une  valeur  douce;  mais 
les  guerriers  du  roi  des  Gandharvas  ne  se  montraient  pas 
avec  uu  courage  sans  ardeur.  14,965—14,966. 

Voyant  qu’ils  ne  pouvaient  obtenir  la  paix  avec  la  dou- 
ceur, l’Ambidextre,  immolateur  des  ennemis,  dit  ces  mots, 
que  précédait  une  caresse,-  à ,ces  innombrables  Génies 
ailés  : a Relâchez  le  roi  Souyodhana,  mon  cousin  ! » 

Les  Gandharvas,  à qui  s’adressaient  les  paroles  de 
l’illustre  fils  de  Pàndou,  répondirent  ces  mots  en  souriant 
au  fils  de  Prithâ:  14,967 — 14,968 — 14,969. 

« Nous  exécutons  sur  la  terre,  mon  enfant;  les  paroles 
d’un  monarque.  Une  fois  counuson  ordre,  nous  marchons, 
libres  d’inquiétudes.  14,970. 


LE  MAHA-BHARATA. 


âS2 

» Nous  agissons  de  la  manière,  qui  nous  est  commandée 
par  lui  seul  : il  n’existe  pas  un  maître  de  nous,  autre  que 
ce  roi  des  Dieux.  » 14,971. 

A ces  paroles,  Dhanandjaya,  le  fils  de  Rountt,  répondit 
ces  mots  aux  Gandharvas  ; 14,97*2. 

« Le  roi  des  Gandharvas  ne  vous  a pas  commandé  cette 
action  honteuse:  de  vous  attaquer  aux  enfants  de  Manou, 
et  d’outrager  les  femmes  de  votre  ennemi  ! 14,978. 

» Ouvrez  les  portes  de  la  prison  à ces  fils  de  Dhrita- 
Hlshtra,  à la  grande  vigueur  ; mettez  en  liberté  ces  femmes 
sur  l’ordre  seul  de  Dharmarâdja  I 14,974. 

» Si  vous  ne  relâchez  pas,  séduits  par  la  douceur,  ces 
fils  de  Dhritarâshtra,  eh  bien!  ma  vtûllance  seule  mettra  en 
liberté  Souyodhana  ! » 14,976. 

Aussitôt  qu’il  eut  dit  ces  mots,  l’ambidextre  Dhanan- 
djaya, le  fils  de  Prithâ,  envoya  sur  ces  Génies  allés,  ses 
flèches,  volatiles  acérés.  14,976. 

Soudain,  commençant  l’attaque,  les  Gandharvas,  ivres 
de  leur  force,  répandirent  une  pluie  de  traits  sur  les 
Pândouides,  et  les  Pàndouides  sur  les  habitants  dn  ciel. 

Alors  s’éleva,  Bharatide,  un  combat  tumultueux  des  ra- 
pides Gandharvas  et  des  fils  de  Pàndou,  à la  fougue  épou- 
vantable. 14.977—14,978. 

Les  Gandharvas,  munis  d’armes  célestes  et  parés  de 
guirlandes  d’or,  décochèrent  des  flèches  enflammées  et 
enveloppèrent  l’ennemi  de  tous  les  côtés.  14,979. 

Les  quatre  héros  Pândouides  résistèrent  dans  cette  ba- 
taille aux  Gandharvas  par  milliers  : c’était  comme  une 
merveille.  14,980. 

Ce  que  les  Gandharvas  avaient  fait  du  char  de  Rama  et 
du  char  monté  par  le  Dhritarâshtride,  qu’ils  avaient  mis 


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VANA-PARVA.  433 

tons  les  deux  en  morceaux,  ils  le  firent  également  pour 
ceux  des  fils  de  Pàndou.  14,981. 

Plusieurs  fois,  ces  tigres  des  hommes  accueillirent  avec 
des  pluies  de  flèches  les  Gandharvas,  qui  accouraient  par 
centaines  au  combat.  14,982. 

Inondés  partout  de  cesaverses  de  traits,  les  Gandharvas 
ne  pouvaient  tenir  auprès  des  fils  de  Pàndou.  14,983. 

Alors  Arjouna,  irrité  et  voyant  les  ennemis  furieux, 
commença  à mettre  en  jeu  les  armes  célestes.  14,984. 

Ivre  de  sa  vigueur,  il  dépêcha,  avec  le  trait  d’Agni, 
dans  ce  combat,  des  milliers  de  mille  Gandhan  as  pour  les 
demeures  d’Yama.  14,985. 

En  même  temps,  Bhima  au  grand  arc,  le  plus  fort  des 
hommes  forts,  immolait  dans  la  bataille  les  Gandbar\as 
par  centaines  sous  des  flèches  acérées.  14,980. 

I.es  deux  fils  de  Màdri  cond)attant,  iuimenses  dans  leur 
force  et  vainqueurs  au  premier  rang,  abattaient  l'ennemi 
sous  des  traits  aigus.  14,987. 

Enfin,  blessés  par  ces  héros,  armés  d’astras  divins,  les 
Gandharvas  s’envolent,  emportant  avec  eux  les  fils  du  roi 
Dhritarà-shtra.  14,988. 

A peine  les  eut-il  vus  déployer  leur  essor  vers  la  fuite, 
le  fils  de  Kounti,  Dhanandjaya,  sire,  les  couvrit  de  tous 
les  côtés  avec  une  grande  averse  de  flèches.  14,989. 

Blessés  par  cette  multitude  de  dards,  comme  des  oiseaux 
dans  une  cage,  ceux-ci  de  colère  firent  pleuvoir  sur  Ar  - 
jouna des  orages  de  .sabres,  de  lances  en  fer  et  de  massues. 

Versé  dans  la  science  des  plus  grands  astras,  Dhanan- 
djaya paralysa  toutes  ces  pluies  de  sabres,  de  piques  eu 
fer  et  de  massues  ; puis,  il  trancha  avec  des  bhallas  les 
membres  des  Gandharvas.  14,990 — 14,991. 


iv 


28 


LE  MAHA-BHARATA. 


hU 

Les  têtes,  lesjanibes  et  les  bras  tombants,  c'était  comme 
une  pluie  de  pierres,  qui  jetait  la  crainte  au  cœur  des 
ennemis.  li,TO2. 

En  but  aux  traits  du  magnanime  Pândouide,  les  Gan- 
dharvas,  du  haut  des  airs,  où  ils  se  tenaient,  l’inondèrent 
avec  une  pluie  de  flèches,  lui,  placé  sur  le  sol  de  la  terre. 

Mais  le  splendide  ambidextre,  meurtrier  des  ennemis, 
ayant  arrêté  ces  averses  de  traits  avec  desastras,  frappait 
de  coups  les  Gandharvas.  — lA,99è. 

Le  rejeton  de  Kuurou,  Dhanandjaya,  d’envoyer  le  trait 
de  Lunus,  l’ Incendiaire,  la  Déceptioa-des-sens,  le  Solaire 
et  le  Stboûlàkarna.  1A,995. 

Blessés  par  les  flèches  du  fils  de  Kounti,  comme  les 
Daityas  jadis  par  Indra,  les  Gandharvas  tombèrent  dans 
une  terreur  profonde.  lâ,996. 

Ils  ne  pouvaient  s’élever  en  haut,  empêchés  parla  mul- 
titude des  traits,  et  les  bhallas  de  l’ambidextre  les  em- 
pêchait de  voler  çà  et  là  dans  les  airs.  14,997. 

Quand  il  vit  ses  Gandharvas  trembler,  Bharatide, 
devant  le  fils  deKountî,  Tchitraséna  de  saisir  sa  massue 
et  de  fondre  sur  l’ambidextre.  14,998. 

II  accourait  d’un  pied  rapide,  sa  massue  au  poing,  sur 
le  champ  de  bataille  ; mais  le  Prilhide  lui  trancha  en  sept 
morceaux  avec  das  flèches  .sa  massue  toute  en  fer. 

Lorsqu’il  vit  que  les  traits  du  héros  avaient  mis  sa 
massue  en  plus  d’un  fragment,  il  se  couvrit  de  la  science 
et  combattit  le  fils  de  Pàndou.  14,999 — 15,000. 

Il  mit  en  œuvre  tous  ses  astras  divins,  mais  le  héros 
Arjouna  de  les  paralyser  avec  des  astras  non  moins 
divins.  15,001. 

tjiiand  il  vit  le  magnanime  Arjouna  neutraliser  tous 


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VANA-PARVA. 


Â3Ô 

ses  astras,  le  puissant  roi  des  Gandharvas  disparut  alors, 
caché  dans  la  magie.  15,002. 

A peine  eut-il  vu  son  ennemi  combattre  caché,  Arjouna 
de  le  blesser  avec  des  flèches  enchantées  par  des  astras 
célestes.  15,003. 

Dhanandjaya  aux  formes  multiples  de  lui  porter  dans 
sa  colère  des  coups  mortels  en  cet  état,  qui  le  dérobait  aux 
yeux,  de  terrifier  l’ennemi  et  de  le  glacer  d’épouvante. 

Atteint  par  les  flèches  du  magnanime  Arjouna,  il  se 
montra  enfin  lui-même;  et,  devenant  un  cher  ami, 
Tchitraséna  lui  tint  ce  langage  : « Sache  que  je  suis  ton 
ami  dans  la  guerre  I » Dès  qu’il  vit  son  ennemi  amené  par 
sa  faiblesse  à de  tels  sentiments,  l’éminent  fils  de  Pàndou 
retira  sa  flèche  à moitié  lancée.  Voyant  Dhanandjaya 
ramener  son  dard,  tous  les  Pàndouides 

15,00é— 15,005—15,006— 15,007. 

Continrent  leurs  chevaux  courants,  leurs  arcs  et  la 
fougue  de  leurs  flèches.  Tchitraséna,  et  Bhîma,  et  l’am- 
bidextre, et  les  deux  jumeaux  de  s’enquérir  mutuellement 
des  conditions  de  leur  sauté,  et  de  rester  montés  sur  leurs 
char.  15,008 — 15,000. 

Ensuite  Arjouna  dit  en  souriant  à Tchitraséna  : « Tu  es 
au  milieu  des  guerriers  Gandharvas  un  héros  à la  grande 
splendeur.  15,010. 

» Pourquoi  as-tu  pris  la  résolution,  héros,  de  retenir 
dans  les  fers  ces  enfants  de  Kourou  ? Et  pourquoi  as-tu 
fait  Souyodhana  prisonnier  de  guerre  avec  ses  femmes?  » 

« 11  faut  que  tu  saches,  Dhanandjaya,  pendant  que  tu 
es  ici,  lui  répondit  Tchitraséna,  quelle  intention  avaient 
ce  Douryodhana  à l’âme  inique  et  ce  criminel  Karna. 

15,011—15,012. 


Lli  MAHA-BHARATA. 


A36 

» Sachant  que  vos  altesses  habitaient  ces  bois,  en 
proie  à la  douleur  et  comme  des  abandonnés  : « Je  les 
verrai  d’un  lieu  plane,  s’étaient-ils  dit,  eux,  placés  dans 
un  lieu  inégal,  où  ils  ne  peuvent  arrêter  leur  pied  ! » 

» Ils  sont  venus  vous  bafouer  et  se  rire  de  l’illustre 
Draâupadî.  Connaissant  ce  qu’ils  désiraient  faire,  le 
souverain  des  Dieux  m’a  dit  : 15,013 — 15,01A. 

« Va  ! Enchaîne  Douryodhana  avec  ses  ministres  et 
amène-le  ici  ! mais  il  te  faut  épargner  dans  ce  combat 
Dhanandjaya  avec  ses  frères.  15,015. 

» Le  (ils  de  Pàndou  sera  ton  cher  ami  et  deviendra  ton 
disciple.  » A ces  paroles  du  roi  des  Dieux,  je  suis  vîte 
accouru  ici.  15,016. 

» J’ai  enchaîné  cet  homme  pervers  ; je  retourne  au 
séjour  des  Dieux  ; je  vais  y conduire  ce  méchant  d’api’ès 
l’ordre  de  Pâkacâsana.  » 15,017. 

' « Souryodhana  est  notre  cousin,  rends-lui  sa  liberté, 
Tchitraséna,  à l’ordre  de  Dharmarâdja,  si  tu  veux  faire 
une  chose,  qui  m’est  agréable.  » 15,018. 

« C’est  un  scélérat,  toujours  content  du  mat^  reprit 
Tchitraséna  ; il  ne  méiite  pas  sa  délivrance.  C’est  lui, 
Dhanandjaya,  qui  a trompé  Vouddhishthira  et  Krishnâ. 

» Cæ  n’est  point  là  ce  que  Yonddhishthira,  le  fils  de 
Kountî,  veut  faire  de  lui.  Quand  il  aura  appris  cela  de 
notre  bouche,  fais  alors  ce  que  tu  désires.  » 

Ils  se  rendirent  tous  auprès  du  roi  A'ouddhishtlira  : 
arrivés  devant  lui,  ils  racontèrent  tout  ce  que  désirait 
Arjouna.  15,019 — 15,020 — 15,021. 

» Aussitôt  que  Adjàtaçatrou  eut  entendu  les  paroles  du 
(iandharva,  il  rendit  la  liberté  à tous  les  Dhritaràshtrides 
et  dit  aux  Gandharvas  : 15,022. 


VANA-PARVA.  . 


A87 


« Heureusement,  vos  excellences  vigoureuses  et  puis- 
santes n’ont  pas  fait  de  mal  à ce  méchant  Douryndhana, 
non  plus  qu’à  ses  ministres,  ses  parents  et  ses  proches. 

» Un  grand  service  nous  a été  rendu  par  vous,  Génies 
ailés.  Rendre  sa  liberté,  mon  fils,  à ce  pervers,  ce  n’est 
pas  mépriser  notre  famille.  13,023 — 13,02A. 

» Dites  quels  sont  vos  désirs  : nous  sommes  contents 
d’avoir  pu  jouir  de  votre  vue.  Quand  vous  aurez  obtenu 
ce  que  vous  souhaitez,  retournez  chez  vous,  sans  tarder.» 

Ainsi  congédiés  par  le  sage  fils  de  Pàndou,  les  Gan- 
dharvas  s’en  revinrent  joyeux  avec  les  Apsaras,  Tchitra- 
séna  à leur  tête.  15,025 — 15,020. 

Le  roi  des  Dieux  versa  môme  une  pluie  d’ambroisie  : 
elle  rendit  la  vie  aux  Gandharvas  morts,  qui  avaient 
succombé  dans  le  combat  sous  les  traits  des  rejetons  de 
Kourou.  15,027. 

Le  filt  de  Kounti  délivra  toutes  les  épouses  du  roi,  ses 
parentes  ; et,  quand  ils  eurent  consommé  cet  exploit  dif- 
ficile, les  fils  de  Pàndou  ressentirent  de  la  joie.  15,028. 

Honorés  par  les  rejetons  de  Kourou,  par  leurs  fils  et 
par  leurs  femmes,  les  magnanimes  Pândouides  resplen- 
dirent alors  comme  des  feux  au  milieu  d’un  sacrifice. 

Alors  Youddhishthira  dit  avec  bienveillance  ces  mots 
à Douryodbana,  remis  en  liberté,  accompagné  de  ses 
frères  ; 15,029 — 15,030. 

« Ne  commets  jamais  une  telle  ollènse  dans  aucun  lieu, 
mon  fils,  car  les  faiseurs  d’offense  ne  réussissent  pas  à 
leur  gré,  Bharatide.  15,031. 

» Retourne  heureux  dans  ton  palais,  à ton  aise,  en  la 
compagnie  de  tes  frères,  rejeton  de  Kourou,  et  ne  commets 
plus  une  telle  absence  d’esprit.  » 15,032. 


IBS 


LE  HABA-BH4RATA. 


Congédié  avec  ces  mots  du  Pàndouide,  le  roi  Douryo- 
dbana,  malade  et  comme  s'il  avait  perdu  les  sens,  s'inclina 
devant  le  fils  d'Yama,  15,033, 

Et  dévoré  de  soucis,  plein  de  confusion,  il  retourna  dans 
sa  ville.  Après  son  départ,  le  fils  de  Kountl,  l'héroïque 
Youddhishthira,  accompagné  de  ses  frères,  honoré  des 
brahmes,  entouré  de  tous  les  ascètes,  comme  Indra  est 
environné  des  Immortels,  passa  le  temps  dans  ce  Dwalta- 
vana,  savourant  le  bonheur.  15,03A — 15,035 — 11,036. 

Djanamédjaya  dit  : 

n Après  qu'il  eut  été  vaincu  dans  un  combat,  enchaîné 
comme  prisonnier,  délivré  ensuite  par  les  magnanimes 
Pàndouides,  il  me  semble  que  sa  rentrée  dans  Hâstina- 
poura  dut  être  diflicile  pour  ce  méchant  Douryodhana,  à 
l’àme  pleine  d'iniquités,  orgueilleux,  vantard,  arrogant, 
toujours  superbe,  .sans  cesse  méprisant  les  fils  de  Pândou 
pour  leur  générosité  et  leur  courage,  ayant  continuelle- 
ment des  paroles  d'orgueil  à sa  bouche. 

» Raconte-moi  en  détail,  Valçampàyana,  l'entrée  de  cet 
homme,  plein  de  confusion,  l'âme  rongée  par  le  chagrin.  » 
15,037—15,038—15,039—16,040. 

Valçampàyana  lui  répondit  : 

11  fit  dételer  ses  chars  en  des  lieux  favorisés  d'eaux  et 
de  prairies  ; il  se  reposa  enfin  dans  cette  partie  de  la  terre 
délicieuse  et  charmante.  15,041. 

Rendu  à la  liberté  par  Dharmarâdja,  Souyodhana  le 
Dhritarâshtride  se  glissa  dans  Hâstinapoura,  accablé  de 
douleur,  sans  énergie,  baissant  la  tète  de  confusion. 

Le  roi  s’avança  dans.sa  ville,  suivi  d’une  armée  en  quatre 
corps,  pensant  à sa  défaite  et  l'âme  battue  par  le  chagrin. 

15,042—16,043. 


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VANA-PARVA. 


hi9 


11  déposa  son  infanterie,  ses  chars,  ses  chevaux  et  ses 
éléphants  en  leurs  places  assignées,  et  le  monarques' assit 
dans  un  palanquin  d'une  splendeur  flamboyante.  15,0AA. 

Karna  alors  s'approcha  du  prince  enseveli  dans  ses 
pensées,  comme  lUhou  enveloppe  la  lune  dans  la  destruc- 
tion d'une  nuit,  et  tint  à Douryodhana  ce  langage  ; 

n Par  bonheur,  tu  vis  ! Par  bonheur,  nous  pouvons 
encore  nous  réunir  ! Par  bonheur,  tu  as  vaincu  ces  Gan- 
dhan’as,  qui  changent  de  forme  à volonté  ! 

15,046—15,046. 

» Par  bonheur,  prince,  la  joie  de  Kourou,  je  vois  tes 
frères  tous  réunis,  ces  héros,  qui  ont  vaincu  leurs  ennemis 
et  qui  désirent  la  victoire  dans  les  combats  ! 15,047. 

» Je  suis  accouru,  tu  l’as  vu  1 mais  je  ne  pus  arrêter 
mon  armée,  mise  en  pièces  par  tous  les  Gandharvas. 

» Acc.ablé,  le  corps  blessé  cruellement  par  les  flèches,  * 
je  me  suis  échappé.  Gela  me  semble  une  chose  plus  que 
merveilleuse  de  nous  voir  ici,  Bharatide,  sortis  de  cette 
bataille  au-dessus  des  forces  humaines,  sans  plaie  ni 
blessure,  avec  notre  cavalerie,  notre  armée  et  nos  femmes. 

16,048—15,049—15,050. 

» Ge  ne  fut  pas  un  homme  dans  ce  monde,  qui  fut 
l'auteur  de  cette  chose,  qui  te  donna  le  salut,  à toi,  puis- 
sant monarque,  et  à tes  frères,  dans  cette  bataille  ! » 

A ces  paroles  de  Karna,  le  prince  Douryodhana  répon- 
dit alors  au  tx)i  des  Angas,  avec  une  voix,  que  ses  larmes 
rendaient  balbutiante  : 15,051 — 15,052. 

« Je  ne  suis  pas  ofleusé  d’un  discours,  fils  de  Ràdhâ, 
que  l’inspire  ton  ignorance  des  choses.  Tu  -sais  que  les 
Gandharvas  ennemis  furent  vaincus  par  ma  valeur. 

U J'ai  combattu  bien  long-temps  les  Gandharvas  avec 


LE  HAHA-BHAMTA. 


iàO 

mes  frères  germains,  et  un  vaste  carnage,  guerrier  aux 
longs  bras,  fut  accompli  de  l’une  et  de  l'autre  part. 

» Quand  j’eus  combattu  ces  héros  aériens,  supérieurs, 
c’est  alors  que  nous  eûmes  à soutenir  un  combat  inégal 
avec  les  Génies  ailés.  15,053 — 15,055 — 15,055. 

U Le  résultat  de  cette  bataille  fut  pour  nous  la  défaite 
et  la  prison,  que  partagèrent  ma  cavalerie,  mon  armée, 
mes  épouses,  mes  fils,  mes  conseillers  et  mes  frères. 

» Tandis  que  nous  étions  emportés  là-haut  par  la  voie 
des  airs,  quelques-uns  de  mes  guerriers  et  les  héros,  mes 
inistres,  furent  trouver,  consternés,  lessecourablesPân- 
louides  et  leur  dirent  : « Voici  que  le  roi  Douryodhana, 
fils  de  Dhritaràshtra,  et  ses  frères  mineurs,  ses  ministres 
et  ses  femmes,  sont  enlevés  par  les  Gandharvas,  qui 
prennent  le  chemin  du  ciel.  Délivrez,  s’il  vous  plaît,  ce  mo- 
I narque  et  ses  épouses  ! 16,050-15,057-15,058-16,059. 

» Qu’un  outrage  ne  suit  jamais  commis  sur  les  femmes 
du  roi  ! n A ces  mots,  le  iils  aîné  de  Pàndou,  à l'àme  ver- 
tueuse, apaisa  tous  les  Pândouides,  et  leur  enjoignit  ses 
ordres  pour  la  délivrance.  Ges  éminents  guerriers  vinrent 
donc  au  lieu  où  nous  avions  été  pris.  15,060 — 15,061. 

n Ces  héros  vertueux  et  puissants  nous  demandèrent, 
en  débutant  par  des  paroles  caressantes  ; mais  en  vain 
les  flattèrent-ils,  les  Gandharvas  ne  voulurent  pas  nous 
rendre  à la  liberté.  16,062. 

» Alors  Bhima,  Arjouna  et  les  deux  jumeaux,  dans 
l’orgueil  de  leur  force,  versèrent  à plusieurs  fois  des  pluies 
de  flèches  sur  les  Gandharvas.  15,063. 

» Abandonnant  le  champ  de  bataille  et  s’en  retournant 
au  ciel,  tous  les  Génies  ailés,  d’une  àme  joyeuse,  nous 
accablèrent  de  persécutions,  15,064. 


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VANA-PARVA. 


m 

» Nous  vîmes  alors  tout  l'espace  enveloppé  d’une  mul- 
titude de  flèches,  et  Dbanandjaya,  qui  lançait  des  astras 
plus  qu’humains.  15,005. 

» Quand  il  vit  le  Pândouide  entourer  de  traits  aigus 
toute  l'atmosphère,  Tchitraséna  de  se  montrer  l’ami  de 
Dhanandjaya.  Ils  8'embra.ssèrent  mutuellement  ; le  Gan- 
dharva  lui  deuianda  comment  il  se  trouvait  de  sa  santé, 
et  fut  interrogé  lui-mème  comment  il  se  portait. 

>1  lis  se  réunirent  l'un  à l’autre,  déposèrent  leurs  ar- 
mures, et,  les  héros  Gandharvas  s’étant  confondus  avec  les 
Pàndouides,  Tchitraséna  et  Dhanandjaya  se  rendirent  de 
mutuels  honneurs.  15,000 — 15,007 — 15,008—15,009. 

» Dans  cetle  .société  faite  avec  Tchitraséna,  Arjouna, 
le  meurtrier  des  héros  ennemis,  lui  dit  alors  ces  vigoureuses 
paroles  : 15,070. 

« Veuille  bien,  ô le  meilleur  des  Gandharvas,  rendre  la 
liberté  à mes  cousins  ; les  Pàndouides  vivent,  héros  ; cette 
prison  est  donc  indigne  des  Kourouides.  » 16,071. 

» A ces  mots  du  magnanime  Pândouide,  le  Gandharva 
de  lui  répondre  : « Pour  délibérer  sur  cette  affaire,  nous 
sortirons  voir  ces  lils  de  Pàndou,  sevrés  du  plaisir,  avec 
leurs  épouses.  » Rempli  de  honte,  à ces  mots,  que  pro- 
nonçait le  Gandharva,  je  désirai  un  trou  dans  la  terre  pour 
m’y  cacher.  Les  Gandharvas,  unis  aux  Pàndouides,  vinrent 
donc  trouver  Youddhishthira.  15,072 — 15,073 — 15,071. 

» Cruelle  délibération  pour  nous  ! Il  lui  annonça  que 
nous  étions  prisonniers  ; et  je  fus  présenté  à la  vue  des 
épouses  d' Youddhishthira,  enchaîné,  consterné,  tombé  au 
pouvoir  de  mes  ennemis.  Est-il  rien  de  plus  douloureux  'I 
Je  fus  alors  délivré  par  ces  hommes,  de  qui  j’avais  tou- 
jours été  l’ennemi  et  que  j’avais  chassés  de  leur  patrie? 


LE  MAHA-BHARATA. 


hki 

Insensé,  je  reçus  d’eux  la  vie.  Si  la  mort  dans  ce  sanglant 
combat  m’eût  été  donnée,  héros,  ç' aurait  été  le  plus  grand 
bien  pour  moi,  et  non  la  vie  dans  ce  triste  abaissement. 
Le  Gandharva  a tué  cette  renommée  célèbre,  que  j’avais 
sur  la  terre.  15,076—15,076—15,077—15,078. 

» Mais  puissé-je  obtenir  dans  les  palais  d’Indra  ces 
mondes  purs,  impérissables!  Ecoutez!  voici,  éminentes 
personnes,  ce  que  j’ai  bien  résolu.  15,070. 

» Je  vais  m’asseoir  dans  le  jeûne  jusqu'au  monient  où 
j’en  meure  (1)  ; retournez,  vous  I dans  vos  maisons,  et 
que  mes  frères  s’en  aillent  tous  5 leur  ville  ! 15,080. 

» Que  mes  amis  et  mes  proches,  Karna  et  les  autres, 
Douççàsana  à leur  tète,  s’en  retournent  maintenant  à la 
cité.  15,081. 

» Je  n’irai  pas  à la  ville,  rejeté  par  les  ennemis,  sujet  pour 
eux  d’orgueil,  et  de  honte  pour  ceux,  qui  m’aiment  (2). 

» tlausant  le  chagrin  de  mes  amis,  accroissant  la  joie  de 
mes  ennemis,  que  dirais-je  au  vieux  roi,  quand  je  serai 
arrivé  è la  ville,  qui  tire  son  nom  des  éléphants? 

15,082—16,08». 

» Bhtshma,  Drona  et  le  fds  de  celui-ci,  Kripa,  Vidoura 
et  Sandjaya,  Vâhlika,  Somadatta  et  les  autres,  qui  sont 
respectés  pour  l’ûge,  les  brahmes,  les  principaux  des 
compagnies  d’artisans,  et  ceux,  qui  ont  des  professions  su- 
|)érleurcs,  que  me  diront  ces  personnes,  et  quelle  réponse 
puis-je  leur  faire?  15,084 — 15,085. 

» Moi,  qui  par  ma  valeur,  ai  tenu  le  pied  sur  la  tète  et 


(1)  L«  teite  écrit  upâçishyai,  mais  U est  évideot  qu'il  faut  écrire  upd- 
tishyai,  formé  do  uy<t  ft  de  lîs,  iiou  pas  de  çuk. 

(2)  Le  texte  écrit  mal  ; il  iaut  ici:  Souhrûfmânâftahah  bhoutwd  çntroù- 
ndm  mântikrif. 


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VANA-PARVA.  445 

la  poitrine  de  mes  ennemis,  déchu  par  ma  faute,  que  ré- 
pondrai-je à ces  personnes?  15,08d. 

» Les  insensés,  qui,  semblables  à moi,  orgueilleux  jus- 
qu’à la  démence,  obtiennent  le  trône,  la  science,  la 
domination,  ne  gardent  pas  long-temps  ces  avantages. 

» Oh  malheur!  cette  indigne  action,  par  laquelle  j’ai 
encouru  le  danger,  est  le  triste  résultat  de  mon  ignorance 
et  de  ma  folie.  15,087 — 15,088. 

» Je  vais  donc  m’asseoir  dans  le  jeûne  jusqu’au  mo- 
ment où  j’en  meure  1 11  m’est  impossible  de  vivre.  Quel 
homme,  certes!  voudrait  encore  vivre,  assiégé  par  la 
pensée  qu’il  fut  tiré  de  l’infortune  par  ses  ennemis  eux- 
mêmes  ! 15,089.  • 

» Lui,  orgueilleux,  privé  de  courage,  la  raillerie  de  ses 
ennemis,  regardé  avec  mépris  par  ces  fils  de  Pândou, 
riches  en  valeur  ! » 15,090. 

Environné  par  de  tel  es  pensées,  il  dit,  s’adressant  à 
Douççàsana  : « Écoute,  Douççâsana,  fils  de  Bharata,  cette 
parole  de  moi.  15,091. 

» Reçois  le  sacre,  donné  par  moi  ; deviens  le  monarque, 
gouverne  la  terre  gonflée  de  richesses,  défendue  par  le 
bras  du  Soubalide  et  de  Rarna.  15,092. 

» Protège  mes  frères  avec  confiance,  comme  Indra  dé- 
fend les  Maroutes  : que  mes  frères  t’obéissent,  comme  les 
Dieux  obéissent  à Çatakratou.  15,093. 

» Observe  toujours  et  sans  négligence  une  conduite  dans 
l’intérêt  des  brahmes  ; sois  toujoui*s  la  voie,  que  suivent 
tes  amis  ou  tes  proches.  15,094. 

» Aies  égard  à tes  parents,  tel  que  Vishnou  à la  troupe 
des  Dieux  : tu  dois  protéger  les  gourous.  Va  ! gouverne  la 
terre,  inspirant  la  terreur  à tes  ennemis  et  la  joie  à tous 


ihi  LE  MAHA-BHARATA. 

tes  ennemis.  » Il  se  jeta  au  cou  du  prince,  l'embrassa  et 
lui  dit  : « Va  ! » 15,095 — 15,096. 

Dès  qu’il  eut  entendu  ces  paroles,  Douççàsaiia  répondit 
ces  mots  à sou  frère  aîné  d’une  voix  balbutiante,  avec  des 
larmes  dans  le  gosier , après  qu’il  se  fut  prosterné  , les 
mains  jointes,  accablé  d’une  profonde  douleur:  <>  Sois- 
moi  favorable!  Il  Et  il  tomba,  l'âme  agitée,  sur  la  terre. 

15,097—15,098. 

Le  prince  éminent  répandit  sur  ses  pieds  l’eau,  qui  naît 
dans  les  yeux,  et  dit  : « Il  n’en  sera  point  ainsi  ! 15,099. 

Il  Avant,  la  terre  se  fendra  toute  entière  et  ne  sera  plus 
que  des  morceaux  ! le  soleil  abandonnera  sa  splendeur, 
la  lune  renoncera  à la  fraicbeur  de  ses  rayons!  15,100. 

Il  Le  vent  quittera  sa  rapidité,  l’Himalâyas’eu  ira  çà  et 
là  sur  la  terre,  l'eau  tarira  dans  les  mers  et  le  feu  n’aura 
plus  de  cbaleur  ! 15,101. 

» Je  ne  gouvernerai  point  la  terre  sans  toi,  sire  ! » Il 
répéta  deux  et  trois  fois  ces  mots  : « Sois-moi  favorable  ! » 
et  ajouta  môme  ces  paroles  : 15,102. 

« Tu  seras  le  roi  dans  notre  famille  cent  années  encorel  » 
Quand  il  eut  ainsi  parlé  au  roi  d’une  voix  très-accentuée, 
il  se  mit  à pleurer.  15,103. 

Ce  prince  digue  d’honneur  toucha  les  pieds  de  son  frère 
aîné.  Kariia,  l'ame  pénétrée  d'émotion,  ayant  vu  Souyo- 
dhana  et  Douççàsana  dans  une  vive  douleur,  s’approcha 
d’eux  et  dit,  Bharatide  : « Pourquoi  vous  allligez-vous, 
rejetons  de  Kourou , par  inexpérience,  comme  des  gens 
du  vulgaire?  15,10A — 15,105. 

D Si  la  plainte  ôtait  le  malheur  de  l’homme  affligé, 
on  concevrait  que  la  douleur  ne  mît  jamais  un  terme 
à sa  plainte.  15,106. 


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VANA-P\RV\. 


M5 

» Mais  vous,  qui  vous  plaignez,  voyez-vous  quelle  puis- 
sance il  y a dans  la  plainte?  Reprenez  de  la  fermeté  et  ne 
réjouissez  donc  pas  vos  ennemis  par  vos  plaintes.  15,107. 

» Ta  délivrance  par  les  Pândouides,  sire,  était  une 
chose,  qu’ils  devaient  faire.  Les  gens,  qui  habitent  sur  le 
pays  d’un  roi  doivent  toujours  faire  uniquement  ce  qui  lui 
est  agréable.  15,108. 

» N’habitent-ils  pas,  libres  d'inquiétudes,  défenduspar 
ton  bras?  Ne  veuille  donc  pas,  les  choses  étant  ainsi, 
concevoir  de  soucis,  comme  une  personne  du  vulgaire. 

» Tes  frères  sont  dans  la  consternation  de  te  voir  placé 
dans  le  jeûne  : léve-toi  ! Marche,  s’il  te  plaît,  et  rends 
le  courage  à tes  frères  ! » 15,100 — 15,110.  ’ 

Le  héros  ajouta  ; 

U Je  m’aperçois  maintenant  ici  combien  est  légère, 
sire,  ta  qualité  swatla  : qu’y  a-t-il  d’étonnant  ici,  héros, 
que  tu  aies  été  délivré  par  les  Pândouides?  15,111. 

» Tu  es  tombé  tout  à coup  sous  le  pouvoir  de  l’ennemi  ; 
eh  bien!  il  fallait  que  le  service  de  sa  délivrance  fût  rendu 
au  souverain  par  des  hommes  connus  ou  inconnus,  par 
des  guerriers  de  son  armée  ou  des  habitants  de  son 
royaume!  Des  hommes,  qui  sont  ordinairement  les  plus 
grands,  sèment  le  trouble  dans  l’armée  ennemie,  ils  sont 
pris  dans  la  bataille  et  délivrés  par  des  guerriers.  Que 
l’on  soit,  ou  soldat  de  son  armée,  ou  simple  habitant  de 
son  royaume,  on  doit  se  réunir  et  déployer  de  vrais  elTorts 
pour  le  salut  du  roi.  Si  tu  fus  délivré  ainsi,  d’un  mouve- 
ment spontané  , pur  les  lils  de  Pàndou,  sire,  qui  habitent 
re  royaume  de  la  majesté,  y a-t-il  ici  une  cau.se  de  gémis- 
sements? Ce  qui  n’était  pas  bien,  sire,  c’est  que  les  Pàn- 
douides,  tombés  précédemment  dans  l'esclavage,  ne  soient 


LE  MAHA-BH  AMTA. 


AA6 

pas  devenus  les  compagnons  de  ta  majesté , et  que  ces 
héros  àla  grande  force,  qui  ne  savent  pas  fuir  dans  les  ba- 
tailles, n'aient  pas  suivi  par  derrière  leur  maître,  qui  s’a- 
vançait avec  son  armée.  Tu  jouis  aujourd’hui  de  toutes  les 
pierreries,  qui  appartenaient  aux  fils  de  Pàndou.  [De  (a 
itance  15,112  <1  ta  stance  15,119.) 

» Regarde  ces  Pàndouides  ;ilsobserventlaconstance(l), 
et  n’entrent  p.as  dans  le  jeûne,  qui  donne  ta  mort.  I..ève- 
toi,  s’il  te  plaît,  sire,  et  ne  veuille  pas  différer!  15,110. 

i>  Nécessairement,  des  choses  agréables  seront  faites  au 
roi,  sire,  par  les  habitants  de  son  royaume,  et  il  n’y  a pas 
15  sujet  de  gémir.  15,120. 

« Si  tu  ne  suis  point  ainsi , Inditi  des  rois,  ce  discours 
de  moi,  je  resterai  ici,  obéissant  à tes  pieds,  immolateur 
des  ennemis.  15,121. 

» Je  ne  puis  vivre,  séparé  de  toi!  Situ  persistes  à rester 
assis  dans  le  jeûne,  sire,  tu  .seras  la  risée  des  rois.  » 

A ces  motsdeKarna,  le  roi  Douryodliana , qui  avait 
pris  la  ré-solution  d’aller  au  ciel,  n’eut  pas  même  la  pensée 
de  SC  lever.  15,122 — 15,123. 

Ayant  commencé  par  flatter  le  roi,  Çakouui , le  fils  de 
Soubala,  sire,  dit  au  prince  Douryodhana  , attaché  avec 
colère  à son  dessein  du  jeûne  : 15,12i. 

«Tu  as  entendu,  rejeton  de  Kourou,  ce  que  Karna  vient 
de  te  dire  avec  convenance.  Pounjuoi,  ayant  renoncé,  dans 
ton  délire,  à cette  fortune  opulente,  que  je  t’ai  donnée, 
veux-tu  maintenant , sire  , jeter  là  sans  réflexion  la  vie  ? 
Je  sais  que  tu  n’estimes  pas  grandement  les  vieillards. 

15,125—16,126. 

» Celui,  qui  ne  comprime  pas  le  désespoir  et  la  joie, 

(1)  Littéralement:  la  qualité  dt  saiiwa. 


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VAN\-PARVA. 


hhV 

au  moment  qu'ils  s’abattent  sur  lui,  périt,  la  fortune  en 
main,  comme  un  vase  d'argile  crue  dans  l’eau.  15,127. 

» Les  peuples  n'aiment  pas  un  roi  craintif,  paresseux, 
négligent,  impuissant  dans  ses  desseins  et  de  qui  les  sens 
sont  dominés  par  l'infortune.  15,128. 

» Si  tel  est  ton  chagrin,  quand  tu  es  bien  traité,  com~ 
ment  sera-t-il  dans  le  cas  opposé  ? Ne  détruis  pas,  en  te 
plongeant  dans  ce  chagrin,  le  bienfait  des  Pândouides. 

» Tu  pleures  là  où  il  faudrait  te  rejouir  et  honorer  les 
fils  de  Pàiidou  ; c’est  tout  le  contraire  de  ce  que  tu  dois 
faire.  15,129 — 15,130. 

» Sois-moi  favorable!  Ne  t’abandonne  pas,  rappelle- 
toi  avec  plaisir  tes  bonnes  œuvres,  donne  le  royaume  aux 
princes  ; goûte  le  plaisir  de  la  renommée  et  la  satisfaction 
du  devoir.  15,131. 

» Récompense  cette  action  et  lu  seras  reconnaissant  : 
unis-toi  de  fraternité  avec  les  Pândouides  et  rétablis  ces 
princes  dans  leur  fortune.  15,132. 

» tju’ils  soient  restaurés  dans  le  royaume  de  leurs  pères, 
et  tu  jouiras  du  plaisir.»  Aces  mots  de  (Jakouni  (1)  et  je- 
tant les  yeux  sûr  le  héros  Douççàsana,  tombé  à ses  pieds 
et  la  personne  toute  changée  par  la  tendresse  fraternelle, 
il  se  leva,  il  serra  dans  ses  bras  gracieusement  formés  ce 
guerrier  immolateur  des  ennemis,  et  le  bai^  avec  amour 
sur  le  front.  Quoiqu'il  eut  bien  entendu  les  paroles  de  karna 
et  du  fils  de  Soubala,  le  royal  Douryodhana  fut  saisi  par 
un  vif  dégoût  de  lui-même,  et,  l'ànie  enveloppée  de  con- 
fusion, il  tomba  dans  le  plus  profond  désespoir. 

15,133— 15, 13A-15,135— 15,138. 

(I)  L«  le\lo  (lit  Karna;  mais  celui,  qui  Tient  de  parler,  est  Çakouui. 


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LE  MAHA-BHABATA. 


AAS 

Ces  discours  entendus , il  dit  les  mots  suivants  à ses 
amis  : « Ne  détruisez  pas  une  chose,  que  je  dois  faire,  ni 
par  la  reprèsenlution  amicale  du  vice  et  de  la  vertu,  ni 
par  la  perspective  de  la  puissance,  ni  par  vos  ordres,  ni 
parle  tableau  des  jouissances;  allez  1 c'est  résolu!  mon 
âme  est  fixé  dans  le  dessein  de  s'asseoir  ici  pour  le  jeûne  ! 

» Allez  tous  â la  ville  et  souvenez- vous  d' honorer  mes 
vieux  parents!  » Cela  dit,  il  répondit  au  monarque,  im- 
molateiir  des  ennemis  : 15,137 — 15,138 — 15,139. 

a La  roule,  qui  est  pour  toi , Indra  des  rois  , est  aussi 
pour  nous.  Comment  pourrions-nous  sans  toi  revoir  cette 
ville?»  15,140. 

Quoique  ses  amis , ses  parents , ses  ministres  et  scs 
frères  lui  parlassent  de  diÛ'érentes  manières,  il  ne  fut  pas 
ébranlé  de  sa  résolution.  15,141 . 

Ayant  étendu  en  monceau  une  jonchée  de  darbhas, 
il  toucha  l'eau  et,  devenu  pur,  il  s'approcha  du  sol  de 
la  terre.  15,142. 

Ponant  une  robe  d'écorces  et  de  l'herbe  kouça,  cmbra.s- 
sant  la  plus  haute  pénitence  et  voué  au  silence  par  le  désir 
d'entrer  dans  la  route  du  Swarga,  ce  tigre  des  rois,  il  re- 
tira son  âme  dans  le  recueillement  et  déposa  toutes  les 
choses  du  dehors.  Aussitôt  que  les  Dànavas  et  les  Uaityas 
eurent  connu  son  dessein,  15,143 — 15,144. 

Au&silôt  que  ces  horribles  Génies,  qui,  vaincus  précé- 
demment par  les  Dieux,  habitent  lePâtâla,  surent  que 
Douryodhana , l'homme  de  leur  parti , allait  périr, 

Habiles  dans  les  formules  magiques , ils  ofl'rirent  par 
les  mantras,  qu’Ouçanas  et  Vrihaspati  avaient  enseignés, 
un  sacrifice  d'évocation  , qui  avait  pour  son  origine  une 
oblation  avec  le  feu.  lb,145 — 16,146. 


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VANA-PARVA. 


AA9 

Ils  firent  célébrer,  suivant  le  rite  de  l’Atharva-Véda,  les 
cérémonies , qui  sont  jointes  dans  l’Oupanishad  au  mur- 
mure des  prières  à voix  basse.  15,147. 

Des  brahmes  aux  vœux  bien  constants,  qui  étaient  par- 
venus au  bord  ultérieur  des  Védas  et  des  Védangas,  sa- 
crifièrent dans  le  feu,  conformément  aux  i*ubriques,  le 
beurre  clarifié  et  l’offrande  de  lait.  15,148. 

La  Dém^Krityâde  s’élever  alors,  elle  ouvrit  la  bouche 
dans  la  perfection  de  ce  sacrifice  et,  oh  miracle!  elle  dit  : 
«Que  dois-je  faire  ? « 15,149. 

Les  Daîtyas , l’âme  bien  joyeuse , de  lui  répondre  : 
« Amène  ici  le  roi  fils  de  Dhritarâshtra , qui  s’est  assis 
dans  le  jeûne  pour  ta  mort  ! » 15,150. 

« Oui  ! » leur  promit-elle.  Krityà  se  mit  en  marche  et, 
dans  un  clin  d’œil,  elle  fut  arrivée  au  lieu , où  était  le  roi 
Souyodhana.  15,151. 

Elle  prit  le  monarque,  elle  entra  avec  lui  au  sein  des 
enfers  et,  dans  un  instant,  elle  offrit  aux  Dânavas  le  roi, 
qu’elle  avait  amené.  15,152. 

A la  vue  du  prince  apporté , les  Dânavas , rassemblés 
dans  les  ténèbres  de  la  nuit,  tous  l’âme  joyeuse,  les  yeux 
un  peu  largement  ouverts,  tinrent  à Douryodhana  ce  lan- 
gage superbe  : 15,153 — 15,154. 

« Oh  ! Souyodhana,  l’ Indra  des  rois,  le  continuateur  de 
la  race  des  Bharalides,  héros  toujours  environné  de  héros 
et  de  magnanimes,  15,155. 

1)  Pourquoi  t’infligeas- tu  ce  châtiment  de  jeûner  jus- 
qu’à la  mort  ! Le  suicide  va  dans  les  erifers,  il  obtient  le 
déshonneur  et  une  mauvaise  renommée.  15,150. 

U Les  sages,  semblables  à ta  majesté,  ne  s’attachent  pas 
IV  29 


LK  1UHA-BHAR\TA. 


idO 

à des  œuvres,  pleines  de  vices,  empiichées  dans  lesatfaires 
et  qui  détruisent  jusqu’à  la  racine.  Ià,lô7^ 

» Reviens  sur  cette  résolution,  sire,  qui  détruit  le  juste, 
l’utile  et  l’agréable,  qui  tue  la  vigueur,  la  majesté,  la  re- 
nommée, et  augmente  la  joie  des  ennemis.  16,158. 

U Écoute,  seigneur,  ta  vraie  nature  et  l’essence  divine 
de  toi-même  ; écoute  la  formation  de  ton  corps,  sire,  et 
reviens  à la  fermeté.  1 5,159. 

a Içwara  jadis  te  donna  en  récompense  de  nos  morti- 
fications, et  ton  corps  fut  .alors  tout  composé  de  la  multi- 
tude des  foudres.  15,100. 

» Ton  corps  fut  rendu  iinbrisable  aux  astras  et  aux 
flèches,  mortel  sans  péché.  La  redoutable  Dévl  le  créa 
avec  des  fleurs,  ravissant  de  beauté,  comme  une  femme. 

» Ainsi,  ô le  plus  grand  des  rois,  Içwara  et  Dévl  ont 
eux-mêmes  formé  ton  corps  : tu  es  un  enfant  du  ciel,  ügre 
des  rois,  et  non  un  enfant  de  Manou.  15,101 — 15,162. 

» Des  kshatryas,  héros  .à  la  grande  force,  sous  la  cou- 
duite  de  Bhagadatta,  mettront  en  fuite  tes  ennemis,  qui 
ont  la  science  des  astras  divins.  15,163. 

» Loin  de  toi  la  terreur  1 Le  danger  n’existe  pas  pour 
toi.  Des  Dànavas  sont  nés  héros  sur  la  terre  pour  être  tes 
compagnons.  15,16i. 

» Entrés  dans  les  corps  de  Bhlshma,  de  Drona,  de  Kripa 
et  des  autres,  différenis  Asouras  inspireront  ces  guerriers 
et  combattront  sans  miséricorde  tes  ennemis.  15,166. 

9 Sans  amour,  pos.sédés  par  les  Dân,vvas,  l’âme  envahie 
par  eux,  ils  ne  songeront  pas  dans  leurs  combats,  les 
armes  à la  main,  à délivrer  des  fds,  ni  dos  frères,  ni  des 
proches,  ni  des  pères,  ni  des  disciples,  ni  des  parents,  ni 
des  enfants,  ni  des  vieillards.  15,160 — 15,167. 


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vana-parva. 


&51 


» L’âme  remplie  d’ardeur,  pleine  de  colère,  ces  hommes 
puissants  combattront  avec  indépendance,  ayant  rejeté 
loin  d’eux  l’amour.  15,168. 

» Égarés  par  l’ignorance  et  par  le  Destin,  que  Vishnou 
leur  a créé,  ils  se  diront  mutuellement  : « Tu  n’échapperas 
point  vivant  de  mes  mains!  » 15,169. 

» Résolus  dans  le  courage,  ô le  plus  vaillant  des  Kou- 
rouides,  tous  ces  guerriers  superbes  étendront  le  carnage 
sur  les  armées,  en  décochant  une  grêle  de  traits  cl  de 
flèches.  15,170. 

» Les  cinq  magnanimes  fils  de  Pândou  combattront  avec 
eux  : excellents  par  la  force,  secondés  par  le  Destin,  ils 
immoleront  ces  Aéroi'.  15,171. 

» Nés  de  femmes  kshattrls  et  déployant  leur  vaillance 
dans  les  batailles,  des  cavaliers,  des  troupes  de  Rakshasas 
et  de  Daîtyas  combattront  tes  ennemis,  prince  de  la 
terre,  avec  des  massues,  des  pilons,  des  lances  de  fer  et 
des  flèches  variées.  Parce  qu'il  y a en  toi,  héros,  une 
crainte  secrète,  causée  par  Arjouna,  nous  avons  ici  dé- 
posé l’âme  elle-même  <le  Naraka  tué,  revêtue  du  corps  de 
Karna,  comme  l’instrument  de  la  mort  de  cet  Arjouna. 

» Sans  perdre  le  souvenir  de  cette  guerre,  il  combattra 
Arjouna  et  Kéçava,  et,  fier  de  son  courage,  l’héroïque 
Karna,  le  plus  grand  des  combattants,  vaincra  pour  toi, 
héros,  le  fds  de  Prithâ  et  tous  les  ennemis  en  bataille.  .A 
celte  nouvelle,  pour  sauver  l’Ambidextre,  le  Dieu,  qui 
tient  la  foudre,  sous  le  déguisement  d’une  personne  étran- 
gère, 15,172— l.'i,173— 15, 17â— 15,175— 15,176. 

» l'inlèvera  à Karna  ses  boucles-d’oreille  et  sa  cuirasse. 
C’est  pourquoi,  grâces  à nous,  les  Daftyas,  par  centaines 
et  par  milliers,  et  les  Rakshasas  se  réuniront  sous  le  ser- 


LF,  MAHA-BHAR.\TA. 


AÔ2 

ment  des  Sançaptakas.  Ces  guerriers  en  renommée  oppri- 
meront l'héroïque  Arjouna:  cesse  de  gémir? 

» Tu  jouirras  de  cette  terre  sans  rivaux  : ne  te  laisse 
donc  pas  tomber  dans  l’abattement,  sire  : cela  ne  convient 
pas  à un  homme  de  ton  rang.  » 

15,177—16,178—15,179. 

U Si  tu  mourais,  descendant  de  Koiirou,  notre  parti 
aurait  perdu  sa  force.  Va,  héros  ! Tu  ne  dois  jamais  avoir 
un  autre  sentiment.  15,180. 

» Tu  seras  toujours  la  route  de  nous,  comme  les  Pàii- 
douides  seront  la  voie  des  Dieux  ! » X ces  mots,  les  Daityas 
embrassent  cet  Indra  des  rois.  15,181. 

Iæs  principaux  Dânavas  relèvent  le  cour.age  de  ce  héros 
inaiïront.ihle  comme  celui  d'un  lils,  lui  font  uuc  âme  iné- 
branlable, et  lui  adressent,  fils  de  Bharata,  un  langage  de 
paroles  agréables  : 15,182. 

«Tu  peux  t’en  aller!  » F.t,  quand  ils  l'eurent  ainsi  ron- 
gédié,  ils  ajoutèrent  ; n Obtiens  la  victoire  ! » Puis,  Krityâ 
elle-même  ramena  le  héros  aux  longs  bras,  quand  il  eut 
reçu  d’eux  son  congé.  15,183. 

Elle  de  le  remettre  à l’endroit  même  où  il  était  assis 
dans  le  jeûne,  et  là  d’ honorer  le  héros.  15,18é. 

Congédiée  à son  tour  par  le  roi,  elle  disparut.  Une  fois 
quelle  fut  partie,  le  roi  Cuuryodhana  de  s’imaginer  que 
toute  cette  aventure  était  un  songe  : « Je  vaincrai  les  Pân- 
düuides  en  bataille  ! » tel  fut  alors  son  sentiment. 

Sfluyodhana  de  penser  que  Karna  et  les  conjurés,  pour 
se  défaire  du  Prithide,  leur  ennemi,  étaient  de  simples 
mortels,  à qui  leur  force  devait  inspirer  de  s’unir  pour  lui 
donner  la  mort.  15,185 — 15,1813—15,187. 

Ainsi,  l’espérance  de  l’insensé  Dbritaràshtride  était  so- 


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VAN  \-p.\nv.\. 


&Ô3 

lidenirnt  bâfrée,  éminent  Bharatiüe,  sur  la  défaite  des 
Pândouides.  13,188. 

Nara,  de  qui  la  pensée  était  sous  l’oppression  d’un  Dé- 
mon. agit  par  l'ânie  de  Naraka,  et  tourna  alors  sa  pensée 
cruelle  vers  la  mort  d’Arjouna.  15,1'’0. 

Les  héros,  de  qui  l'esprit  était  possédé  par  les  Raksbasas, 
désirant  la  mort  de  Phâlgouna  et  dominés  par  l’ignorance 
et  la  passion  (1),  conjurèrent  sa  mort.  15,190. 

11  n’en  fut  point  ainsi  de  Bhishma,  de  Drona,  de  Kripaet 
des  autres  : leur  âme  était  dominée  par  les  Dânavas,  mo- 
narque des  hommes,  mais  ils  avaient  de  l’alTection  pour 
les  fds  de  Pàndou.  15,101. 

Souyodhana,  à qui  que  ce  soit  d’eux,  ne  demanda  ce 
sacrifice.  Sur  la  fin  de  la  nuit,  Karna,  le  llls  du  soleil, 
souriant  et  joignant  les  mains,  adressa  au  prince  Douryo- 
dhana  ces  paroles,  fondées  en  raison  : « Un  homme  vivant 
triomphe  de  ses  ennemis,  et  voit  des  choses  heureuses 
dans  sa  vie.  15,192 — 15,193. 

I)  D’où  les  choses  heureuses,  fils  de  Kourou,  d’où  la 
victoire  viendrait-elle  à celui,  qui  est  mort?  Cette  heure 
n’est  pascelle  de  l’abattement,  de  la  crainte  ou  de  la  mort  7 » 

Il  étreignit  dans  ses  deux  bras  ce  guerrier  aux  longs 
bras,  et  lui  dit  : o Lève-toi,  sire!  Pourquoi  demeures-tu 
couché?  Pourquoi  gémis-tu,  meurtrier  des  ennemis? 

15,194—15,195. 

» Comment  désires-tu  mourir,  après  que  tu  as  consumé 
les  ennemis  par  ta  vigueur?  Ou  ta  crainte  naît-elle  d’avoir 
vu  Arjouna  déployer  son  courage?  16,196. 

» Voici  une  chose  vraie,  que  je  te  promets  : je  tuerai 


(1)  Liltéraiemeut  : par  lesqualUés  radjas  et  tamas. 


A5A 


LE  M/VHA-BHARATA. 


Arjouna  dans  un  combat.  La  treir-'tue  année  une  fois 
arrivée,  il  est  certain  que  je  prends  mes  armes!  15,197. 

a Je  traînerai  sous  ta  puissance  le  fils  de  l’rithà,  mo- 
nar(|ue  des  hommes  !»  A ces  mots  de  Karna  et  d'après  les 
paroles  des  Daltyas,  Souyodhana  fit  une  génuflexion  à ses 
courtisan*,  et  se  leva:  il  avait  entendu  le  langage  des 
Daltyas  et  mis  dans  son  cœur  une  ferme  résolution. 

Le  tigre  des  enfants  de  .Manou  rassembla  donc  son  ar- 
mée, encombrée  d’hommes  de  pieds,  à la  masse  impéné- 
trable de  chevaux,  de  chars  et  d’éléphants. 

15,198—15,199—15,200. 

(’Ætte  grande  armée  s'avançait,  pareille  au  cours  du 
Gange  ; elle  brillait  infiniment  de  fantassins,  d’éléphants, 
de  chars,  d’ombrelles  blanches,  d’étendards  et  de  chasse- 
mouches,  éclatants  de  blancheur  ; tel  un  ciel  automnal, 
splendide,  au  temps  où  les  monceaux  de  nuages  sont  dis- 
sipés. 15,201—15,202. 

Le  Uhritaràshtride  resplendissait,  exalté  par  les  prin- 
cipaux des  brahmes  avec  des  vmux  de  victoire.  Souyo- 
dhana, le  roi  des  hommes,  s’avançait  à la  tête,  recueillait 
des  guirlandes  d’andjalis  et  brillait  d'une  beauté  supé- 
rieure. 11  était,  Indra  des  rois,  suivi  de  Karna  et  du  joueur 
fils  de  Soubala.  Douççàs2ma  et  tous  ses  autres  frères, 
Bboùriçravas,  Somadatta,  le  puissant  roi  Vàhlika,  ces 
continuateurs  de  la  race  des  Kourouides,  suivirent  ce  lion 
des  rois,  qui  s’avançait  sur  les  plus  fiers  des  éléphants, 
sur  des  chevaux  et  sur  des  chars  de  formes  différentes. 

Peu  de  temp.s  après,  Indra  des  rois,  ils  entrèrent  dans 
la  ville.  15,203— 15, 20A— 15,205— 15,200— 15,207. 

Djanamédjaya  dit  : 

<1  Tandis  que  les  magnanimes  fils  de  Prithà  habitaient 


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vana-parva. 


AA6 

dans  ce  bois,  que  firent  les  Dbritarâshlrides,  ces  héros 
éminents,  Karna,  le  fils  du  soleil,  le  Soubalideàia  grande 
force,  Rhlslmia,  Droiia  et  Kripa?  Veuille  bien  me  raconter 
cela.  » 15,208—15,209. 

Vaiçanipâyana  répondit  : 

Après  que  le.s  fils  de  Prilbà  furent  ainsi  partis,  que 
Souyodbana,  délivré  par  les  Pândouides  et  remis  en  libellé, 
fut  arrivé  dans  la  ville  d'Hâstinapoura,  15,210. 

Bhishina  dit  ces  mots,  puissant  roi,  au  fils  de  Dhrita* 
râshtra:  a On  m’a  raconté,  mon  tils,  de  quelle  manière  tu 
es  allé  précédemment  au  bois  des  mortifications  ; 15,211. 

» Comment  tu  n'as  pas  approuvé  que  je  vous  y accom- 
pagnasse, les  exploits,  que  tu  accomplis  15,  et  comment 
il  est  arrivé  que  tu  y fus  pris  de  force  par  les  ennemis. 

» Tu  fus  tiré  des  fers  par  les  Pândouides,  et  tu  n’eus 
pas  de  honte.  En  ta  présence,  monarque  des  hommes,  et 
sons  les  yeux  de  ton  armée,  fils  de  Gândàri,  Karna,  le 
fils  du  cocher,  s’enfuit  effrayé  loin  du  combat  des  Gan- 
dharvas.  Au  milieu  de  tes  cris,  Indra  des  rois,  au  milieu 
des  clameurs  de  ton  armée,  fils  du  roi,  la  valeur  des  ma- 
gnauimes  Pândouides  te  fut  donnée  eu  spectacle,  à toi, 
héros  aux  longs  bras,  et  à Rama,  le  fils  insensé  du  cocher. 

15,212— 15,213— 15,21A— 15,215. 

U Rarna  ne  vaut  pas  même  le  quart  des  Pândouides,  6 
le  plus  grand  des  princes,  l’ami  du  devoir,  ni  pour  la 
science  de  l’arc,  ni  pour  la  vaillance,  ni  pour  la  connais- 
sance du  devoir.  1 5,216. 

» Je  pense  donc  qu’il  faut  observ  er  la  paix  avec  les  ma- 
gnanimes Pândouides  pour  la  prospérité  de  cette  famille, 
6 le  meilleur  de  ceux,  qui  savent  apprécier  la  paix.  » 

A ces  mots  de  Bhishina , le  royal  lils  de  Dbritarâshtra 


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A50 


LE  MAHA-BHAKATA. 


se  mit  à rire , et  sortit  soudain , sire,  avec  le  Hls  de  Sou* 
bala.  15,217—16,218. 

Apprenant  qu’il  s'en  était  allé,  Karna,  Douççisana  et 
les  autres  héros  suivirent  les  pas  du  vigoureux  Dhrita- 
ràshtride.  15,219. 

Quand  Bhishiua,  le  grand-oncle  des  Kourouides , les 
vit  s'éclipser  de  cette  mauière,  il  s'en  retourna  lui-  même 
à son  palais,  rougissant  de  confusion.  15,220. 

Après  que  Bhishma  fut  parti,  grand  roi,  le  puis.sant  fils 
de  Dhiitarâshtra  s'en  revint  de  nouveau  dans  ce  lieu,  où  il 
délibéra  avec  ses  ministres  : 15,221. 

(I  Comment  assurer  notre  salut?  Quelle  affaire  devons- 
nous  laisser  ? Comment  cette  chose  sera-t-elle  bien  faite  7 
Délibérons  maintenant  sur  ce  qu'il  y a d'utile?  » 15,222. 

Rama  dit  alors  : 

U Souyodhana , écoute  ce  que  je  vais  te  dire.  Bhishma 
nous  blâme  sans  ce.sse,  rejeton  de  kourou,  et  loue  sans 
cesse  les  fils  de  Pàndou.  15,225. 

>.  11  mérite  que  je  le  haïsse  à cause  de  la  haine,  qu'il  te 
porte,  guerrier  aux  longs  bras  ; il  me  blâme  toujours  en 
compagnie  de  toi,  souverain  des  hommes.  15,22â. 

» Je  ne  tolérerai  point  ici,  ô toi,  qui  déchires  les  enne- 
mis , ce  discours , que  Bhishma  vient  de  prononcer  en  ta 
présence,  pour  la  gloire  des  fils  de  Pàndou  et  la  censure 
de  toi , sire.  Permets-moi  de  sortir , Bharatide , avec  tes 
chars,  ton  armée  et  tes  familiers.  15,225 — 15,226. 

» Je  soumettrai  la  terre,  sire,  avec  ses  forêts,  ses  fleu- 
ves et  ses  montagnes  ! Moi  seul,  je  vaincrai,  c'est  indubi- 
table ! cette  terre,  soumise  par  les  quatre  Pândouides,  qui 
ont  reçu  la  vigueur  en  partage.  Qu'il  voie  maintenant  cet 
homme,  le  plus  méprisable  de  la  race  de  Komou,  qui  blâme 


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VANA-PARVA. 


A67 


ce  qui  n’est  point  à l)làmer  et  loue  ce  qui  n’est  point  à 
louer  ; qu'il  voie,  ce  bien-insensé,  ma  force,  et  qu’il  s’a- 
dresse un  reproche  à soi-même  ! 15,2‘27-15,228- 16,229, 

» Permets-moi  de  sortir  et,  pour  sûr,  la  victoire  est  à 
toi!  C’est  une  vérité,  que  je  te  promets,  sire,  et  je  prends 
mes  armes!  » 15,280. 

Quand  il  eut  ouï  ces  paroles  de  Karna,  le  monarque  des 
hommes  au  comble  de  la  joie  lui  répondit  : 16,231. 

R Je  sois  heureux,  je  suis  favorisé  du  ciel,  moi,  de  qui 
tu  soutiens  toujours  les  intérêts,  puissant  guerrier  ; ma 
naissance  aujourd’hui  a rapporté  son  fruit.  16,232. 

n Alors  que  tu  juges  possible,  héros,  l’extermination  de 
tous  les  ennemis,  sors  1 Sur  toi  descende  la  félicité , et 
donne-moi  tes  ordi'es  ! » 16,233. 

A ces  mots  du  sage  fils  de  Dhritaràshtra,  Karna,  domp- 
teur des  ennemis,  donne  l’ordre  de  la  marche  à toute 
l’armée.  16,254. 

Le  héros  au  grand  arc,  honoré  par  les  brahmes,  sortit 
sons  une  constellation  heureu.se,  avec  les  Dieux  propices, 
dans  un  jour  lunaire  et  dans  nne  heure  favorables. 

Purifié  par  le  bain,  sanctifié  par  des  paroles  excellentes, 
de  bon  augure,  faisant  retentir  les  trois  mondes,  avec  les 
êtres  immobiles  et  mobiles,  au  bruit  de  son  char. 

16,236—16,236. 

Ensuite  le  vigoureux  Karna , environné  d’une  grande 
armée,  assiégea,  éminent  Rharatide,  la  ville  charmante  du 
roi  Droupada.  15,237. 

A la  suite  d’une  grande  bataille,  il  réduisit  en  son  pou- 
voir ce  héros  avec  son  argent,  son  or  et  ses  diverses 
pierreries.  16,238. 

Il  soumit  Droupada  au  tribut , ô le  plus  vertueux  des 


A68 


LE  MAHA-BHARATA. 


rois  ; et,  cette  conquête  achevée,  il  fit  reconnaître  sa  puis- 
sance et  payer  le  tribut  à tous  les  rois,  qui  étaient  sous  la 
dépendance  du  monarque  vaincu.  Il  passa  dans  la  région 
septentrionale,  dont  il  réduisit  iou.s  les  rois. 

Le  fils  de  Ràdliâ,  ayant  dompté  Bhagadatta,  s'éleva  sur 
le  mont  Hiuiàlaya,  la  plus  haute  des  montagnes,  toujours 
combattant  avec  les  ennemis.  16,239 — lô,2lk0 — 15,2&1. 

Il  s’avança  à.  tous  les  points  de  l'espace  et  mit  sous  sa 
puissance  tous  les  rois.  Quand  il  eut  vaincu  tous  les  sou- 
verains de  l’Inde,  il  exigea  de  tous  un  tribut.  15,2A2. 

Descendu  de  la  montagne,  il  courut  à la  région  du  le- 
vant; il  transplanta  dans  son  royaume  les  Angas,  les  Ban- 
gas,  les  Kaliogas,  les  Maudikas  et  les  Mithilas,  les  Màga- 
dhains  et  les  Karnakhandas  ; il  réunit  sous  sa  loi,  et  les 
Avaçlras , et  les  Yandhyas , et  le  Ahikshattra. 

15,243— 15,2âA. 

La  contrée  orientale  soumise,  il  passa  dans  la  Vatsa- 
bboûnii  ; il  réduisit  entièrement  cette  région  aux  ten'es 
odorantes,  et  la  ville  de  Mohana,  et  les  trois  cités  du  Ko- 
çala.  Vainqueur  de  tous  ces  rois , il  exigea  d'eux,  sans 
merci,  le  tribut.  15,243 — 15,246. 

Entré  dans  la  terre  du  midi , il  en  vainquit  les  héros. 
Le  fils  du  cocher  combattit  Roukmi  avec  ses  méridio- 
naux. 15,247. 

Après  un  combat  tumultueux  e u Je  suis  content  de  toi, 
Indra  des  rois,  dit  l’oukiul  au  fils  du  cocher,  et  de  ta  va- 
leur, et  de  ta  force.  15,248. 

» Je  ne  te  ferai  pas  obstacle  : j'ai  conservé  ma  pro- 
messe ; je  te  donne  avec  plaisir  de  l’or  autant  que  tu  peux 
en  désirer.  » 15,249. 

Karna  réuni  avec  Roukmi  s’en  alla  sur  le  mont  Pàndya  : 


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VANA-PARVA. 


m 

il  défit  dans  une  bataille,  et  le  Kérala,  et  le  roi  MIa,  et  le 
fils  de  Vénoudâri,  et  d'autres,  qui  étaient  les  plus  grands 
des  rois  : il  fit  payer  tous  les  tributs  aux  rois  dans  cette 
contrée  méridionale.  15,250 — 15,251. 

Tournant  sa  marche  vers  Çalçoupâla,  le  puissant  fils  du 
cocher  le  vainquit,  et  il  imposa  la  reconnaissance  du  pou- 
voir aux  rois,  ses  limitrophes.  15,252. 

Il  rangea  par  la  douceur  sous  sa  doiuination  les  habi- 
tants d’Avanti;  et,  s’étant  uni  avec  les  Vrishnides,  U sub- 
jugua la  contrée  occidentale.  15,253. 

Ensuite,  dans  la  plage,  que  préside  Varouna,  il  fit  payer 
des  tributs  aux  Yavanas  , aux  Barbaras  et  aux  rois , qui 
habitent  dans  cette  région  du  midi.  15,25A. 

Le  héros  vainquit  toute  la  terre  avec  ses  pays  du  sud, 
du  couchant  et  du  levant,  avec  les  Mlétchhas,  qui  hantent 
les  forêts,  avec  les  habitants  des  montagnes.  15,265. 

Auteur  d’une  sage  politique,  il  subjugua,  comme  en  se 
riant,  toutes  les  armées  des  Bhadras,  des  Rohitakas,  des 
Agnéyas  et  des  Màlavas  eux-mêmes.  15,256. 

Le  fils  du  cocher  dompta  les  Çaçakas  et  les  Yavanas  ; 
il  battit  les  héros  , dont  las  armées  étaient  commandées 
par  Nagnadjit.  15,257. 

Quand  ce  tigre  des  hommes  eut  ainsi  vaincu  et  soumis 
à son  pouvoir  toute  la  terre,  il  retourna  5 la  ville,  qui  tire 
son  nom  des  éléphants.  15,258. 

Le  roi  Uhrilarâshtride  vint  à la  rencontre  de  ce  héros 
arrivé , puissant  roi , avec  son  père , ses  parents  et  ses 
frères.  15,259. 

Le  monarque  suivant  l’étiquette  honora  Karna,  qui  bril- 
lait de  la  splendeur  des  batailles,  et,  joyeux,  il  en  raconta 
les  exploits  : 15,260. 


460 


LE  MAHA-BHARAÏA. 


(I  Sur  loi  descende  Ir  félicité  ! Ma  délivrance  fut  l’œuvre 
de  plusieurs  bras  et  je  n’ai,  certes!  pas  obtenu  deBhlshroa, 
ni  de  Drona,  ni  de  Kripa,  ni  de  Vâhlika,  ce  que  j'ai  obtenu 
de  toi.  Écoute  ma  parole,  Karna!  j’ai  obtenu  un  défen- 
seur en  toi,  qui  es  mon  défenseur,  6 le  plus  grand  des 
guerriers  aux  longs  bras.  15,261  —15,262. 

» Tous  les  (ils  de  Pândou  ensemble  , et  les  autres  mo- 
narques, soulevés  contre  tes  attaques,  ne  valent  pas,  tigre 
des  hommes,  la  seizième  kalà  de  toi.  15,26.?. 

» Que  ton  altesse,  guerrier  au  grand  arc,  voie  Indra 
même  en  Dliritarâshtra  et  regarde,  Karna,  l'illustre  Gàn- 
dbârl,  comme  le  Dieu,  qui  tient  la  foudre,  considère 
Aditi.  U 15,264. 

Ensuite,  s’éleva  un  grand  tumulte,  souverain  des  hom- 
mes, et  des  appréciations  sous  des  formes  différentes  se 
produisirent  dans  la  ville  d’Hâstinapoura.  15,265. 

Les  uns  louaient,  les  autres  blâmaient  ; il  y avait  des 
princes,  sire,  qui  gardaient  le  silence.  15,266. 

Ainsi  karna,  le  plus  vaillant  des  hommes,  qui  portent 
les  armes,  avait,  Indra  des  rois  et  maître  de  la  terre,  sou- 
mis cette  terre,  pleine  de  bourgs  et  de  villes,  remplie  de 
sites  variés,  semée  de  places  marécageuses  et  d’tles,  avec 
son  atmosphère,  ses  forêts,  ses  montagnes,  avec  ses  mers 
et  ses  champs.  15,267 — 15,268. 

Quand  il  eut  réduit , après  un  temps . qui  ne  fut  pas 
très-long,  les  rois  sous  son  pouvoir,  le  fils  du  cocher,  te- 
nant au  poing  son  arc  impérissable , s’approcha  du  mo- 
narque. 15,269. 

Dès  qu’il  fut  entré  dans  son  palais,  le  héros  vit  au  mi- 
lieu, dompteur  des  ennemis,  Dhritarâshtra,  accompagné 
de  Gàndhârt.  15,270. 


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VANA-PARVA. 


A61 


Instruit  dans  le  devoir,  puissant  roi,  il  prit  ses  pieds, 
comme  les  eût  pris  un  fils,  et,  embrassi'  par  Dhritarâshtra, 
il  fut  congédié  par  lui  avec  amour.  15,271. 

Désormais  le  roi  Çakouni , fils  de  Soubala , sut  que 
Karna , rejeton  de  Bharata , avait  triomphé  des  rois  en 
bataille.  15,272. 

Vainqueur  de  la  terre,  le  meurtrier  des  héros  ennemis, 
le  fils  du  cocher  tint,  sire,  ce  langage  à Douryodbana  : 

(1  Écoule,  Doqryodhana,  ce  que  je  vais  te  dire,  et,  quand 
tu  auras  enteudu , veuille  bien  exécuter  ma  parole  en- 
tièrement, dompteur  des  ennemis.  15,273 — 15,27A. 

» Cette  terre  est  maintenant  sans  ennemis  pour  toi  ; 
gouverne-la , héros , comme  jadis  le  magnanime  Indra 
gouverna  le  ciel,  après  qu’il  eut  immolé  ses  ennemis.  » 

A ces  mots  de  Karna,  le  roi  de  répondre  : o II  n'était 
rien,  <)ui  fût  difficile  à acquérir,  ô le  plus  grand  des  hom- 
mes, quand  c’était  toi,  compagnon  dévoué,  qui  devait 
t’efl'orcer  pour  mon  bien  ! Écoute  quelle  est  dans  la 
vérité  ma  résolution.  15,275 — 15,27(i — 15,277. 

» Après  que  j'eus  \u  le  tàdjasoûya  du  fils  de  Pândou, 
le  plus  grand  des  sacrifices,  il  me  naquit  le  désir,  fils  du 
cocher,  d'en  produire  un  tout  semblable,  u 15,278. 

V ce  langage  du  roi,  Karna  reprit  : « Tous  les  rois  delà 
terre  sont  aujourd'hui  tes  sujets,  ô le  plus  grand  des  rois. 

» Convoque  les  principaux  des  brahmes;  que  les  pré- 
paratifs soient  disposés,  6 le  plus  vertueux  des  Kou- 
rouides,  conformément  aux  rubriques;  et  fais  apprêter 
les  instruments  du  sacrifice.  15,279 — 15,280. 

» Réunis  des  ritouidjs,  tels  qu’on  les  veut  et  qui  aient 
lu  tous  les  Védas  : qu’ils  célèbrent  le  sacrifice,  dompteur 
des  ennemis,  suivant  les  prescriptions  des  (jàstras. 


LE  MAH4-BHARATA. 


AdS 

*'  Que  ton  grand  sacrifice , éminent  Bharatide , soit 
pourvu  de  breuvages  et  de  mets  sans  nombre  ; qu'il  soit 
doué  d’une  suprême  abondance.  » 15,281 — 15,282. 

Cela  dit  par  Karna,  le  Dhritarâ-shtride  fit  appeler  son 
Pourobita,  souverain  des  hommes,  et  lui  tint  ce  langage 

n Célèbre  pour  moi  un  râdjasoûya , le  plus  grand  des 
sacrifices,  couronné  par  les  plus  riches  dons,  .suivant  l’or- 
dre et  selon  les  convenance.s.1)  15,283 — 15,284. 

Le  plus  vertueux  des  brahines  répondit  au  monarque  en 
ces  termes  : « Il  est  impossible,  ô le  plus  excellent  des 
Kourouides,  de  célébrer  le  plus  élevé  des  sacrifices  dans 
ta  famille,  quand  Youddhishthira  vit  encore,  Dhritarâsh- 
tra,  le  plus  grand  des  rois,  sire,  ton  père  liii-inèmc  respire, 
chargé  d’années.  15,285 — 15,286. 

» C’est  là  ce  qui  met  obstacle  à ton  sacrifice,  6 le  plus 
grand  des  rois  ; mais  il  est  un  autre  éminent  sacrifice, 
égal  au  râdjasoûya,  seigneur.  15,287. 

» Sacrifie  avec  CÆtte  cérémonie,  et  crois-en  ma  parole, 
Indra  des  rois.  Que  les  rois  de  la  terre,  qui  sont  tes 
vassaux,  t’apportent  des  tributs  avec  de  l’or  en  barre  et 
monnayé.  Que  l’on  te  fabrique  une  charrue  pour  cet  objet, 
û le  plus  vertueux  des  princes.  15,288 — 15,289. 

» Qu’on  laboure  avec  elle  pour  toi  la  terre  de  l’enceinte 
du  sacrifice,  fils  de  Bharata;  et  que  là  ta  cérémonie,  bien 
ornée,  riche  de  mets,  se  déroule  de  toutes  les  manières, 
sans  aucun  empêchement,  ô le  plus  excellent  des  princes, 
suivant  les  convenances  ! Voilà  ce  qui  e.st  nommé  le  sa- 
crifice Vishnouien,  en  usage  chez  l’homme  de  vertus. 

» Quiconque  n’a  point  sacrifié  avec  lui,  est  privé  des 
secours  de  l’antique  Vishnou  ; ce  sacrifice  est  l’émule  du 
râdjasoûya,  le  plus  grand  des  sacrifices. 


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VANA-PARVA. 


m 


» Nou8  avons  à cceur  ton  salut,  fils  de  Bharata  : ce  sa- 
crifice drtruit  les  obstacles,  et  ton  désir  portera  «nsi  tout 
son  fruiL  n 15,200—15,291—16,292—15,293. 

A ces  paroles  des  brahraes,  le  maître  de  la  terre,  fils 
de  DhritarAshtra,  parla  en  ces  termes  5 Karna,  au  Soa- 
balide  et  à ses  frères  : 15,29â. 

« J'approuve  entièrement  ce  discours  desbrahmes,  sans 
doute;  mais  dites-moi,  sans  tarder,  si  vous  l'approuvez 
également.  » 15;205. 

Tous  ils  répondirent  : » Oui  !»  à ces  mots  du  roi,  qui 
donna' successivement  ses  ordres  à tous  ceu.x,  qui  devaient 
être  occupés  de  cette  alTaire.  16,296. 

Tous  les  ouvriers  furent  commandés  pour  la  construc- 
tion de  la  charrue,  et  toute  la  chose,  6.  le  plus  vertueux 
des  rois,  se  fit  tour  à tour  de  la  manière  qu'il  avaitété  dit. 

Alors  tous  les  artisans,  les  principaux  des  ministres  et 
Vidoura  à la  grande  science  informèrent  le  Dhritarâsh- 
tride  que  le  plus  grand  des  sacrifices  était  prêt  : « l..e 
moment  est  arrivé,  sire;  on  a fait  une  charrue  d’une  grande 
richesse,  et  toute  en  or  ! » 15,297 — 13,298 — 15,299. 

Quand  il  eut  entendu  cette  nouvelle,  le  fils  de  Dhrita- 
râshtra,  le  jilus  excellent  des  rois,  donna  l’ordre  de  com- 
mencer le  sacrifice.  16,300. 

Aussitôt  commença  le  sacrifice  bien  paré,  abondant  en 
toutes  sortes  d'objets;  et  le  fils  de  Gàndhàrl  fut  initié 
suivant  les  Q;\stras  et  selon  l'oi-dre  des  choses.  15,301, 

Joyeux  était  Douryodhana,  et  Vidoura  à la  grande 
science,  et  Bhtsbma,  et  Drona,  et  Kripa,  et  Karna,  et 
l’illustre  Gündhârt.  15,302. 

Le  prince  envoya  des  mes.sagers  A la  course  rapide,  In- 
dra des  rois,  inviter  les  brahuies  et  les  grands  de  la  terre. 


LE  MAHA-BH.\RATA. 


hdh 

Les  messagers,  pressant  leurs  montures,  s’avançaient, 
suivant  l’ordre,  qu'ils  avaient  reçu.  Douççâsana  dit  ces 
mots  à certain  courrier,  au  moment  de  son  départ  : 

Il  \'a  promptement  au  Dwaltavana  ; invite  les  fds  de 
Pàndou,  ces  hommes  pervers,  et,  selon  la  convenance,  les 
brahmes,  qui  habitent  dans  cette  forêt,  a 

15,803— 16,304— 15, S05. 

Le  messager  arrive,  s'incline  et  dit  à tous  les  Pân- 
douides  : « Le  plus  vertueux  des  princes,  Douryodhana, 
sacrifie,  grand  roi.  15,300. 

>>  Ce  noble  Kourouide  possède  une  multitude  de  ri- 
chesses, conquises  par  sa  valeur.  Les  rois  et  les  brahmes 
aillueut  chez  lui  de  tous  les  eûtes.  15,307. 

• Il  Je  suis  envoyé,  sire,  par  le  magnanime  rejeton  de 
Kourou  : le  roi,  fils  de  Dhrilarùshtra,  le  souverain  des 
hommes,  vous  invite.  15,308. 

■I  Ce  roi  vous  désire  en  son  cœur  : daignez  voir  son  sa- 
crifice. » A ces  paroles  du  messager,  le  prince  Youddhish- 
thira  de  répondre  ; 15,300. 

(I  Je  vois  avec  bonheur,  dit-il,  le  roi  Souyodhana, 
le  plus  grand  des  rois,  célébrer  un  principal  sacrifice,  qui 
ajoute  à la  gloire  de  ses  ayeiix.  15,310. 

n Mais  il  nous  est  impossible  de  nousy  rendre  d’aucune 
manière,  en  ce  moment  ; il  nous  faut  observer  la  condition, 
que  nom  arons  acceptée,  jusqu’au  temps  où  sera  venue  la 
treizième  année.  0 15,311. 

A ces  paroles  du  roi,  Bhlmaséna  d’ajouter  celles-ci  : 
Il  Mais,  après  la  treizième  année,  le  souverain  des  hommes, 
Dharmarâdja-Youddhislithira  lui-même  ira,  et  lejetera 
dans  le  sacrifice  d’un  combat  au  feu  enflammé  des  traits 
et  des  flèches  ! 15,312 — 15,313. 


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VANA-PARVA. 


m 

>1  Et  la  colère  du  Pândouide  dévorera  les  fils  de  Dhri- 
tarâshtra,  comme  une  offrande  de  beurre  clarifiée,  (l'est 
alors  que  j’irai  chez  lui  ! Redis  ces  paroles  à Souyo- 
dhana.  » ir,31é. 

Les  autres  lils  de  Pàndou  ne  dirent  pas  un  seul  mot, 
qui  fût  désagréable.  Le  messager  rapporta  fidèlement 
ces  paroles  au  Dhritarâshtride.  15,315. 

Les  plus  vertueux  des  hommes,  les  souverains  de  pays 
divers  et  les  brahmes  se  rendirent,  pieux  monarque,  à la 
ville  des  enfants  de  Dhrit;irâshtra.  15,316. 

Les  rois  satisfaits,  honorés  suivant  les  Çâstras,  selon 
l’étiquette,  conformément  à l’ordre  des  rangs,  étaient 
portés  au  comble  de  la  joie.  15,317. 

Environné  de  tous  les  Kourouides,  le  fils  de  Dhritarâsh- 
tra,  le  roi  des  rois,  pénétré  du  plus  vif  plaisir,  adressa  à 
Vidoura  ces  paroles  : 15,318. 

« Que  l’on  fasse  promptement  en  sorte,  Kshattri,  que 
tout  ce  peuple  soit  à son  aise,  qu’il  soit  bien  fourni  d’ali- 
ments, et  qu’il  se  réjouisse  dans  le  sanctuaire  du  sacri- 
fice. » 15,319. 

Instruit  et  connaissant  le  devoir,  Vidoura,  dompteur 
des  ennemis,  se  vit  comme  autorisé  par  ces  paroles  à bien 
traiter  toutes  les  castes.  15,320. 

11  les  approvisionna  tous  avec  joie  d’eau,  de  nourriture, 
de  lait  et  de  mets  agréables,  de  bouquets  aux  senteurs 
exquises  et  d’habits  variés.  15,321. 

Quand  ce  héros  leur  eut  construit  des  habitations  sui- 
vant les  Çâstras  et  conformément  à l’ordre  des  rangs, 
quand  l’indra  des  rois,  après  les  avoir  bien  caressés,  leur 
eut  distribué  différentes  sortes  de  richesses,  il  donnacongé 
aux  rois  et  aux  brahmes  par  milliers.  Ces  personnages 
IV  30 


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406  ‘ LE  MAHA-BHABATA. 

congédiés,  il  entra  dans  Hâstinapoura,  environné  de  ses 
frères,  accompagné  de  Karna  et  du  Soubalide. 

Au  moment  de  son  entrée,  puissant  roi,  les  poètes  de 
célébrer  l’impérissable,  les  sujets  de  célébrer  l’héroïque  et 
le  plus  éminent  des  rois. 

15,322— 13,328— 18,324— 15,325. 

Les  sujets  l’inondèrent  de  santal  en  poudre  et  de  grains 
frits  : « Oh  ! bonheur,  s’écriaient-ils,  le  roi  ne  connaît  pas 
d’obstacle!  Tu  as  accompli  ton  sacrifice.  » 15,326. 

D’autres I bardes  le  vantaient  alors  comme  le  maître  de 
la  terre:  o Ce  sacrifice  de  toi,  disaient-ils,  est  égal  au  sa- 
crifice d’Youddhishthira.  15,327. 

» Il  ne  valait  pas  même  la  seizième  kalâ  de  celui-ci  ! a 
Ainsi  certains  brahmes  parlaient  en  ce  moment  au  sou- 
verain. 15,328. 

Ses  amis  disaient  : « Ce  sacrifice  est  au-dessus  de  tous 
les  autres!  Yayùti  et  Nahou.sha  lui-même,  Mândhâtri  et 
Bharata  sont  tous  allés  au  ciel,  après  qu’ils  eurent  obtenu 
la  purification  dans  la  célébration  de  ce  sacrifice  ! » L’oreille 
caressée  par  ces  douces  ])aroles  de  ses  amis,  le  monarque 
entra  joyeux  dans  la  ville,  et  arriva  à son  palais.  11  s’in- 
clina, souverain  des  hommes,  aux  pieds  de  son  père  et  de 
sa  mère,  de  Bhishma,  de  Drona,  de  Krij)a,  du  sage  Vi- 
doura  et  des  autres.  Scs  frères  plus  jeunes  de  le  saluer 
comme  le  père  de  ses  frères. 

Il  s’assit,  environné  de  ses  frères,  sur  un  noble  .siège. 
Alors,  s’étant  levé,  le  fils  du  cocher  parla  ainsi  au  grand 
roi  ; 15,329—15,330—15.331—15,332—15,333. 

(I  Tu  as  heureusement  conduit  à son  terme  ce  .sjicrifice. 
Mais,  en  imuiolant  les  Pàndouides  dans  un  combat,  ù le 
plus  éminent  des  BLaratides,  et  en  te  donnant  le  motif  de 


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VANA-PARVA. 


407 


célébrer  un  râdjasoûya,  je  peux  de  nouveau  te  procurer 
-de  la  joie.  » Le  grand  monarque  à la  haute  renommée,  fils 
de  Dhritarâshtra,  lui  répondit  ; 15,334 — 15,335. 

« C’est  une  vérité,  que  tu  as  dite  là,  ô le  plus  excellent 
des  hommes  : en  donnant  la  mort  aux  (ils  de  Pàndou,  et  me 
procurant  l’occasion  d’un  râdjasoûya,  le  plus  grand  des 
sacriûces,  tu  ajouteras  ainsi,  héros,  à ma  fortune I » Aces 
mots,  grand  roi,  le  Bharatide  embrassa  le  vaillant  Kama. 

Le  rejeton  de  Kourou  pensa  à ce  râdjasoûya,  le  plus 
éminent  des  sacrifices,  et  le  puissant  monarque  dit  aux 
Rourouides  assis  à ses  côtés  ; 15,336 — 15,337 — 15,338. 

« Quand  offrirai-je,  victorieux  de  tous  les  Pàndouides, 
descendants  de  Kourou,  ce  râdjasoûya,  le  plus  grand  des 
sacrifices,  aux  plus  opulentes  richesses?  » 15,339. 

Kama  lui  dit  : « Écoute-moi,  ô le  plus  élevé  des  rois. 
Tant  que  je  n’aurai  pas  tué  Arjouna,  je  ne  laverai  pasm^ 
pieds!  15,340. 

» Je  ne  mangerai  pas  ce  qui  est  né  du  sang  ; j’obser- 
verai le  vœu  des  Asouras  ; et,  à quiconque  me  deman- 
dera, je  n’opposerai  pas  mon  refus  ! » 15,341. 

Les  Dhritarâshlrides  aux  grands  chars,  aux  grandes 
flèches,  poussent  des  cris  ; et,  quand  Karna  eut  promis  de 
tuer  Arjouna  dans  la  guerre,  ils  regardèrent  les  Pàndouides 
comme  déjà  vaincus.  Ausitôt  qu’il  eut  congédié  ces  émi- 
nents personnages,  Douryodhana,  l’ Indra  des  rois,  entra 
dans  son  palais,  tel  que  le  fortuné  Vishnou  entre  dans  le 
Tchaîtravana  : et  tous  ces  héros,  Bharati  .le,  s’en  retour- 
nèrent dans  leurs  habitations.  15,342 — 15,343 — 15,344. 

Émus  par  ces  nouvelles  du  messager,  les  Pàndouides 
aux  grands  arcs  pensent  à cette  affaire,  et  ne  trouvent  plus 
de  tranquillité  nulle  part.  15,345. 


468 


LE  MAHA-BHAR\TA. 


La  promesse,  que  le  fils  du  cocher  avait  donnée  pour 
la  mort  d’  Vrjouna,  fut  une  nouvelle,  Indra  des  rois,  en- 
core plus  rap'dement  apportée.  l.‘',346. 

Informé  de  ces  choses,  le  fds  d’Yama,  pensant  à la  pro- 
digieuse valeur  de  Karna,  à sa  cuirasse  imbrisable,  et  se 
rappelant  ses  anciennes  peines,  ne  trouvait  pas  en  lui  de 
tranquillité.  Tandis  que  ce  magnanime  était  assiégé  de  ces 
pensées,  il  lui  vint  à l’esprit  d’abandonner  le  boisDwaita- 
vana,  rempli  de  gazelles  et  de  serpents  en  nombre  infin  . 

Le  roi,  fils  de  Dhritarâshtra  lui-même,  environné  de 
ses  héroïques  frères,  de  Bhishma,  de  Drona  et  de  Kripa, 
célébra  un  sacrifice  à la  terre  : et,  réuni  avec  Karna,  qui 
avait  la  beauté  de  laspleodeur  des  combats,  Douryodhana, 
vivant  toujours  au  milieu  des  choses  agréables  aux  rois, 
honora  les  principaux  des  brahmes  avec  des  sacrifices  aux 
nombreux  honoraires.  {De  la  stance  15,347  à la  stance 
15,352.) 

Le  héros,  fléau  des  ennemis,  ayant  résolu  dans  son 
cœur  des  présents  de  fruits,  de  mets,  sire,  et  de  mainte 
richesse,  faisait  le  bonheur  de  ses  frères.  15,352. 


LE  SONGE  DES  GAZELLES. 


Djanamédjaya  dit  : 

« Après  que  les  Pândouides  à la  grande  force  eurent 
brisé  les  fers  de  Douryodhana,  que  firent-ils  dans  ce  bois? 
Veuille  me  le  raconter.  » 15,353. 

Vaîçampàyana  répondit  : 

Arrosant  leurs  cous  de  larmes,  les  gazelles  vinrent  s’of- 
frir la  nuit,  à la  fin  du  sommeil,  au  fils  de  Kounti,  Toud- 
dhishtbira,  endormi  dans  le  Dwattavana.  15,35A. 

L’Indra  des  rois  dit  à ces  bêtes  tremblantes,  joignant  au 
front  leurs  pieds  de  devant  pour  l’andjali  ; « Dites-moi  ce 
que  vous  avez  envie  de  me  dire.  Qui  êtes-vous  ? Quel  est 
votre  désir  ? » 15,355. 

A ces  mots  de  l’illustre  enfant  de  Kountî,  les  gazelles, 
restes  de  leurs  compagnes  immolées,  répondirent  à Youd- 
dhishlhira,  le  fils  de  Pàndou  : 15,356. 

« Nous  sommes  des  gazelles,  restes  de  leurs  compagnes 


470 


LE  MAHA-BHARATA. 


immolées  dans  le  Dw.iltavana,  fils  de  Bharata.  Que  nous 
ne  périssions  pas,  grand  roi  ! Changez  vos  habitudes  dans 
ces  forêts!  15,357. 

» Les  frères  de  ta  majesté  sont  tous  des  héros,  habiles 
à décocher  le  trait  : ilsont  laissé  peu  de  survivants  dans  les 
troupeaux  des  habitants  du  bois.  15,358. 

» Nous,  faible  reste,  devenus  la  souche  d’une  nouvelle 
race,  Indra  des  rois,  nous  désirons  que  ta  faveur  nous 
laisse,  prince  à la  grande  sagesse,  le  loisir  de  nous 
accroître.  » 15,359. 

Quand  il  vit  ces  gazelles  tremblantes,  effrayées,  restées 
seulement  pour  être  les  mères  de  nouvelles  bandes,  le  roi 
Dharmarâdja-Youddhishthira,  qui  mettait  son  plaisir  à 
faire  le  bien  de  tous  les  êtres,  leur  dit,  pénétré  de  la  plus 
vive  douleur  : « Je  le  ferai  de  la  manière  que  vos  excel- 
lences disent.  » 15,360 — 15,301. 

S’étant  réveillé  à la  lin  de  la  nuit,  le  plus  vertueux  des 
rois,  ému  de  compassion,  rassembla  ses  frères  et  leur 
parla  au  sujet  de  ces  animaux  : 15,362. 

» Les  gazelles,  restes  de  leurs  compagnes  immolées, 
m’ont  dit  cette  nuit  dans  un  songe  : « Nous  ne  sommes 
plus  que  des  enfants  : que  ta  pitié,  s’il  te  plaît,  s’étende 
sur  nous!»  15,363. 

» Elles  ont  dit  la  vérité  : nous  devons  avoir  pitié  de  ces 
habitants  du  bois  ; car  noos  avons  atteint  le  huitième  mois 
de  l’année,  depuis  que  nous  mangeons  des  gazelles. 

» Retournons  donc  au  Kâmyaka,  forêt  sublime,  déli- 
cieuse, où  les  gazelles  abondent,  au  lac  Trinavindou,  ce 
lieu,  qui  est  la  tête  de  MaroubhoAmi.  15,364 — 15,365. 

» Demeurons-y  le  reste  de  notre  habitation  dans  les 
bois,  et  goutons-y  le  bonheur  ! » Aussitôt  s’avançent  les 


VANA-PARVA. 


471 


Pândouides,  versés  dans  le  devoir , accompagnés  des 
brahmes,  qui  demeuraient  là  avec  eux,  sire,  et  suivis  des 
serviteurs,  Indraséna  et  les  autres.  15,366 — 15,367. 

Ils  marchent  en  des  routes  suivies,  fertiles  en  nourri- 
ture, douées deliiupides  ondes,  etvoientenfin  le  kàmyaka, 
hermiuige  saint,  a.^socié  à la  pénitence.  15,36.S. 

Environnés  des  principaux  brahmes,  les  plus  vertueux 
rejetons  de  Kourou  et  de  Bharata  entrèrent  alors  dans 
cette  forêt,  comme  des  hommes  aux  bonnesœuvres  entrent 
dans  le  Swarga.  15,369. 


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LE  SEPTIER  DE  RIZ. 


Vatçauipâyana  dit  : 

Tandis  que  ces  magnanimes  Pândouides  habitaient  dans 
les  bois,  ils  passèrent  avec  douleur  treize  années,  émi- 
nent Bharatide.  15,370. 

Vivants  de  racines  et  de  fruits,  dignes  du  plaisir, 
mais  en  proie  à la  plus  grande  souffrance,  ces  hommes 
supérieurs  coulèrent  tout  ce  temps  révolu,  adonnés  à la 
méditation.  16,371. 

Le  saint  roi  Youddhishthira,  aux  longs  bras,  pensa  à la 
peine  extrême,  que  souffraient  ses  frères  et  dont  sa  propre 
faute  était  la  seule  cause.  15,372. 

Le  Pàiidouide  ne  put  dormir  à son  aise,  comme  s’il  avait 
des  flèches  entrées  dans  son  cœur,  et,  à l’heure  où  naît  la 
lumière,  réfléchissant  à la  méchanceté  etserappellant  ces 
paroles  amères,  qu’avait  prononcées  le  fils  du  cocher,  il 


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VANA-PARVA.  473 

poussait,  consterné,  de  profonds  soupirs,  et  portait  le 
poison  mortel  de  la  colère.  16,373—16,874. 

Arjouna,  et  les  deux  jumeaux,  et  l’illustre  Drâupadt,et 
le  vigoureux  Bhlrna  à l’éblouissante  splendeur,  le  plus 
grand  de  tous,  enduraient  cette  peine  extrême,  les  yeux 
fixés  sur  Youddhishthira;  et  ces  vertueux  enfants  de  Ma- 
nou, pensant  qu’il  ne  restait  plus  que  bien  peu  de  temps, 

15,376—16,376. 

Se  firent  comme  un  autre  corps  par  des  actions  de  cou- 
rage et  de  colère.  Quelque  temps  après,  le  fils  de  Satya- 
vatl,  le  grand  Yogi  Vyâsa  vint  dans  le  désir  de  voir  les 
P&ndouides;  et  le  fils  de  Kountl,  Youddhishthira,  l’ayant 
vu  arriver,  se  porta  à la  rencontre  du  magnanime  et 
l’accueillit  suivant  l’étiquette.  Ce  fils  de  Pândou,  assis  au- 
dessous  de  lui,  désirant  l’entendre  et  tenant  ses  organes 
des  sens  comprimés,  réjouit  avec  une  génuflexion  Vyâsa, 
placé  sur  un  siège.  Quand  le  maharshi  vit  ses  petits-fils 
maigres,  vivants  de  fruits  sauvages  dans  une  forêt,  il  pro- 
nonça ces  mots  touchants  d’une  voix,  que  ses  larmes  ren- 
daient balbutiante  : « Youddhishthira  aux  longs  bras, 
écoute,  ô le  plus  vertueux  des  hommes  vertueux.  {De  ta 
stance  15,377  />  ta  stance  15,381). 

» Ceux,  qui  n’ont  pas  cultivé  la  pénitence,  n’obtiennent 
pas  un  grand  plaisir  dans  le  monde,  carc’estla  succession 
du  plaisir  et  de  la  douleur,  qui  aiguise  les  jouissances  de 
l’homme.  15,382. 

» A personne  ne  fut  donné  un  bonheur  sans  terme  : 
l’homme  savant  est  doué  d’une  intelligence  profonde. 

» Il  connaît  le  lever  et  le  coucher  des  choses  : il  ne  se 
réjouit,  il  ne  se  lamente  de  rien  ; il  porte  le  plaisir,  quand 
il  arrive  ; il  suppoite  Ja  douleur,  quand  elle  vient. 


47* 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Il  supportera  le  temps,  qui  échoie,  comme  le  laboureur 
fait  pour  les  semences  : il  n’est  rien  pour  lui  au-delà  delà 
pénitence  ; il  gagne  beaucoup  par  la  pénitence, 

15,383.-15,384—15,385. 

s II  n'est  rien,  que  ne  puisse  faire  la  pénitence  1 Que 
ce  soit  là  ta  pensée,  fils  de  Bharata,  La  vérité,  la  droiture,  ^ 
l’absence  de  la  colère,  avoir  tout  en  commun,  la  répression, 
la  placidité,  ne  pas  dire  du  mal,  ne  pas  nuire,  la  pureté  et 
la  coercition  des  sens  : voilà,  grand  roi,  les  purifications 
des  hommes  aux  œuvres  saintes.  15,386 — 15,387. 

U Les  hommes,  à qui  le  vice  est  agréable,  insensés, 
adonnés  à la  voie  des  bétes,  tombés  dans  une  matrice  de 
pécheresse,  n’obtiennent  jamais  le  bonheur.  15,388. 

» On  mange  dans  l’autre  monde  le  fruit  de  l'œuvre,  que 
l’on  a laite  ici-bas  : que  l’homme  livre  donc  son  corps  à la 
])énitence  et  à la  répression  des  sens.  15,389. 

» Honorant  les  brahmes,  s’inclinant  devant  eux,  qu’il 
donne  suivant  ses  facultés, et,  le  temps  arrivé,  sire,  l’Ame 
joyeuse,  sans  envie,  n’ayant  que  des  paroles  de  vérité, 
qu’il  obtienne  une  longue  vie,  sans  misère,  avec  la  droi- 
tm-e.  Exempt  de  colère,  dégagé  de  médisance,  l’homme 
obtient  une  paix  supérieure.  15,390 — 16,891. 

» Dompté,  continuellement  voué  à la  placidité,  les  sou- 
cis ne  sont  pas  son  partage  : son  âme  comprimée  n’esipas 
tourmentée  de  voir  un  autre  jouir  des  faveurs  de  la  fortune. 

» L’homme,  ayant  mis  tout  en  commun,  heureux,  jouis- 
sant des  plaisirs,  ne  fera  aucun  mal  et  goûtera  une  con- 
dition de  santé  suprême.  15,392 — 16,393. 

U Honorant  les  personnes  honorables,  l’homme,  qui  a 
vaincu  les  sens,  obtient  de  renaître  dans  une  grande  fa- 
mille et  n'est  pas  soumis  au  malheur.  15,394. 


> 


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VANA-PARVA. 


A75 


« En  effet,  celui,  de  qui  Tàme  est  juste,  de  qui  l’intel- 
ligence est  attachée  à la  poursuite  des  œuvres  saintes,  la 
mort  elle-même  le  manifeste  aux  yeux  associé  à l’union  de 
ces  avantages.  » 15,305. 

Youddhishthira  lui  répondit: 

« Révérend  à la  haute  sagesse,  est-ce  qu’il  y a dans 
l’autre  vie  de  nombreuses  qualités  jointes  an  devoir  de 
'aumône  ou  de  la  pénitence?  Qu’est-ce  encore  que  l’on 
appelle  difficile  î » 15,896. 

n 11  n’est  rien  sur  la  terre  de  difficile,  mon  fils,  comparé 
avec  l’aumône,  reprit  Vyàsa.  On  prend  avec  la  peine  une 
grande  soif  dans  la  richesse.  16,397. 

« Abandonnant  la  vie  si  douce  à cause  des  richesses, 
prince  à la  haute  intelligence,  les  hommes  héroïques  se 
plongent  dans  la  mer  et  dans  le  sein  des  forêts.  16,398. 

» Le  besoin  des  richesses  fait  seul  faire  aux  hommes 
l’agriculture  et  l’élève  des  troupeaux  : il  force  les  hommes 
à se  soumettre  aux  lois  de  la  domesticité.  16,399. 

» Il  est  donc  très-difficile  de  renoncer  à ce  qui  fut  ga- 
gné avec  tant  de  peine  : il  n’est  donc  rien  de  plus  difficile 
que  l’aumône  : je  l’estime  beaucoup.  16,600. 

» Il  faut  ici  connaître  la  différence.  Que  l’on  rende  aux 
brahmes  vertueux,  dans  le  vase,  le  lieu  et  le  temps 
propres,  la  richesse  amassée  suivant  les  convenances. 

» Le  devoir  de  l’aumône,  s’il  est  exercé  avec  une  ri- 
chesse mal  acquise,  ne  sauve  pas  d’un  grand  danger 
celui,  qui  en  estl’auteur.  15,601 — 15,602. 

» Une  aumône,  quelque  petite  soit-elle,  si  elle  est  faite 
à propos  et  dans  le  vase  convenable,  Youddhishthira,  est 
dite  porter  par  une  âme  purifiée  un  fruit  infini  après  la 
mort.  15,603. 


47« 


LE  MaHA-BHAUATA. 


» Ici,  l’on  raconte  cette  ancienne  histoire,  quel  fruit 
Moudgala  obtint  par  l'abandon  d'un  septier  de  riz.  » 

B Comment,  interrompit  Youddhishihira,  un  septier  de 
riz  fut-il  donné  par  ce  magnanime?  A qui,  révérend,  le 
donna-t-il  ? Et  de  quelle  manière  ? Compie-moi  cela  7 

10,404—15,405. 

n Je  pense  quelle  a porté  son  fruit,  la  naissance  de 
l’homme  aux  œuvres  saintes,  de  qui  les  bonnes  actions  ont 
réjoui  la  vue  de  l’adorable  Yama.  » 15,406. 

Vyâsa  lui  répondit  : 

(.  Dans  le  Kouroukshétra  vivait,  sire,  le  vertueux  Moud- 
gala, qui  tenait  comprimés  ses  organes  des  sens,  qui  avait 
des  paroles  de  vérité,  jamais  la  médisance  è la  bouche, 
et  qui  gagnait  sa  vie  à glaner.  15,407. 

» Astreint  an  vœu-des-hdtes,  il  mêlait  à la  célébration 
des  sacrifices  le  soin  de  nourrir  des  pigeons  ; cet 
homme  aux  grandes  pénitences  cultivait  le  sacrifice, 
nommé  Ishtikrita  ou  [ ac<  omplûsement  des  désirs. 

» Le  solitaire  avec  son  épouse  et  son  fils  était  donc 
adonné  à la  nourriture  des  pigeons  : il  ramassait  dans  sa 
quinzaine  un  septier  de  riz  avec  les  vivres  de  ces  oiseaux. 

15,408—15,409. 

» 11  observait  sans  avarice  la  nouvelle  et  lapleine-lune: 
il  trouvait  pour  soutenir  son  corps  dans  ce  qui  restait  sur 
la  nourriture  de  ses  hôtes  et  des  Dieux.  15,410. 

» Indra  en  personne,  le  souverain  des  trois  mondes,  ac- 
compagné des  Dieux,  puissant  monarque,  recevait  de  lui 
sa  portion  à chaque  nouveau  parvan.  15,411. 

» Quand  il  s’était  acquitté  de  la  cérémonie  du  parvan, 
le  solitaire,  adonné  à nourrir  des  anachorètes,  olh'ait,  d’une 
âme  joyeuse,  la  nourriture  à ses  hôtes.  15,412. 


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VANA-PARVA. 


A77 


V)  Ce  qui  restait  du  septier  de  riz  à ce  magnanime,  qui 
donnait  sans  avarice  la  nourriture,  augmentait  à la  vue 
même  de  ses  hôtes.  15,A13. 

» Des  centaines  de  brahmes  intelligents  mangent  les 
provisions  du  vase,  et  l’on  voit  toujours  le  septier  accroître 
sadenrée,  tant  est  pure  la  générosité  du  solitaire!  15,A1A. 

>•  Dourvâsas  entendit  parler  du  vertueux  Moudgala, 
ferme  dans  ses  vœux,  et  il  vint  le  trouver,  enveloppé  de 
l’air  pour  seul  vêtement.  15,âl6. 

» Cet  anachorète  portait,  comme  un  insensé,  un  vête- 
ment, que  rien  ne  retenait;  il  était  chauve, fils  dePândou, 
et  prononçait  différentes  paroles  sévères.  lô,A16. 

» Le  plus  vertueux  des  solitaires  s’approcha  du  brahme 
et  lui  dit  : « Sache,  6 le  plus  sage  des  anachorètes,  que 
le  besoin  de  nourriture  m’a  conduit  ici  1 » 15,âl7. 

« Sois  le  bien-venu  ! » ré|x>ndit aussitôt  l’herinite  Moud- 
gala, qui  lui  fit  apporter  de  l’eau  pour  se  laver  les  pieds, 
de  l’eau  {wur  se  rincer  la  bouche,  et  une  excellente  nour- 
riture. 15,418. 

» Astreint  au  vœu  des  hôtes,  l’anachorète  aux  vœux 
fermes,  embrassant  les  plus  hauts  sentiments  de  respect, 
donna  la  nourriture  à cet  ascète  affamé,  qui  ressemblait  à 
un  insensé.  15,410. 

» Le  mendiant,  pressé  par  la  faim,  mangea  comme  un 
fou  toute  cette  nourriture  savoureuse,  et  Moudgala  de  lui 
en  donner  encore.  15,420. 

» Quand  il  eut  mangé  tout  ce  mets  et  ce  qui  restait  à 
l’anachorète,  il  oignit  ses  membres  avec  la  nourriture  et 
s’en  alla  comme  il  s'était  présenté.  15,421. 

» Le  mendiant  étant  revenu  pour  la  seconde  fois,  les 
ascètes  vinrent  eux-mêmes  au  temps  accoutumé  et  man- 


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478 


LE  MAHA-BHARATA. 


gèrent  toute  la  nourriture  de  l’homme,  qui  ramassait  sa 
vie  en  glanant.  15,422. 

» L’anachorète  se  trouva  doncsans aliments,  il  en  cher- 
cha de  nouveau  dans  l’occupation  de  glaner  ; mais  il  leur 
fut  impossible  d’apercevoir  en  lui  aucune  émotion  causée 
par  la  faim.  15,423. 

i>  Ni  colère,  ni  avarice,  ni  inépris,ni  trouble  ne  pénétra  en 
cet  excellent  brahme,  glanant  avec  son  épouse  et  son  fils. 

» Dourvâsas,  étant  revenu  six  fois,  s'approcha,  sa  réso- 
lution prise,  de  l’éminent  conachorète,  occupé  du  devoir 
de  glaner.  15,424 — 15,425. 

» Le  divin  solitaire  n’aperçut  aucun  changement  dans 
l’âme  de  Moudgala  ; il  vit  que  cette  âme  était  encore  sans 
tache,  pure,  et  que  la  qualité  sattwa  était  en  lui  sans  mé- 
lange. 15,420. 

» Il  dit  joyeux  à Moudgala:  « 11  n’existe  pas  dans  ce 
monde  un  homme  égal  à toi  pour  donner,  exempt  d’ava- 
rice. 15,427. 

» La  langue  ravit  la  connaissance  du  devoir  à l’homme 
affamé,  elle  ôte  la  fermeté  ; recherchant  les  saveurs,  elle 
entraîne  l’homme  vers  les  choses  savoureuses.  15,428. 

» L’ existence  a pour  cause  la  nourriture.  L’âme  mal 
contenue  est  vacillante  : la  pénitence  bien  résolue  est  fer- 
mement attentive  à l’âme  et  aux  sens.  13,420. 

» Il  est  dillicile  d’abandonner  ce  que  l’on  a ramassé  avec 
peine.  Tout  cela  fut  exactement  accompli  d’une  âme 
sainte  par  ton  excellence,  homme  vertueux.  15,430. 

» Nous  sommes  contents,  nous  sommes  heureux  d’avoir 
pu  nous  réunir  avec  foi.  l..a  victoire  sur  les  sens,  la  fer- 
meté, le  communisme,  la  répression,  la  placidité,  la  com- 
passion, la  vérité  et  le  devoir,  tout  réside  en  toi.  Tu  as 


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VANA-PARVA. 


479 


conquis  les  mondes  par  tes  œuvres  ; tu  es  entré  dans  la 
voie  suprême.  15,431 — ^15,482. 

» Oh!  que  les  habitants  du  Swarga  proclament  que 
l’aumône  est  une  vertu  bien  grande  ! Ta  sainteté,  ana- 
chorète aux  vœux  bien  observés,  ira  dans  le  Swarga,  re- 
vêtue même  de  son  corps  ! » 15,433. 

» A peine  l’anachorète  Dourvâsas  avait-il  achevé  de 
parler  ainsi,  que  le  messager  des  Dieux  se  présenta  devant 
Moudgala  sur  un  char,  attelé  de  cygnes  et  de  grues,  varié, 
exhalant  une  odeur  céleste,  allant  au  gré  de  la  volonté, 
orné  de  guirlandes  et  d’une  multitude  de  clochettes. 

» Il  dit  au  brahmarshi  ; « Monte  dans  ce  char,  que  tes 
œuvres  ont  su  conquérir  ! Tu  as  acquis,  solitaire,  la  plus 
haute  perfection.  » 15,434 — 15,435 — 15,436. 

» Au  messager  des  Dieux,  qui  tenait  ce  langage  : « Je 
désire  que  ta  divinité  me  dise,  répondit  le  rishi,  quelles 
sont  les  vertus  des  habitants  du  Swarga.  15,437. 

» Quelles  sont  les  qualités  des  hôtes  du  Swarga  ? Quelle 
pénitence  on  y cultive?  Quelles  résolutions  on  y prend? 
Quel  plaisir  ou  quelle  peine,  messager  des  Dieux,  il  y a 
dans  le  Swarga  ? 15,438. 

» Agni  est,  dit-on,  l’ami  des  gens  de  bien.  Les  hommes 
vertueux  sont  dignes  de  sa  famille.  Ton  amitié,  seigneur, 
m’inspire  de  t’adresser  ces  questions.  15,439. 

» Dis-moi,  sans  balancer,  ce  qui  est  vrai,  ce  qui  est 
convenable  ici.  Quand  je  t’aurai  entendu,  je  ferai  ce  que 
ta  bouche  aura  décidé.  » 15,440. 

» Le  messager  des  Dieux  lui  dit  : 

« Tu  as  un  noble  esprit,  toi,  qui  penses,  maharshi,  qu’il 
fautsonger  beaucoup,  comme  un  ignorant,  avant  d’accepter 
ces  plaisirs  bien  grands  du  Swarga,  que  tu  as  mérités. 


A80 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Ce  qui  est  nommé  le  ciel  et  qui  s’étend  sur  nos  têtes, 
est  le  monde  du  Swarga.  Une  conduite  vertueuse,  ana^ 
chorète,  s’élève  toujours  en  haut  et  va  sur  le  char  des 
Dieux.  16,441—16,442. 

» Là,  ne  montent  jamais,  Moudgala,ceux,  qui  n’ont  pas 
cultivé  la  pénitence,  les  hommes,  que  ne  recommandent, 
ni  les  sacrifices,  ni  les  sacrificateurs,  ceux,  qui  sont  men- 
teurs, et  les  athées.  15,443. 

» Mais  les  hommes,  qui  ont  donné  leur  âme  au  devoir, 
qui  se  sont  vaincus  eux-mèmes,  réprimés,  placides,  sans 
jalousie,  qui  se  plaisent  dans  le  devoir  de  l’aumône,  et  les 
héros,  qui  portent  les  cicatrices  des  batailles,  s’élèvent, 
après  qu’ils  ont  pratiqué  les  plus  hauts  devoirs,  accompli 
la  répression  des  sens  et  la  tranquillité  de  l’esprit,  dans 
ces  mondes  purifiés,  brahme,  où  circulent  les  hommes 
vertueux.  16,444 — 15,445. 

U Làsont,  Maâudgalya,  les  Apsaras,les  Gandharvas,  les 
formes  de  Dliaïua  et  d’Yama,  les  maharsbis,  les  Viçvas, 
les  Sâdhyas  et  les  Dieux.  15,446. 

» Us  habitent  en  grand  nombre  chacun  de  ces  jardins 
célestes.  Ces  mondes  .sont  charmants,  lumineux,  doués 
d’amour  et  formés  de  splendeur.  16,447. 

» Là,  se  dresse  à trente-trois  mille  yodjanas  de  hauteur 
le  Mérou,  fait  d’or,  le  roi  des  montagnes  ; là  sont,  Moud- 
gala,  les  jardins  royaux  des  Dieux  ; 15,448. 

» Ces  Ëdens  purs,  les  promenades  des  hommes  aux 
œuvres  saintes.  Là,  on  ne  connaît,  ni  la  faim,  ni  la  soif,  ni 
la  fatigue,  le  froid  ou  le  chaud,  ni  la  crainte.  15,449. 

n I.à,  n’existe,  ni  le  dégoût,  ni  le  moindre  malheur.  Par- 
tout, ce  sont  des  odeurs  délicieuses  ; partout,  ce  sont  des 
choses  agréables  à toucher.  15,450. 


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VANA-PARVA. 


A81 


< » De  tous  c6tés,  on  u’enteud  que  des  sons,  le  charme 
de  l'oreille.  Là  n'est,  anachorète,  ni  le  chagrin,  ni  la 
vieillesse,  ni  le  travail,  ni  la  plainte.  15,451. 

» Tel  est,  anachorète,  le  monde,  qui  a pour  cause  le 
fruit  au  mortel  vertueux  de  ses  propres  actions.  Les 
hommes  y sont  réunis  par  les  bonnes  œuvres,  dont  chacun 
est  l'auteur.  15,452. 

U Les  corps  des  hommes,  qui  arrivent  là,  sont  lumi- 
neux, Maàudgalya  ; ils  naissent  de  leurs  œuvres,  non  d'un 
père,  ni  d'une  mère.  15,453. 

1)  On  ne  connaît  là,  ni  la  sueur,  ni  la  mauvaise  odeur, 
ni  l'urine,  ni  l'excrément  : jamais  la  poussière,  anacho- 
rète, n'y  souille  leurs  vêtements.  15,454. 

» Leurs  guirlandes  ne  se  flétrissent  pas  ; on  ne  voit  pas 
expirer  leurs  exquis  et  célestes  parfums:  des  chevaux  de 
telle  sorte,  brahme,  sont  attelés  à leurs  chars.  15,455. 

» Libres  d'envie,  de  chagrin,  de  fatigue,  exempts  de 
jalousie  et  de  démence,  les  hommes,  qui  ont  conquis  le 
Swarga,  saint  anachorète,  y vivent  au  sein  de  la  félicité. 

» Par-delà  ces  mondes,  qui  sont  de  telle  sorte,  éminent 
anachorète,  sont  pour  l'humanité  des  mondes  célestes, 
remplis  de  qualités.  15,456 — 15,457. 

» Là,  sont  des  mondes  enchanteurs,  formés  de  lumière, 
récompense  des  brahmes,  où  les  rishis  sont  conduits,  pu- 
rifiés par  leurs  bonnes  actions.  15,458. 

V Là,  sont  les  Dieux  nommés  les  illbhous  et  d'autres 
Dieux  des  Dieux  mêmes  : les  plus  grands  de  ces  mondes  sont 
les  mondes,  auxquels  sacrilient  les  Dieux  ici-bas.  15,459. 

» D'autres  mondes  resplendissants,  qui  tirent  d'eux- 
mêmes  la  lumière,  versent  toutes  les  choses,  que  l'on  dé- 
sire. Là,  n'existe  aucune  peine,  causée  par  les  femmes;  là, 
IV  31 


482  LE  MAHA-BHARATA. 

n’existe  pas  l'envie  de  la  domination  du  monde.  15,460. 

» Us  ne  vivent  pas  d’oblations,  ils  n’ont  pas  même 
l’ambroisie  pour  nourriture  ; leurs  corps  divins  n’ont  pas 
de  forme  où  ils  soient  enchaînés.  15,461. 

» Ces  Dieux  éternels  de.s  Dieux  ne  sont  pas  au  sein  du 
plaisir  comme  des  amis  du  plaisir  ; ils  ne  roulent  pas, 
entraînés  dans  les  révolutions  des  mondes.  15,462. 

» D’où  pourraient  venir  à ces  êtres  la  vieillesse  et  la 
mort?  Ils  n’oat  ni  joie,  ni  plaisir,  ni  volupté  : ils  n’ont  ni 
plaisir  ni  douleur  : d’où  viendraient  à eux,  solitaire, 
l’amour  et  la  haine.  1 5,46S. 

» Lne  voie  supérieure  est  désirée  par  les  Dieux  mêmes, 
Maâudgalja.  La  suprême  perfection  est  difficile  à obtenir; 
elle  est  inabordable  à ceux,  qui  donnent  leurs  sens  à 
l’amour.  16,464. 

» Ces  Dieux  sont  an  nombre  de  trente-trois:  leurs  mondes 
sont  visités  par  des  sages,  aux  vœux  les  plus  vertueux,  aux 
auménes  conformes  à la  règle.  16.465. 

» Tel  est  ce  fruit,  que  produit  l’aumône  etqiii  fut  pieu- 
sement gagné  par  toi  : jouis  de  ce  fruit,  conquis  par  tes 
bonnes  œuvres,  ô toi,  de  qui  la  splendeur  est  illuminée 
par  la  pénitence.  15,466. 

» Voilà  quel  est,  brahme,  le  bonheur  du  Swarga,  et  ses 
mondes  sont  de  plusi?urs  sortes.  Je  l’ai  dit  les  qualités  du 
Swarga  ; écoute-moi  te  dire  quels  en  sont  les  défauts. 

» 1æ  fruit  de  l'œuvre  faite  ici-bas  est  mangé  dans  le 
ciel  : la  rescision  de  la  racine  empêche  de  faire  une  autre 
action  et  de  goûter  au  fruit.  15,467 — 15,468. 

» Le  mal  est  ici,  je  pense,  qu’il  faut  descendre  à la  fin 
de  ce  fruit,  et  que  l’on  descend,  Moudgala,  des  choses 
mentales,  occupées  par  fidée  du  plaisir.  15,469. 

U Le  déplaisir  et  le  souci  de  voir  les  fortunes  plus  écla- 


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' VANA-PARVA. 

tuitps  des  antres  est  un  spectacle  bien  odienx  à ceux,  qui 
sont  placés  dans  une  condition  inférieure.  15,â70. 

a La  connaissance  et  l’ignorance  des  faillis,  l’orgueil  par 
’a  qualité  de  passion,  lacraintedes  guirlandes  fanées  pour 
les  âmes,  qui  vont  tomber,  ces  maux  sont  épouvamables, 
Maâudgalya,  dans  tous  les  palais  de  Brahma.  Cependant 
les  vertus  des  hommes  aux  bonnes  œuvres  sont  par  my- 
riades dans  le  monde  du  ciel.  16,A71 — lô,&72. 

» Voici  pour  les  déchus  du  ciel,  anachorète,  la  qualité 
la  meilleure  entre  les  autres  : c’est  de  renaître  parmi  les 
hommes,  associé  à la  poursuite  du  bien.  Ainsi  celui,  qui 
eut  part  aux  joies  du  ciel,  renaît  vertueux.  S’il  en  garde  ici 
la  connaissance,  il  ne  tombe  pas  dans  une  basse  condition. 

» On  mange  dans  l'autre  monde  le  fruit  de  l’action,  que 
l’on  a f.ite  dans  cette  vie  : la  terre  des  actions  est  ici-bas; 
on  estime,  brahme,  que  la  terre  des  fruits  est  lâ-baut. 

15,478— 16,474-1 5,A75. 

» iTai  répondu  à toutes  les  demandes,  que  ;u  m'as 
adressées,  Moudgala;  allons  I par  amour  pour  toi,  ver- 
tueux anachorète,  ne  tardons  plus  à nous  rendre  au  ciel.  » 
» Dès  qu'il  eut  oui  ce  discours,  Maâudgalya,  le  plus 
vertueux  des  anachorètes,  l’ayant  roulé  dans  sa  pensée, 
congédia  le  messager  des  Dieux  et  lui  dit  : 

15,475— 15,477. 

‘ « Adoration  soit  faite  4 toi,  messager  des  Dieux  I Va  à 

ton  gré,  Adorable  : je  ne  doi^  rien  faire,  k ma  grande 
ftiute,  par  le  Svrarga  ou  ]>ar  le  plaisir.  15,478. 

» A la  fin  de  la  descente  se  trouve  une  grande  douleur, 
une  peine  bien  épouvantable.  Des  hommes,  qui  ont  eu 
part  au  Swarga,  marchent  ici-bas  : je  ne  désire  donc  plus 
le  Swarga.  15,479. 


Lt  MAHA-BHARATA. 


hSà 

U Je  rechercherai  seulement  ce  lieu  étemel,  où  les 
hommes,  une  fois  qu'ils  y sont  allés,  ne  s'allligentplus,  où 
ils  ne  tremblent  plus  et  d'où  ils  ne  reviennent  pas.  » 

Houdgala  finit  par  ces  mots  : 

« Tu  m’as  raconté  ces  grands  maux  du  Swarga  ; mais, 
s’il  en  est  un  sans  mal,  parle-moi  de  ce  monde  I » 

Le  messager  des  Dieux  lui  répondit  : 

« Au-dessus  du  palais  de  Brahma,  est  la  place  supérieure 
de  Vishnou,  que  l'on  appelle,  brahme,  la  lumière  suprême, 
étemelle  et  pure.  lô.ùSO — 15,A81 — 15,iS2. 

U Là,  ne  vont  pas  les  hommes,  de  qui  l'âme  est  livrée 
aux  objets  des  sens,  qui  sont  le  jouet  de  l'hypocrisie,  de 
l'avarice,  de  la  bouillante  colère,  de  la  folie  et  de  la  vio- 
lence. lâ,âS3. 

» Ceux,  qui  vont  là,  sont  des  hommes  sans  désir,  sans 
orgueil,  sans  querelle,  qui  ont  réprimé  les  organes  des 
sens  et  sont  voués  à la  méditation  et  à l'yoga.  » 15,A8i. 

’»  Dès  qu’il  eut  achevé  ces  mots  et  qu'il  eut  donné  congé 
au  messager  des  Dieux,  le  solitaire,  adonné  au  vœu  de 
nourrir  sa  famille  par  le  glanage,  obtint  la  plus  haute  pla- 
cidité. 16,A85, 

a Regardant  comme  égaux  le  blâme  et  l’éloge,  estimant 
au  même  prix  l'herbe,  la  pierre  et  l'or,  il  était  impertur- 
bable dans  sa  méditation  par  l’union  pure  de  la  science. 

U Ayant  acquis  la  puissance  par  son  association  avec  la 
science,  étant  parvenu  à une  intelligence  supérieure,  il 
atteignit  une  perfection  éternelle,  suprême,  qui  portait  les 
caractères  de  la  béatitude  absolue.  lâ,A86— 15,A87. 

» Ne  veuille  donc  [)a.s,  fils  de  Kounil,  t’abandonner  au 
chagrin  : déchu  de  ton  opulent  royaume,  tu  le  recouvreras 
par  ta  pénitence.,  là, ASS. 


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VANA-PARVA. 


A85 


» La  peine,  immédiatement  après  le  plaisir,  le  plaisir, 
immédiatement  après  la  peine,  saisissent  l'homme  succes- 
sivement et  te'  font  tourner  comme  les  rayons  d’une  roue. 

» Une  fois  la  treizième  année  écoulée,  tu  rentrera.s  dans 
le  royaume  de  ton  père  et  de  tes  ayeux,  renonce  donc  à tes 
peines  d’esprit.  » 15,189 — 15,490. 

Quand  il  eut  parlé  de  cette  manière  au  fils  de  Pândou, 
le  révérend  et  sage  Vyâsa  s’en  revint  à son  hermitage  se 
livrer  à la  pénitence.  15,401. 


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LE  RAPT  DE  DRAAÜPADI. 


J^anamédjaya  dit  : 

« Tandis  que  ces  magnanimes  fils  dePândou  habitaient 
dans  ces  bois,  où  ils  se  récréaient  aux  différentes  narrations 
des  anachorètes,  et  qu’ils  nourrissaient,  avec  les  diverses 
viandes  des  gazelles  de  la  forêt,  les  brahmes,  que  le  besoin 
de  nourriture  avaient  conduits  vers  eux  (mais  Krishnâ  avait 
le  soin  de  la  nourriture  immortelle,  donnée  par  le  soleil), 
comment  se  conduisirent  alors,  grand  anachorète,  tous 
ces  Dhritarâsbtrides  à l'àme  perverse,  Uouryodbana  et  les 
autres,  ces  artisans  d’iniquités,  qui  suivaient  le  sentiment 
de  Douççâsana,  de  Kama  et  de  Çakouni. 

» Üis-moi  cela,  révérend  Valçampâyana,  à moi,  qui  te 
le  demande.  » 

Vaiçampàyana  lui  répondit  : 

Quand  il  eut  appris  leur  manière  de  vivre  dans  ce  bois, 
comme  s'ils  habitaient  au  sein  d’une  ville, 

15,492— 15,493— 15,49i— 15,495— 15,496. 


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VANA-PARVA. 


AS7 


Douryodhana  songea  au  prime  àl’égai'dde  ces  hommes, 
puissant  roi,  avec  Douççàsana,  Karna  et  les  autres,  sa- 
vants dans  l’art  des  méchancetés.  15,â97. 

Pendant  que  ces  pervers  roulaient  pour  eux  la  pensée 
du  crime,  le  vertueux,  l’ascète,  l’être  à la  bien  grande  re- 
nommée, Dourvâsas  vint  de  lui-même  les  trouver,  envi- 
ronné d’une  myriade  de  ses  disciples.  Aussitôt  que  Dou-.. 
ryodhana  vit  arriver  devant  lui  ce  solitaire  au  caractère 
le  plus  irascible,  formant  vite  son  âme  à la  modestie  et  à, 
la  répression  des  sens,  le  beau  prince,  accompagné  de  ses 
frères,  l’invita,  suivant  les  règles  de  l’hospitalité. 

Placé  comme  un  serviteur,  il  honora  le  saint  coqfor-, 
mément  aux  lois  de  l’étiquette  ; le  plus  vertueux  des  solir, 
taires  demeura  chez  lui  quelques  jours. 

15,498—15,499—15,500—15,501. 

Leroi  Douryodhana,  roi  puissant,  le  servit,  sans  paresse, 
lejour  etianuit,  dans  la  crainte  de  sa  malédiction.  15,502. 

« J'ai  faim,  roi  des  hommes,  dit  un  jour  l'anachorète; 
prépare-moi  vite  de  la  nourriture.»  Aces  mots,  il  s'en  alla 
se  baigner,  et  ne  revint  que  long-temps  après.  15,503. 

O Je  ne  mangerai  pas  maintenant,  je  n'ai  pas  faim  1, 
disait-il  une  autre  fois  ; et  il  entrait  aussitôt  dans  l’invi- 
sibilité. Une  autre  fois,  il  disait  : « Donne-nous  à manger, 
et  lais  diligence  ! » 15,504. 

Quelquefois,  il  se  levait  au  milieu  de  la  nuit  pour 
adresser  des  reproches;  ou,  quand  on  avait  préparé  de  la 
nourriture,  comme  devant,  il  neniangeait  pas  et  il  blâmait. 

Quand,  au  milieu  d'une  telle  conduite,  il  vit  le  roi 
Douryodhana  ne  pas  moutrer  de  colère,  ni  aucun  chan- 
gement dans  son  esprit,  l’anachorète  fut  satisfait. 

15,505— 15,50(5. 


LE  MAHA-BHARATA. 


m 

L’intraitable  Dourvâsas  lui  dit  : « Je  suis  un  donateur 
des  grâces.  Choisis  une  grâce,  s’il  te  plaît,  dont  le  désir 
soit  dans  ton  cœur.  15,507. 

» Quand  je  suis  content,  il  n’est  rien  de  juste,  que  tu 
ne  puisses  obtenir  ! n Dès  qu’il  eut  ouï  ces  paroles  du  grand 
saint,  de  qui  l’ânie  était  domptée,  Souyodhana  se  crut 
ressusciter  du  tombeau.  L’insensé  commença  par  délibérer 
avec Douççâsana,  Rarnaet  les  autressurce  qu’il  fallait  de- 
mander à l’anachorète  satisfait.  Voici  donc  ce  qu’il  résolut, 
et  le  monarque,  au  comble  de  la  joie,  demanda  cette  grâce: 

« Puisque  ta  sainteté  fut  mon  hôte  avec  ses  disciples, 
écoute!  Le  vertueux  Youddhishthira,  l’ aîné  de  notre  fa- 
mille, le  plus  grand,  le  puissant  roi,  vit  dans  les  bois, 
environné  de  ses  frères  ; deviens  son  hôte,  vertueux  ana- 
chorète, doué  d'un  tel  caractère. 

15,508—15,509—16,510—15,111—15,512. 

» Quand  la  princesse  illustre,  bien  délicate,  née  danâ 
la  première  des  classes,  ayant  donné  la  nourriture  à tous 
les  brahmeset  à ses  cinq  époux,  se  sera  assise  à son  aise, 
et  quand,  fatiguée,  elle  prendra  son  festin,  vas  alors  auprès 
d’elle,  si  tu  veux  m’accorder  cette  faveur.  » 

« Je  le  ferai  par  affection  pour  toi  ! * répondit  à Dou- 
ryodhana  l’ Indra  des  brahmes,  Dourvâsas  lui-mème,  qui 
s’en  alla  comme  il  était  venu.  15,513 — 15,Slâ — 15,515. 

Alors  Souyodhana  de  penser  qu’il  était  parvenu  au 
comble  de  ses  vœux,  et,  dans  la  joie  la  plus  vive,  de  saisir 
avec  sa  main  la  droite  de  Rama.  15,516. 

Celui-ci,  dans  un  élan  de  plaisir,  dit  au  monarque, 
accompagné  de  ses  frères  : « Oh  bonheur  ! Voilà  ton  désir 
accompli  1 Oh  bonheur!  ta  fortune  augmente,  rejeton  de 
Konrou.  15,517, 


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VANA-PARVA. 


A89 


» Oh  bonheur  ! tes  ennemis  sont  plongés  dans  un  océan 
infranchissal)Ie  d’infortune  ! Les  fils  de  Pândou  tombent 
dans  un  feu,  que  va  allumer  la  colère  de  Doun  Asas  ! 

» Ils  vont  tomber,  par  leurs  propres  et  grandes  fautes, 
en  des  ténèbres  difficiles  à traverser  ! » Parlant  ainsi,  ces 
hommes,  savants  dans  l’art  des  méchancetés,  Douryodliaiia 
et  les  autres,  l’ànie  dans  la  joie  et  riant,  s’en  retournent, 
chacun  dans  son  palais.  15,518 — 15,519 — 15,520. 

- Un  jour,  ayant  appris  que  les  fils  de  Pândou  étaient 
paisiblement  assis  après  leur  festin  et  que  Krishnâ  était  au- 
près d’eux  dans  cette  forêt,  l’hermite  Dourvâsas  s’approcha, 
environné  de  ses  disciples,  qu’on  estimait  au  nombre  d’une 
myriade.  Dès  qu’il  vit  arriver  cet  hôte,  le  roi  Youddhish- 
thira,  .Vtchyouta  le  fortuné,  s’avança  avec  ses  frères,  tour- 
nant vers  lui  sa  face,  et,  joignant  ses  mains  au  front,  il 
le  fit  asseoir  convenablement  sur  un  siège  élevé. 

11  honora  le  saint  conformément  à l’étiquette,  et  l’invita 
suivant  les  règles  de  l’hospitalité.  (1)  Quand  il  voulut 
iortir;  « Révérend,  lui  dit  Youddhishthira,  une  fois  que 
tu  auras  vaqué  aux  occupations  du  jour,  reviens  prompte- 
ment. » 15,521— 15,522— 15,523— 15,52â. 

L’anachorète  absolument  tide  de  péchés  alla  se  baigner 
avec  ses  disciples  : « Comment,  pensa  t-il  (2),  Youddhish- 
thira pourra-t-il  suflir  à me  donner  la  nourriture,  à moi 
et  à mes  disciples  ?»  1 5,525. 

La  troupe  des  anachorètes  se  plongea  dans  l’eau  avec 
recueillement.  Dans  cet  intervalle,  sire,  Draânpadl,  la 

(1)  t^vidomment  il  y a ici  ane  lacune,  que  noua  cherchons  à remplir  avec 
GM  quatre  niote. 

(1)  Le  telle  porte  : kaihamUyavitchintayai  ; U faut  : kathamitivyd' 
tchiniayat. 


490 


LE  MAHA-BHARATA. 


meilleure  des  femmes  et  l’épouse  fidèle,  tomba  en  de  pro- 
fondes, réflexions  au  sujet  de  la  nourriture,  et,  comme  elle 
ne  trouvait  pas  dans  ses  pensées  le  moyen  de  fournir  à tant 
d’aliments,  elle  songea  dans  son  cœur  à Krishna,  le  meur- 
trier de  Kansa  : « Krishna  ! Krishna  ! dit-elle  ; fils  aux 
longs  bras,  impérissable  de  Dévakî, 

a Vasoudévide,  protecteur  du  monde,  destructeur-  à 
l’arc  sans  cesse  courbé,  âme  du  monde,  auteur  du  mond^ 
qui  retire  en  toi  le  monde,  seigneur,  être  sans  fin, 

15,626— 15,527-16,028— 15.529. 

».  Protecteur  des  personnes  pieuses,  protecteur  des  trou- 
peaux, protecteur  des  créatures,  être  supérieur  à ce  qui 
existe  déplus  parfait,  instigateur  des  désirs  et  des  pensées,, 
je  m’incline  devant  toi.  15,550. 

» Chef  et  bienfaiteur  éternel,  sois  la  route  de  ceux,  qui 
manquent  de  route,  homme  antique,  souille  de  l’existence, 
objet  des  sens  offert  maintenant  pour  la  conduite  de  l’âme, 
» Inspecteur,  de  tout,  inspecteur  de  ce  qu’il  y a de  plus 
élevé,  j’ai  recours  à ta  protection.  Défends-moi  avec  com- 
passion, Dieu,  l’ami  de  ceux,  qui  se  réfugient  sous  ton 
appui,  15,531-r-15,532. 

» Dieu  aux  yeux  rou^  comme  le  calice  du  lotus,  au 
teint  d'azur  comme  les  pétales  du  nymphœa  bleu,  toi,  re- 
vêtu d’une  robe  jaune,  paré  du  brillant  Kaâustoubha, 

» Toi,  le  commencement  et  la  fin  des  êtres,  toi,  leur 
voie  supérieure,  la  plus  grande  des  plus  grandes  lumières, 
l’âme  de  tout,  le  principe  de  toutes  choses. 

15,533—15,534. 

» On  dit  que  tu  es  la  racine  suprême,  le  trésor  de  toutes 
les  prospérités.  Avec  toi  pour  protecteur,  souverain  des 
Dieux,  on  ne  craint  pas  les  malheurs,  quels  qu'ils  soient. 


/ VANA-R\RVA. 


AOl 


U Daigne  me  tirer  ici  de  ce  défilé,  comme  je  fns  jadis 
arrachée  aux  muns  de  Douççâsana  dans  l’assemblée,  d 

Ainsi  loué  par  Krishnà,  le  Dieu,  ami  des  personnes  dé- 
votes, aussitét  qu’il  connut  l’embarras  de  Draàupadt,  le 
Seigneur,  le  Dieu  des  Dieux,  Kéçava,  le  souverain  du 
moude,  abandonna  Roukmint,  placée  A ses  cétés  dans  sa 
couche,  et  ce  dominateur,  de  qui  la  route  surpassait  l’ima- 
gination, se  rendit  à la  hâte  aux  lieux,  où  elle  était. 

15,535—15,536—15,537—15,538. 

Dés  que  DraAupadi  le  vit,  elle  s’inclina  au  comble  de, 
la  joie,  et  fît  connaître  auVasoudévide  l’arrivée  de  l’ana- 
chorète et  de  ses  disciples.  15,530. 

Krishna  lui  dit:  • J’ai  faim  I je  meure  de  besoin.  Donne- 
moi  à manger,  Krishnà,  et  je  ferai  ensuite  tout  ce  que  lu 
détire*.  15,5i0. 

A peine  eut-elle  entendu  ce  discours,  Krishnà  répondit 
avec  confusion  : « Les  aliments,  qui  res  aient  dans  la  mar- 
mite du  soleil,  furent  mis  à ma  disposition  ptour  manour- 
riture.  15,5A1. 

i>  Je  les  ai  mangée.  Dieu  ; il  ne  me  reste  donc  plus  rien.» 
Bbagavat  aux  yeux  delotusdlt  alursà  cette  dame  : 15,542. 

« Krishnà,  ce  n’est  pas  le  temps  de  s'amuser,  quand  je 
suis  malade  du  tourment  de  la  faim.  Va  promptement, 
fais  apporter  cette  marmite,  et  montre-la-moi.  » 15,543. 

11  dit,  et  le  continuateur  de  la  race  d’Yadou,  Kéçava, 
ayant  fait  avec  instance  apporter  ce  vase,  vit  une  nourriture 
de  légunte  attachée  au  cou  de  la  marmite.  15,544. 

Quand  il  feut  mangée,  Agni  dit  à Draâupadl  : « Que 
Hari-lçwara,  l’ànie  du  monde,  se  réjouisse  de  cela  et  qu'il 
en  swt' satisfait  ! 4 15,545.  , 

Krishna  aux  longs  bras,  le  destructeur  des  soucis,  dit  à 


A92 


LE  MAHA-BHARATA. 


BMmaséna:  « Invitetousiesbrahraes,  et  sers-lenr  promp- 
tement cette  nourriture.  » 15,546. 

Bhlmaséna  à la  haute  renommée  courut  en  dilii^nce 
inviter,  ô le  plus  vertueux  des  princes,  tous  les  brahmes 
au  festin.  15,547. 

Ils  étaient  allés,  Dourvâsas  à leur  tête,  se  baigner  dans 
le  fleuve  des  Dieux.  Descendus  dans  l’eau,  ils  y firent  l’a- 
blution de  leurs  péchés.  15,548. 

Remontés  de  cette  rive,  ils  virent  les  uns  et  les  autres, 
comblés  de  la  plus  vive  joie,  ces  ingrédients  pour  vomir, 
ces  mets  et  ces  breuvages.  15,540. 

A cette  vue,  tous  les  anachorètes  dirent  à Dourvâsas  : 
a Nous  sommes  allés  nous  baigner,  sur  f invitation  da  roi, 
qui  a fait  préparer  ce  festin,  15,550. 

n Le  mangerons-nous  jusqu’à  saüété?  ou  laisserons- 
nous  ces  aliments  préparés  en  vain?  Que  devons-nous 
faire  ici  ? » 15,551. 

Dourvâsas  leur  répondit  : 

<1  Une  grande  offense  fut  commise  à l’égard  de  ce  saint 
roi,  qui  a fait  préparer  ces  aliments.  Craignons  qu’il  ne 
nous  consume,  en  fixant  sur  nous  un  œil  irrité.  15,552. 

a Je  n’ai  pas  oublié  la  dignité  de  ce  roi  saint,  fils  sage 
d’Ambarisha,  brahmes,  et  je  crains  extrêmement  cet 
homme,  qui  a pour  asile  les  pieds  de  Hari.  15,553. 

» Les  Pàndouides  sont  magnanimes,  ils  sont  tous  adonnés 
an  devoir  ; ce  sont  des  héros,  qui  ont  acquis  les  sciences, 
fermes  dans  leurs  vœux  et  placés  dans  la  pénitence. 

» Dévoués  au  Vasoudévide,  ils  se  compladsent  toujours 
dans  les  bonnes  mœurs  ; ils  pourraient  nous  consumer  dans 
leur  colère,  comme  un  tas  de  cotonniers.  15,554—15,555. 

U Fuyez  donc  promptement  d’ici,  mes  disciples,  sans 


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VANA-PARVA. 


A93 


même  les  interroger.  >>  A ces  mots  de  l’anachorète,  leur 
gourou,  tous  les  brahraes  s'enfuirent  aux  dix  points  de 
l’espace,  sous  la  crainte  des  fils  de  Pàndou.  Bhtiiiaséna, 
ne  voyant  pas  les  plus  vertueux  des  anachorètes  dans  le 
fleuve  des  Dieux,  s’en  alla,  les  cherchant  çà  et  là  dans 
les  tlrthas  de  cette  rivière.  11  apprit  des  ascùies,  hôtes 
de  ces  rives,  qu’il  s’en  étaient  enfuis. 

Revenu  vers  Youddhishthira,  il  rapporta  l’histoire  à 
son  frère.  Tous  les  fds  de  Pàndou,  désirant  le  retour  des 
brabmes,  se  maintinrent,  l’ânie  domptée,  quelque  temps 
dans  l’attente  : o Arrivant  soudain  au  milieu  de  la  nuit,  il 
peut  venir  nous  surprendre  ! 

15,666—16,557—15,658—15,669—15,560. 

I)  Comment  échapperons-nous  au  malheur  de  l’arrivée 
subite  de  cet  être  divin  7 » Les  ayant  vus  plongés  dans  ces 
pensées  et  poussant  mainte  et  mainte  fois  des  soupirs,  le 
bienheureux  Krishna  vint  s’oflirir  devant  eux  et  leur  tint 
ce  langage  ; « J'ai  connu  le  malheur  de  vos  ahesses,  causé 
par  l’arrivée  de  cet  anachorète,  extrêmement  irascible,  et 
je  suis  accouru  à la  hâte,  fils  de  Prithà,  appielé  par  une 
pensée  de  Draâupadi  : vous  n’avez  rien  à craindre  du  rishi 
Dourvâsas,  si  peu  même  que  ce  soit  ! 

n 11  fuit  avant  son  retour  sous  la  crainte  de  vos  altesses 
éclatantes  de  splendeur.  Quels  que  soient  les  hommes  im- 
perturbables dans  le  devoir,  ils  ne  succombent  jamais. 

15,561—15,562—15,663—15,564. 

» Je  vous  dis  adieu  : je  m’en  vais.  La  félicité  descende 
à toujours  sur  vous  ! «Quand  ils  eurent  entendu  ce  langage 
de  Kéçava,  leur  âme  rentra  dans  sa  paix  accoutumée. 

Accompagnés  de  Draâupadi,  les  fils  de  Prithà  lui  répon- 
dirent : « Nous  étions  plongés  dans  une  grande  mer,  au- 
guste Govinda,  mais  grâce  à toi,  notre  protecteur,  nous 


LE  MAH.\-BH\iUTA. 


a£»4 

avons  traversé,  comme  sur  un  navire,  cette  infranchissable 
infortune.  Fais  ta  route  avec  bonheur.  Sur  toi  descende  la 
félicité!  » Congédié  par  ces  mots,  il  revint  à sa  ville. 

15,565—15,566—15,567. 

Les  fils  de  Pândou  avec  Draàupadl,  \Trtueux  seigneur, 
habitèrent,  l’ànie  joyeuse,  en  ces  lieu.t  et  passèrent  le 
temps  de  forêt  en  forêt.  15,568. 

Ici,  je  finis  de  te  raconter  les  choses,  sur  lesquelles  je 
fus  interrogé  par  toi,  sire:  c’est  ainsi  qu’échouèrent  les 
diverses  méchancetés,  mises  en  œuvre  par  les  criminels 
Dhritarishtrides  contre  les  fils  de  Pândou,  au  sein  des 
bois.  15,660 — 15,570. 

Valçainpâyana  dit  encore  : 

Tandis  que  ces  héros,  les  plus  vaillants  d’entre  les  Bha- 
ratides,  parcouraient  cette  forêt  Kâniy.-.ka,  riche  en  ga- 
zelles, ils  y coulèrent  le  temps,  heureux  comme  des 
Immortels.  15,571. 

Ils  contemplaient  des  sites  bocagers  de  toutes  sortes  et 
des  parties  éclatantes  de  bois  très-(leuries,  délicieuses, 
suivant  le  temps  et  la  saison.  15,572, 

Ces  Pândouides,  adonnés  à la  cha.ssc,  errants  dans  cette 
grande  forêt,  et  semblables  à Indra,  y vécurent  un  certain 
temps,  dompteur  des  ennemis.  15,673. 

Ces  tigres  des  hommes,  fléaux  des  ennemis,  sortirent 
un  jour  tous  â la  fois  et  s’en  allèrent  chasser,  pour  les 
brahmes,  dans  les  quatre  régions  de  l'espace.  16,574. 

Ils  avaient  laissé  Draàupadl  dans  l’hermilage  avec  l’as- 
sentiment de  Trinavindou , le  niaharshi  à la  pénitence 
enflammée,  et  de  Dhaâumya  l’archibrahme.  15,575. 

En  ce  temps,  le  désir  de  trouver  une  épouse  conduisait 
chez  les  Çàlvéyas  le  roi  des  Sindhiens,  le  Vriddhakshatride 
à la  hante  renommée.  15,576. 


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VANA-P/VRVA. 


i05 


Il  s’avançait,  environné  d’une  grande  suite,  convenable 
à un  roi,  accompagné  de  plusieurs  monarques,  vers  le  bois 
KAinyaka.  15,577. 

U vil  là  dans  cette  forêt  solitaire  l’épouse  bien-aimée 
des  Pàndou’des,  l’illustre  Drâaupadt,  qui  se  tenait  à la 
porte  de  l’hermiiage.  15,578. 

Brillaute  de  beauté,  portant  une  forme  supérieure,  elle 
illuminait  cette  région  de  bois,  comme  l’éclair  illumine  un 
sombre  nuage.  15,579. 

A salue , tous  joignant  leurs  mains  au  front  : « C’est 
une  Apsaral...  C’est  une  jeune  fdle  des  Dieux!...  C’est  une 
Mâyâ,  créée  par  les  Immortels  ! » dirent-ils,  en  contem- 
plant cette  jeune  femme  sans  défaut.  15,580. 

Alors,  le  roi  des  Sindhiens,  I^ayatraiha,  le  Vriddhak- 
shatride,  à l’àme  dépravée,  admire  en  souriant  cette  per- 
sonne aux  membres  irréprochables.  15,581. 

Fasciné  par  l’amour,  il  dit  au  roi  Rautikâsya  ; a A qui 
est  cette  dame  au  corps  sans  défaut,  si  toutefois  elle  (1)  est 
une  fille  de  Manou.  15,582. 

« Si  j’obtiens  cette  femme  d’une  beauté  supérieure,  je 
n’ai  plus  aucune  raison  pour  aller  me  marier  : je  vais  l’en- 
lever et  m’en  retourner  avec  elle  à mon  palais.  15,583. 

» Va,  mon  ami  ! cherche  à la  connaître.  .A  qui  est- elle? 
Quel  est  son  pays?  Pourquoi  cette  femme  aux  sourcils 
channants  est-elle  venue  dans  cette  forêt  épineuse? 

i>  Plaise  aux  Dieux  que  cette  femme  aux  grands  angles 
extérienrs  des  yeux,  au  joli  regard,  aux  belles  dents,  à la 
taille  svelte  et  gracieuse , veuille  maintenant  venir  avec 
moi!  15,581 — 15,585. 

(1)  Le  coDteile  de  la  phraae  exige  le  retraocbement  de  la  négatloo,  que 
porte  ici  1a  lettre. 


LE  MAHA-BHARATA. 


A96 

» Si  j’obtenais  cette  femme  , la  plus  belle  des  femmes, 
je  verrais  mon  amour  accompli  ! Va!  sache,  Kautika,  qui 
est  son  époux.  » 1.5,586. 

A ces  mots,  Kautikàsya  aux  riches  pendeloques,  étant 
sauté  à bas  de  son  char,  s’approche  et  interroge  Drâau- 
padi  comme  un  chacal  interrogerait  la  femelle  d’un  tigre  : 

Cl  Qui  es-tu,  resplendissante  dame,  toi,  qui,  faisant  plier 
cette  branche  de  kadamba,  demeures  esseulée  dans  cet 
hermilage?  Dame  aux  sourcils chai’mants,  tu  bril'es  d'une 
manière  éclatante,  telle  que,  durant  la  nuit,  la  flamme  du 
feu,  agitée  par  le  vent.  15,587 — 15,588. 

Il  Douée  d’une  beauté  si  grande,  est-ce  que  tu  ne  crains 
pas  dans  ces  buis  ? Es-tu  une  Déesse  ? Ou  bien  une  Yakshi? 
Es-tu  une  Dânavl,  ou  une  ravissante  Apsarà,  ou  une  belle 
dame  des  Daily  as  7 15,589. 

» Es-tu  la  charmante  tille  du  roi  des  serpents?  ou  une 
nymphe  des  forêts?  ou  la  femme  d’un  Géuie  des  nuits? 
Dis-moi  si  tu  es  l’épou.se  du  roi  V'arnuna,  d’ Varna,  de 
Soma,  ou  du  souverain,  qui  préside  aux  richesses  ? 

1)  Es-tu  venue  ici  du  palais  de  Dhâtri,  de  Vidhàlri,  du 
soleil,  de  Vishnou  même  ou  de  Çakra?  Tu  ne  nous  de- 
mandes pas  qui  nous  sommes  et  nous  ne  voyons  ici  per- 
sonne, qui  te  protège.  15,590 — 15,591. 

» Nous  te  demandons  avec  respect , noble  dame , la 
naissance  et  ton  époux.  Dis-noux  dans  la  vérité  quels  sont 
tes  parents,  ton  mari,  ta  famille,  et  ce  que  tu  fais  ici. 

» Moi,  je  suis  le  prince,  fds  du  roi  Souralha,  que  les 
hommes  appellent  Kautikàsya.  Celui,  que  tu  vois  sur  son 
char  aux  ais  d'or  et  brillant  comme  le  feu,  auquel  on  sacrifie 
sur  l’autel,  c’est  le  fils  aux  grands  yeux  de  lotus  du  roi, 
qui  tient  le  sceptre  de  Trigartta  ; on  nomme  ce  héros 


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VANA-PARVA. 


497 


Kshémankara.  Le  plus  près  de  ceiut-ci  est  Mahadhanoush- 
mat,  fils  aîné  du  monarque  de  Koulinda. 

15,592—15,593—15,594. 

» Il  te  contemple  de  ses  grands  et  larges  yeux  : chargé 
de  fleurs,  il  fait  continuellement  son  habitation  sur  les 
montagnes.  Celui,  qui  se  tient  près  du  lac,  admirable  jeune 
homme  au  teint  d’azur,  c’est  le  destructeur  des  ennemis, 
le  fils  aux  beaux  membres  du  puissant  roi  Ikshwâkou. 
Derrière  lui  s’avancent  à l’ombre  des  étendards  douze 
princes  des  Saâuvîras  : tous,  montés  sur  des  chars  attelés 
de  chevaux  rougeâtres,  ils  brillent  comme  les  feux  allumés 
dans  les  sacrifices.  Voici  leurs  noms  : Angàraka,  Koun- 
djara,  Gouptaka,  Çatroundjaya,  Srindjaya  et  Soupravrid- 
dha,  Bhayankara,  Bhramara,  Ravis,  Çoûra,  Pratàpa  et 
Kouhana.  Cet  autre,  que  suivent  six  mille  maîtres  de  chars, 
des  éléphants,  des  chevaux  et  des  fantassins,  c’est  Djayat- 
ratha,  si  ce  nom,  verlueuse  dame,  est  parvenu  jusqu’à 
toi  ; c’est  le  roi  des  Saâuvîras.  Après  lui  suivent  ce  mo- 
narque ses  frères  au  brillant  courage,  Valâhaka,  Anîkavi- 
dârana  et  les  autres,  jeunes  hommes,  pleins  de  force, 
héros  les  plus  distingués  des  Saâuvîras.  Le  roi  s’avance, 
défendu  par  ces  compagnons  comme  Indra  environné  de  la 
troupe  des  Vents.  (De  la  stance  15,595  à la  stance 
15,601.) 

» Dis-nous,  dame  à la  belle  clievelure,  à nous,  qui  l’i- 
gnorons, de  qui  tues  l’épouse,  de  qui  tu  es  la  fille?  » 
Interrogée  ainsi  par  le  chef  des  Çivis,  Draâupadî,  la 
fille  du  roi , le  considère  lentement  ; elle  abandonne  la 
branche  du  kadamba,  rassemble  sa  robe  de  soie , et  lui 
tient  ce  langage  : 15,601 — 15,602. 

a Mon  intelligence  me  dit,  fils  de  l’indra  des  hommes, 
IV  32 


A98 


LE  MAHA-BHARATA. 


qu’une  femme  telle  que  je  suis,  ne  doit  pas  causer  avec  toi-. 
Mais  il  n’y  a ici  personne,  qui  puisse  te  parler  ; il  n’y  a pas 
un  homme,  ni  même  une  femme  pour  te  porter  ma  parole. 

» Seule  ici  maintenant,  il  faut  que  je  te  donne  une  ré- 
ponse, homme  illustre  ; écoute-moi  donc  ! Comment  seule 
dans  ce  bois,  parlerai-je  à toi  seul,  sans  manquer  à mon 
devoir?  lô,C03 — lâ,(iOâ. 

I)  Je  sais  que  tu  es  le  fils  de  Souratha  et  que  les  hommes 
t’appellent  Kautikàsya;  je  te  dirai  donc,  enfant  des  Çi- 
vicns,  quels  sont  mes  parents  et  quelle  est  mon  illustre 
famille.  15,fi05. 

» Je  suis  la  fille  du  roi  Droupada,  et  les  hommes  m’ap- 
pellent Krishna  ; j’ai  choisi  pour  mes  époux  cinq  guerrière, 
qui  sont  venus  dans  le  Khândavaprastha  : écoute  leurs 
noms!  15.006. 

I)  Youddhishthira,  Bhîuuxséna,  Arjouna  et  les  deux  fils 
de  Mâdrî,  l’un  et  l’autre  héros  parmi  les  hommes.  Ils 
m’ont  laissée  ici  et,  s’étant  partagé  les  quatre  plages  de 
l’espace,  les  fils  de  Priihà  sont  allés  à la  chasse. 

» Le  roi  occupe  l’orient,  Bhimaséna  le  midi,  Arjouna 
l’occident  et  les  jumeaux  le  septentrion.  Je  pense  que  nous 
sommes  .nrrivés  prè.s  du  moment,  qui  doit  ramener  ici  ces 
hommes  éminents  dans  la  conduite  des  chars. 

» Bien  traité  par  eux,  tu  f en  iras,  où  t’appellent  tes 
désirs  : meta  pied  à terre  et  délie  tes  chevaux  I Le  magna- 
nime fils  d'Yama  aime  les  hùles,  il  sera  content  do  vous 
avoir  vus.  » 15,007 — 15,008 — 1.5,000. 

Quand  cette  fille  du  roi  Droupada  au  visage  pareil  à la 
lune  eut  parlé  ainsi  au  rejeton  de  Çivi,  elle  entra  joyeuse 
dans  la  c.ase  illustre  de  feuillage,  songeant  à remplir  les 
devoirs  de  l’hospitalité  envers  eux.  15,010. 


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TANA-PARVA. 


km 


An  milieu  de  tons  ces  rois  arrêtés  ainsi,  Bharatide,  le 
prince  messager  rendit  compte  de  son  entretien  avec 
Krishna.  15,(111. 

A peine  eut-il  entendu  ce  langage  de  Kaâutlkâsya , le 
Saâuvirien  dit  au  rejeton  de  Ç.ivi  : « Comme  ces  paroles, 
sorties  de  sa  bouche,  me  réjouissent  le  cceur!  15,(512. 

» Comment  ton  altesse  a-t-elle  pu  s’éloigner  de  ces 
femmes  d’une  beauté  supérieure  ? Pour  moi,  depuis  que 
j’ai  vu  cette  dame,  les  autres  femmes  ne  me  semblent  plus 
que  comme  les  femelles  des  singes!  Héros  aux  longs  bras, 
je  te  dis  une  vérité  : par  sa  vue,  elle  a ravi  mon  cœur  au 
plus  haut  degré  I 15,(513 — 15,611. 

» Dis-moi , rejeton  de  Çivi , si  cet  être  fortuné  est  une 
fille  de  Manou.  » — « C’est  Krishnâ-Draâupadi,  l'illustre 
fdle  de  roi,  lui  répondit  Kaàutikâsya.  15,615. 

1)  C’est  la  royale  épouse  des  cinq  fils  de  Pàiidou.  Cette 
femme  vertueuse  est  en  grande  estime;  c’est  une  épouse 
également  vénérée  de  tons  les  Pàndouides.  15,(516. 

» Va  la  trouver,  Saàuvira  ; et  reviens,  tournant  la  face 
A tes  guerriers  ! » 11  répondit  : « Je  veux  aller  voir  Draân- 
padi!  » 15,617. 

Et  Djayatratha  à l’âme  méchante , le  roi  des  Saàuviras 
et  des  Sindhiens,  entra,  lui  septième  de  sa  personne,  dans 
le  saint  hennitage,  comme  un  chakal  dans  la  caverne  des 
lions.  Là,  il  tint  ce  langage  à Draâupadi  : « Salut  à toi, 
dame  à la  taille  charmante,  et  bonne  santé  à tes  époux  ! 

15,618—15,619. 

a Tous  ceux,  de  qui  tu  désires  la  santé,  se  portent-ils 
bien?  a — « Bonne  santé  à toi-même,  lui  répondit-elle, 
à ton  royaume,  à ton  gouvernement,  à ton  trésor,  à ton 
armée!  15,620. 


590 


LE  MAHA-BHARATA. 


U Est-ce  que  seul  tu  donnes  tes  justes  lois  aux  riches 
Çtviens.  aux  Saâuvtras,  aux  Sindhiens  et  à tous  les  autres 
peuples,  qui  sont  connus  de  toi?  15,021. 

n Le  fils  de  Kountl,  le  rejeton  de  Rourou,  le  roi  Youd- 
dhisbthira  se  porte  bien  ; il  en  est  ainsi  de  moi , de  ses 
frères  et  des  autres,  dont  la  santé  est  le  sujet  de  tes  ques- 
tions. 15,622. 

n Accepte  un  siège,  fils  de  roi,  et  de  l'eau  pour  te  laver 
les  pieds.  Je  vais  te  servir  cinq  fois  cent  gazelles  à ton 
déjeûner.  15,623. 

U Des  daims  porcins,  qui  appartiennent  à la  famille  des 
gazelles,  des  nyankous  (1),  des  cerfs,  de  jeunes  éléphants, 
des  lièvres,  des  ours,  des  axis  tachetés,  des  çambaras  (2), 
des  gayals  et  de  nombreuses  antllo|)es,  15,62i. 

» Des  sangliers , des  buffles  et  d’autres  animaux 
de  la  famille  des  quadrupèdes  seront  les  présents,  que 
tu  recevras  d'Youddhishthira  lui-mème , le  fils  de 
Kountl.  » 15,625  (3). 

O Merci  pour  ton  déjeûner  ! reprit  Djayatratha  : j’ai  tout 
ce  que  tu  veux  me  donner.  Viens  I Monte  dans  mon  char  : 
obtiens  le  bonheur  tout  entier!  15,631. 

»'  Veuille  bien  retirer  ton  amour  aux  fils  de  Pritbi,  ces 
malheureux,  qui  habitent  les  bois,  qui  ont  perdu  l’esprit, 
qui  sont  tombés  du  trône,  et  de  qui  la  fébdté  est  éva- 
nouie. 15,632. 

U La  femme  sage  ne  se  choisira  pas  un  époux,  de  qui  la 
fortune  s’est  envolée  ; elle  s'unira  k un  mari  convenable, 
et  n’habitera  point  dans  la  ruine  de  ses  prospérités. 

(1-2)  Daims  ou  Wlea  de  Teapi^ce, 

(3)  Cette  staace  eat  aumérolée  16,630.  Nous  sautoos  comme  le  texte  cinq 
chiffres  pour  l'accompagner. 


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VANA-PARVA. 


501 


» Les  fils  de  Pândou  sont  déchus  de  la  fortune,  ils  ont 
perdu  le  trône  pourdes  années  éternelles  : assez  long-temps 
tu  as  souffert  l’infortiine  par  ton  dévouement  pour  eux. 

» Abandonne -les!  deviens  mon  épouse,  femme  char- 
mante, et  jouis  du  bonheur  I Règne  avec  moi  sur  les  Sin- 
dhiens  et  les  Saâuvîras  entièrement  ! » 

15,633—16,634—15,036. 

A ce  langage  du  roi  des  Sindbiens,  fait  pour  ébranler 
son  cœur,  Krishna  indignée  s’éloigna  de  ce  lieu,  fronçant 
les  sourcils  sur  son  visage  ; 1 5,636. 

Et,  pleine  de  mépris,  rejetant  son  discours  : « Qu’il  n’en 
soit  point  ainsi!  dit  au  Sindhien  Krishnâ  à la  taille  gra- 
cieuse ; rougis  de  honte  ! » 15,637. 

(iette  femme  sans  reproche,  qui  appelait  ses  époux  de 
ses  désirs , enchanta  le  survenant  beaucoup  plus  en  joi- 
gnant la  répliqué  aux  paroles  de  l' audacieux.  15,638. 

Les  lèvres  tremblantes,  ses  orgueilleux  sourcils  abaissés, 
ses  yeux  beaux,  mais  rouges  par  l’indignation  et  frappés 
de  la  passion  de  la  colère,  cette  fille  de  Droupada  tint  ce 
langage  à cet  homme,  qui  défendait  le  royaume  des  Saàu- 
vîras  : 15,639. 

« Insensé,  comment  ne  rougis-tu  pas  de  jeter  tes  inju- 
res à ces  héros  illustres,  aux  poisons  mortels,  semblables 
au  grand  Indra,  qui  se  complaisent  dans  leurs  devoirs, 
fussent-ils  placés  même  au  milieu  des  multitudes  d’Yakshas 
et  de  Rakshasas?  15,640. 

» Les  hommes  pareils  au  chien,  Sou^ira,  ne  savent  rien 
dire  de  louable,  soit  qu’ils  parlent  à un  pécheur,  en-ant 
dans  les  bois,  soit  qu’ils  s’adressent  à un  maître  de  mai- 
son, ascète,  qui  a complété  sa  science.  15,641. 

» Dans  une  telle  assemblée  de  kshatryas  répandus  au- 


502 


LE  MAHA-BHARVfA. 


tour  de  toi,  il  n’en  est  pas  un,  je  pense,  qui  puisse  aujour- 
d’hui le  saisir  de  sa  main  et  te  ramener  en  arrière,  quand 
tu  seras  précipité  dans  la  gueule  du  PàtAla.  1 5,6A2, 

» Toi,  qui  espères  vaincre  Vouddhishthira,  qui  marche 
tel  qu’un  éléphant  en  rut,  semblable  au  sommet  d'une 
montagne,  c’est  comme  si  tu  voulais  avec  un  bâton  écarter 
des  troupeaux,  que  la  soif  conduit  au  Gange.  15,653. 

» Quand,  l’ayant  touché  du  pied,  tu  fuiras,  à la  vue  de 
Bhimaséna  irrité , tu  reconnaîtras  que  tu  voulais,  par  un 
jeu  d'enfant,  arracher  les  cils  dans  le  sommeil  à la  face 
d’un  lion  d'une  vigueur  épouvantable.  15,655. 

» Si  tu  oses  toucher  avec  la  pointe  du  p ed  un  vieux  lion 
à la  force  puissante,  plus  terrible  encore,  endormi  dans 
les  cavernes  de  la  montagne,  alors  tu  peux  combattre  le 
formidable  Arjouna  dans  sa  colère  ! 15,655. 

» lusensé,  tu  foules  du  pied  â l’endroit  de  la  queue  deux 
serpents  noirs,  à la  gueule  vénimeuse,  à la  double  langue, 
toi,  qui  veux  combattre  avec  les  deux  plus  jeunes  fils  de 
Pàndou,  les  plus  grands  des  hommes.  15,656. 

Il  De  mêu>e  que  le  bambou , le  bananier  et  le  roseau 
portent  des  fruits  pour  la  mort,  et  ne  reviennent  plus  à la 
sève  de  la  vie,  de  même  tu  m’enlèveras,  malgré  la  dé- 
fense de  ces  héros  ; mai»  tu  m'abandonneras  mort,  comme 
le  crabe  meurt  en  donnant  la  vie  à ses  enfants.  » 15,657. 

« Je  le  sais,  Krihsnâ,  lui  répondit  Djayatratha;  c’est  une 
chose  connue  de  moi  : ces  fds  des  Dieux  et  des  hommes 
sont  de  telle  sorte  que  tu  l'as  dit.  Mais  il  est  impossible 
que  tu  puisses  nous  arrêter  ainsi  [lar  cette  crainte. 

» Nous  aussi , Krisbnâ , nous  somujes  nés  en  dix-sept 
familles  élevées  : ornés  des  six  vertus  royales,  nous  pen- 
sons, Draàupadl,  que  les  fils  de  Pàndou,  en  sont  déchus. 


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VANA-PARVA, 


60» 


» Monte  promptement,  ou  sur  mon  éléphant,  ou  sur 
mon  char  ; il  est  impossible  que  je  sois  arrêté  par  un  seul 
mot  ; ou  tiens  un  langage  de  malheureuse , et  tu  retrou- 
veras la  faveur  du  roi  des  Saàuviras.  » 

1 5,t)i8 — 15,040 — 15,050. 

(I  Je  suis  forte,  reprit  Draùupadî  ; est-ce  que  le  roi  des 
Saàuviras  m’estime  ici  une  femme  faible?  Dame  renom- 
mée, cet  acte  de  violence  ne  me  fera  point  adresser  une 
parole  d’infortune  au  roi  des  Saàuviras.  15,051. 

» Cette  femme,  de  qui  les  deu.x  Krishnas,  montés  sur 
un  même  char,  suivront  de  compagnie  la  roule,  Indra  lui- 
même  ne  pourrait  jamais  la  ravir  : combien  moins  un 
autre  homme,  qui  n’aurait  que  la  force  d’un  mortel  ! 

« Kiriti,  le  destruaeur  des  héros  ennemis,  qui  enlève 
la  vie  à ses  adversaires,  Kiriti,  monté  sur  son  char,  en- 
trant à cause  de  moi  dans  ton  armée,  la  dévorera,  comme 
le  feu  aux  temps  chauds  consume  une  forêt  de  bois  secs. 

» Djanàrdana  avec  les  héros  Andhakas  et  Vrishnides,  et 
tous  les  Kaikéyas  aux  grands  arcs,  tous  ces  princes  aux 
formes  pleines  d'ardeur  s’attacheront  à suivre  ma  route. 

15,052 — 15,053 — 15,054. 

» Les  flèches  épouvantables,  à la  fougue  impétueuse, 
lancées  par  l’arc  Gàndlva  et  décochées  par  la  corde  de  cet 
arc,  retentissent  d’un  bruit  plus  effrayant,  quand  elles 
ont  touché  la  main  de  Ohanandjaya.  15,055. 

B Quand  tu  verras  Gàndiva  envoyer  ces  nuées  de  grandes 
flèches  au  vol  rapide  comme  des  midtitudes  d’oiseaux,  et 
Arjouna  déployer  sa  bravoure  naturelle,  c’est  alors  que  tu 
condamneras  ta  mauvaise  pensée.  15,050. 

B Quand,  au  bruit  de  sa  conque,  au  retentissement  de 
son  gantelet,  l’archer  de  Gàndiva,  envoyant  ses  flèches 


LE  MAHA-BHARATA. 


fiOâ 

coup  sur  coup,  lancera  ses  traits  dans  ton  cœur,  où  s’en- 
fuira alors  ton  audace.  15,657. 

» Une  fois  que  tu  auras  vu  Bhlmaséna  accourir,  sa 
massue  à la  main,  et  les  deux  fils  de  Màdrl  voler  à 
travers  les  points  de  l’espace,  vomissant  le  venin,  qui  naît 
de  la  colère,  tu  tomberas,  vil  monarque,  en  de  longues 
douleurs.  15,658. 

» Je  n’offenserai  jamais  d’aucune  manière,  fût-ce  seu- 
lement de  pensée,  des  époux  d’une  telle  valeur  : aussi  te 
verrai-je  maintenant  tan$  pitié,  réduit  sous  leur  puis- 
sance, et  les  Prithides  traîner  ton  corps,  sur  le  champ  de 
bataille.  15,659. 

» Ce  rapt,  commis  par  toi,  homme  cruel,  ne  doit  pas 
me  causer  de  la  douleur,  je  serai  de  nouveau  réunie  aux 
héros  nés  de  Kourou  et  j’irai  avec  eux  dans  la  forêt  Kà- 
myaka.  » 15,660. 

Elle  regarde  de  ses  grands  yeux  ces  guerriers,  qui  cher- 
chaient à la  prendre  ; elle  dit  en  les  menaçant  : « Ne  me 
touchez,  ne  me  touchez  pas  ! » et,  dans  son  effroi,  elle 
appelle  de  ses  cris  DhaAuniya,  rarchi-brahnie.  15,661. 

Djayatratha  voulut  la  saisir  par  le  bord  de  son  vêtement 
supérieur,  mais  elle  de  le  repousser.  A ce  mouvement 
d’elle,  le  scélérat  tomba,  comme  un  arbre  coupé  par  les 
racines.  15,662. 

Mais,  appréhendée  avec  une  grande  vitesse,  la  fille  de 
roi,  poussant  mainte  et  mainte  fois  des  soupirs,  Krishnft, 
s’étant  jetée  aux  pieds  de  Dhaâumya,  fut  entraînée  et 
monta,  malgré  elle,  sur  le  char.  15,663. 

« Tu  ne  peux  l’enlever,  cria  à son  ravisseur  Dhaâumya, 
sans  que  tu  n’aies  vaincu  les  héros  tes  époux.  Observe, 
Djayatratha,  le  devoir  antique  du  kshatrya  I 15,661. 


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VANA-PARVA. 


SOS 


» Tu  fais  une  action  basse  et  tu  recevras  le  fruit  de  ta 
mauvaise  œuvre,  il  n’y  a pas  de  doute,  si  tu  rencontres  les 
héros,  fils  de  Pândou,  s’avançant  à la  suite  de  Dharma- 
râdja  ! » 15, 605. 

C«la  dit,  marchant  au  milieu  de  la  troupe  des  fantassins, 
Dha&umya  de  suivre  l’illustre  fille  de  roi,  qu’on  enlevait. 

Ensuite,  lorsque  les  fils  de  Pritbâ,  les  plus  habiles  des 
hommes,  qui  manient  l’arc,  eurent  parcouru  chacun  de 
son  côté  la  terre,  et  qu'errant  dans  ces  quartiers  ils  eurent- 
abattu  des  gazelles,  des  sangliers  et  des  buffles,  ils  se 
réunirent  de  nouveau.  15,666 — 15,667. 

En  ce  moment,  la  vaste  forêt,  pleine  de  tigres  et  de  di- 
vers animaux,  retentissait  du  gazouillement  des  oiseaux. 
Ayant  entendu  les  cris,  jetés  par  les  bêtes  fauves,  Youd- 
dhishthira  dit  à ses  frères  : 15,668. 

« Ces  quadrupèdes  se  rendent  vers  la  plage  enflammée 
par  le  soleil  : les  ramages  de  ces  oiseaux  annoncent  une 
cruelle,  une  épouvantable  infortune  : l’invasion  de  la 
grande  forêt  par  des  ennemis  ! 15,660. 

» Retournez  vite  : c’est  assez  pour  nous  de  ces  gazelles  ! ' 
l’inquiétude  émeut  et  brûle  mon  esprit.  Mon  cœur  éclipse 
ma  pensée  couverte  de  soucis,  et  s'agite  dans  mon  sein.' 

» Le  Kàmyaka  semble  à mes  yeux  un  lac,  dont  Ga- 
rouda  a enlevé  les  serpents,  un  royaume  sans  roi  et  déchu 
de  ses  prospérités,  et  tel  qu’un  vase,  dont  les  buveurs  ont 
tari  la  spiritueuse  liqueur,  n 15,670 — 15,671. 

Aussitôt,  ces  plus  vaillants  des  hommes,  portés  sur  de 
riches  et  grands  chars,  attelés  de  rapides  chevaux  Sin- 
dhiens,  à la  marche  plus  légère  que  le  vent,  tournent  la 
face  à l’hermitage.  16,672. 

Tandis  qu’ils  s'en  retournaient,  un  chacal  au  cri  pro- 


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506 


LE  HAHA-BHiHATA. 


longé,  survemuit  à leur  côté  gauche,  glapit,  et,  réfléchissant 
à ce  bruit,  Youddhishthira  dit  à Bhima  et  Dhanandjaya  : 
« Comme  l'annonce  ce  vil  chacal,  venu  sur  notre  côté, 
il  est  bien  certain  que  les  fils  de  Kourou  nous  ont  méprisés, 
et  que  ces  méchants  nous  font  uoe  violente  guerre  ! <> 

Il  dit  : et  de  la  grande  forêt,  qu’ils  avaient  parcourue  à 
la  chasse,  ils  entrent  dans  le  bois,  où  ils  voient  toute  en 
larmes  une  jeune  suivante  de  leur  épouse  et  sa  sœur  de 
laiL  15,673 — 15,675 — 15,675. 

Indraséna  saute  à bas  du  char,  s'avance  à la  hâte,  court 
vers  elle  et,  tout  troublé,  il  tient  ce  langage  à la  sœur  de 
lait  : 13,676, 

« Pourquoi  pleures-tu,  tombée  à terre  7 Pourquoi  ton 
visage  est-il  desséché  et  ta  couleur  fanée  ? La  fille  de  roi, 
Draâupadi  aurait-elle  reçu  un  outrage  des  méchants,  ces 
artisans  d'actions  criminelles  ? 15,677. 

» Cette  reine  à la  beauté  inconcevable,  aux  bien  grands 
yeux,  égale  pour  le  corps  à ces  éminents  Kourouides,  fùt- 
elle  entrée  même  dans  la  terre,  ou  montée  au  ciel,  ou 
cachée  dans  la  mer,  les  fils  de  Prithà  suivront  sa  trace, 
tant  le  fils  d'Yama  est  accablé  de  douleur  ! Quel  insensé 
voudrait  enlever,  comme  une  perle  précieuse,  cette  épouse 
si  chère,  égale  aux  souilles  de  la  vie,  à de  tels  guerriers, 
qui  broyent  les  ennemis,  qui  n'ont  jamais  subi  une  défaite, 
et  qui  supportent  l'infortune  avec  tant  de  courage?  11 
ignore  quelle  a maintenant  ici,  pour  défenseur,  le  cœur 
vivant  des  Pàudouides,  15,678 — 15,679 — 15,680. 

» De  qui  après  avoir  percé  le  corps,  leurs  flèches  puis- 
santes, acérées,  terribles,  entreront-elles  dans  la  terre?  Ne 
t'afilige  pas  sur  elle,  vierge  timide  : sache  que  Krishna 
reviendra  aujourd'hui  même.  15,681. 


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VANA-PARVA. 


607 


K Quand  ils  auront  immolé  tous  leurs  ennemis  jusqu’au 
dernier,  les  fils  dePritbà  se  réuniront  à Yajnasénl.»  Alors, 
essuyant  son  charmant  visage,  la  sœur  de  Imt  répondit  au 
cocher  Indraséna  : 15,682. 

« Au  mépris  des  cin(|  héros,  semblables  à Indra,  I^ayat* 
ratha  a ravi  de  force  Draâupadl.  Vois  ces  traces  encore 
fraîches  de  sa  route:  ces  branches  cassées  des  arbres  n'ont 
pas  eu  le  temps  de  se  faner.  15,683. 

* Faites  volte-face,  suivez-la  promptement  : la  princesse 
n'a  pu  aller  bien  loin.  Guerriers  pareils  à Indra  même, 
endossez  tous  vos  grandes  et  belles  cuirasses.  15,68&. 

» Prenez  vos  flèches  et  vos  arcs  d'une  grande  richesse  : 
vite,  suivez  sa  route!  Déjà  cette  indignité  est  un  supplice, 
qui  égare  son  esprit,  qui  aliène  sa  pensée  et  flétrit  son 
visage.  15,685. 

■>  Abandonne-t-on  au  premier  venu,  qui  en  est  indigne, 
un  corps  si  délicat,  comme  on  jette  dans  la  cendre  une 
spatule  remplie  de  beurre  clarifié?  Telle  qu’une  oblation 
de  beurre  purifié,  qui  serait  versée  dans  un  feu  de  paille, 
telle  qu'une  guirlande,  qui  serait  déposée  et  laissée  dans 
un  cimetière,  telle  qu'une  offrande  d'asclépiade  acide, 
tombée  d'un  sacrifice  et  qu'un  cbien  aurait  léchée  : tel, 
pendant  que  vous  erriez  à la  chasse  dans  la  grande  forêt, 
ce  chacal  s’est  plongé  dans  ce  beau  massif  de  lotus. 

» Qu’un  misérable  artisan  de  choses  défendues  ne  touche 
pas,  comme  un  chien,  l'offrande  placée  sur  l'autel,  ce  vi- 
sage calme,  charmant,  de  votre  épouse  au  nez  bien  fait, 
au.x  yeux  ravissants,  qui  a la  majesté  de  l'astre  des  nuits! 

15,686—15,687—15,688. 

i>  Suivez  promplemmit  ces  routes  : bâtez- vous  de  mettre 
ici  ce  temps  à proUt  I » — « Arrête  ! dit  Youddhisbthira  ; 


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508 


LE  MAHA-BHARATA. 


retiens  ces  mots  ! Pas  devant  nous  ces  paroles  insultantes  ! 
Si  ces  rois  ou  ces  fils  de  roi  sont  enivrés  de  leur  force,  ils 
perdront  bientôt  cctie  illusion  ! » 15,689. 

A ces  mots,  ils  s’avancent,  en  suivant  ces  routes  : ils 
poussent  mainte  et  mainte  fois  des  soupirs,  comme  des 
serpents,  et  font  résonner  la  corde  de  leurs  grands  arcs. 

Bientôt  ils  aperçurent  la  poussière  soulevée  de  cette 
armée,  que  les  chevaux  élevaient  sous  leurs  sabots;  et  ils 
virent  Dhaâumya,  qui,  marchant  au  milieu  des  hommes 
de  pied,  appelait  Bhlma  et  criait  : « H&te-toi  ! » 

16,690—15,691.  • 

Les  princes,  l'àme  afifigée,  de  consoler  Dha&umya; 
« Que  ta  sainteté  marche  en  paix  ! » lui  dirent-ils  ; et  tels 
que  le  faucon,  à la  vue  de  la  chair,  ils  fondirent  avec  im- 
pétuosité sur  l’année  ennemie.  15,692. 

A la  vue  de  Djayatratha  et  de  leur  épouse,  debout  sur 
son  char,  la  fureur  enflamma  la  colère  de  ces  héros,  sem- 
blables à Mahéudra,  par  le  sentiment  de  l'outrage  fait  à 
Yajnasénl.  15,695. 

Alors  Vrikaudara,  Dbanandjaya,  les  deux  jumeaux  et  le 
roi,  qui  portait  un  grand  arc,  de  pous.ser  des  cris  contre 
le  roi  des  Sindhiens,  et  les  plages  de  l’espace  se  troublent 
aux  yeux  des  ennemis.  15,69A. 

Les  kshatryas  irrités  élevèrent  en  même  temps  sous  la 
forêt  un  cri  plus  épouvantable  encore  à l’aspect  de  Bhl- 
maséna  et  d’Arjouna.  15,695. 

A la  vue  des  étendards  supérieurs  des  héros  de  Kourou, 
l’inique  roi,  Ujnyatratha,  la  force  déjà  perdue,  tint  ce 
langage  à la  radieuse  Yadjnaséni,  debout  sur  son  char  : 

O Voilà  cinq  grands  chars,  qui  s’avancent  contre  moi: 
ce  sont,  je  pense,  krisbnà,  tes  époux.  Tu  les  connais  : 


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VANA-PARVA. 


m 

ainsi,  iais-moi  connaître,  dame  aux  jolis  cheveux,  chacun 
des  Pàndouides,  monté  dans  son  char.  » 15,606 — 15,697, 

« Qu’ as-tu  besoin  de  connaître  ces  héros,  armés  de 
grands  arcs,  lui  dit-elle,  insensé,  qui  as  commis  un  acte 
affreusement  épouvantable,  auquel  n’est  pas  liée  une  longue 
vie  ? Tous  ces  héros  de  compagnie  sont  mes  époux  : il  ne 
vous  en  manquera  pas  un  seul  pour  le  combat.  15,698. 

» 11  faut  que  je  réponde  à toutes  les  quesiions,  que  tu 
m’adresses,  homme,  qui  vas  mourir  : c’est  là  mou  devoir. 
Je  n’éprouve  ni  trouble  d’esprit,  ni  crainte,  maintenant 
que  je  vois  Dharmarâdja  devant  moi,  avec  ses  frères  plus 
jeunes.  15,699. 

a Ceguerrier,  qui  porteàl’extrémité  de  son  drapeau  deux 
tambours  retentissants,  Nanda  et  Oupananda,  aux  belles 
formes,  au  son  harmonieux,  est  celui,  qui  possède  la 
science  de  l’essence  de  son  devoir  et  que  suivent  des 
hommes,  qui  ont  un  commun  intérêt  ; c’est  le  héros  à la 
taille  élancée,  aux  grands  yeux,  au  nez  proéminent,  à la 
couleur  jaune  comme  l’or  pur,  que  l’on  dit  le  plus  excel- 
lent des  Kourouides,  Youddhishthira,  fils  d’Yama  et  mon 
époux.  15,700 — 15,701. 

U Ce  héros  entre  les  hommes,  qui  suit  le  sentier  du 
devoir,  accorderait  même  la  vie  à un  ennemi,  qui  viendrait 
implorer  son  pardon.  Va  donc  promptement  à lui,  insensé, 
lui  demander  la  vie,  rejetant  les  armes  et  portant  au  front 
les  mains  jointes.  15,702. 

» Ce  guerrier  aux  longs  bras,  que  tu  vois  après  lui, 
monté  sur  un  char,  et  qui,  gr.and  comme  un  chêne,  mord 
ses  lèvres,  contracte  ses  sourcils,  naturellement  réunis, 
on  l’appelle  Vrikaudara,  et  c’est  aussi  mon  époux. 

» Des  chevaux  vigoureux  de  bonne  race,  bien  domptés. 


610 


LE  MAHA-BBARATA. 


à la  (grande  force,  traînent  ce  héros,  de  qui  les  espltrite 
sont  au-dessus  de  l'humanité.  Son  nom,  répandu  sur  toute 
la  terre,  est  Bhtma.  15,703 — 16,704. 

» Ceux,  qui  l'ont  offensé,  reçoivent  la  mort  ; il  n’oublie 
jamais  une  ancienne  injure.  Quand  il  s'est  proposé  la  fin 
d’une  inimitié,  il  arrive  à son  ternie  ; mais  il  n’anive  ja- 
mais ensuite  à un  parfait  apaisement.  15,705. 

» Ce  héros  des  hommes  aux  organes  vaincus,  ce  roi 
des  archers,  plein  de  fermeté,  de  gloire,  de  re.spect envers 
les  vieillards,  c’est  le  frère  etle  disciple  (TYouddhishthira. 
On  l’appelle  Dhanandjaya  et  il  est  mon  époux.  15,706. 

« Ni  par  amour,  ni  par  crainte,  ni  par  cupidité,  il  ne 
désertera  jamais  son  devoir,  il  ne  fera  jamais  rien  de  cruel  1 
Ce  fils  de  Kountl,  égal  au  feu  en  splendeur,  soutient  le 
ckoe  des  ennemis  et  les  détruit.  15,707. 

» Ce  guerrier  intelligent,  à qui  sont  connues  toutes  les 
décisions  en  matière  de  devoir,  qui  ravit  la  crainte  aux 
hommes,  vivants  sous  le  joug  de  la  crainte  ; lui,  de  qui 
la  beauté  est  dite  supérieure  sur  la  terre,  et  qui,  dévoué 
aux  PAndouides,  plus  cher  à chacun  d’eux  que  le  souffle 
de  l’existence,  est  défendu  par  eux  de  tous  les  côtés,  ce 
héros  est  Nakoula  et  c’est  mon  époux  ! De  haute  taille, 
prudent,  la  main  prompte  et  variée,  Sahadéva,  son  frère 
jumeau,  combat  armé  d’un  cimeterre.  15,708 — 15,700. 

» C’est  un  héros,  plein  d’esprit  et  de  cœur,  consommé 
dans  les  armes,  occupé  de  devoirs  agréables  à son  roi  et 
de  qui  tu  verras  tout  à l’heure  dans  le  combat  des  exploits 
égaux  à ceux  de  Çatakratou  au  milieu  des  armées  Daltyas. 

» Ce  dernier-né  est  d’une  splendeur  pareille  à la  lune 
et  au  soleil  ; il  est  cher  aux  fds  de  Pàndou,  il  n’existe  pas 
un  homme,  qui  soit  égal  à lui  par  l’intelligence,  ni,  parmi 


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VANA-PARVA. 


bll 


les  sages,  un  orateur,  qui  connaisse  mieux  les  décisions. 

» Sahadéva , ce  héros , toujours  impatient , réfléchi  et 
savant,  est  mon  époux  ; il  abandonnera  la  vie,  il  entrera 
dans  le  feu,  mais  il  ne  dirajninais  rien  d’étranger  au  de- 
voir. 15,710—15,711—16,712. 

» C’est  un  vaillant  guerrier  au  milieu  des  hommes,  tou- 
jours intelligent , qui  se  complaît  dans  les  devoirs  du 
kshatrya,  et  qui  est  plus  cher  à Kountl  que  le  souille 
même  de  l’existence.  Tu  verras  les  lils  de  Pândou  jeter  le 
trouble  dans  cette  armée  de  loi  (1),  comme  on  voit  à la 
surface  des  mers  un  navire  chargé  de  pierreries  se  fendre 
sur  le  dos  d'unmakara.  Ici,  j’ai  fini  de  te  décrire  ces  fils  de 
Pândou,  que  tu  as  méprisés  dans  ta  folie.  15,713-15,711. 

» Si  tu  leur  échappes , le  corps  couvert  de  blessure», 
estime  alors  que  tu  as  reçu  une  seconde  fois  la  naissance, 
et  jouis  même  de  la  vie  ! » Les  cinq  fils  de  Pândou,  sem- 
blables â cinq  Indras,  épargnant  les  fantassins  épouvantés 
et  joignant  les  mains,  lancèrent  de  tous  côtés  leurs  traits 
avec  colère  sur  l’armée  des  chars  (2),  qu'ils  mirent  dans 
les  ténèbres  d’une  pluie  de  flèches.  15,715. 

K Tenez  ferme  ! frappez  vite  ! Cernez  l’ennemi  1 » C’est 
en  ces  termes  que  le  roi  des  Sindhiens  excitait  les  princes 
de  son  armée.  15,71d. 

En  ce  moment , il  s’éleva  dans  le  combat  le  plus 
épouvantable  cri,  jeté  par  les  guerriers  à la  vue  d’Youd- 
dhishthira,  accompagné  de  Bhima,  d’/Vrjouna  et  des  ju- 
meaux. 15,717. 

(1)  Saiiubi  tarai  'nulm,  écrit  Ropp  dtus  un  eiempla  cité  de  son  Leii- 
que;  leçon,  qui  c»l  luins  contredit  bien  meilleure. 

(2)  Rathéni/uiHf  écrit  encore  Bopp,  et  «on  édition  e*t  ici  préférable  à 
notre  texte  imprimé. 


6i2 


LE  MAHA-BHARATA. 


La  consternation  naquit  alors  parmi  les  Çivis,  les  SaAu> 
viras  et  les  Sindhiens  à la  vue  de  ces  héros,  semblables  à 
des  tigres,  enivrés  de  leur  force.  15,718. 

Ayant  saisi  une  longue  massue  de  fer,  ornée  de  pein- 
tures d’or  et  toute  enrubannée , Bhtmaséna  coumt  sur  le 
Sindhien,  que  poussait  la  mort.  15,719. 

Aussitôt  K.autikâsya  l'arrête,  lui  résiste  et  enveloppe 
Vrikaudara  avec  une  grande  multitude  de  chars.  15,720, 

Inondé  même  par  des  pluies  de  lances,  de  leviei-s  et  de 
flèches  de  fer,  lancées  par  les  bras  de  ces  héros,  le  cœur 
de  Bhlma  n'en  fut  pas  ébranlé.  15,721. 

D’un  coup  de  sa  terrible  massue,  Bhîma  renverse  au 
front  de  l'année  Sindbienne  un  éléphant , le  guerrier 
monté  sur  lui  et  quatorze  fantassins.  15,722. 

Dans  son  désir  d'atteindre  au  monarque  des  Saàuvlras, 
le  fils  de  Prithâ,  Arjouna  immole  5 la  tête  de  l'armée 
cinq  cents  héros  montagnards  aux  grands  chars.  16,723. 

I,e  roi  Youddhinhthira  abat  de  sa  main  dans  un  clin- 
d’œil  au  milieu  du  combat  une  centaine  de  guerriers,  les 
principaux  des  Saàuvlras.  15,72A. 

En  ce  moment,  paraît  Nakoula,  qui,  êauté  à bas  de  son 
char , le  cimeterre  à la  main  , sème  çà  et  là  comme  des 
graines  les  têtes  des  fantassins.  15,725. 

Mais,  s'étant  approché  avec  son  char  des  guerriers,  qui 
combattent  sur  des  éléphants,  Sahadéva  les  renverse  avec 
ses  flèches  de  fer,  comme  on  abat  des  paons  du  haut  des 
arbres.  15,726 — 15,727. 

Cependant  le  roi  de  TrigartfX  à l’arc  terrible , étant 
descendu  de  son  grand  char , tua  avec  sa  massue  quatre 
chevaux  du  roi.  15,728. 

Le  fils  de  Rountl  le  voit  s’avancer  à pied , et  Dharma- 


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VANA-PARVA. 


61S 


râdja  le  transperse  à travers  la  poitrine  avec  une  flèche, 
aruiée  d’un  fer  en  forme  de  lune.  15,729. 

Ses  chevaux  tués,  Uharuiaràdja  saute  à bas  de  son  char, 
accompagné  d'Indraséna,  et  se  réfugie  dans  le  grand  char 
de  Sahadéva.  15,730. 

Kshéuiankara  et  Mahànioukha,  ayant  pris  Nakoulapour 
but,  font  pleuvoir  sur  lui  deux  averses  de  flèches  acérées, 
comme  deux  nuages,  qui  verseraient  une  pluie  de  pieux 
en  fer.  Le  fils  de  Màdri  les  tue  l’un  après  l'autre  avec  une 
flèche.  15,731—15,732. 

S’approchant  du  timon  de  son  char,  Souratha,  le  roi  de 
Trig.vtta,  renverse  sa  voiture  à l’aide  d’un  éléphant,  qu’il 
sait  conduire  habilement.  15,733. 

Mais  l’intrépide  Nakoula,  son  épée  d’une  main,  son 
bouclier  de  l’autre,  saute  de  ce  char,  et  se  place  dans  un 
lieu,  où  il  se  tient,  immobile  comme  une  montagne. 

Souratha  de  pousser  pour  la  mort  de  Nakoula  son 
excellent  éléphant,  qui  s’avance  avec  colère,  élevant  sa 
trompe.  15,734 — 15,735. 

Mais,  s’approchant  du  proboscidien,qui  recule,  Nakoula 
tranche  d’un  coup  de  cimeterre  la  trompe  à sa  racine  avec 
les  défenses.  15,736. 

L’éléphant,  orné  de  bracelets  et  de  colliers,  jette  un 
grand  cri  ; il  tombe  la  tète  en  bas,  et  fait  tomber  avec  lui, 
sur  la  terre,  les  guerriers,  qu’il  porte.  15,737. 

Quand  il  eut  accompli  ce  glorieux  exploit,  le  héros  au 
grand  char,  fils  de  Màdri,  se  retire  auprès  du  char  de  Bhi- 
maséna,  et  il  en  savoure  la  joie.  15,738. 

Tandis  que  le  roi  Kautikô.sya  fond  sur  lui  dans  ce  com- 
bat, Bhlma  enlève  avec  une  flèche  la  tète  du  cocher, 
dans  le  temps  même  qu’il  stimule  ses  chevaux.  15,739. 

IV  38 


61& 


LE  MAHA-BHARATA. 


Le  roi  ne  s’aperçut  pas  que  le  héros  an  bras  vigoureux 
avait  tué  son  cocher;  ei  ses  chevaux,  privés  de  conducteur, 
coururent  çà  et  là  sur  le  champ  de  bataille.  15,740. 

Le  roi,  qui  a perdu  son  cocher,  tourne  le  dos  ; Bhlma, 
le  plus  brave  des  combattants,  le  poursuit  et  le  tue  avec 
un  trait  barbelé,  qui  vients'unirau  sol  delà  terre.  15,741. 

Dhanandjaya  tranche  de  ses  bhallas  acérés,  et  les  arcs, 
et  les  têtes  de  douze  Saàuvlras  à la  fois.  15,742, 

Ce  guenier  habile  à combattre  sur  un  char  immole, 
dans  ce  combat,  et  les  Çivis,  et  les  premiers  des  Ikshwâ- 
kidcs,  et  les  Trigartias,  et  les  Sindhiens,  qui  vieuuentala 
portée  de  ses  flèches.  15,743. 

On  voyait  en  grandes  troupes  les  corps  des  guerriers 
abattus  par  l’Ambidextre,  et  les  éléphants  avec  leurs 
étendards,  et  les  grands  chars  avec  leurs  drapeaux. 

Sur  tout  le  champ  de  bataille,  ce  n’était  <|uc  des  corps 
privés  de  tètes,  ou  des  tètes  séparées  du  corps,  couvrant 
la  terre.  15,744 — 15,745. 

Les  chiens,  les  faucons,  les  ardées,  les  corbeaux,  les 
vautours,  les  chacals,  les  corneilles,  se  rassasiaient  là  du 
sang  et  des  chairs  des  héros  immolés.  15,746. 

A la  vue  de  tous  ces  guerriers  expirés,  le  roi  des  Sin- 
dhiens, Djayatratha  efl'rayé  abandonna  Krishnà  et  tourna 
son  esprit  à la  fuite.  15,747. 

Au  milieu  de  son  armée  dans  la  confusion,  il  lit  des- 
cendre Yajnaséni,  et,  désireux  de  sauver  sa  vie,  il  s’enfuit 
vers  la  forêt,  comme  le  dernier  des  hommes.  15,748. 

Dès  qu’il  vit  Draâupadî,  que  Dhaâumya  précédait, 
Yonddhishthii  a de  donner  au  héros,  lils  deàiâdrl,  l'ordre 
de  la  faire  monter  dans  son  char.  15,749. 

Après  la  fuite  de  Djayatratha,  A entre-de-ioup,  visant 


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VA.NA-PARVA. 


6iô 

et  révisant  l'armée  en  déroute,  l’immola  sous  ses  flèches 
de  fer.  15,750. 

Mais  l’Ambidextre,  qui  avait  vu  s’enfuir  Djayatratha, 
d’arrêter  Bhima  dans  le  carnage  des  guerriers  Sindhiens  : 

« Je  ne  vois  pas  sur  le  champ  de  bataille,  dit-il,  ce 
Djayatratha,  par  la  méchanceté  de  qui  nous  est  arrivée 
cette  insupportable  infortune  ! 15,751 — 15,752. 

» Cherche-le,  s’il  te  plaît.  A quoi  bon  t’acharnersurdes 
guerriers  abattus  ? C'est  une  œuvre  sans  plaisir  ! Ou  que 
pense  ton  altesse?  » 15,753. 

A ces  mots  du  sage  Goudakéça,  l’éloquent  Bhimaséna 
tourne  ses  yeux  vers  Youddhishihira,  et  lui  tient  ce  lan- 
gage ; 15,75A. 

K Les  ennemis  ont  perdu  leurs  plus  vaillants  guerriers  ; 
ils  fuient  au  plus  vite  à tous  les  points  de  l’espace.  Prends 
Draâupadi,  sire,  et  que  ta  majesté  s’en  aille  d’ici.  16,755. 

» Emmène  les  jumeaux,  Indra  des  rois,  avec  le  magna- 
nime Dhaàumya,  et,  quand  tu  seras  arrivé  à l’hermitage, 
sire,  console  Draâupadi.  15,756. 

» L’insensé  roi  des  Sindhiens  ne  m’échappera  pas  vi- 
vant, eût-il  pour  son  cocher  l’indra,  qui  règne  au  fonddu 
Pàtàla  I » 15,757. 

Youddhishthira  lui  répondit  : 

« Quelque. méchante  que  soit  l’âme  du  Sindhien,  il  ne 
fautpas  luiûterlavie,ensouvenirde  Oouççâlaetdel’illustre 
Gândhàrl!  » 15,758. 

A ces  mots,  Draâupadi  adresse  la  parole  à Bhtma  ; et, 
les  sens  émus,  saisie  de  colère  : rougissante  de  pudeur,  la 
sage  dame  parle  ainsi  à ses  époux,  Bhimaséna  et  Arjouna: 

« Si  l’on  doit  faire  une  chose,  qui  me  sera  agréable,  il 
faut  tuer  ce  dernier  des  hommes,  ce  scélérat  à l’esprit 


516 


LE  MAHA-BHARATA. 


méchant,  le  plus  abject  des  Sindhiens  et  l’opprobre  de  sa 
famille;  15,759 — 15,760. 

» Cet  adversaire,  qui  vous  a ravi  votre  épouse;  cet 
ennemi,  qui  vous  a dépouillé  du  royaume  ! Vous  suppliét-il 
dans  le  cumbat.  refusez  de  lui  accorder  la  vie  de  toute  ma- 
nière!» 16,761. 

Cela  dit,  les  deux  héros  s’avancent  du  côté  où  s’était 
retiré  le  Sindhien  ; et  le  roi,  ayant  pris  avec  lui  Krishnâ, 
s’en  revint  avec  l’archi-brahuie.  15,762. 

Ils  entrèrent  dans  l’enceinte  de  l’hermitage,  dont  les 
cellules  avaient  leurs  coussins  et  leurs  sièges  renversés  : 
ils  le  virent  plein  de  saints,  Màrkandéya et  les  autres,  qui, 
réunis  aux  brahmes,  déploraient  ce  rapt  de  Krishnâ.  Le 
monarque  s’y  avança  avec  son  épouse,  et  marchant  au 
milieu  de  ses  deux  frères.  15,763 — 15,764. 

Les  herniites  se  réjoui  lent  de  voir  le  prince  de  retour, 
victorieux  des  Sindhiens  et  des  Saâuvtras,  après  qu’il  leur 
avait  repris  Di-aâup.idi.  15,765. 

Le  roi,  environné  d’eux,  s’assit  là  et  l’illustre  dame 
Krishnâ  entra  dans  l’hermitage,  accompagnée  des  ju- 
meaux. 15,766. 

Ayant  appris  que  leur  ennemi  s’était  avancé  jusqu’à  la 
distance  d’un  kroça  (1),  les  deux  héros  Arjoiina  et  Bhtma 
y coururent  avec  rapidité,  excitant  eux-mènies  leurs  che- 
vaux. 15,767. 

Le  vaillant  Arjouna  accomplit  un  exploit  plus  que  mer- 
veilleux en  ce  qu’il  tua  les  chevaux  du  Sindhien,  qui  avaient 
mis  entre  eux  et  lui  toutcetintervallc  d’un  kroça.  15,768. 

Doué  d’astras  célestes,  calme  à l'heure  du  danger,  il 


(i)  Vne  lieue  de  quatre  mille  coudées. 


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VANA-PARVA. 


617 


exécuta  cette  œuvre  difficile  à l’aide  de  ses  flèches,  en- 
chantées par  de  puissants  astras.  15,769. 

Les  deux  héros,  Bhîœa  et  Arjouna,  de  courir  sur  le 
Sindhien,  de  qui  les  chevaux  étaient  expirés,  qui  était 
seul,  épouvanté  et  de  qui  l’àuie  était  toute  émue.  15,770. 

Le  Sindhien  regardait  avec  une  profonde  douleur  ses 
chevaux  iuimolés  et  Dhanandjaya,  qui  avait  accompli  cet 
exploit  au-dessus  du  courage.  15,771. 

Aussi  courait-il  à travers  la  forêt,  mettant  toutes  les 
forces  de  son  âme  dans  la  fuite.  Quand  il  vit  s’enfuir  le 
monarque  vaincu,  Phalgouna  aux  longs  bras  le  suivit  et 
lui  adressa  ces  mots  ; « Comment  avec  si  peu  de  courage 
as-tu  pu  désirer  une  femme,  que  tu  devrais  à ta  force 
seule?  15,772—15,773. 

» Reviens,  fils  de  roi  I La  fuite  ne  te  sied  pas  ! Conmient 
peux-tu  fuir  au  milieu  des  ennemis,  qui  ont  tué  les  gens 
de  la  suite?»  15,77â. 

Ainsi  apostrophé  pai'  le  fils  de  Prithâ,  le  Sindhien  ne 
s’arrêtîdt  pas;  et  le  vigoureux  Bhîma  courait  avec  rapidité 
sur  lui,  en  criant:  « Tiens  ferme  ! tiens  ferme  I » 15,775, 

« Ne  le  tue  pas  ! » lui  dit  Phalgouna,  ému  de  com- 
passion. 16,776, 


LA  DELIWANCE  DE  DJAYATRATHA. 


A la  vue  de  ces  deux  frères,  les  armes  levées,  Djayat- 
ratlia  fuyait  à toute  vitesse,  troublé,  dans  la  plus  vive 
douleur  et  désirant  sauver  sa  vie.  15,777. 

Le  vigoureux  Rhimaséna  sauta  5 bas  de  son  char,  il 
courut  sur  le  fuyard,  et,  dans  l’impatience  de  la  colère,  il 
le  saisit  par  ses  cheveux  épais.  15,778. 

Rhiuia,  r.iyant  .soulevé,  le  broya  sur  le  sol  de  la  terre, 
et,  lui  prenant  la  tète,  il  frappa  ce  inonarc|ue.  15,779. 

Le  vaincu  voulait  sauver  sa  vie  et  s'ellbrçait  de  se  lever  ; 
mais  le  héros  aux  longs  bi'as  frappa  de  son  pied  sur  la 
tète  du  roi  gémissant.  15,780. 

Bhima  lui  mil  un  genou  sur  les  cuisses,  il  fouladu  coude 
sa  poitrine  ; et  le  roi,  accablé  par  le  poid»  dn  plus  gi-and 
des  héros,  tomba  dans  révanouissement.  15,781. 

Le  Kourouide  Phalgouna  d’arrêter  la  colère  de  Bhima 
et  de  lui  rappeler  ce  que  le  monarque  avait  dit  au  sujet 
de  Douççàla.  1 5,782. 


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VANA-PARVA. 


619 


« Cet  homme,  ivre  d’orgueil,  aux  mœurs  criminelles, 
n’est  pas  digne  de  vivre  : c’est  le  plus  vil  des  hommes, 
répondit  Bhima  ; il  a c ausé  les  peines  de  Krishnâ,  qui  ne 
méritait  pas  cette  offense  ! 15,783. 

O Est-ce  que  je  ne  puis  faire  ce  que  fait  bien  A’oud- 
dhishthira,  quoique  son  esprit  soit  toujours  disposé  5 la 
pitié?  Mais  tu  nous  arrêtes  toujours  d’une  pensée  frivole.  » 
A ces  mots,  armé  d’une  flèche  en  demi-lune,  Bhima, 
lui  ratant  ta  léte,  fit  cinq  faisceaux  de  cheveux  sur  le  chef 
du  roi,  qui  n’articula  pas  un  seul  mot.  15,78i — 15,785. 

Ensuite,  adressant  au  monarque  une  félicitation  mo- 
queuse, Vrikaudara  lui  dit  : » Si  tu  as  le  désir  de  vivre, 
écoute  de  ma  bouche,  insensé,  quelles  sont  mes  conditions. 

<c  Je  suis  un  esclave  ! « devras-tu  dire  dans  les  assem- 
blées du  peuple  et  les  conseils  des  rois.  Sous  cette  réserve, 
nous  te  laissons  la  vie  : telle  est  la  loi  du  vainqueur.  » 
cc  Qu’il  en  .soit  ainsi  1 » dit  le  roi  contraint,  Ujayatratha 
à Bhima,  le  tigre  des  hommes,  qui  avait  la  beauté  des  ba- 
tailles. 15,780—15,787—15,788. 

Le  fils  de  Prithà,  Vrikaudara,  le  lia,  malgré  sa  résis- 
tance, et  fit  monter  sur  son  char  ce  malheureux,  couvert 
de  poussière  et  la  connaissance  évanouie.  15,789. 

Alors  Bhima,  le  frère  puiué  d’ Vouddhishthira,  monta 
sur  le  char,  se  rendit  vers  ce  prince  et  s’approcha  de  lui, 
placé  au  milieu  de  son  hermiittge.  15,790. 

Bhima  lui  montra  Djayatratha  dans  cette  triste  condi- 
tion ; le  roi  sourit  et  dit:  a Qu’on  le  mette  en  liberté!  » 
0 Dis  cela  à Draâupadi  I répondit  Bhima  au  roi  ; car 
cet  homme  aux  pensées  criminelles  est  tombé  dans  l’état  de 
servitude  à l’égard  des  fils  de  Pândou.  15,791 — 15,792. 
Son  frère  ainé  lui  dit  ces  paroles,  accompagnées  de 


520 


LE  MAHA-BHARATA. 


bienveillance  : n Relâche  cet  homme  aux  mœurs  viles,  si 
nous  avons  quelque  autorité  sur  toi  ! » 16,793. 

Draâupaudi  ajouta,  en  jetant  les  yeux  sur  Youddhish- 
thira  : n Relâche  ce  prisonnier,  de  qui  tu  as  changé  la 
couronne  de  roi  en  celle  de  l’esclave  ! » 15,794. 

Celui-ci,  délivré  de  ses  liens,  s’approche  du  roi  ; il  se 
prosterne  aux  pieds  d’Youddhishthira  ; il  salue  aussi,  le 
cœur  agité,  .sire,  les  anachorètes,  qu’il  aperçoit.  15,795. 

Le  roi,  fils  d’Yama,  dit  avec  compassion  h Djayatratha, 
qu’il  vit  tombé  dans  les  mains  de  l’Ambidextre  : 16,796. 

« Tu  n’es  plus  un  esclave  : vas  en  liberté  ! Mais  ne 
commets  plus  nulle  part  un  pareil  fait  ; ou  malheur  à toi, 
amoureux  des  femmes!  Tu  es  un  homme  vil,  qui  a des 
hommes  vils  pour  compagnons.  1 5,797. 

» Quel  être  abject,  autre  que  toi,  ferait  jamais  une  telle 
action  ? » Mais,  ayant  vu  l’auteur  de  cet  acte  criminel,  qui 
ressemblait  à un  homme  expiré,  le  plus  vertueux  des  Bha- 
ratides,  le  souverain  des  hommes  en  eut  compassion  et  lui 
dit;  « Que  ton  âme  croisse  dans  la  vertu,  et  ne  mets  plus 
ta  pensée  dans  le  vice  ! 15,798 — 15,799. 

» Va  en  paix  avec  tes  chevaux,  tes  chars  et  tes  fan- 
tassins ! I)  A ces  mots,  accablé  de  douleur,  plein  de  con- 
fusion, gardant  le  silence  et  baissant  quelque  peu  la  tète, 
il  s’en  alla,  sire,  aux  portes  de  la  Gangâ,  où  il  se  mit  sous 
la  protection  du  Dieu  aux  trois  yeux,  l’époux  d’Oumâ. 

15,800—15,801. 

Il  s’infligea  une  grande  pénitence,  et  le  Dieu,  qui  porte 
un  taureau  dans  le  champ  de  son  étendard,  en  fut  satisfJt. 
Trilautchana  (1)  lui-même  accepta  joyeux  son  offrande. 


(t)  Trùiocultu,  un  de*  nom!»  de  Çivâ. 


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VANA-PARVA. 


631 


Ce  Dieu  lui  donna  une  grâce,  il  la  reçut  : écoute  cela. 

15,802—15,803. 

« Puissé-je  vaincre  en  bataille,  dit  nj.ayalratha,  tous  les 
cinq  fils  de  Pândou,  combattant  sur  leurs  chars  ! » — 
« Non  ! » répondit  le  Dieu  au  roi  pénitent.  15,80â. 

>t  On  ne  peut  les  vaincre,  on  ne  peut  les  tuer,  mais  tu 
les  arrêteras  dans  le  combat,  excepté  Arjouna  aux  longs 
bras,  surnommé  Nara,  le  souverain  des  Dieux.  15,805. 

U En  compagnie  de  Nârâyana,  ce  héros  s'adonne  aux 
mortifications  sur  le  Badari  : il  est  invincible  à tous  les 
mondes  ; les  Dieux  mêmes  ne  peuvent  lui  disputer  la  vic- 
toire. 15,800. 

» Je  lui  ai  donné  Paçoupata,  (lèche  sans  égale  et  cé- 
leste. Il  a obtenu  des  gardiens  du  monde  la  foudre  et  les 
autres  dards  puissants.  15,807. 

» C'est  Vishnou,  le  Dieu  des  Dieux,' l’Auguste,  le  pré- 
cepteur de  Souras,  l’homme  fj'pe,  l'indistinct,  l'âme  de 
tout,  et  le  corps  de  toutes  choses.  15,808. 

» Le  terme  fixé  à un  youga  arrivé,  le  feu  de  la  mort 
incendie  le  monde,  avec  ses  montagnes,  ses  mers  et  ses 
Iles,  avec  ses  collines,  ses  bois  et  ses  forêts.  15,809. 

» Il  brûle  les  mondes  des  Nâgas,  qui  serpentent  au  fond 
du  Pâtâla.  Ensuite,  au  sein  de  l'atmosphère  s’élëventdans 
toutes  les  plages  de  vastes  nuages  aux  diverses  couleurs, 
au  bruit  effrayant,  qui  retentissent,  appuyés  sur  des 
foudres,  et  versent  la  pluie  de  tous  les  côtés, 

» Destructeurs  de  l'incendie,  qui  termine  les  mondes, 
ils  éteignent  le  feu,  et  se  tiennent,  remplissant  tout  avec 
des  gouttes  d'eau  non  moins  grosses  que  des  dés. 

15,810—16,811—15,812, 

» Dans  ce  monde,  qui  n’est  plus  qu'une  seule  mer,  où 


622 


I.i;  MAHA-BHARATA. 


Ips  choses  immobiles  et  mobiles  ont  péri,  où  lalune,  le  soleil 
et.  le  vent  ont  disparu,  et  qui  n'a  plus  ni  constollations,  ni 
planètes,  15,8iS. 

Il  A la  fin  de  quatre  mille  yougas,  la  terre  est  submergée 
dans  las  eaux.  Alors  ce  Dieu,  qu’on  appelle  Nàràyana  aux 
mille  yeux,  aux  mille  pieds,  aux  mille  tètes,  cet  être  su- 
prême, qu'on  ne  peut  atteindre  par  les  sens,  désire  goûter 
le  sommeil,  et  ce  bienheureux  Immortel  dort  au  milieu  de 
l'océan.  Il  a pour  son  palanquin  le  serpent  Çésha  nu,  aux 
mille  chaperons,  éblouissant  comme  mille  soleils,  on  tel 
qu'une  multitude  d’astres  radieux,  éclatant  à l’égal  du 
nymphéa  blanc,  des  filaments  du  lotus,  du  lait,  des  perles, 
de  la  lune  ou  du  jasmin  d’Arabie.  Cest  ainsi  que  Vishnou 
ne  permet  pas  aux  ténèbres  d’occuper  la  durée  de  .sa  nuit. 

» Réveillé  par  l’énergie  de  son  Ame,  il  voit  que  1« 
monde  est  vide.  Voici  un  çioka,  que  l’on  répète  sur  iNâ- 
rAyana  à cette  occasion  : 

15,814— 16,816— 16,81ft— 16,817— 16,818. 

« Les  eaux  sont  appelées  Nâràs;  les  écritures  nous 
disent  que  le  nom  de  son  corps  est  celui  des  eaux.  Il  fait 
route,  Ayanam,  sur  elles  ; et  c’est  pour  cela  qu’il  est 
appelé  Nàràyana.  15,810. 

» Dans  le  temps  même  de  sa  méditation,  l’Éternel  songe 
à créer  les  êtres,  auguste  roi,  et  un  lotus  s’élève  de  son 
nombril  au  moment  qu’il  médite.  16,820. 

» C’est  pourquoi  l’on  dit  que  Brahma  naquit  du  lotus 
poussé  sur  ce  nombril;  l’ayeul  des  mondes  se  hâta  d’y 
prendre  sa  place.  13,821.  v 

U Quand  il  vit  le  monde  entièrement  vide,  il  créa  les 
rishis,  Maritchi  è leur  tête,  âmes  semblables  à lui-même. 

» Ceux-ci,  à l’aspect  du  monde  aùui  détert,  de  créer 


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VANA-PARVA. 


52!) 


tous  les  êtres,  immobiles  et  mobiles,  les  Yaksbas,  'les 
Rakshasas  et  les  Blioùtas,  les  Piçâtchas,  les  Oiiragas  et 
les  hommes.  16,822 — 15,82S. 

n 11  rrée  sous  la  forme  de  Brahma  ; il  conserve,  quand 
il  prend  celle  de  VUhnou  ou  de  l’homme,  il  détruit  sous 
la  forme  de  Roudra  : tels  sont  les  trois  états  du  Pradjà- 
pati.  15,82i. 

» N’as-tn  pas  ouï  dire,  roi  des  Sindhiens,  les  actions 
merveilleuses  de  Vishnou?  Elles  sont  racontées  par  les 
anachorètes  et  les  brahmes,  qui  sont  parvenus  au  bord 
ultérieur  des  Védas.  15,825. 

» La  surface  de  la  terre  était  plongée  de  toutes  parts 
dans  les  ondes  : Vishnou  errait  dans  cetespace,  qui  n’était 
plus  que  le  ciel  et  l’eau.  15,820. 

» 11  était  alors  cherchant  de  tous  côtés  la  tprre,  afin 
d’y  reposer  son  pied,  dans  cette  époque  de  pluies,  comme 
la  mouche  de  feu  dans  la  nuit.  15,827. 

» Voyant  la  terre  submergée  sous  les  eaux,  il  désire 
dans  son  cœur  l’en  retirer  : « Quelle  forme  prendrai-je, 
se  dit-il,  pour  arracher  la  terre  à cette  eau  ? » 16,828. 

» Lorsqu’il  eut  songé  ainsi  et  qu’il  eut  cherché  avec  son 
regard  céleste,  il  se  souvint  de  la  forme  d’un  sanglier,  qui 
s’ébat  dans  les  eaux,  et  cette  idée  lui  sourit.  15,829. 

» 11  se  fit  un  corps  de  sanglier,  composé  de  paroles  et 
tel  que  les  Védas  ^ il  avait  dix  yodjanas  en  largeur,  et  sa 
grandeur  s’étendait  jusqu’à  cent  yodjanas.  1 5,830. 

» Il  était  lumineux  comme  la  flamme,  il  ressemblait 
en  hauteur  à une  grande  montagne,  il  avait  les  dents 
acérées,  il  était  pareil  aux  sombres  nuages  et  disséminant 
un  bruit  tel  que  celui  des  nuées  orageuses.  15,831. 

a Devenu  le  sanglier  du  sacrifice,  Vishnou  entra  dans 


52A 


LE  HAHA-BHABATA. 


l'eau  et,  prenant  la  terre  avec  un  seul  boutoir,  il  la  remit 
à sa  place.  15,832. 

» Le  Dieu  aux  longs  bras  se  Ct  ensuite  une  forme,  qui 
n'avait  jamais  été  vue  : son  corps  était  moitié  homme  et 
moitié  lion.  15,833. 

» Il  s'avança  ainsi  vers  le  palais  du  roi  des  Daltyas,  de 
qui  il  toucha  la  main  de  sa  main.  Le  premier  homme  des 
Üaityas,  l'ennemi  des  Dieux,  le  fils  de  Dili  le  vit  dans  ce 
rx>rps8ans  précédent,  et  ses  yeux  rougirent  de  colère.  Paré 
d'une  guirlande,  tenant  levée  une  lance,  semblable  à une 
niasse  de  sombres  nuées,  le  héros  fils  de  Diti,  Hiranyaka- 
çipou  fondit  sur  l'homme-lion  avec  un  b."uit  pareil  au 
tonnerre  desnuages.  lb,83é — 15,835—1 5,836. 

» Mais  à peine  se  fut-il  approché  du  vigoureux  monarque 
des  quadrupèdes,  qu’il  fut  mis  eu  pièces  cruellement  par 
les  griffes  acérées  du  Dieu  incarné  dans  un  homme-lion. 

» Quand  l'adorable  Vishnou  aux  yeux  de  lotus  bleu  eut 
donné  la  mort  à l’Indi-a  des  Daltyas,  le  cruel  immolateur 
de  ses  ennemis,  il  se  revêtit  d’une  autre  forme  pour  le  bien 
des  mondes.  15,837 — 15,838. 

» Heureux  fils  de  Kaçyapa,  il  fut  porté  dans  le  seiu 
d’Aditi  ; et,  quand  se  fut  accompli  la  révolution  de  mille 
années,  elle  mit  au  monde  ce  fruit  éminent.  15,839. 

U Les  yeux  enflammés,  il  avait,  semblable  à des  nuées 
grosses  de  tempêtes,  la  forme  d’un  nain.  Révérend,  il  por- 
tât le  triple  bâton,  la  tasse  pour  mendier,  les  cheveux  eu 
gerbe  et  le  cordon  du  sacrifice  : sa  poitrine  était  ornée 
d’un  çrivatsa  et  U avait  l’extérieur  d’un  nain.  Le  fortuné 
s'avança  vers  l'enceinte  du  sacrifice  du  roi  des  Dânavas. 

15,840—15,841. 

» 11  avait  pour  compagnon  Vrihaspati,  et  il  entra  dans 


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VANA-PARVA. 


526 


le  sacrifice  de  Bail , qui  joyeux , aussitôt  qu’il  l’eut 
aperçu,  dit  au  Dieu,  caché  dans  le  corps  d'un  nain  : 

<•  Je  suis  content  de  te  voir,  brahme  ; dis-moi  1 que 
dois-je  te  donner?  » A ces  mots  de  Bail,  le  nain  répondit  : 

15,84-2—15,843. 

B Merci  ! » Ce  mot  dit,  le  Dieu  lui  tint  ce  langage  en 
souriant  : » Donne-moi,  souverain  des  Dànavas,  autant 
de  terre,  que  peuvent,  en  mesurer  trois  de  mes  pas  ! « 

» Bali  d'une  âme  satisfaite  la  donna  au  brahme  à la 
splendeur  infinie.  Aussitôt  Hari  de  passer  à une  forme 
céleste  et  des  plus  merveilleuses.  15,844 — 15,845. 

» L'immuable  Dieu  lui  enleva  promptement  la  terre  en 
trois  pas  et  l'éternel  Vishnou  donna  ce  globe  à Çakra. 

» J'ai  fini  de  te  raconter  celte  manifestation,  nommée 
le  Nain,  par  laquelle  furent  rétablis  les  Dieux,  et  le 
monde  fut  qualifié  de  Vishnouvien.  15,840 — 15,847. 

» 11  est  descendu  et  il  est  né  dans  la  maison  d'Yadou 
pour  châtier  les  méchans  et  sauver  les  hommes  vertueux. 

» Cet  adorable  Vishnou  maintenant  est  nommé  ici-bas 
Krishna.  C'est  de  cet  auguste  Dieu,  sans  naissance,  ni 
commencement,  ni  fin,  adoré  de  tous  les  mondes,  Sin- 
dbien,  que  les  sages  célèbrent  les  exploits  : c’est  lui,  que 
l’on  appelle  Kris’.ina  l'invaincu,  qui  porte  la  ma.ssue,  le 
disque  de  guerre  et  la  conque  ! 15,848-15,849-15,850. 

» Ce  Dieu  est  orné  du  çrivatsa,  il  est  revêtu  d'une 
robe  de  soie  jaune,  il  est  versé  dans  tous  les  Traités,  il 
est  le  Dieu  suprême  : Arjouna  est  le  protégé  de  Krishna. 

U Le  fortuné  au.v  yeux  de  lotus  bleu,  au  courage  sans 
égal,  est  son  compagnon  : ce  Dieu,  immolateur  des  héros 
ennemis,  un  jour  montera  dans  le  même  char  que  le  fils 
de  Prithâ.  15,851  -15,852. 


626 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Avec  lui,  il  est  impossible  de  le  vaincre,  puisqu'il  est 
invincible  aux  Dieux  mêmes  : qui  donc,  n'ayant  qu'une 
nature  humaine,  pourra  vaincre  Arjouna  en  bataille? 

a A l'exception  de  lui  seul,  tu  peux  triompher  dans  un 
seul  jour,  sire,  de  toute  raruiée  d' Youddhishthira  et  des 
quatre  tils  de  Pàndou,  les  ennemis  I » lô,8ô3 — 15,SôA. 

A ces  mots  dits  au  monarque,  Hara,  qui  enlève  tous 
les  péchés  au  monde,  l'époux  d'Oumâ,  Paçoupati,  celui, 
qui  renversa  le  sacrifice  de  Daksha,  le  destructeur  de 
Tripoura,  horrible  à voir,  épouvantable  ii  entendre, 
environné  de  terribles  compagnons,  nains,  bossus,  aux 
longues  dents,  munis  d'armes  variées,  aux  dards  toujours 
levés,  l'adorable  Tryambaka,  le  meurtrier  de  Bhaganétra, 
accompagné  d'Oumâ,  tigre  des  rois,  disparut  au  même 
instant.  15,8ââ — 15,856 — 15,857. 

DJayatratha  lui-même  retourna  dans  son  palais,  l'âme 
peu  satisfaite,  et  les  (ils  de  Pândou  continuèrent  d'habiter 
dans  ce  l>ois  du  Kâmyaka.  15,858. 


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U LÉGENDE  DE  RAMA 


Djanamédjaya  dit  : 

<1  Après  le  rapt  de  Krishnâ,  que  firent  les  Pândouides, 
ces  tigres  des  hommes,  quand  ils  eurent  subi  cette 
douleur  extrême  ? >>  15,859. 

Vatçampaya  répondit  ; 

Après  qu'il  eut  ainsi  délivré  Krishnâ  et  vaincu  Djayatr- 
ratha,  Youddhishthira-Dharmarâdja  s’assit  environné 
par  les  troupes  des  anachorètes.  15,860. 

Au  milieu  de  ces  maharshis  écoutant  et  s’aflligeant,  le 
fdsde  Pândou  tint  ce  langage  à Màrkandéya  : 15,861. 

U Révérend,  les  Dévarshis  racontent  que  tu  sais  et  ce 
qui  fut  et  ce  qui  sera.  Je  t’interroge;  dissipe  ce  doute, 
qui  s’est  élevé  d ms  mon  cœur.  15,862. 

a La  fille  de  Oroupada,  cette  dame  vertueuse,  qui  est  née 
au  milieu  d’un  autel  et  qui  pour  naître  n’eut  pas  besoin 
du  sein  d’une  femme,  cette  bru  du  magnanime  Pândou, 


628 


LE  MAHA-BHABATA. 


» Je  pense  que  c'esl  l'auguste  Mort,  le  destin  fatalement 
créé,  la  nécessité  pour  les  êtres,  par  laquelle  n’est  jamais 
commise  aucune  faute.  15,863 — 13,866. 

» Quiconque  toucherait  cette  épouse  de  nous,  qui  sait 
le  devoir,  qui  marche  dans  le  devoir,  il  serait  comme  un 
homme  à l’esprit  pur,  qui  toucherait  au  mensonge  ou  au 
vol.  15,865. 

» Elle  n’a  commis  aucun  péché,  nul  acte  blâmé  ne  se 
trouve  nulle  part  dans  sa  vie.  DraâupadI  même  observa 
bien  le  grand  devoir  à l'égard  des  brahmes.  15,866. 

» Le  roi  DJayatratha  à l’àme  insensée  l’a  ravie  de  force. 
Ce  rapt  le  rendit  criminel  et  l’on  lit  tomber  les  cheveux 
de  sa  tête.  15,867. 

» 11  subit  une  défaite  dans  la  bataille  avec  ses  compa- 
gnons : Krishna  fut  reconquise  par  nous,  qui  immolâmes 
l’armée  des  Sindhiens.  15,868. 

» La  reprise  par  nous  de  notre  épouse  fut  contre  noire 
espérance  ; cette  habitation  dans  les  forêts  est  pénible,  et 
la  chasse  est  l’unique  soutien  de  notie  vie.  15,86». 

» Habitants  des  forêts,  nous  causons  du  mal  aux  ani- 
maux, nos  parents,  qui  habitent  les  forêts  ; et  ces  résolu- 
tions des  brahmes  d’habiter  avec  nous  ne  sont  pas 
fondées  sur  la  vérité  : telle  est  notre  vie.  16,870. 

D Est-il  un  homme  plus  malheureux  que  je  suis,  que  ta 
sainteté  ait  vu  jamais,  dont  elle  ait  jamais  entendu 
parler?»  15,871. 

Mârkandéya  lui  répondit  : 

a Râma,  0 le  plus  vertueux  des  Bharatides,  éprouva 
une  infortune  sans  égale  : la  Djanakide,  son  épouse,  lui 
fut  enlevée  par  un  vigoureux  Raksha.sa  ! 15,872. 

» Recourant  à la  magie,  Râvana,  le  coupable  Indra  des 


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VANA-PARVA. 


520 


Rakshasas,  l’enleva  de  son  herniitage  et  accabla  de  sa 
force  le  vautour  Djatâyoush.  15.S73. 

» Rama  la  reprit,  aidé  par  les  armées  de  Sougrlva; 
il  jeta  un  pont  sur  la  mer  et  ses  flèches  acéi'ées  consumè- 
rent Lanka.  » 15,874. 

« Dans  quelle  famille  était  né  Râma?  lui  demanda 
Youddhisbthira.  Quelle  était  sa  vigueur?  Quel  fut  son 
courage  ! De  qui  Râvana  était-il  né  le  fils  ? Quelle  fut 
.son  inimitié  ? Avec  qui  eut-il  à la  soutenir  ! 15,875. 

» Je  désire  que  tu  me  racontes  entièrement  toutes  ces 
choses,  révérend  : je  désire  entendre  l’histoire  de  ceRàma 
aux  travaux  infatigables.  » 15,876. 

« Adja,  répondit  Mârkandéya,  fut  un  roi  né  dans  la 
famille  du  gr.and  Ikshwùkou  ; il  eut  pour  fils  Daçaratha, 
prince  religieux,  continuellement  voué  à la  lecture  des 
saintes  écritures.  15,877. 

» (ielui-ci  eut  quatre  fils,  versés  dans  les  choses  du  de- 
voir: c’étaient  Râma,  Lakshmana,  Çatroughna  et  Bharata 
à la  grande  force.  15,878. 

» Kaâuçalyâ  fut  la  mère  de  Râma,  et  Kalkéyî  celle  de 
Bharata:  Lakshmana  et  Çatroughna,  héros  formidables, 
étaient  les  fils  de  Suumitrâ.  15,879. 

■ » Djanaka  était,  seigneur,  le  roi  du  Vidéha  ; il  eut  pour 
fille  Sità,  que  le  créateur  fit  de  ses  mains  pour  devenir  la 
bien-atmée  et  la  royale  épouse  de  Itàma.  15,880. 

» Ici,  je  t’ai  raconté  la  naissance  de  Râma  et  de  Sitâ; 
je  vais  maintenant  t’exposer,  monarque  des  hommes, 
l’origine  de  Râvana  lui-môme.  15,881. 

a Le  Pradjàpati,  le  Dieu  aux  grandes  pénitences,  le 
maître  de  tous  les  mondes,  rÈtre-existani-par-lui-méme, 
le  Créateur  en  personne  fut  l’aïeul  de  lUvana.  15,882. 

IV  34 


630 


LE  MaHA-BHAUATA. 


B Le  fils  mental  et  bien-aimé  de  Brahma  eut  nom  Pou- 
lastya,  et  celui-ci  eut  pour  son  fils  premier-né  Valçravana. 

» Abandonnant  son  père,  ce  lils  s’approcha  de  son 
meul,  et  Poulastya  de  colère  fit  sortir  de  lui-mème,  sire, 
un  nouvel  être.  15,883 — lô,88â. 

» Le  brahme  irrité,  Viçravas  naquit,  formé  d’une  moitié 
de  ce  Dieu,  pour  tirer  vengeance  de  Vaiçravana.  13,885. 

Il  L’aïeul  enchanté  donna  5 ton  petii-fils  Vaiçravana 
l’immortalité,  l’enipiie  des  richesses,  la  garde  du  monde, 
l'amitié  de  (iiva  et  un  fils,  qui  fut  nommé  Nulakoûvara. 
L'auguste  Dieu  lui  donna  pour  sa  ville  capitale  LankA, 
remplie  d’armée  de  Rakshasas,  un  char  appelé  Poush- 
paka,  qui  allait  de  soi-même  au  gré  des  désirs,  la  domi- 
nation sur  les  Yakshas  et  la  souveraineté  absolue  des 
Rakshasas.  15,886—15,887—15,888. 

I)  Le  solitaire,  nommé  Viçravas,  de  qui  la  moitié  du 
corps  était  faite  de  la  colère  du  mouni  Poulastya,  jeta  sur 
Vaiçravana  un  regard  irrité.  15,880. 

B Kouvéra,  le  souverain  des  richesses,  s’aperçut  alors 
que  son  père  était  courroucé,  et,  sire,  il  s’efforça  de  capti- 
ver sa  bienveillance.  15,890. 

B Le  roi  des  rois,  qui  faisait  porter  sa  litière  à des 
hommes,  demeurait  à Lanka  : il  donna  à son  père  trois 
Rakshasts  pour  servantes.  16,801. 

B Habiles  dans  le  chant  et  la  danse,  elles  s’efforçaient, 
éminent  Bharatide,  de  tenir  sans  cesse  le  magnanime  rishi 
sous  le  charme  du  plaisir.  15,802. 

B Elles  se  nommaient,  souverain  des  hommes,  Poush- 
pautkaia,  Ràkâ  et  Mâlinl  : elles  avaient  une  taille  svelte, 
sire,  et  faisaient  naître  l’amour  à l’envi  l’une  de  l’autre. 

» Le  magnanime  révérend  accorda  individuellement  à 


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VANA-PARVA. 


531 


chacune  d'elles  la  grâce  de  mettre  au  jour  des  fils,  sem- 
blables aux  gardiens  du  monde,  et  tournés  au  gré  de  leurs 
désirs.  13,803 — l.‘>,89â. 

» Poushpautkatà  donna  la  naissance  à deux  fils,  Koum- 
bhakarna  et  Daçagriva,  souverains  des  Rakshasas,  qui 
n’avaient  pas  d’égal  en  vigueur  sur  la  terre.  13,80.’). 

» Mâlint  fut  la  mère  d'un  seul  (ils,  Vibhish.m.'i,  et  Râkâ 
eut  un  couple  d'enfants,  Khara  et  Çoûrpanakâ.  15,89tt. 

U Vibhtshana  leur  était  supérieure  à tous  en  beauté  ; il 
était  vertueux,  observateur  du  devoir,  et  mettait  sa  volupté 
dans  les  céréuionies  religieuses.  13,897. 

» Daçagriva  ou  Râvana,  l'ainé  de  tous,  était  l’empereur 
des  Rakshasas  ; il  excellait  par  l’elTori  ; il  avait  une  grande 
vigueur,  un  grand  courage,  une  grande  âme.  13,898. 

» Koumbliarkarna  l’emportait  sur  tous  ses  frères  pour 
la  force  dans  les  combats  ; c’était  un  noctivagiie  terrible, 
ivre  de  batailles,  adonné  â la  magie.  15,899. 

s Brave,  l’arc  à sa  main,  Khara  était  un  mangeur  de 
chair,  ennemi  des  brahmes,  et  l’horrible  Çoûrpanakâ  se 
plaisait  â jeter  des  obstacles  devant  les  Sid  lhas.  13,iK)0. 

» Tous  étaient  instruits  dans  les  Védas,  tous  étaient  des 
héros,  tous  observaient  fidèlement  leurs  vœux;  ils  ha- 
bitaient joyeux  avec  leur  père,  sur  le  mont  Gandharoâ- 
dana.  13,901. 

i>  Us  virent  là  V’alçravana,  qui  fait  porter  sa  litière  par 
des  hommes,  assis  avec  son  père,  et  doué  d’une  suprême 
abondance.  15,902. 

» 1.A  colère  allumée,  arrêtant  ferme  leur  résolution  d.an.s 
la  pénitence,  leurs  mortilicatiom  causèrent  la  joie  de 
Brahma.  15,903. 

» D.açagiiva  dans  une  recueillement  parfait  se  tint  mille 


632 


LE  AlAHA-BHARATA. 


ans  sur  un  seul  pied,  se  nourrissant  d’air  et  placé  au  milieu 
de  cinq  feux  embrasés.  15, DCA. 

» Kouiiibhakarna  aux  vœux  comprimés  coucha  sur  la 
terre  et  se  refusa  la  nourriture.  La  .seule  feuille  desséchée 
forma  les  aliments  de  Vibhlsliana.  15,905. 

)j  C.e  prince  ferme,  à l’intelligence  noble,  et  livré  tout 
entier  it  la  prière,  faisait  du  jeûne  sa  volupté  et  passait  le 
temps  dans  une  horrible  pénitence.  15,906. 

» Khara  et  (joi’irpanakhâ  servaient  ces  héros,  voués  ai:x 
mortifications,  et,  l’âme  exaltée,  ils  veillaient  â leur  garde. 

» Quand  un  millier  d’années  eut  achevé  sa  réiolution, 
le  mclirague  aux  dix  chefs  de  couper  une  de  ses  tètes,  et 
l’intraitable  de  la  sacrifier  dans  le  feu.  Le  maître  du 
monde  eut  cette  oblation  pour  agréable.  16,907 — 15,908. 

I)  Brahma  vint  lui-même,  fit  cesser  leurs  mortific.ations 
et  les  récompensa  tous  individuellement  par  le  don  d’une 
grâce.  15,909. 

(I  Je  suis,  leur  dit  Brahma,  satisfait  de  vous  ; cessez, 
mes  fils,  et  choisissez  une  grâce.  Obtenez  toute  chose,  qui 
est  l’objet  de  vos  désirs,  à l’exception  de  l’immortalité  ! 

1)  Toutes  ces  têtes,  que  tu  as  sacrifiées  dans  le  feu  par 
le  désir  d’une  grande  chose,  elles  se  retrouveront  toutes 
dans  ton  corps  à ta  volonté.  15,910 — 15,911. 

» 11  n’y  aura  point  de  difibrmité  dans  ta  personne,  et  tu 
porteras  un  corps  fait  pour  l’amour  : tu  seras,  il  n’y  a 
aucun  doute,  le  vainqueur  des  ennemis  dans  la  bataille.  » 
« Que  je  n’éprouve  jamais  une  défaite,  lui  répondit 
llâvana,  ni  des  Bhuûtas,  des  Rinnaras  et  des  serpents,  ni 
des  Rakshasas  et  des  A'aksh.as,  ni  des  Asouras,  des  Gan- 
dharvas  et  des  Dieux  ! » 15,912 — 15,013. 

n Ces  êtres,  que  tu  m’as  nommés  là,  ne  doivent  t’ins- 


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VANA-PARVA. 


533 


pirer  nulle  crainte,  dit  Brahma  ; j'ai  disposé  tout  ainsi  : 
la  félicité  descende  sur  toi  ! » 15,914. 

1)  A ces  mots,  Daçagrtva  fut  transporté  de  joie,  et  ce 
Démon  (it  mépris  des  hommes,  qu'il  dévorait.  15,915. 

» I.e  céleste  aïeul  s'adressa  aus.si  à Koumbbakarna,  et 
te  mauvais  génie,  de  qui  l'esprit  était  en  proie  à la  qualité 
lamas,  opta  pour  un  sommeil  profond.  15,916. 

U Quand  il  eut  dit  : h 11  en  sera  ainsi  ! » Brahma  tint  ce 
langage  àVibhtshana:  a Choisis  toi-même  une  grâce,  mon 
fils  : je  suis  content  de  toi  1 lui  dit-il  â deux  et  trois  fois. 

n Tombé  au  plus  grand  des  malheurs,  que  je  maintienne 
mon  esprit  dans  la  vertu,  reprit  Vibhlshaua  ; et  que  l'astra 
de  Brahmam'apparaisse  sans  l'avoir  appelé  parla  science.  » 

15,917—16,918. 

(c  Parce  que  ton  esprit  se  tient  dans  la  vertu,  quoique  tu 
sois  né  dans  une  matrice  de  Rakshasas,  ô toi,  qui  traînes 
xur  le  champ  de  bataille  les  corps  de  tes  ennemis,  je  te 
donne  l'immortalité.  15,910. 

■)  Quand  il  eut  obtenu  la  grâce,  monarque  des  hommes, 
le  Raksba.sa  Daçagrtva  vainquit  dans  la  guerre  le  maître 
des  richesses,  et  l'expulsa  de  Lanka.  15,920. 

n Abandonnant  cette  ville,  l’adorable  Dieu  entra  dans  le 
Gandbamàdana,  suivi  par  des  Yaksbas  et  des  Candharvas, 
accompagné  de  Rakshasas  eide  Kimpourousbas,  15,921. 

O Râvana  lui  enleva  de  force  son  char  Poushpaka; 
mais  V'aiçravana  le  maudit  : » Ce  char  ne  te  portera  pas  ! 
lui  dit-il.  15,922. 

» Mais  il  portera  le  héros,  qui  t'enlèvera  la  vie  dans  mi 
combat.  Maintenant  que  tu  as  méprisé  ton  maître  spirituel 
et  moi,  tu  n'as  pas  long-temps  à vivre.  » 15,923. 

» Le  juste  Vibhtshana,  n'oubliant  pas  la  vertu,  puis- 


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63A 


LE  MAHA-BHARATA. 


aant  roi,  suivit,  doué  de  la  plus  haute  fortune,  la  route 
des  gens  de  bien.  •10,924. 

» L’adorable  et  sage  maître  des  richesses,  son  frère,  lui 
donna,  comme  un  témoignage  de  satisfaction,  le  suprême 
a)nimandement  sur  les  deux  armées  d”i'akshas  et  de 
Kaksliasas.  15,925. 

» Les  Rakshasas  et  les  anthropophages  Piçâtchas  à la 
grande  force,  s’étant  rassemblés  tous,  sacrèrent  le  Démon 
aux  dix  têtes  comme  leur  monarque.  15,926. 

» Daçagilva,  enivré  de  sa  vigueur,  voyageant  au  sein 
des  airs  sous  une  forme,  qu’il  changeait  à volonté,  enleva 
de  vive  force  les  pierreries  des  Daityas  et  des  Dieux. 

» 11  fit  pleurer  (1)  les  mondes,  c’est  pour  cela  qu’il  fut 
appelé  Râvana  : il  imposa  la  crainte  aux  Dieux  par  sa 
vigueur,  qui  obéissait  à sa  X'olonté.  15,927 — 15,928. 

» Ensuite  tous  les  brahmarshis,  les  Siddhas  et  les 
Dévarshis,  sous  la  conduite  du  Feu,  vinrent  implorer  la 
protection  de  Brahma  : 15,929. 

O Ce  Daçagrîva  à la  grande  force,  le  fils  de  Viçravas, 
ne  peut  être  mis  A mort  : et  c'est  la  grâce,  que  tu  lui  as 
jadis  accordée.  15,930. 

» Ce  mauvais  Génie  immole  toutes  les  créatures  par  ses 
méchancetés.  Que  l' Adorable  veuille  bien  nous  sauver: 
il  n’existe  pas  d’autre  défenseur  pour  nous.  » 15,931. 

<■  11  est  impossible  de  le  vaincre,  Agni,  aux  Asouras 
et  même  aux  Dieux,  répondit  Brahma.  Voici  un  moyen, 
que  j’ai  disposé  ici  près  de  vous  et  qui  sera  sa  répres- 
sion. 15,932. 

» Pai-  mon  ordre,  Vishnou  aux  quatre  bras,  le  plus 


(I)  hïvayàitâia. 


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VANA-PARVA. 


5M 

vaillant  des  combattants,  descendra  ici-bas  pour  ce  dessein, 
et  il  accomplira  cette  affaire.  » 15,933. 

» L'aïeul  suprême  des  créatures  dit  à Çakra  en  présence 
de  ces  suppliants  : « Nais,  toi  ! sur  le  sol  de  la  terre  avec 
tous  les  chœurs  des  Dieux.  15,934. 

» Engendrez  de  tous  les  côtés,  pour  être  les  compa- 
gnons de  Vishnou,  des  héros,  vos  lils,  remplis  de  force, 
dans  les  femelles  des  ours  et  des  singes.  » 15,935. 

<>  Aussitôt  les  Dânavas,  les  G indharvas  et  les  Dieux 
résolurent  tous  de  descendre  sur  la  surface  de  la  terre 
fractionnellement  et  suivant  les  portions  de  l’individu. 

» Le  Dieu,  qui  distribue  les  grâces,  dit,  en  leur  pré- 
sence, â la  Gandharvi,  nommée  Doundoubhi  : » Va  pour 
le  succès  de  l’affaire,  qui  doit  être  exécutée  là. 

15,936—15,937. 

» Dès  qu'elle  eut  ouï  ces  paroles  de  l’aïeul  suprême  des 
créatures,  la  Gandharvi  Doundoubhi  naquit  alors  rlans 
le  monde  des  hommes,  femme  bossue,  sous  le  nom  de 
Mantharâ.  15,938. 

» Tous  les  plus  grands  des  Dieux,  Çakra  et  les  autres, 
engendrèrent  des  lils  dans  les  plus  charmantes  femelles 
des  ours  et  des  singes.  15,939. 

» Tous,  ils  ressemblaient  à leurs  pères  en  renommée  et 
en  vigueur;  ils  brisaient  des  cimes  de  montagnes,  ils 
avaient  pour  armes  des  rochers,  des  palmiers  et  des 
chênes.  15,940. 

» Tous  étaient  habiles  dans  la  guerre,  tous  avaient  des 
corps  de  diamant,  tous  avaient  la  force  des  fleuves,  tous 
avaient  du  courage  et  de  la  vigueur  à volonté.  15,941. 

» Ils  avaient  des  souilles  de  vie  égaux  à ceux  d'une  my- 
riade de  serpents,  ils  rivalisaient  en  vitesse  avec  la  rapi- 


536 


LE  MAHA-BHARATA. 


dité  des  vents  ; quelques-uns  de  ces  habitants  des  bois 
mirent  leur  habitation  là  où  était  leur  désir.  13,0&2. 

» Après  que  l'adorable  auteur  des  mondes  eut  ainsi 
disposé  tout,  il  instruisit  la  Mantharâ  de  ce  qu'elle  avait  à 
faire  et  de  la  manière,  dont  il  fallait  agir.  15,9A3. 

I.  Quand  elle  eut  connu  sa  parole,  elle,  aussi  prompte 
que  la  pensée,  elle  fit  ainsi  et,  dans  sa  marche,  elle  se 
plaisait  çà  et  là  à allumer  l'inimitié.  » 15,0&A. 

Il  Ta  sainteté,  interrompit  Youddhishthira,  m'a  raconté 
la  naissance  de  Râma  et  des  autres,  chacun  en  particulier  ; 
je  désire  entendre  mainteiuint  la  cause  de  leur  départ  ! 
Raconte-moi  donc,  brahme,  comment  ces  deux  héroïques 
frèi'es,  Ràma  et  Lakshmana,  fils  de  Daçaratba,et  l'illustre 
Mithilienne  sont  allés  dans  les  forêts.  » 15,0A5 — 15, 9A6. 

Hârkandéya  lui  répondit  alors  : 

« La  naissance  de  ses  fils  combla  de  joie  Daçaratha,  sire, 
(jui  mettait  sa  volupté  dans  les  cérémonies  religieuses,  son 
plaisir  dans  le  devoir,  et  qui  savait  honorer  toujours  les 
vieillards.  15,947. 

» Ses  fils  à la  grande  force  prirent  successivement  leur 
croissance,  parvenus  à la  rive  ultérieure  dans  la  science 
de  l'arc  et  dans  les  Védas,  accompagnés  de  leurs  mystères. 

» Alors  qu'ils  furent  sortis  du  noviciat  et  qu'ils  se 
furent  choisi  des  épouses,  Daçaratha  fut  heureux  et  livra 
son  cœur  à la  joie.  15,948 — 15,949. 

» Ràma  était  leur  atné,  il  était  les  délices  des  sujets,  et 
sage  il  réjouissait  le  cœur  de  son  père  avec  ses  qualités 
aimables.  15,950. 

» Le  prudent  roi,  pensant  qu’il  était  supérieur  à ses 
fi'ères  par  l’âge,  délibéra  avec  ses  ministres  et  ses  ver- 
tueux archi-bralimes  sur  le  sacre  de  Ràma  dans  la  royauté 


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VANA-PAKVA. 


687 


de  la  jeunesse.  Tous  les  plus  sages  ministres,  Bharatide, 
furent  d’avis  que  le  temps  était  arrivé.  16,951 — 15,962. 

Il  Le  monarque  à la  vue  de  ce  fils  aux  yeux  dorés,  aux 
longs  bi'as,  à l'étreinte  vigoureuse,  6 la  vaste  poitrine,  à 
la  chevelure  Irisée  et  noire,  qui  avait  la  démarche  d’un 
éléphant  enivré  ; à l’aspect  de  ce  héros,  rayonnant  de 
beauté,  non  inférieur  à Çakra  dans  les  combats,  accom- 
plissant tous  les  de\  oirs,  égal  à Vribaspatidans  le  conseil, 
habile  dans  toutes  les  sciences,  victorieux  des  sens,  qui 
avait  mérité  le  dévouement  de  tous  les  sujets  et  charmait 
les  yeux  de  ses  ennemis  eux-mêmes  ; à la  vue  de  cet 
oppresseur  des  méchants,  observateur  des  vertus,  ferme, 
inaiïrontable,  vainqueur  invaincu,  de  ce  défenseur,  qui 
augmentait  la  félicité  de  Kaàuçalyâ,  le  roi  goûtait  la  joie 
la  plus  douce,  glorieux  fils  de  Kourou. 

15,958—15,954—15,955—15,956—15,957. 

« Ce  monarque  puissant  à la  grande  splendeur,  ayant 
considéré  dans  sa  pensée  les  vertus  de  Kàma,  tint  joyeux 
ce  langage,  s’il  te  plaît,  à son  archi-brahme  : 15,958. 

« Aujourd’hui,  Poushya,  dans  cette  nuit,  brahme,  arrive 
à une  conjonction  heureuse  ; qu’on  fasse  les  préparatifs, 
et  que  Ràma  soit  consacré  ! » 15,959. 

0 Ayant  appris  ce  discours  du  roi,  Mantharà s’approche 
de  Kalkéyt  et  lui  dit  à propos  ces  paroles  : 15,960. 

« Aujourd’hui,  Kaikéyl,  le  roi  t’annonce  une  grande 
infortune.  Qu’un  serpent  en  colère  te  morde,  malheureuse, 
de  sa  dent  irritée.  Une  le  fera  pat  autant  de  mal.  15,961. 

U Heureuse  est  Kaàuçalyâ,  certes  ! elle,  de  qui  le  fils 
est  sacré.  D’oü  le  bonheur  pourrait-il  te  venir  à toi,  de  qui 
le  fils  n’est  pas  roi?  » 15,962. 

» A peine  eut-elle  euiendu  ce  langage  que,  parée  de 


aS8 


LE  MAHA-BHARATA. 


tous  ses  atours,  son  doigt  du  milieu  orné  d'un  anneau, 
toute  revêtue  d’une  beauté  supérieure,  elle  joignit,  sou- 
riante, son  époux  dans  un  lieu  solitaire,  et  lui  adressa  ces 
douces  paroles  avec  un  sourire  innocent,  comme  si  elle 
manifestait  sa  bienveillance  : 1&,963 — 13, OSA. 

<1  O toi,  qui  jamais  ne  promets  en  vain,  accorde-moi  la 
réalisation  de  l’unique  promesse,  que  tu  m’as  faite  ; dé- 
gage-toi  de  cette  dilTiculté.  » 15,965. 

«Si  je  t’ai  fait  une  promesse,  lui  répondit  le  roi,  eh 
bien  ! obtiens  aujourd’hui  ce  que  tu  désires.  Quel  homme 
faut-il  envoyer  à la  mort,  bien  qu’il  ne  doive  pas  mourir? 
Ou  quel  homme,  digne  de  mort,  faut-il  relâcher  de  ses 
liens?  15,966. 

» De  qui  faut-il  te  donner  les  richesses?  A qui  dois-je 
enlever  ses  trésors?  Toute  richesse  quelconque  ici  m’ap- 
partient, hormis  celle  du  brahme.  15,967. 

» Je  suis  le  roi  des  rois  sur  la  terre  et  le  conservateur 
des  quatre  classes.  Dis-moi  le  vœu,  que  tu  formes  dans 
ton  cœur  ; dame  illustre,  ne  tarde  pas  ! » 1 5,968. 

» A peine  eut-elle  ouï  cette  parole  qu’elle  enchaîna  le 
roi  et,  connaissant  la  force,  qu’il  avait  sur  lui-même,  elle 
dit  ces  mots  ; 15,969. 

a Que  Bharata  obtienne  cette  consécration,  qui  est 
préparée  à cause  de  Râma,  et  que  le  Raghouide  s’en  aille 
dans  les  forêts!  » 15,970. 

» Quand  le  roi  entendit  cette  parole  épouvantable, 
comme  x’iV  voyait  un  autre  de  malheur  se  lever  sur  l’ho- 
rizon, accablé  de  douleur,  ô le  plus  vertueux  des  Bhara- 
tides,  il  n’articula  pas  un  seul  mot.  15,971. 

» Aussitôt  que  l’énergique  Ràma  eut  appris  que  son 
père  avait  consenti  à ces  paroles,  l’homme  juste  s’en  alla 


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VANA-PARVA. 


630 


dans  les  bois,  u Que  le  roi,  dit-il,  soit  dans  la  vérité  ! » 

» L'archer  Laksbmana  le  suivit  comme  la  Fortune  et  la 
Vidébaine  SItA,  son  épouse,  s'il  te  plaît,  la  fille  du  roi 
Djanaka.  16,072 — 15,073. 

» Râiiia  parti  pour  la  forêt,  la  mort,  par  la  révolution  du 
temps,  enleva  de  ce  monde  Daçaratha.  15,97é. 

» A la  nouvelle  que  le  jeune  prince  s'était  exilé  et  que 
le  roi  avait  rendu  l'esprit,  la  reine  Kalkéyl  fit  appeler 
Bharata  et  lui  tint  ce  langage  : 15,975. 

« Daçaratha  est  monté  au  ciel,  Râma  et  I..aksmana  vivent 
dans  les  bois:  saisis-toi  de  ce  royaume  vaste,  heureux, 
débarrassé  de  ses  ennemis  ! » 15,076. 

« Oh  malheur  ! lui  répondit  cet  homme  juste  ; on  a 
commis  un  crime  ! Tu  as  tué  ton  époux  et  détruit  cette 
famille  par  la  soif  des  richesses  ! 15,977. 

•)  Tu  as  faittomberfinfamiesurniatète,  toi,  l'opprobre 
de  ta  race  I Sois  donc,  ma  mère,  au  comble  de  t^  vœux  ! » 
Il  dit  et  se  mit  à pleurer.  15,978. 

I)  Il  purifia  .sa  vie  en  présence  de  tous  les  snjetset  suivit 
Ràuia,  son  frère,  avec  le  désir  de  le  ramener  dans 
Ayodhyà  et  sur  le  trône.  15,979. 

» Accablé  de  douleur,  il  fit  partir  devant  lui,  sur  des 
chars,  Kaàuçalyà,Soumitrâ  et  Kalkéyl;  il  se  mit  en  route, 
accompagné  de  Çatrougbna,  précédé  par  Vaçishtha,  Vâ- 
madéva  et  les  autres  brahmes  à milliers,  et  suivi  par  les 
habitants  des  campagnes  et  de  la  ville,  dans  le  désir  de 
ramener  avec  lui  Râma.  15,980 — 15,981. 

» 11  vit,  sur  le  mont  Trikoûta,  en  compagnie  de  Laksh- 
mana,  Râma,  habile  à manier  Tare  et  portant  la  parure 
des  pénitents.  15,982. 

» Religieux  observateur  de  la  parole  donnée  par  son 


560 


LE  MAHA-BHARATA. 


père,  Ràma  le  congédia  : ce  jeune  prince  fit  de  Nandigrâma 
la  capitale  de  son  royaume,  et  mit  sur  le  trône  les  sandales 
de  son  frère.  15,983. 

U Dans  la  crainte  du  retour  des  campagnards  et  des 
citadins,  Ràma  s’enfonça  dans  la  grande  forêt,  vers  l'her- 
mitage  de  Çarabhaiiga.  15,986. 

» Quand  il  eut  honoré  cet  ascète,  il  entra  dans  la  forêt 
Dandaka,  et,  parvenu  à la  rivière  Godâvarl,  il  habita  sur 
.ses  rives.  15,985. 

» Tandis  qu'il  demeurait  en  ces  lieux,  Çoûrpanakhâ  lui 
suscita  une  grande  guerre  avec  Khara,  qui  habitait  le 
DJanasthàna.  15,986. 

» Le  Raghouide,  ami  du  devoir,  fit  mordre  la  pous- 
sière à quatorze  mille  Rakshasas  pour  le  salut  des  péni- 
tents. 15,987. 

« Après  qu’il  eut  tué  Doùshana  et  Rbara  à la  bien 
grande  force,  le  sage  rejeton  de  Raghou  fit  rentrer  le 
bonheur  dans  le  bois  du  devoir.  15,988. 

» Ces  Rakshasas  morts,  Çoûrpanakhâ,  les  lèvres  et  le 
nez  coupés,  transporta  sa  fuite  à Laukà,  résidence  de  son 
frère.  15,989. 

U Arrivée  près  de  Râvana,  la  Rakshasl,  pleine  de  dou- 
leur et  le  visage  couvert  de  sang  desséché,  se  laissa  tomber 
aux  pieds  du  monarque.  15,990. 

» Quand  il  la  vit  ainsi  défigurée,  Râvana,  bouillant  de 
colère,  s’élança  de  son  trône,  en  courroux  et  grinçant  les 
dents.  15,991. 

I)  11  congédia  ses  ministres  et,  aussitôt  qu’il  fut  seul  avec 
elle,  il  dit  ; « Qui  t’a  mise  en  cet  état,  noble  dame,  sans 
penser  à moi,  et  au  mépris  de  ma  puissance?  15,992. 

» Qui,  tombé  sur  un  pal  acéré,  s’y  attache  de  tout  son 


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VANA-PARVA. 


6A1 

corps  7 Qui  dort  en  paix  avec  conHance,  quand  il  a mis  un 
oreiller  de  feu  sous  sa  tête?  15,993. 

» Qui  touche  ici  du  pied  le  plus  terrible  des  serpents? 
Qui  s’arrête  devant  un  lion  à la  longue  crinière,  dont  il  a 
touché  les  grandes  dents  ?»  1 f,99â. 

«Tandis  qu’il  parlait  ainsi,  de  ses  oreilles  jaillissaient 
des  flammes  de  feu:  tel,  pendant  la  nuit,  sort  le  feu  par 
les  trous  d’un  arbre,  qui  brûle.  15,995. 

Sa  sœur  lui  raconta  tout,  et  le  courage  de  Râroa,  et  la 
défaite  des  Rakshasas,  avec  la  mort  de  Khara  et  Doûshana. 

» .Après  qu’il  eut  arrêté  son  dessein  et  consolé  sa  sœur, 
le  roi  s'élança  au  sein  des  airs,  ayant  mis  l’ordre  dans  sa 
ville.  15,996—15,997. 

» Quand  il  eut  franchi  le  Trikoûta  et  la  montagne  Noire 
elle-même,  il  vit  la  mer  aux  profondes  eaux,  l’habitation 
des  makaras.  15,998. 

» L’océan  traversé,  le  Démon  aux  dix  têtes  s’avança  vers 
Gokarna,  demeure  chérie  et  sans  trouble  du  magnanime 
Dieu,  qui  tient  à sa  main  le  trident.  15,999. 

» Là,  il  s’approcha  de  Màritcha,  son  ancien  ministre,  à 
qui  la  crainte  de  Râuia  fit  embrasser  la  vie  ascétique. 

» L’hermite  fut  troublé  à la  vue  de  son  maître,  qui 
arrivait  et  qu’il  honora  avec  des  fruits,  des  racines  et  les 
divers  autres  bons  traitements.  16,000 — 16,001. 

» L’anachorète  assis  pensa  que  le  voyageur  assis  était 
fatigué,  et,  savant  dans  les  discours,  habile  à manier  la 
parole,  il  lui  adressa  ce  langage  modeste  : 16,002. 

« Ta  couleur  ne  ressemble  point  à celle  de  la  nature. 
La  félicité  règne-t-elle  dans  ta  ville  ? Tous  les  sujets  con- 
servent-ils pour  toi  l’amour,  qu’ils  avaient  autrefois. 

» Quel  est  le  motif  de  ta  venue  en  ces  lieux  ? Quelle 


5A2 


LE  M/VH4-BHARATA. 


chose,  monarque  des  Rakshasas,  faut-il  que  l'on  fasse 
pour  toi  7 » — » Sache  cela,  dit  Râvana  ; si  c'est  une 
action,  qui  sera  bien  diflicilel  » Et,  saisi  de  ressentiment 
et  de  colère,  il  lui  exposa  toute  l'histoire  de  R&ma  et  ses 
exploits  en  abrégé.  16,003 — 10,00i — 16,005. 

» Dès  que  Mârttcha  eut  ouï  le  sommaire  de  Râvana  : 
• Loin  de  toi,  répondit-il,  cette  attaque  de  Râmal  Je 
connais  assurément  sa  vigueur.  16,006. 

U Qui  est  capable  de  supjmrter  la  fougue  des  flèches  de 
ce  maguanime  ? Mon  exil  hors  de  ta  cour  n’a  pas  d'autre 
cause  que  cet  homme  éminent.  16,007. 

» Quel  esprit  méchant  fit  connaître  à ta  majesté  cette 
source  de  destruction  ? » Râvana  reprit  avec  colère,  eu  le 
menaçant;  16,008. 

« Si  tu  ne  fais  pas  ma  parole,  la  mort,  pour  sûr,  sera 
ton  châtiment  1 » Mâritcha  de  penser  que  la  mort  devait 
l'emporter  sur  las  considérations  les  plus  éminentes. 

U Puisque  la  mort  doit  m'airiver  nécessairement,  .son- 
gea-t-il, je  ferai  ce  qui  est  dans  sa  pensée.  » Alors  Mâri- 
tcha répondit  au  souverain  das  Rakshasa.s  : 

16,009—16,010. 

« Quelle  action  faisable  veux-tu  que  je  fasse  ? Je  l'exé- 
cuterai malgré  moi.  » — « Va  ! dit  le  Démon  aux  dix 
tètes,  et  fais  naître  les  désirs  de  Sitâ.  16,011. 

» Deviens  une  g zelle  aux  cornes  de  pierreries,  au  poil 
de  gemmes  variées;  il  est  certain  qu’à  ta  vue,  Sitâ  ne  peut 
manquer  d’exciter  sou  Râma  à ta  poursuite.  16,012. 

v Le  Kâkoutsthide  une  fois  éloigné,  Sitâ  est  à ma  dis- 
crétion ; je  la  jirends,  je  l’enlève,  et  la  séparation  d'avec 
son  épouse  tuera  l'insensé  Râma  : fuis  cette  chose,  qui  est 
très-faisable,  u A ces  paroles,  Mâritcha  de  verser  l'eau. 


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VANA-PARVA. 


6AS 

dont  la  source  était  en  hii-mème.  10,013 — lO.OlA. 

» Il  suivit  Ràvana,  qui  marchait  devant  lui  : ils  arri- 
vèrent de  compagnie  à l'hermiiage  de  ce  Râina  aux  tra- 
vaux infatigables.  16,015. 

U Ils  exécutèrent  tout  de  la  manière,  qu’ils  l’avaient 
d’avance  délibéré  ensemble.  Ràvana  devint  un  Yati  à la 
tête  rasée,  portant  la  tasse  pour  mendier  et  le  triple  bâton. 

» Mârîtcha  prend  les  formes  d’une  gazelle.  Ils  arrivent 
au  lieu  désigné,  et  iMàritcha,  revêtu  de  l’extérieur  d'une 
antilope,  se  montre  à la  Vidéhaine.  16,016—16,017. 

» Excitée  par  le  Destin,  elle  excite  Ràma  à poursuivre 
la  bête  ; et  celui-ci,  empressé  de  faire  une  chose,  qui  lui 
est  agréable,  saisit  son  arc  à la  hâte.  16,018. 

» Il  prépose  Lakshmana  à la  garde  de  son  épouse  et  sort 
avec  le  désir  de  prendre  la  gazelle.  Portant  son  arc,  le  car- 
quois lié  sur  les  épaules,  son  cimeterre  au  côté  et  la  main 
défendue  par  le  gantelet  ; il  courut  à la  suite  de  l’antilope, 
tel  que  jadis  Çiva  derrière  la  gazelle  Târâ.  Le  Rakshasa 
disparaissait  et  rendait  sa  vue  de  nouveau  aux  yeux  du 
chanseur  16,019 — 16,020. 

» Ràma  fit  ainsi  une  longue  route  ; enfin,  il  l’apperçut: 
et,  reconnaissaint  que  c’était  un  noctivague,  l’intelligent 
Raghouide  encocha  un  dard  infaillible  et  le  tua  .sous  les 
formes  de  la  gazelle.  Le  Démon,  blessé  par  la  flèche  de 
Ràma,  contrefit  faccent  de  sa  voix  : « Hâ,  Slià  ! Hà, 
Lakshmana!  » cria-t-il  avec  une  imonation  de  détresse. 
La  Vidéhaine  entendit  cette  voix  déplorable. 

16,021  — 16,022—16,023. 

» Elle  s’élança  vers  le  lieu,  d'où  partait  le  son,  et  Laksh- 
uiana  lui  dit  : « ('.esse  ta  crainte,  femme  timide  ! (^ui 
pourrait  blesser  Ràma  ? 16,024. 


LE  MAHA-BHARATA. 


5«A 

b Tu  reverras  dans  un  instant  Râma,  ton  époux,  dame 
au  candide  sourire.  » A ces  mots,  la  femme  éplorée  de 
soupçonner  Lakshmana.  16,025. 

>>  Cette  dame  chaste,  vertueuse,  qui  portait  les  orne- 
ments d’une  vie  pure,  excitée  par  sa  nature  de  femme,  se 
mit  à lui  jeter  des  paroles  amères  ; 16,026. 

« Cet  amour,  que  tu  désires  dans  ton  cœur,  ne  sera 
point  ; car,  saisissant  une  arme,  je  me  donnerais  plutôt  la 
mort  de  ma  main  ! 16,027. 

» Je  me  précipiterais  du  sommet  d'une  montagne,  je 
monterais  sur  un  bûcher  ; mais  je  n’abandonnerais  pas 
Râma,  mon  époux,  pour  te  suivre,  toi,  de  qui  les  qualités 
sont  inférieures,  comme  une  tigresse  ne  court  pas  après 
un  chacal.  » En  entendant  ces  paroles,  le  vertueux  Lak.«h- 
mana,  plein  de  tendresse  pour  son  frère,  se  cacha  les 
oreilles,  et,  prenant  le  chemin  par  où  était  parti  le  Ra- 
ghouide,  il  s’avança,  l’arc  à sa  main. 

16,028—16,029—16,950. 

» Il  s’en  alla,  jetant  un  dernier  regard  sur  la  femme  aux 
lèvres  de  vimba.  Dans  le  même  instant,  se  montra  le  Dé- 
mon Râvana.  16,031. 

» Caché  sous  le  costume  d'un  pénitent,  comme  le  feu 
sous  la  cendre,  ennemi  sous  une  fomie  amie,  il  dé.sirait 
enlever  cette  femme  irréprochable.  16,032. 

» Aussitôt  quelle  le  vit  s’approcher,  la  vertueuse  fille 
du  roi  Djanaka  l’invita  à manger,  et  lui  offrit  des  racines, 
des  fruits  et  d’autres  aliments.  16,033. 

» 11  dédaigna  tout,  et,  reprenant  sa  forme  naturelle, 
l’éminent  Rakshasa  se  mit  à caresser  la  Vidéhaine  en  pa- 
roles : 16,03â. 

« Sttâ,  je  suis  le  roi  des  Rakshasas,  connu  sous  le  nom 


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V,VNA-PARVA. 


5A5 


de  Ràvana  : la  délicieuse  ville  de  LankA,  sur  le  bord  de  la 
grande  mer,  est  ma  capitale.  l(i,03.'>. 

U Là,  tu  brilleras  avec  moi  au  milieu  des  hommes  et  des 
femmes.  Deviens  mou  épouse,  femme  chariuanle;  aban- 
donne ce  fils  pénitent  de  Raghou  ! » lii,036. 

» Entendant  ces  paroles  et  d'autres  semblables,  la  ra- 
viss.inte  Djanakide  se  couvrit  les  oreilles  de  ses  mains,  et 
dit  ces  mots  : « Ne  parle  pas  ainsi  I 16,037. 

U Le  ciel  tomberait  avec  ses  constellations,  la  terre  s’en 
irait  en  morceaux,  le  feu  passerait  àla  froidure,  avant  que 
je  pusse  abandonner  le  fils  de  Raghou.  10,038. 

» Comment  une  éléphante,  qui  eut  commerce  avec  un 
noble  éléphant,  habitant  des  bois,  aux  joues  fendues  par 
la  fièvre  de  rut,  pourrait-elle  s’unir  avec  un  pourceau! 

» Comment  une  femme,  qui  a bu  une  liqueur  agréable, 
qui  a bu  des  sirops  composés  de  sucre  et  de  miel,  pourrait- 
elle  mettre  son  désir  dans  un  acide  gruau  7 » Elle  ainsi 
de  lui  opposer  toutes  ces  réminiscences.  10,039 — 16,0A0. 

« Après  cet  entretien  avec  lui,  elle  rentra  dans  l’her- 
mitage,  agitant  inrintes  fois  ses  mains,  et  la  colère  faisant 
trembler  ses  lèvres  16.041. 

U Ràvana,  se  précipitant  derrière  elle,  arrêta  cette  dame 
fharmante,  menaçant  de  ses  paroles  cruelles  cette  femme 
à l’esprit  h irs  d’elle-mème.  1C,042. 

« 11  la  saisit  par  les  cheveux  et  l'emporta  au  sem  des 
ai'‘s.  Il  fut  aperçu  par  le  vautour  Dja.âyoush.  perché  au 
1.  .te  d’une  montagne.  16,043. 

O Ràma  ! Ràma  ! » gémissait  la  femme  pénitente  ravie. 

» Ce  vautour  Djatâyou.sh,  le  fils  d'Arouna,  était  l’ami  de 
Daçaratna  : te  roi  des  vautours  était  un  grand  héros,  de 
qui  Sampttti  était  le  frère  germain.  16,044 — 16,045. 
tv  35 


5A6 


LE  MAH  V-BH  VRATA. 


n II  vit  Sitâ,  la  bru  de  son  ami,  placée  snr  l'anka  de 
Bâvana,  et  l'oiseau  irrité  de  fondre  sur  le  monarque  des 
Rakshasas.  10,0i0. 

« Lâche  la  Mitliilienne  ! lui  dit  le  vautour.  Làche-la  1 
Comment  la  raviras-tu,  moi  vivant,  noctivaguel  16,047. 

» Tu  ne  m’échapperas  pas,  la  vie  sauve,  si  tu  ne  remets 
cette  épouse  en  liberté!  » A ces  mots,  il  déchira  cruellement 
de  ses  ongles  l' Indra  des  Rakshasas.  Affaibli  par  les  coups 
de  bec  et  d'ailes,  donnés  à centaines,  celui-ci  versait  un 
fleuve  de  sang  : tels  sont  des  rivières  sur  une  montagne. 

16,048—10,049. 

» Blessé  par  le  vautour,  qu’animait  le  désir  du  bien  de 
Râma,  le  Démon  prit  son  cimeterre  et  coupa  les  deux  ailes 
du  volatile.  16,050. 

» Le  Rakshasa  abattit  le  roi  des  vautours,  semblable  à 
un  grand  nuage  rompu,  et  s’élança  dans  les  airs,  empor- 
tant Sua  dans  son  anka.  16,051. 

1)  Partout  où  la  Vidéhaine  voit  une  enceinte  d’hermitage, 
un  lac  ou  un  fleuve,  elle  y jette  quelque  partie  de  ses  pa- 
rures. 16,052. 

n Elle  aperçut  sur  le  faîte  d’une  montagne  cinq  héros 
des  singes  : l’intelligente  femme  y laissa  tomber  sa 
grande  et  céleste  robe.  16,053. 

» Emporté  par  le  souffle  du  vent,  le  vêtement  d’un  jaune 
éclatant  s’abattit  au  milieu  des  cinq  Indras  des  singes, 
comme  un  éclair  au  milieu  des  nuages.  16,054. 

» Le  Génie  ailé  ne  courut  pas  long-temps,  attendu  qu’il 
voyageait  à travers  le  ciel  ; il  vit  sa  délicieuseet  ravissante 
ville  aux  nombreuses  portes,  environnée  de  remparts  et 
de  retranchements,  l’ouvrage  de  Viçvakarina.  Le  monarque 
entra  avec  Silà  dans  la  cité  de  Lanka.  16,055 — 16,056. 


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VANA-PARVA. 


5A7 


• » La  Vidéhaine  enlevée  de  cette  manière  et  la  grande 
gazelle  tombée  sous  ses  coups,  le  sage  Râma  de  retour  vit 
son  frère  Lakshinana.  16,057. 

« Pourquoi  viens-tu  ici,  ayant  laissé  dans  ce  bois,  fré- 
quenté des  Rakshasas,  la  princesse  du  Vidéha  seule  ? » 
s’écria-t-il  à la  vue  de  son  frère,  qu’il  blâma.  16,058. 

» Et,  rapprochant  dans  sa  pensée /e  rri,  ^w^leRakshasa 
aux  formes  de  gazelle  avait  pour  l’écarter,  et  l’arrivée 
de  son  frère,  il  fut  douloureusement  affligé.  16,059. 

» Blâmant  le  fils  de  Soumitrâ,  leRaghouide  s’approcha 
de  lui  à la  hâte  : « La  Vidéhaine  vit-elle  encore  ? Je  ne  la 
vois  point  avec  toi,  Lakshmana  1 » 16,060. 

» Celui-ci  raconta  entièrement  les  paroles  de  Sîtâ,  et 
les  derniers  mots  intolérables,  que  la  Vidéhaine  avait  pro- 
noncés. 16,061. 

» Râma  accourut  à son  hermitage,  le  cœur  troublé  ; il 
vit  alors,  semblable  à une  montagne,  le  vautour  blessé. 

« Dans  le  soupçon  que  ce  pouvait  être  un  Rakshasa,  le 
Kakoutsthide  bande  son  arc  avec  force  et  court  sur  lui 
avec  Lakshmana.  16,062 — 16,063. 

» Le  robuste  volatile  dit  aux  deux  compagnons,  Râma 
et  Lakshmana  : « Je  suis  le  roi  des  vautours  et  l’ami  de 
Daçaratha  : sur  vous  descende  la  félicité  ! » 16,06A. 

A ces  mots,  ils  retiennent  leurs  arcs  brillants  : « Quel 
est  le  nom  de  cet  être,  se  disent-ils,  qui  parle  de  notre 
père  ? » 16,065. 

» Ils  virent  alors  que  cet  oiseau  avait  les  deux  ailes  cou- 
pées, et  le  vautour  de  leur  dire  qu’il  avait  reçu  la  mort  de 
Râvana  à cause  de  Sttâ.  16,066. 

» Le  rejeton  de  Raghou  interrogea  le  vautour  sur  Râ-  . 
vana  : « Dans  quelle  plage  s’est-il  enfui  ? » L’oiseau  ré* 


5Â8 


LE  MAHA-BHARATA. 


pondit  par  des  mouvements  de  tête,  et  mourut.  16,067. 

» C’est  dans  la  plage  méridionale  ! » s’écria  le  Kakout- 
sthide,  interprétjmt  son  geste.  11  honora  cet  ami  de  son 
père,  et  célébra  ses  obsèques.  16,06S. 

U Ensuite,  il  vit  l’enceinte  de  son  hermitage,  infestée 
par  des  centaines  de  chacals,  avec  ses  sièges  et  ses  temples 
négligés,  avec  son  aiguière  renversée.  16,0'19. 

» Pénétrés  de  douleur  et  de  chagrin,  tourmentés  du  rapt 
de  la  Vidéhaine,  ces  deux  fléaux  des  ennemis  s’en  allèrent 
au  midi  dans  la  forêt  Dandaka.  16,070. 

» Ràma,  accompagné  de  Lakshmana,  vil  dans  ce  grand 
bois  des  troupeaux  de  gazelles,  qui  fuyaient  de  tous  les 
côtés.  16,071. 

» Us  entei. dirent  un  bruit  épouvantable  d’animaux  ; il 
s’accroissait  comme  l’incendie  d’une  forêt,  et,  dans  le 
même  instant,  ils  virent  Rabandha  à l’aspect  effroyable. 

» 11  ressemblait  à une  montagne  ou  à une  masse  de 
nuages  ; il  avait  des  épaules  de  chêne,  de  grands  bras,  une 
grande  bouche,  un  grand  ventre,  de  larges  yeux  au  milieu 
de  sa  poitrine.  16,072 — 16,073. 

» Ce  monstre  terrible,  agissant  de  sa  libre  volonté, 
saisit  Lakshmacia  dans  sa  main  ; et  la  terreur  au  même 
instant,  Bharaiide,  s’empara  du  fils  de  Soumitrà.  16,074. 

» Alors,  jetant  un  regard  troublé  sur  Ràma  dans  le 
temps  où  il  est  entraîné  vers  la  bouche  du  monstre:  « Vois 
lui  dit-il,  quelle  est  ma  condition  : 16,075. 

» L’enlèvement  de  la  Vidéhaine,  cette  infortune  de  moi, 
la  chute  du  trône  de  ta  majesté  et  la  mort  de  mon  père! 

» Je  ne  te  verrai  pas  de  compagnie  avec  la  Vidéhaine 
de  retour  à Kançalà  rétabli  dans  l’empire,  que  mon  père 
et  mes  ayeux  p ^ sédaient  sur  la  terre.  16,077. 


VANA-PARVA. 


hk9 

h Heureux  ceux,  qui  verront  comme  la  lune  au  milieu 
des  nuages  dissipé»,  tou  noble  visage,  consacré  avec  des 
fragments  de  légumes,  symboies  de  la  prospérité  ! » 

» Quand  le  sage  Lakshmana  eut  ainsi  gém''  de  diverses 
manières,  le  rejeton  de  Kakoutstna,  intrépide  au  milieu 
des  terreurs,  lui  dit  : 10,078 — 10,070. 

« Ne  tremble  pas,  tigre  des  hommes  : ceci  n’est  rien, 
quand  je  suis  là.  Tranche-lui  son  bras  droit,  tandis  que  je 
vais  lui  couper  son  bras  gauche  ! » 16,080. 

U Bàma  n'avait  pas  fini  de  parler  que  le  bras  i/aurhe  de 
l'ètre  informe  tomba  sous  le  tranchant  finement  acéré  du 
cimeterre,  comme  on  fauche  un  amas  de  tilas.  10,081. 

» Puis,  le  vigoureux  Soumitride  abattit,  de  son  sabre, 
le  bras  droit;  et,  voyant  son  frère  déterminé,  Lakshmana 
de  frapper  un  second  coup,  fortement  asséné  dans  le  flanc 
du  Rakshasa.  Le  colossal  Kabandba  tomba  sans  vie  sur  la 
terre.  L'âme  sortit  de  son  corps  sous  une  forme  céleste, 
et  on  la  vit  s'élever  au  ciel,  comme  le  soleil,  qui  plane  ra- 
dieux au  sein  des  airs.  16,082 — 16,083 — 16,084. 

» Râma,  doué  d'une  parole  facile:  « Qui  es-tu 7 lui 
demanda-t-il.  Réponds  à ma  question  ? Quel  est  ce  pro- 
dige admirable,  qui  se  montre  librement  â mes  yeux  ? » 
« Prince,  lui  dit  le  Gandharva,  je  suis  Viçvâvasou, 
tombé,  par  la  malédiction  d’un  brahme,  dans  une  matrice, 
domicile  accoutumé  des  Rakshasas.  16,086 — 16,086. 

» Sltâ  fut  enlevée  par  Râvana  : ce  roi  habite  Lanka.  Va 
trouver  Sougrtva  : il  se  liera  d’amitié  avec  toi.  16,087. 

g Non  loin  de  la  Pampâ  aux  ondes  fortunées,  peuplées 
de  cygnes  et  de  canards,  près  d’un  lac,  voisin  du  mont 
Risbyamoûkba,  demeure  Sougriva  avec  quatre  ministres. 
C’est  le  frère  du  roi  des  singes,  Bàli  âla  guirlande  d’or. 


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550 


LE  M\HA-BHARm. 


» Va  t’aboucher  avec  lui  ; expose  la  cause  de  la  peine  ; 
et  ce  prince,  doué  d’un  caractère  vertueux,  fera  alliance 
avec  ta  majesté.  16,088 — 16,089 — 16,090. 

» Voilà  ce  qu’il  nous  est  possible  de  te  dire  : tu  verras 
la  fille  du  roi  Djanaka.  Pour  sûr,  le  monarque  des  simiens 
saura  bien  trouver  Râvana  et  les  autres.  » 16,091. 

» A ces  mots,  disparut  l’âme  céleste  à la  grande  splen- 
deur, et,  saisis  d’admiration,  les  deux  héros,  Râma  et 
Lakshmana,  de  continuer  leur  chemin.  16,092. 

» Ensuite,  non  loin  d’un  lac,  abondant  en  nymphées  et 
en  nélumbos,  Râma,  qüe  le  rapt  de  Sîtâ  accablait  d’afiUc- 
tion,  rencontra  la  Pampâ.  16,093. 

» Dans  ce  bois  éventé  par  un  zéphyr  bien  frais,  doux, 
aux  senteurs  d’ambroisie,  il  tourna  sa  pensée  vers  son 
épouse.  16,09A. 

n Consumé  par  les  flèches  de  l’Amour,  l’ Indra  des  rois 
gémit,  en  se  rappelant  sa  bien -aimée,  et  le  Soumitride 
lui  tint  ce  langage  : 16,095. 

« Un  caractère  tel  que  le  tien  ne  doit  pas  s’eflacer,  6 toi, 
qui  don  nés  Y hon  neur.  La  mal  adi  e frappe  également  l’ homme 
vertueux  et  le  vieillard,  comme  le  sage.  16,096. 

» Maintenant  que  tu  as  reçu  des  nouvelles  de  la  Vidé- 
haine  et  de  Râvana,  reconquiers-la  par  ton  énergie  et  ton 
intelligence.  16,097. 

» Allons  trouver  Sougrîva,  le  roi  des  singes,  sur  la 
montagne,  où  il  se  tient  : aie  confiance  en  moi,  ton  dis- 
ciple, ton  serviteur  et  ton  ami.  » 16,098. 

» A ce  langage  de  Lakshmana  et  à d’autres  paroles  de 
différentes  sortes,  le  Raghouide  rentra  dans  son  naturel  et 
revint  immédiatement  à son  affaire.  16,099. 

V Après  qu’ils  eurent  habité  les  eaux  de  la  Parnpâ  et 


VANA-l’ARVA. 


5âl 

rassasié  de  libations  leurs  ancêtres,  les  deux  héroïques 
frères,  Kâma  et  Laksbinaiia,  partirent  de  cette  rive. 

» Arrivés  au  Risliyainoùka,  abondant  en  arbres,  en 
racines  et  en  frui's,  les  deux  vaillants  guerriers  virent  des 
singes  au  nombre  de  cinq  sur  la  cime  de  la  montagne. 

U Soügrlva  d’envoyer  vers  eux  le  singe  Hanoûuiat,  son 
intelligent  conseiller,  immuable  comme  rHimàlaya. 

Il  Quand  ils  eurent  causé  avec  lui,  ils  s'avaucèrenl 
d’abord  vers  Sougrîva  ; et  Kâma,  sire,  fit  alliance  avec 
le  roi  des  singes.  18,100 — 10,101 — 18,102 — 16,103. 

» Son  affaire  exposée,  ils  lui  montrèrent  la  robe,  que  Sîtâ 
enlevée  avait  laissée  tomber  au  milieu  des  singes.  I8,10â. 

U Dès  qu’il  eut  reçu  ce  témoignage,  auquel  il  pouvait 
donner  sa  confiance,  Kâma  lui-même  sacra  le  roi  des  singes 
dans  l’empire  souverain  des  simiens  sur  toute  la  terre. 

» Le  Kakoutshide  s’engagea  â porter  la  mort  à Bâli, 
dans  un  combat;  et  Sougrîva,  sire,  à lui  ramener  la  Vi- 
débaine.  18,105 — 18,108. 

» Ayant  causé  ainsi,  s’étant  liés  par  un  traité  et  s’étant 
inspiré  de  la  confiance  l’un  à l’autre,  ils  s’approchèrent 
tous  de  la  caverne  Kishkindhyâ  et  s’y  tinrent,  désirant  le 
combat.  18,107. 

» Arrivés  à Kishkindhyâ,  Sougrîva  de  pousser  un  cri, 
pareil  au  bruit  des  flots;  Bâli  ne  i>eut  lesupporter  et  Târà 
essaie  de  l’arrêter  : 18,108. 

« Aux  cris,  que  jette  ce  vigoureux  singe  Sougrîva,  je 
pense  qu’il  vient  avec  un  protecteur  : ne  veuille  pas 
sortir.  » 18,100. 

» Le  roi  des  simiens,  son  éloquent  époux  à la  guirlande 
d’or,  Bâli  répondit  en  ces  termes  à Tàrâ,  de  qui  le  visage 
rappelait  celui  de  la  reine  des  étoiles  : 18,110. 


652 


LE  M VH  V-BHARATA. 


ei  Femme  douée  d’intelligence,  ù toi,  qui  sais  ce  que 
signilient  les  ramages  de  tous  les  oi  saux,  vois  que  ce 
méi  linnt,  qui  de  mon  frère  n'a  que  le  nom,  vient  ici  privé 
de  protecteur  ! a 10,111. 

La  savante  Tàrâ,  semblible  àla  reine  des  étoiles,  quand 
elle  eut  songé  un  instant,  dit  à son  époux  ; « Ecoute,  sou- 
verain des  peuples  simiens.  16,112, 

0 Ràmri  à la  grande  valeur,  le  ûls  du  roi  Daçaratha,  est 
un  prince,  à qui  l'on  a ravi  son  épouse  ; habile  à manier 
l'arc,  il  a fait  alliance  avec  Sougriva,  ton  ennemi,  traité  de 
la  même  manière.  16,113. 

n 11  a pour  frère,  le  fils  de  Soumitrâ,  Lakshroana  aux 
longs  bras,  invincible,  intelligent,  placé  dans  le  succès  des 
choses  de  son  affaire.  16,115. 

» Sougriva  a pour  ses  conseillers  Malnda.  Dwivida,  Ha- 
noûmat,  fils  du  Vent,  et  Djâmbavat,  le  roi  des  ours. 

O Tous,  ils  sont  magnanimes,  doués  d'intelligence,  à la 
grande  force  : c’est  assez  pour  ta  perte  que  Sougriva  soit 
abrité  sous  le  courage  et  la  force  de  Râma  ! » 

16,115-16,116. 

» Le  monarque  de  tous  les  peuples  simiens  méprisa 
cette  parole,  qu’elle  disait  pour  son  bien,  etsa jalousie  lui 
fit  soupçonner  que  le  cœur  de  sa  femme  était  incliné  vers 
Sougriva.  16,117. 

» 11  répondit  à Tàrâ  une  parole  injurieuse,  et  sortit  de 
la  bouche  de  sa  caverne  : il  parla  à Sougriva  placé  auprès 
dulUàiyavat:  16,118. 

n Plus  d’une  fois  déjà,  trop  ami  de  la  vie,  tu  fus  vaincu 
par  moi  ; mais  je  me  suis  dit  : « C'est  mon  frère  1 » et  je 
t'ai  laissé  la  vie.  Quelle  si  grande  hâte  te  pousse  mainte- 
nant à la  mort  ?»  16,119. 


. VANA-PAKVA. 


653 


» A ces  mots,  Sougrtv.i,  le  meurtrier  des  eunemis,  tint 
à son  fiére  ce  langage  fondé  en  raison,  paraissant  annon- 
cer à Ràma  que  le  moment  était  arrivé:  16,120. 

0 Toi,  sire,  qui  m’as  enlevé  mon  épouse,  qui  m’as  dé- 
pouillé de  mon  royaume,  sache  quelle  puissance  il  m’est 
arrivé  pour  vivre  1 I)  16,121. 

» A ces  mots,  répétés  de  plusieurs  manières,  Bâli  et 
Sougriva  de  fondre  l’un  sur  l’autre  pour  le  combat,  ayant 
comme  armes  de„s  rocs,  des  palmiers  et  des  chênes. 

» lis  se  frappèrent  mutuellement,  ils  tombèrent  ensemble 
sur  la  terre,  ils  se  relevèrent  en  bondissant,  et  se  meur- 
trirent l’un  l’autre  à COI  ps  de  poings.  16,122 — 16,123. 

U Les  deux  héros,  baignés  de  sang,  blessés  à grands 
coups  d’ongles  et  de  dents,  brillaient  alors  tels  que  deux 
kinçoultas  en  fleurs.  16,12i. 

U Comme  on  ne  voyait  aucune  différence  entre  eux  dans 
la  bataille,  Hanoûmat  attacha  une  guirlande  au  cou  de 
Sougrtva.  16,125. 

» Suspendue  sur  sa  poitrine,  cette  tresse  alors  fit  briller 
ce  héros,  telle  qu’une  guirlande  de  nuages  embellit  le  grand 
mont,  le  fortuné  Malaya.  16,126. 

Il  üès  qu’il  vit  celte  marque  faite  à Sougriva,  Ràma,  le 
grand  archer,  banda  le  meilleur  des  arcs  et  visa  Bàli 
comme  un  but.  16,127. 

» Le  bruit  de  la  corde  de  cette  arme  sembla  celui 
d’une  machine.  Bàli  trembla  et  lut  blessé  au  cœur  par  la 
flèche.  19,128. 

» Le  cœur  fendu  par  ce  trait,  il  vomit  de  sa  bouche  un 
fttuve  de  sang,  et  c’est  alors  qu'il  apperçut  Ràma  en  com- 
pagnie du  fils  de  Soumitrà.  16,129. 

1)  Adressant  un  reproche  au  Kakoutsthide,  il  tomba 


LE  MAHA-BHARATA. 


5ÔA 

évanoui  sur  la  terre,  où  Târâ  le  vit,  brillant  d'une  splen- 
deur égale  à la  lueur  de  la  reine  des  étoiles.  16,1 30. 

» Bâti  mort,  Sougrlva  fut  rétabli  dans  Kisbkindhyâ  et 
redevint  l’époux  de  Tàrâ,  qui  avait  perdu  son  oiailre  et 
de  qui  le  visage  ressemblait  à l'astre  des  nuits.  16,131. 

U Le  sage  Ràma  mit  quatre  mois  sa  demeure  sur  le  dos 
charmant  du  Màlyavat  dans  la  compagnie  de  Sougrlva. 

U Arrivé  dans  sa  ville  de  I..ankà,  Râvana,  subjugué  par 
la  puissance  de  l’Amour,  établit  SUà dans  son  palais,  sem- 
blable au  Nandana.  16,132 — 16,133. 

» Celte  femme  aux  grands  yeux,  portant  le  costume 
d'une  pénitente,  le  corps  exténué  par  le  souvenir  de  son 
mari,  passa  ses  jours  dans  le  jeûne,  vouée  aux  macérations, 
en  un  bocage  d'açokas,  pareil  à une  forêt  d’ascètes.  Elle 
s’y  condamna  k une  douleureuse  habitation,  faisant  toute 
sa  nourriture  de  fruits  et  de  racines.  16,13â — 16,133. 

Il  Le  monarque  des  Rakshasas  commanda  pour  sa  garde 
des  Rakshasts,  armées  de  torches,  de  maillets,  de  lances 
en  fer,  de  haches,  d’épées  et  de  traits  barbelés.  16,136. 

D Les  unes  ont  deux  yeux,  les  autres  ont  trois  yeux, 
celles-ci  n’ont  qu’un  œil  au  milieu  du  front,  celles-là  ont 
des  langues  allongées  ; plusieurs  n’ont  pas  de  langue, 
beaucoup  ont  trois  seins;  il  en  est,  qui  n’ont  qu’un  seul 
pied,  ou  qui  n’ont  qu’un  seul  œil,  ou  qui  ont  trois  che- 
velures en  gerbe  à la  fois.  16,137.  ' 

» A celles-ci  et  à d’autres  aux  yeux  enflammés,  aux 
trompes  d’éléphant,  aux  forêts  de  cheveux  : « Restez  sans 
paresse,  dit-il,  autour  de  Sltà  jour  et  nuit.  » 16,138. 

» Ces  Piçàtchis  effroyables,  aux  paroles  d’ironieamère, 
aux  voix  teiTibles,  menacent  sans  cesse  la  femme  aux 
grands  yeux  ; 16,139. 


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VANA-PARVA. 


ÔS5 


« Mangeons-la  ? Perçoiis-la  ! Divisons-la  en  morceaux  ! 
cette  femme,  qui  vit  encore  ici,  après  quelle  a méprisé 
notre  maître  ! » 16,140. 

» C'est  ainsi  que  ces  Furies  l’épouvantaient.  Effrayée 
mainte  et  mainte  fuis,  elle  soupire  et,  pénétrée  du  chagrin 
d’être  séparée  de  son  époux,  elle  leur  dit  : 16,141. 

(I  Ignobles  femmes,  dévorez-moi  vite  ! Mon  désir  n’est 
pas  dans  la  vie  sans  mon  époux  aux  yeux  de  lotus  bleu, 
aux  cheveux  noirs  et  bouclés  ! 16,142. 

» Séparée  du  bonheur  de  ma  vie,  me  privant  moi-même 
de  nourriture,  je  dessécherai  mon  corps  comme  une  ser- 
pente autour  d'un  palmier  en  éventail.  16,143. 

» Mais  je  ne  m’approcherai  jamais  Ü’un  autre  homme 
que  du  fils  de  Raghou.  Maintenant  que  vous  savez  cette 
vérité,  faites  à l’instant  de  moi  ce  que  vous  désirez  ! » 

« A peine  eurent-elles  ouï  ce  langage  de  SItâ,  les  Rak- 
shasts  aux  voix  dures  s’en  allèrent  de  là  raconter  tout  à 
rindrades  Kakshasas.  16,144 — 16,143. 

n Celles-ci  toutes  parties,  une  vertueuse  Rakshast  aux 
paroles  aimables,  nommée  Tridjatâ,  de  consoler  la  \ idé- 
haine  : 16,146. 

« Sttâ,  prête-moi  ta  confiance,  mon  amie  : j’ai  quelque 
chose  à te  dire.  Abandonne  la  crainte,  dame  charmante  ; 
écoute  cette  parole  de  moi.  16,147. 

» 11  est  un  vieux  sage,  le  prince  des  Rakshasas,  nommé 
Avindhya.  Il  cherche  le  bien  de  Ràma,  et  m’a  dit  pour  toi 
ces  paroles  ; 16,148. 

« Il  faut  t’approcher  de  Sltà,  la  consoler  et  lui  répéter 
ces  paroles  de  moi  : « Le  puissant  Ràma,  ton  époux,  va 
bien,  ainsi  que  Lakshmana,  son  compagnon.  16,149. 

» Le  fortuné  Raghouide  a fait  alliance  avec  le  roi  des 


ôôO 


LE  MAHA-BLARATA. 


singes,  de  qui  la  splendeur  est  égale  à celle  de  Çakra,  et 
tous  >es  elTorts  sont  pour  toi.  lii,150. 

» N’aie  pas  de  crainte,  femme  tiulide,  de  ce  Ràvana, 
blâmé  du  monde  ; tu  es  protégée,  ma  fille,  par  la  malé- 
diction de  Nalakoùvara.  lt>,lâl. 

» Jadis  ce  scélérat  commit  une  violence  à l’égard  d’une 
femme  charmante  et  fut  maudit  ; ce  Démon  aux  sens  fou- 
gueux nepeuts'unir  d’amour avccuoe femme, malgréelle. 

Il  Bientôt  viendra  ton  sage  époux,  aidé  par  Sougrlva, 
accompagné  du  Soumitride,  et  il  t'arrachera  d'ici. 

16,162—16,153.  . 

» En  effet,  il  m’est  apparu  des  songes,  bien  grandement 
horribles  et  d'un  aspect  épouvantable,  qui  m’annonçaient 
la  perte  de  cet  insensé,  qui  entraîne  à sa  ruine  la  famille 
de  Poulastya.  16,lôA. 

O Ce  rôdeur  de  nuits  eil’rayant,  à l’âme  méchante,  aux 
actions  viles,  accrot.  nos  dangers  d'après  la  disposition  de 
sa  nature  et  par  la  faute  de  son  caractère.  16,156. 

U Ce  Génie,  de  qui  l’esprit  est  Irappé  déjà  par  la  mort, 
rivalise  avec  tous  les  Dieux,  et  debout  sur  son  char,  attelé 
d’ânes,  il  semble  plus  d’une  fois  danser  ! 16,166, 

» Koumbbakarna  et  les  autres  aux  corps  nus,  aux  che- 
veux rasés,  parés  d’onguents  et  de  guirlandes  rouges,  se 
dirigent  vers  la  plage  méridionale.  16,157. 

» Vibhlshana  seul  parait,  dtmt  ces  rfves,  monté  sur  le 
mont  Swéta,  ceint  du  diadème,  abrité  sous  une  blanche 
ombrelle,  avec  des  onguents  et  des  guirlandes  blanches. 

U Quatre  ministres  C mdstent,  parés,  comme  lui,  de 
blancs  onguents  et  de  blanches  guirlandes  : élevés  sur  le 
mont  Swéta,  ils  nous  délivrent  d’un  grand  danger. 

16,158—16,159. 


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VANA-PARVA. 


667 


» La  terre  avec  ses  mers  sera  environnée  par  l'astra  da 
vailtant  Ràma  ; ton  époux  remplira  ce  globe  entier  de  sa 
gloire.  16,160. 

» J’ai  vu  aussi  dans  mes  songes  Lakshmana,  monté  sur 
un  amas  d'ossements,  manger  des  offrandes  de  miel,  dé- 
sirant jeter  l'incendie  à la  ronde  dans  les  points  de  l’espace. 

I)  Souvent  tu  me  fus  présentée  par  un  songe,  éplorée, 
le  corps  inoulllé  de  sang,  dirigeant  tes  pas,  défendue  par 
un  tigre,  vers  la  plage  du  septentrion.  16,161 — 16,162. 

» Vidéhaine,  tu  iras  bientôt  à la  joie,  accompagnée  de 
ton  époux;  il  ne  s’écoulera  pas  long-temps,  Sîtâ,  avant  que 
l’on  te  voie  réunie  au  fils  de  Raghou,  ton  mari.  » 16,163. 

M Tridjatâ  dit  ; et,  quand  elle  eut  ouï  son  langage,  la 
jeune  dame  aux  yeux  de  faon  de  gazelle  revint  à l’espé- 
rance de  se  réunir  à son  époux.  16,164. 

» Dans  ce  temps  revinrent  les  horribles  Piçâtchîs,  et  ces 
furies  épouvantables  la  virent  assise,  comme  auparavant, 
avec  Tridjatâ.  16,165. 

» Blessé  par  les  flèches  de  l’Amour,  Râvana  vit  celte 
chaste  femme  triste,  en  larmes,  déchirée  par  le  regret  de 
son  mari,  parée  avec  le  reste  de  ses  joyaux,  revêtue  d'une 
robe  souillée,  assise  sur  la  surface  d’une  roche  et  envi- 
ronnée de  Rakshasîs  au-dessous  d’elle  : il  s’approcha. 

16.166—16,167. 

» Lui,  que  jamais  n’avaient  pu  vaincre  dans  les  com- 
bats, ni  les  Kimpnuroushas,  ni  les  Yakshas,  ni  les 
Gandharvas,  ni  les  Dànavas,  ni  même  les  Dieux,  il 
s’avançait  dans  le  bois  d’açokas,  en  proie  à l’amour. 

» Beau,  revêtu  d’une  robe  céleste,  portant  des  pende- 
loques d’une  éclatante  splendeur,  un  diadème  et  des 
guirlandes  admirables,  on  eût  dit  Vasania,  le  Dieu  du 


658 


LE  MAHA-BHARATA. 


printemps,  qui  avait  pris  un  corps.  16, IBB  — 16,109. 

» Semblable  à un  ari)re  Kalpa,  orné  même  avec  soin, 
il  inspirait  de  l'eiTroi  ; tel,  dans  un  cimetière,  un  arbre 
tchaitya  remplit  d'épouvante,  malgré  ses  ornements. 

» On  vit  le  noclivague  s'avancer  vers  la  dame  à la  (aille 
svelte,  tel  on  voit  la  planète  Saturne  s’approcher  de  Kohinl. 

» Frappé  par  la  flèche  du  Dieu  à l’enseigne  de  fleurs,  il 
salua  la  femme  ravissante,  et  tint  ce  langage  à la  dame 
tremblante  comme  une  gazelle:  16,170-16,171-16,172. 

« Stlâ,  c’est  assez  témoigner  de  la  tendresse  à ton 
époux!  Accorde-moi  ta  faveur,  dame  aux  membres  dé- 
licats, et  purifie-toi  de  tes  souillures.  16,173. 

U Aime-moi,  femme  à la  taille  gracieuse  ! Revêts-toi 
d’une  robe,  pare-toi  d’ornements  de  grand  prix  et  sois, 
noble  dame,  la  première  de  toutes  mes  femmes!  I6,17â. 

» J’.Vi  des  filles  des  Dieux,  j’ai  des  femmes  deGandhar- 
vas,  j’ai  des  filles  de  üânavas,  j’ai  des  femmesde  Dattyas. 

» Quatorze  Lotis  de  Piç.ltchas  obéissent  à ma  voixl  Je 
commande  à deux  fois  autant  de  Rakshasas  antropophages 
aux  actions  épouvanUbles.  16,175 — 16,176. 

» Un  nombre  triple  d’Yakslias  exécutent  ma  parole: 
quelques-uns  ont  suivi  seulement  Kouvéra,  mon  frère. 

» Vais-je  boire,  noble  dame,  dans  un  lieu  i cet  usage 
consacré,  des  Gandharvas  et  des  Apsaras  m’y  servent  sens 
cesse,  femme  ravissante,  comme  ils  servaient  mon  frère. 

» Je  suis  le  (ils  d’un  hrahmarsbi,  du  solitaire  Viçravas 
lui-môme  ; je  suis  le  cinquième  des  gardiens  du  monde  : 
à ces  titres,  ma  renommée  est  célèbre. 

16,177—16,178—16,179. 

» J’ai  des  aliments  et  des  mets  célestes,  des  breuvages 
de  mainte  espèce  ! De  tout  ce  que  possède  le  souverain  des 


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VANA-PARVA. 


559 


Dieux,  je  suis  maître  également,  noble  dame.  10,180. 

U Que  l'œuvre  douloureuse  de  ton  habitation  dans  les 
bois  prenne  fin  ici.  Deviens  mon  épouse,  femme  char- 
mante, comme  l'est  Mandaudari.  » 16,181. 

D A ces  mots,  la  Vidéhaine,  ayant  caché  son  beau  vi- 
sage et  désertant  le  gazon,  où  elle  était  atiite,  répondit  en 
ces  termes  au  noctivague.  10,182. 

» La  jeune  femme  inondait  continuellement  de  fonde 
infortunée  de  ses  yeux,  ses  cuisses  ravissantes  et  scs  deux 
seins  relevés,  (juc  nul  intervalle  ne  sépare.  16,183. 

» La  Vidéhaine,  qui  avait  pour  Dieu  son  époux,  répon- 
dit en  ces  termes  à cei  être  abject  : « Plus  d'une  fois,  dans 
mon  malheur,  j'ai  déjà  entendu  sortir  de  ta  bouche,  monar- 
que des  Rakshasas,  une  telle  parole,  jointe  à la  terreur.  O 
toi,  qui  jouis  de  la  plus  haute  fortune,  que  ton  esprit,  s'il  te 
plaît,  ne  s’écarte  pas  de  cette  condition!  16,184 — 16,185. 

» Je  suis  l'épouse  d'un  autre,  et  je  garde  toujours  la  foi 
à mon  époux,  tu  ne  peux  donc  m’obtenir!  Je  ne  suis  pas 
même  une  épouse,  assortie  à toi,  puisque  je  suis  une  lille 
infortunée  de  M.anou.  16,186. 

» Tu  m’as  enlevée  malgré  moi  : quel  plaisir  espères-tu  ? 
Ton  père  eut  Brahma  pour  son  père  : c’est  un  brahme  égal 
au  Pradjâpati.  16,187. 

» Comment  toi,  qui  es  fégal  d’un  gardien  du  monde, 
ne  gardes-tu  pas  le  devoir?  Comment  ne  rougis-tu  pas 
d’appeler  ton  frère  f auguste  Kouvéra,  le  roi  des  rois,  fami 
du  grand  Çiva?  » Aces  mots,  Sitâ  se  mit  à pleurer,  et  la 
douleur  ébranla  ses  deux  seins.  16,188 — 16,189. 

» Cette  femme  aux  membres  délicats  couvrit  son  col  et 
sa  bouche  avec  sa  robe  ; et  la  longue  tresse,  luisante  et 
bien  noire,  de  cette  infortunée  pleurant,  irritée,  sembla 


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660 


Lii  MAHA -BHARATA. 


environner  son  front  comme  d’un  noir  serpent.  Quand 
Râvana  entendit  le  discours  solide,  qu’avait  prononcé 
Sitâ,  l’insensé,  quoique  repoussé  par  elle,  lui  répondit  ces 
mots:  U Volontiers,  Sitâ! 

» J’abandonne  mon  corps  au  Dieu , qui  porte  comme 
drapeau  un  poisson  : qu’il  en  soit  le  bourreau  ! 

16,190—16,191—16,192. 

» Tu  n’as  pas  d’amour;  que  m’importe?  Je  m’unirai 
d’amour  avec  toi,  femme  charmante  au  joli  sourire.  Mais 
ne  puis-je  faire  que  lu  cesses  d’aimer  à l’instant  même 
ce  Râma,  un  homme,  destiné  à nous  servir  de  nourri- 
ture? » Cela  dit  à sa  captive  aux  membres  in-éprochables, 
le  souverain  maître  des  Rakshasas  disparut  à l’instant 
même  et  .s’en  alla  au  lieu  , où  le  portait  stm  désir.  Envi- 
ronnée par  les  Raksbasis,  la  Vidéhaine,  en  proie  aux  cha- 
grins, continua  d habiter  là,  servie  par  Tridjatâ. 

16,193—16,194—16,195—16,196. 

U Tandis  que  le  Raghouide , accompagné  du  fils  de 
Soumitrâ  et  protégé  par  Soupriva,  demeurait  sur  le  dos 
du  Malyavat,  il  vit  le  ciel  débarra-ssé  de  ses  nuages. 

» Quand  le  meurtrier  des  ennemis  eut , dans  une 
atmosphère  pure,  vu  la  lune  éclatante,  suivie  des  planète.s, 
des  constellations  et  des  étoiles,  planer  dans  l'espace 
rafruichi  par  le  vent,  chargé  du  parfum  des  néluinbos 
rouges,  des  nymphœas  bleus  et  des  lotus  blancs,  le  souve- 
nir de  Sitâ  ne  tarda  point  à se  réveiller  en  lui  sur  la 
montagne,  où  ii  av„;t  établi  son  séjour. 

16,197— 16,198— 16,199. 

» L’homme  juste  aux  pensées  douloureuses,  s étant 
rajtpelé  au  point  du  jour  que  Sitâ  était  enfermée  dans  le 
palais  de  Râvana , tint  ce  langage  au  héros  Lakshmana. 


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VANA-P/VRVA.  ‘ 


Ô61 


• M Va , Laksbmana , et  constate  dans  Kishkindhÿâ  que 
le  monarque  des  singes  est  négligent,  adonné  à des  vertus 
grossières,  ingrat  et  savant  pour  ses  affaires  seules  ; 

16,200—10,201. 

» Cet  insensé , le  dernier  de  sa  race , que  j’ai  sacré 
moi-même  sur  le  trône  et  qui  reçoit  les  hommages  de  tous 
les  simiens,  les  singes  à queue  de  vache  et  les  ours  ; 

» Lui,  à cause  de  qui,  continuateur  de  la  race  issue  de 
Raghou , j’ai  immolé  avec  ton  appui , guerrier  aux  longs 
bras,  Bâli  dans  les  bocages  de  Kishkindhÿâ  I 

16,202—16,203. 

» Je  pense  que  cet  abject  singe  est  un  ingrat  sur  la 
terre,  l’insensé,  qui  ne  sait  pas  maintenant,  Lakshmana, 
que  je  suis  réduit  à cette  condition.  16,20A. 

» 11  ne  sait  pas  observer  les  clauses  du  traité,  lui,  qui, 
dans  la  petitesse  de  son  intelligence,  me  méprise  sans 
doute  après  le  secours,  que  je  lui  ai  prêté.  16,205. 

» Si,  maintenant  qu’on  le  réveille,  il  continue  à dormir, 
assoupi  dans  le  plaisir  même  de  l’amour,  fais-le  entrer 
par  la  voie  de  Bàli  dans  la  route  de  tous  les  êtres.  16,206» 

» Si  au  contraire  le  roi  des  singes  marche  lui-même 
dans  notre  affaire , prends-le , Kakoutsthide , et  fais  dill- 
. gence  : ne  tarde  pas.  » 16,207. 

» A ces  mots  de  son  frère,  Lakshmana , qui  trouvait 
son  plaisir  dans  le  bien  des  paroles  de  l’homme , à qui  il 
devait  l’obéissance,  partit,  ayant  pris  un  arc  éclatant, 
muni  de  sa  corde,  avec  une  flèche.  16,208. 

» Arrivé  à la  porte  de  Kishkindhÿâ , il  entra  sans  em- 
pêchement : « 11  est  en  colère  I » pensa  le  roi  simien , 
qui  se  porta  à sa  rencontre.  16,209. 

» Le  monarque  des  singes,  Sougriva  joyeux,  l’âuie 
IV  36 


LE  MAttV-OTARATA. 


ses 

aqinise , accompagné  de  son  épouse , le  reçut  avec  tous 
IcS’ hoimeurs , dont  il  était  digne.  10,210. 

» L'intrépide  Souoiitride  lui  répéta  le  discours  de 
Ràma.  Incliné  et  les  mains  jointes,  avec  sou  épouse  et 
ses  familiers,  l’Indra  des  rois,  Sougrlva,  le  monarque  des 
singes,  écouta  toute  cette  allocution  entièrement.  Il  dit 
joyeux  ces  paroles  à [.akslimana,  le  premier  des  hommes  : 
« .le  ne  suis  pas  un  ignorant,  ni  un  ingrat,  l.akshniana  ; 
je  ne  suis  pas  san.s  pitié.  É oute  quels  efibrts  j’ai  déjà 
tentés  pour  la  recherche  de  Sitâ.  10,211-16,212-16,213. 

» Des  singes  obéissants  ont  tous  été  envoyés  par  moi 
aux  différentes  plages;  un  terme  leur  a été  fixé  à tous  : 
ils  doivent  revenir  dans  un  mois.  16,214. 

» Ils  sont  chargés,  héros,  de  fouiller  cette  terre  avec 
.sa  robe  de  mers,  avec  ses  bois,  ses  montagnes,  ses  villes, 
avec  ses  multitudes  de  bo-.irgs  et  de  villages.  16,216. 

» Encore  cinq  nuits  et  ce  mois  sera  complet  : alors,  tu 
entendras,  accompagné  de  Ràma,  d'agréables  et  bien 
• grandes  nonvelle.s.  » 16,216. 

. >•  A ces  mots  du  sage  roi  des  singea , l.akshmana  d’a- 

bandonner sa  colère,  et,  d'une  àme  non  consternée  , il 
-répond  anx  hommt^es  de  Sougrlva.  16,217. 

» Accompagné  de  celui-ci , il  s’ on  fut  trouver  RAma, 
placé  sur  un  liane  du  Màlyavat , et  lui  raconta  l’heureux 
coimnciiccmcnt  de  cette  affaire.  16,218. 

. » A l’ordre  du  prince , les  rois  des  singea  se  rassem- 

blent par  milliers.  Alors,  ceux,  qui  av.aient  fouillé  trois 
-plages  et  n’étaient  pnini  ailés  dans  la  méridionale,  annon- 
cèrent à Ràma  qu’on  avait  .scruté  la  terre  ceinte  avec  une 
zône  de  mers  et  que  l’on  n’avait  vu  , ni  la  Vidéhaine , ni 
Râvana.  16,219—16,220. 


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VANA-PARVA. 


«68 


» Mais  des  héros  singes  avaient  porté  leurs  recherches 
dans  la  région  du  midi  : plein  d’espérance  en  eux  ; le 
malheureux  Rakoutsthide , les  attendant , conserva  la 
vie.  16,221.  ' 

» Le  temps  fixé  d’abord  était  passé  ; deux  mois  s’é- 
talent écoulés , quand  les  singes  vinrent  à la  hâte  répéter 
Ce  discours  à Sougrtva  : 11,222. 

« Le  fils  du  Vent,  le  plus  vaillant  des  singes,  Angada, 
le  fils  de  Bâli,  et  les  autres  héros  simiens,  que  tu  avais 
envoyés , sire,  fouiller  la  plage  méridionale , ont  mangé 
ton  vaste,  ton  abondant  bois  du  miel , qui  jadis  était 
défendu  par  le  bras  de  Bàli.  » 16,223 — 16,224. 

» Dès  qu’il  eut  appris  la  confiance  , que  les  coupables 
avaient  en  eux -mêmes,  il  pensa  qu’ils  avaient  réussi  dans 
leur  mission  : car  une  telle  présomption  n’appartient 
qu’à  des  serviteurs , qui  ont  conduit  leur  affaire  à bonne 
fin.  16,225. 

» Le  sage  'roi  des  singes  l’annonça  à R.àma , et  celui-ci 
en  conclut  par  induction  qu’ils  avaient  dû  voir  sa  Miti- 
lienne.  16,226. 

B Enfin  les  simiens  reposés , Hanoûmat  à leur  tête , 
viennent  s’offrir  devant  l’Indra  des  singes  en  présence  de 
Râma  et  de  Lakshmana.  16,227. 

U A peine  eut-il  vu  la  démarche  d’Hanoûmat  et  la  cou- 
leur de  son  visage,  Râma  conçut  encore  plus  de  confiance, 
Bharatide  ; a 11  a vu  SItâ  ! » pensa-t-il.  18,228. 

» Les  singes,  l’âine  satisfaite,  conduits  par  Hanôûinat, 
s’inclinèrent  suivant  l’étiquette  devant  Râma , Sougrtva 
et  Lakshmana.  16,229. 

Il  Le  Ragbouide,  tenant  sa  flèche  et  son  arc  à la  main, 
dit  aux  simiens  de  retour  : « Vous  m’arrachez  au  tom- 


66A 


LE  MAHA-6HARATA. 


beau  même  ; vous  avez  accompli  votre  mission  ! 16,2^0. 

» Je  porterai  de  nouveau  la  couronne  dans  AyodhyA, 
après  avoir  tué  les  ennemis  dans  la  bataille  et  reconquis 
la  fille  du  roi  Djanaka.  16,231. 

n Je  n’ai  pas  la  force  de  vivre,  n’ayant  pas  dél'vré  m'a 
Vidéhaine,  tué  les  ennemis  dans  le  combat,  et  abandon- 
nant le  soin  de  reprendre  mon  épouse  enlevée  ! » 16,232. 

» A ces  mots,  que  prononçait  Râma , le  fils  du  Vent 
répondit  : « Je  t’annonce  une  heureuse  nouvelle,  Ràroa  ; 
j’ai  vu  la  fille  de  Djanaka.  16,233. 

» Quand  nous  eûmes  fouillé  toute  la  plage  méridionale 
avec  ses  multitudes  de  forêts  et  de  montagnes,  fatigués,  le 
temps  étant  p.assé,  nous  aperçûmes  une  vaste  caverne. 

» Nous  pénétrâmes  dans  cette  cavité  grande  de  plu- 
sieurs yodjanas  : elle  était  obscure , bien  hérissée  de 
forêts  impénétrables  et  fréquentées  des  sangliers. 

16,23â— 16,235. 

» Ayant  marché  une  très-longue  route  aussi  loin  que 
le  soleil  étendait  sa  lumière , nous  vîmes  lâ  au  milieu 
d’elle  un  céleste  palais.  16,236. 

» C’était , fils  de  Raghou , l’habitation  de  Maya , le 
Daltya  : une  ascète,  nommée  Prabhàvati,  y pratiquait  une 
austère  pénitence.  16,287. 

» Lorsque  nous  eûmes  mangé  les  mets,  bu  les  divers 
breuvages , quelle  nous  offrit , et  réparé  nos  forces , nous 
entrâmes  dans  la  route,  quelle  nous  indiqua.  16,238. 

a Sortis  de  ce  lieu,  nous  vîmes  près  de  fonde  salée 
Sahya,  Malaya  et  le  grand  mont  Dardoura.  16,239. 

a Ensuite,  montés  sur  le  Malaya,  nous  contemplâmes, 
consternés,  pénétrés  de  douleur,  épuisés,  livrés  à nos 
pénibles  pensées,  sans  aucune  espérance  dans  notre  vie. 


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VANA-PARVA. 


6«6 


l'humide  séjour  de  Varouna,  ce  grand  réceptacle  des 
eaux,  qui  s'étendait  sur  plusieurs  yodjanas,  la  demeure  des 
poissons,  des  crocodiles  et  des  cétacées.  16, •240-10,241. 

» Nous  nous  assîmes  là  dans  la  résolution  de  nous  y 
laisser  mourir  de  faim.  Alors,  sur  la  fin  d'un  entretien , 
on  fit  mention  du  vautour  Djatàyoush.  16, '242. 

U Nous  vîmes  aussitôt  un  oiseau  épouvantable , à la 
forme  effrayante , semblable  à la  cime  d'une  montagne  et 
tel  qu'un  second  Garouda.  16,243. 

n 11  était  venu  , conduit  par  la  pensée  que  nos  corps 
lui  serviraient  de  pâture.  11  nous  tint  ce  langage  : « Oh  I 
qui  est  celui,  qui  parle  ici  de  mon  frère  Djatàyoush  7 

U Je  suis  le  monarque  des  oiseaux,  son  frère  aîné;  mon 
nom  estSampati.  A l'émulation  l'un  de  l’autre,  nous  mon- 
tâmes, désirant  nous  élever  jusqu'au  soleil. 

16,244—16,246. 

» Alors  mes  deux  ailes  furent  ctmsumées  et  celles  de 
Djatâyousii  ne  furent  pas  brûlées  ; mais  je  fus  long-temps 
séparé  de  la  vue  chérie  de  mon  frère,  ie  roi  des  oiseaux. 

» Je  suis  tombé,  volatile  privé  d’ailes,  sur  cette  grande 
montagne.  » A l'oiseau , qui  parlait  ainsi,  nous  apprîmes 
que  son  frère  avait  été  tué.  16,246 — 16,247. 

» Nous  lui  dîmes  en  abrégé  le  malheur  de  ta  majesté. 
A peine  eut-il  appris  cette  afiligeante  nouvelle,  Sampati 
nous  demanda,  vaillant  monarque,  d'un  esprit  ému  : 
« Qui  est  ce  Ràma  7 (Comment  8ttâ  lui  fut-elle  enlevée  7 
Comment  Djatàyoush  fut-il  tué?  16,248 — 16,240. 

» Je  désire  entendre  narrer  tout  cela,  0 les  plus  excel- 
lents des  singes.  » Alors  je  lui  racontai  avec  détail  ce 
malheur  survenu  à ta  majesté,  cause  que  nous  étions  assis 
là  pour  y mourir  de  faim.  Le  monarque  des  oiseaux  releva 


LE  MAHA-BHARATA. 


M6 

votre  moral  abattu  avec  ces  paroles  ; 16.250 — 16,251. 

, Il  Ràvaoa  ui’est  connu,  sa  ville  capitale  est  Lankâ.  Je 
l’ai  vu  sur  la  rive  ultérieure  de  la  mer,  dans  une  caverne 
du  mont  Trikoùta.  16, 252. 

» C'est  là  que  la  Vidébaine  est  actuellement  : il  n’y  a 
pas  l’ombre  d’un  doute  pour  moi  1 » A ces  mots,  nous  nous 
levons  tous  à la  hâte.  16,25$. 

. U Nous  délibérons  en  conseil  sur  les  moyens  de  traverser 
la  mer  : et,  comme  personne  n’osait  prendre  la  résolution 
de  fiwicbir  cet  immense  intervalle,  j’entrai  dans  mon  père  ; 
je  traversai,  fléau  des  ennemis,  le  grand  océan,  étendu 
sur  cent  yodjanas,  et  je  tuai  en  patsanl  la  Raksbasl  de 
ces  eaux.  16,25à — 16,255. 

» Je  vis  alors  Sltâ  : elle  était  dans  le  gynœcéc  de  Rà- 
vana,  adonnée  à la  pénitence  et  au  jeûne,  toute  livrée  au 
désir  de  revoir  son  époux.  16,256. 

» C’était  une  pénitente,  maigre,  abattue,  les  cheveux  en 
gerbe,  le  corps  souillé  d’impuretés  ; à ces  marques,  con- 
sidérées chacune  en  particulier,  je  reconnus  Sltâ.  16,257. 

» Je  m’approche,  je  m’avance  vers  celte  noble  dame, 
laissée  un  moment  seule,  et  je  lui  dis  : « SUâ,  je  suis  l’en- 
voyé de  Ràma  ; je  suis  un  singe,  fils  du  Vent.  16,258. 

» Je  suis  arrivé  ici  par  les  routes  de  l’air,  désirant 
obtenir  ta  vue.  Les  deux  frères,  fds  de  roi,  Râmaet  Laksh- 
mana,  se  portent  bien.  16.259. 

‘ U Le  monarque  de  toutes  les  hordes  simiennes  les  dé- 
fend l’un  et  l’autre,  Ràma,  en  compagnie  du  Soumitrido, 
te  souhaite  une  bonne  santé,  Sltâ  ! 16,260. 

» Inspiré  de  sou  amitié,  Sougrlva  demande  si  tu  vas 
bien.  Ton  époux  ne  tardera  pas  d’arriver  avec  tous  les 
bataillons  des  singes.  16,261, 


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VANA-PARVA. 


W7 


» Accorde*im>I  Ui  confiance,  reine  : jesnis  sa  singe,  non 
un  Raksbasa  ! » Sitâ  réfléchit  un  moment  et  me  répon- 
dit : 16,2(52. 

a Je  sais  que  tu  es  Hanoùmat  d’après  la  parole 
d’Avindhya  : c'est  un  vieux  Raksbasa,  très-estimé,  guer- 
rier aux  longs  bras.  16,263. 

» Il  m’a  raconté  que  Sougrîva  était  environné  par  des 
conseillers  de  ton  espèce  : adieu  ! u A ces  mots,  Sltâ  m’a 
donné  en  signe  de  crédit  cette  p rie,  avec  laquelle  la 
Vidébaine  a vécu  ce  temps  sans  reproche.  La  fille  du  ro 
Djaualta  m’a  confié  aussi,  pour  me  faire  reconnaître  par  ta 
majesté,  tigre  des  hommes,  cette  aventure  d'une  flèche, 
que  tu  détmchas  à la  corneille  sur  la  grande  montagne 
du  Tchitrakoûta.  16,26A — 16,265 — 16,266. 

I)  Ensuite,  je  me  suis  fait  prendre,  j'ai  incendié  Lankà 
et  je  suis  venu.  » 11  dit,  et  Ràma  d'honorer  ce  simien  aux 
paroles  véridiques.  16,267. 

» Tandis  r(ue  Ràma  était  assis  là  avec  eux,  voici  qu’ar- 
rivent, sur  l’ordre  de  Sougriva,  les  principaux  des  singes. 

» Environné  par  mille  kotis  de  simiens  agiles,  le  for- 
tuné Sousféna,  le  beau-père  de  Ràii,  se  présente  devant 
Ràma.  16,268—16,269  (1). 

» Entourés  par  cent  mille  kotis,  Gaya  et  Gavayamëme, 
deux  puissants  Indras  des  singes,  s’avancent  chacun  à part. 

» Après  lui  vient,  grand  roi,  entraînant  sur  ses  pas 
soixante  mille  kotis,  le  singe  à queue  de  vache  Gavàksha, 
à l’aspect  épouvantable.  16,271 — 16,272. 

» Le  fameux  Gandhâmadana,  habitant  la  montagne. 


(1)  Le  texte  chiffre  ce  çloka  16,270;  doux  allons  suivre  son  ordre  natné* 

rHlQe. 


VANA-PARVA. 


560 


cette  armée  était  défendu  par  l'intrépide  Somuitride. 

» Les  deux  fils  de  Raghou,  le  cuir,  défense  de  leura 
doigts,  attaché  au  poing,  s’avançaient,  environnés  des 
principaux  ministres  singes,  comme  le  soleii  et  la  lune  le 
sont  par  les  planètes.  46,284 — 16,285. 

» Cette  armée  do  simiens,  qui  avait  pour  ses  armes  des 
pierres,  des  palmiers  et  des  chênes,  brillait,  comme  un 
immense  bois  4 la  couleur  de  riz,  exposé  au  lever  du  soleil. 

» Protégée  par  Nata,  Nlla,  .4ngada,  kràtha,  Matoda  et 
Dwivida,  cette  innombrable  armée  s’avançait  pour  le  succès 
de  l’entreprise  du  fils  de  Raghou.  16,286—16,287. 

» Les  bataillons  des  singes  cheminaient  vers  la  mer  de 
lait,  habitant,  sans  y causer  de  grands  dommages,  dans 
les  différents  bois,  riches  de  fruits  et  de  racines,  .-.bondants 
en  miel  et  en  chair,  sur  les ‘rives  des  lacs  fortunés  et  sur 
les  plateaux  des  montagnes.  16,288—16,289. 

» Cette  puissante  armée,  aux  nombreux  étendards,  ar- 
rivée sur  le  rivage  de  l'océan,  telle  qu’une  seconde  mer, 
assit  là  son  camp.  16,200. 

» Alors,  le  fils  charmant  du  roi  Daçaratha  adresse  à 
Sougrlva,  au  m lieu  des  principaux  singes,  ces  paroles 
opportunes  : 16,201. 

« Quel  moyen  vos  majestés  imaginent-elles  pour  tra- 
verser cette  mer  : car  voici  une  immense  armée  et  cet  océan 
est  d’une  traversée  plus  que  difficile.  16,292. 

O D’autres  singes  d’une  grande  présomption  nous  ont 
dit  qu’ils  étaient  capables  de  le  franchir  ; mais  toutes  ces 
paroles  ne  sont  pas  des  moyens  de  succès.  16,293. 

» Les  uns  sont  d'avis  qu’il  faut  employer  difféi'ents  vais- 
seaux, les  autres  divers  moyens  de  natation.  » C’est  ainsi 
que  Ràma  leur  parlait  à tous,  sans  les  flatter.  16,294. 


670 


LE  MAHA-BHABATA. 


» Aacundesângesn'est-il  capable  de  traversercebasNO, 
qui  s'étend  sur  une  centaine  d'yodjanas?  Cette  opinion, 
héros,  n'est-il  pas  votre  dernier  avis  ? 16,295. 

» L'armée  n'a  pas  un  grand  nombre  de  vaisseaux  pour 
cette  traversée  : de  plus,  nous  traînons  à notre  suite  un  em- 
barras de  marchands  : comment  cette  classe  passera-t-elle? 

Il  L'ennemi  peut  saisir  un  défaut  dans  notre  année  trop 
étendue,  et  la  détruire.  Je  n'approuve  donc  pas  ce  moyen 
do  passer  en  barques  et  sur  des  radeaux. 

» Je  capterai  la  bienveillance  de  la  mer  par  uu  moyen  : 
je  me  coucherai  vis-à-vis  d'elle,  observant  le  jeûne,  et  elle 
se  montrera  à moi.  16,296 — 16,297 — 16,298. 

n Si  elle  refuse  de  m'indiquer  une  route,  je  la  consu- 
merai avec  mes  flèches  irrésistibles,  flamboyantes,  comme 
la  flamme  du  plus  grand  feu  !*»  16,299. 

K Cela  dit,  le  fils  de  Raghou  se  purifie  avec  le  Sou- 
mitride,  et  se  couche  vis-à-vis  de  la  mer,  sur  une  jonchée 
d'herbes  kouças,  suivant  larègle.  16,SOO. 

» Alors  l'Océan,  ce  Dieu,  qui  nourrit  les  fleuves  et  les 
rivières,  se  montre,  environné  d'une  troupe  d'animaux 
aquatiques,  au  fils  de  Raghou  dans  un  songe.  16,301. 

« O toi,  lui  dit-il,  qui  as  Kaâuçalyà  pour  ta  mère  ! » Ce 
mot  plein  de  douceur  lui  fut  adressé  par  ce  Dieu,  entouré 
de  pierres  fines  par  centaines.  16,302. 

U Dis-moi  quel  service  d’amitié  dois-je  te  rendre  ici,  é 
le  plus  grand  des  hommes  !»  — « Je  suis  un  descendant 
d’ikshwâkou,  ton  parent,  lui  répondit  Râma.  16,303. 

» Je  désire  que  tu  donnes  une  route  àmon  armée,  sou- 
verain des  fleuves  et  des  rivièree,  par  laquelle  je  puisse 
aller  tuer  le  Démon  aux  dix  tètes,  l’opprobre  de  la  race  de 
l’üulastya.  16,30à. 


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VANA-PAJRVA'. 


571 


» Si  ta  majesté  ne  m’accorde  pas  cette  route,  que  je  loi 
demande  ainsi , je  tarirai  tes  eaux  par  mes  flèches , que 
des  astras  divins  ont  charmées.  >>  16,305. 

» <>uand  ï Océan,  séjour  de  Varouna,  eut  entendu  ces 
mots  sortis  de  la  bouche  de  Râma,  il  reprit,  agité  par  la 
crainte  et  se  tenant , les  mains  jointes  ; 16,306. 

« Je  ne  veux  pas  t’empêcher,  et  je  ne  serai  point  une 
cause  d'obstacles  ; mais  écoute  cette  parole  et  fais  ensuite, 
Râma,  ce  qui  est  à faire.  16,307. 

» Si  l’on  sait  que  j’ai  accordé  une  voie  pour  le  passage 
de  ton  armée , d'autres  m’en  feront  une  loi  par  la  puis- 
sance de  leur  arc.  16,308. 

» 11  y a ici  un  singe  vigoureux  , appelé  Nala  et  réputé 
un  artiste  : c’est  le  fils  de  Viçvakarma,  ce  divin  ouvi  ier  en 
bois.  16,309. 

» 11  jetera  dans  mes  eaux  des  bois,  du  gazon  ou  de  la 
pierre;  je  supporterai  tout  cet  amas,  et  delà  il  naîtra  pour 
toi  un  pont,  » 16,310. 

» A ces  mots,  il  disparut,  et  Râma  dit  à Nala  ; a Cons- 
truis-nous  un  pont  dans  la  mer  ; je  pense  que  tu  es  capa- 
ble d’un  tel  ouvrage.  » 16,311. 

,)  De  cette  manière,  le  Kakoutstbidc  fit  jeter  sur  le 
grand  bassin  des  eaux  un  pont , qui  avait  une  longueur 
de  cent  yodjanas  sur  dix  yodjanas  en  largeur.  16,312. 

» C’est  le  pont  célèbre  dans  le  monde  sous  le  nom  du 
Pqqt-de-Nala,  et  qui , à l’ordre  obéi  de  Râma,  est  sorti  des 
eaux,  pareil  à une  montagne.  16,313. 

v Tandis  que  le  fils  de  Raghou  se  tenait  dans  ces  lieux, 
le  vertueux  Vibhisbana  vint  se  joindre  à lui  avec  quatre 
ministres  : il  était  frère  de  l’ Indra  des  Rakshasas. 

» Le  magnanime  Râma  l’accueillit  avec  une  parole  de 


672 


LE  MAHA-BHARATA. 


bien-venae  ; mais  Sougriva  eut  ud  soupçon  : a Ce  doit  être 
un  espion.  » 16,316 — 16,315. 

U Quand  il  eut  le  plaisir  de  connaître  sa  vraie  nature, 
Ràma  de  l' honorer  avec  de  sincères  élans  du  cœur  et  des 
gestes  parfaitement  accomplis,  suivant  les  convenances. 

U 11  sacra  Vibhlshana  dans  l’empire  sur  tous  les  Rakha- 
sas,  et  lit  de  lui  son  jeune  frère  dans  les  conseils  et  l'ami 
de  Lakshmana.  16,316 — 16,317. 

n Avec  son  approbation  il  franchit  à la  tète  de  son 
armée  le  grand  océan  par  ce  pont,  et  son  passage,  monar- 
que des  hommes,  consuma  tout  un  mois.  16,318. 

U De  là , continuant  sa  marche  et  s’étant  approché  de 
Lankâ,  il  dévasta  par  la  main  de  ses  singes  à différentes 
fois  de  grands  et  nombreux  jardins  royaux  et  publics. 

» Vibhlshana  fit  arrêter  deux  espions,  Çouka  et  Sàrana, 
ministres  et  conseillers  de  Ràvana,  qui,  sous  la  forme  de 
singes,  avaient  péuétré  dans  le  camp.  16,319  —16,320. 

» Quand  ces  deux  noctivagues  eurent  repris  la  forme 
de  Rakshasas,  Ràma  les  fit  promener  dans  l’armée  et  les 
congédia.  16,321. 

» Avant  cela , il  avait  établi  l’armée  dans  on  bocage  et 
envoyé  un  docte  singe , Angada,  en  mission  à Ràvana. 

U Lorsqu’il  eut  distribué  son  armée  dans  ce  bois  abon- 
dant en  vivres  et  en  eau,  rempli  de  fruits  et  de  racines, 
le  Kakoutsthide  la  défendit  suivant  les  théories  de  l’art. 

16,322—16,323. 

» Ràvana  établit  dans  Lankà  une  règle  instituée  par 
les  Çàstras,  et,  cela  fait,  il  donna  à la  ville  des  portes 
arcadées  et  des  remparts  solides,  inexpugnables.  16,326. 

» Il  y avait  sept  fossés  aux  profondes  eaux,  remplis  de 
crocodiles  et  de  poissons  dévorants,  relranc/iements 


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VANA-PARVA.  ' 


578 


infranchissables , où  se  trouvaient  accumulées  les  pointes 
du  khadira.  10,826. 

» Là,  étaient  d'invincibles  machines  et  des  portes  avec 
des  rocs  amassés  et  des  guerriers,  assistés  par  des  serpents 
venimeux  et  des  troupes  d’éléphants , avec  de  la  pous- 
sière, avec  de  la  résine.  16, .826. 

» Ils  avaient  des  maillets  d’armes  enduits  de  cire  d’a- 
beilles ; ils  étaient  munis  de  haches , d’épées , de  leviers 
et  de  fléchis  en  fer,  de  tisons  embrasés,  de  massues  et  de 
çataghnls.  16,327. 

» A chaque  porte  de  la  ville , se  tenaient  des  divisions 
d’êtres  immobiles  et  mobiles,  d’innombrables  fantassins, 
des  chevaux  et  des  éléphants  en  abondance.  16,828. 

« L’intrépide  Angada  à la  force  immense , arrivé  à la 
porte  deLankà,  entra  sans  déguisement  au  inilirn  de  ces 
nombreux  Rakshasas.  L’Indra  de  ces  Démons  brillait, 
environné  d’eux  , comme  le  soleil , entouré  par  une  guir- 
lande de  nuages.  16,320 — 16,330. 

» L’éloquent  Angada  s’approche  du  Poulastyade,  en- 
vironné de  ses  ministres,  le  salue  et  commence  à lui 
raconter  ce  dont  Ràma  l'avait  chargé  : 16,331. 

« Voici  que  te  dit,  sire,  le  descendant  de  Raghou, 
rindra  de  Koçala  à la  vaste  renommée  ; reçois  cette  porole 
opportune,  et  veuille  bien  l’accomplir.  16,332. 

» Les  vices,  entrés  dans  tes  places  et  dans  tes  villes, 
les  détruiront,  monarque  insensé,  qui  fais  du  vice  ton 
plaisir.  16,333. 

» Tu  as  commis  une  oITense  envers  moi  : tu  m’as  en- 
levé Sttà  de  force!  Seul,  tu  fu»  coupable,  mais  ce  fait 
n'en  sera  pas  moins  pour  lu  mort  de  ceux,  qui  sont  inno- 
cents à mon  égard.  16,33ù. 


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S74 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Enivré  de  ta  force  et  de  ton  orgaeil,  tu  as  déjà  per- 
sécuté les  rishis,  qui  habitent  les  bois,  tu  as  méprisé  les 
Dieux  mêmes.  16,335. 

» Tu  as  donné  la  mort  aux  saints  rois,  tu  as  ravi  des 
épouses  éplorées  : voici  le  temps  où  arrive  à sa  maturité 
le  fruit  de  ton  péché.  16,336. 

» Je  suis  ici  pour  t'immoler  avec  tes  ministres  : com- 
bats ! sois  un  homme  de  cœur  I Vois,  noctivague,  quelle 
est  uia  vigueur,  l’arc  à la  main,  tout  enfant  de  Manou  que 
je  suis.  -46,337. 

» Délivrasses-tu  Sitâ,  la  fdle  du  roi  Djanaka,  tu  ne 
seras  jamais  délivré  de  moi  ! mes  flèches  acérées  vont 
dépeupler  ce  monde  de  ses  Rakshasas  ! » 16,338. 

» Plein  de  colère,  le  puissant  Ràvana  ne  put  supporter 
cet  amer  langage,  dont  la  bouche  de  l’envoyé  frappait  ses 
oreilles.  16,339. 

» Quatre  noctivagues,  habiles  à deviner  les  gestes  de 
leur  maître,  le  saisissent  par  les  quatre  membres,  comme 
des  oiseaux,  qui  saisiraient  un  tigre.  16,340. 

» Mais  prenant  las  rùdeurs  de  nuit , attachés  à son 
corps,  Angada  de  s’élancer  dans  les  airs  et  d'atteindre 
mec  eux  la  terrasse  au  faîte  du  palais.  16,341. 

1)  Tandis  qu’il  s’envolait  avec  rapidité,  les  noctivagues 
tombaient  sur  la  terre,  le  cœur  en  éclat,  écrasés  par  le 
plus  vaillant  des  combattants.  16.342. 

» Et  lui,  du  sommet  de  ce  palais,  où  il  prit  son  élan, 
il  sauta  par-dessus  la  ville  de  Lankâ  et  s’en  alla  tomber 
près  de  son  armée.  16,843. 

» Il  s’approcha  du  monarque  de  Koçala,  lui  fit  part  de 
tout,  et,  félicité  par  le  petit-neveu  de  Raghou,  le  singe 
vigoureux  se  reposa.  16,344.  ■’ 


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VANA-PARVA. 


675 


» Le  Ragfaouide  à la  tète  de  toutes  les  forces  des  si- 
niieas,  aussi  rapides  que  le  vent,  brisa  les  remparts  de 
Lankâ.  lO.SAô. 

» Marchant  sur  les  pas  de  Vibhlshana  et  du  roi  des 
ours,  Lakshmaoa  de  broyer  la  pwrte  méridionale  inacces- 
sible de  la  ville.  16,346. 

U II  accourut  dans  Lankâ  avec  une  centaine  de 
mille  kolis  de  singes,  doués  de  la  science  des  combats, 
aux  membres  fauves  cooinie  de  jeunes  chameaux. 

> Il  fit  disposer  en  bataille  trois  kotis  d'ours  au  poil 
bistré,  agiles  dans  leurs  jambes,  leurs  mains  et  leurs  bras 
longs.  16,347 — 16,348. 

» Des  singes,  qui  volaient,  qui  descendaient,  qui  mon- 
taient, offusquaient  la  vue  du  soleil,  comme  la  poussière, 
qui  détruit  .sa  lumière.  16,349. 

» Les  Raksbasas,  les  femmes  et  les  vieillards  virent 
avec  étonnement  jaunir  de  tous  cétés,  sire,  le  rempart 
sous  des  singes  pareils  au  chanvre  mûr,  égaux  au  soleil 
adolescent,  semblables  à la  fleur  de  çirlsha,  ou  tels  que 
la  tige  du  riz.  16,350 — 16,351. 

> Les  assaillants  brisèrent  les  colonnes  de  pierreries  et 
les  cimes  des  palais  en  mirrbre  de  Rarnâta  : ils  disper- 
sèrent çà  et  là  les  machines  aux  sommets  rompus  et 
broyés.  16,352. 

» Saisissant,  et  les  tchakras,  et  les  çatagbnls,  et  les 
boulets  de  pierres,  ils  les  décochaient  avec  toute  la 
fougue  des  bras  au  milieu  de  Lanka,  en  poussant  de 
grands  cris.  16,353. 

» Quelques  troupes  de  noctivagues,  qui  se  tenaient 
sur  les  remparts , s’enfuirent  par  centaines  devant  les 
singes,  qui  accouraient.  16,354. 


Ô76 


LE  MAHA-BHARATA. 


>1  Ensuite  les  Rakshasas,  aux  figures  déformées  et  qui 
changeaient  d'extérieur  à volonté,  sortirent  de  leurs  quar- 
tiers, à la  voix  du  souverain,  en  troupes  de  cent  mille  à la 
fois.  16,356. 

» Les  habitants  des  bois,  les  dispersant  sous  une  grêle 
de  flèches  et  déployant  la  plus  grande  valeur,  décorèrent 
de  leurs  bataillons  les  remparts.  16,356. 

0 Des  Rakshasas,  aux  formes  épouvantables  et  sem- 
blables à des  amas  de  nuages  (1),  firent  évacuer  de  nou- 
veau le  retranchement  aux  escadrons  simiens.  16,357. 

» Les  plus  vaillantsdes  singes  tombaient  en  foule,  brisés 
par  les  épieux  de  fer  : les  Rakshasas  tombaient,  rompus 
sous  les  débris  des  portes  arcadées  et  des  colonnes. 

» Alors  s’éleva  entre  les  héros  nocti vagues  et  les  singes 
un  combat  à prise  de  cheveux,  où  les  combattants  des  deux 
parts  se  dévoraient  mutuellement  à belles  dents,  mis  en 
pièces  par  les  ongles.  16,3.'i8 — 16,359. 

» Roulants,  blessés,  gémissants  sur  la  terre,  les  singes 
et  les  Rakshasas  des  deux  côtés  ne  cessaient  de  se  tuer 
réciproquement  embrassés.  16,360. 

» Râma,  semblable  au  nuage,  fit  pleuvoir  les  multitudes 
de  ses  traits  qui,  infestant  la  ville  de  Lankâ,  y donnaient 
la  mort  aux  rôdeurs  de  nuits.  16,361. 

1)  Le  Soumiti’ide,  archer  solide,  aux  flèches  de  fer,  vi- 
sant et  révisant  les  Rakshasas,  qui  garnissaient  les  plate- 
formet  de»  citadelles,  les  abattait  tur  la  terre.  16,862. 

» Ce  carnage  accompli,  Râma  fit  proclamer  un  armis- 
tice parmi  les  singes,  et  sa  première  victoire  atteignit  au 
but  pour  la  prise  de  Lankâ.  16,363. 


(1)  mot,  sur  lequel  se  Uisent  tous  les  Dictionnaires. 


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VANA-PARVA. 


677. 


3 Les  suivants  de  RAvana,  en  plusieurs  troupes  de 
Piçâtchas  et  de  vils  Rakshasas,  vinrent  ensuite  attaquer  les 
années  ennemies  entrées  dans  la  ville  ; 16,364. 

» C'étaient  Parvana,  Patana,  Djamba,  Khara,  Krodha- 
vasa,  Hari,  Praroudja  et  Aroudja,  Praghasa  lui-méme  et 
d’autres  de  telle  condition.  16,365. 

» Vibblshana,  à la  connaissance  duquel  ils  ne  pouvaient 
échapper,  fit  donner  à ces  méchants,  qui  se  ruaient  in- 
visibles, une  mort  dérobée  aux  yeux.  16,366. 

» Apperçus  enfin  par  les  singes  vigoureux  et  venus  de 
contrées  lointaines,  ils  tombèrent  de  toutes  parts,  sire, 
blessés,  sans  vie,  sur  la  terre.  16,367. 

U Le  puissant  Ràvana  sortit,  impatient,  environné 
d'armées  épouvantables  de  Piçâtchas  et  de  Rakshasas. 

B Tel  qu'un  autre  Ouçanas,  qui  connaît  les  règles  des 
Traités  sur  la  guerre,  il  rangea  son  armée  suivant  l'ordre 
d’Ouçanas,  et  commanda  de  combattre  les  singes. 

16,.368— 16,369. 

U Le  fils  de  Raghou  opposa  ses  bataillons  suivant  l'or- 
donnance de  Vrihaspati  contre  le  noctivague  aux  dix  tètes, 
sorti  avec  une  nombreuse  armée.  16,370. 

» Les  deux  armées  se  rencontrent,  et  Ràvana  livre  ba- 
taille à Râma.  I.akshmana  combaitit  avec  Indradjit,  Sou- 
grlva  avec  Viroûpàksha,  Nikharvata  vecTâra,  Nalaavec 
Tounda,  et  Patouça  avec  Panasa.  16,371 — 16.372. 

» On  abordait  celui,  que  l'on  croyait  pouvoir  être 
vaincu  ; et,  secondé  par  la  seule  force  de  ses  bras,  on 
combattait  avec  lui  sur  la  lisière  du  champ  de  bataille. 

U Les  tambours,  inspirantlacrainte,  augmentaientleurs 
épouvantables  roulements,  effroi  des  monde.s,  tels  que  jadis 
dans  le  combat  des  Asouras  et  des  Dieux.  16,373 — 16,374. 

IV  37 


»78 


LE  MAHA-BHARATA. 


» RAvana  aborde  Râma  avec  des  pluies  d’épées,  de 
tridents,  d'épieux  en  fer:  et  Râma  aborde  RAvana  avec 
une  grêle  d’armes  en  fer,  coupantes,  acérées.  16,375. 

V Lakshmana  de  percer  Indradjit  au  ntilieu  de  ses  efforts 
avec  des  flèches,  qui  tranchent  les  articulations;  Indradjit 
de  |)ercer  Lakshmana  avec  une  foule  de  traits.  16,376, 

» Vibhishana  déverse  sur  Prahasta,  et  Prabasta  sur  Vi- 
bhtshana,  l'un  et  l’autre  sans  trouble,  un  orage  de  dards 
aigus,  aux  ailes  d’oiseaux.  16,377. 

» Le  premier  choc  de  ces  guerriers  vigoureux,  aux 
grands  astras,  fut  tel  que  les  trois  mondes  avec  leurs  êtres 
immobiles  et  mobiles  était  entièrement  troublé.  16,378. 

» Ensuite  Prahasta,  intraitable  au  combat,  se  porte 
impétueusement  sur  Vibhlshaua  et  le  frappe  de  sa  massue, 
en  poussant  un  cri.  16,379. 

» Atteint  par  cette  arme  à la  fougue  épouvantable,  le 
sage  guerrier  aux  longs  bras,  aussi  ferme  quel’Uimâlaj'a, 
n’en  fut  pas  même  ébranlé.  16,380. 

» Aussitêt,  saisissant  un  grand  et  large  épieu  de  fer, 
orné  de  cent  clochettes,  Vibhishana  le  charme  et  l’envoie 
tomber  sur  la  tête  de  son  ennemi.  16,381. 

» Frappé  par  cette  arme,  aussi  prompte  que  la  foudre, 
le  Rakshasa  perdit  sa  fougue  à l'instant  même;  et,  le  chef 
enlevé,  il  parut  comme  un  arbre,  que  le  vent  a brisé. 

» A la  vue  du  noctivague  Prahasta  immolé  dans  cette 
bataille,  Dhoûmrâksha  de  courir  avec  une  grande  impé- 
tuosité sur  les  singes.  16,382 — 10,383. 

» Dès  que  les  héros  simiens  voient  accourir  cette  figure 
effrayante,  semblable  A un  nuage,  ils  se  débandent  à la 
bAte  sur  le  champ  de  bataille.  16,38A. 

» A peine  le  tigre  des  singes,  Hanoûmat,  le  fils  du  Vent, 


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WNA-PARVA. 


370 


eut-il  TU  s'enfuir  les  plus  braves  des  singes,  il  accourut  A 
la  rescousse.  16,385. 

> Aussitôt  qu’ils  ont  vu  le  fils  de  Maroute  deuièurer 
ferme  dans  la  bataille,  les  simiens  de  tous  K s côtés  s’em- 
pressent Afenvi  de  faire  volte-face.  16,380. 

» Ce  fut  alors,  effroi  des  mondes,  un  grand  bruit  confus 
des  armées  de  Râma  et  de  Ràvana,  qui  couraient  l’une 
sur  l’autre.  16,387. 

» Tandis  que  cet  épouvantable  combat  se  livrait  au 
milieu  d’une  boue  de  sang,  Dhoômràksha  mit  en  fuite 
l’arniée  simienne  à coups  de  flèches.  16,388. 

» Le  Rakshasa,  victorieux  de  ses  ennemis,  reçut  Ha- 
noômat,  qui  accourait  avec  sa  grande  taille.  Le  fils  du 
Vent  fondit  sur  lui  rapideuient.  16,889. 

» Le  cenibat  de  ces  deux  héros,  singe  et  Rakshasa,  qui 
voulaient  remporter  l'un  sur  l'anire  la  victoire,  fut  aussi 
terrible  que  celui  d'Indra  et  de  Prahlâda.  16,590. 

» Le  Démon  frappa  le  singe  avec  des  pilons  et  des 
massues,  et  le  singe  frappa  le  Démon  avec  des  arbres  au 
tronc  vêtu  de  ses  branches  feuillues.  16,391. 

n Irrité,  le  fils  du  Vent,  Hanoômat,  dans  un  excès  de 
colère,  brisa  le  char  du  Rakshasa  et  le  tua,  lui,  ses  che- 
vaux et  son  cocher.  16,392. 

» A la  vue  du  plus  grand  des  noctivagnes,  Dhoûm- 
r&ksha  mort,  les  singes  reprennent  de  la  confiance  en 
eux-mêmes,  ils  reviennent  sur  le  champ  de  bataille  et 
s’approchent  des  guerriers.  16,893. 

» Maltraités  par  les  singes,  vigoureux  et  triomphants, 
la  terreur  chassa  dans  Lankâ  les  Rakshasas,  dont  les 
pensées  se  tournèrent  à la  crainte.  16,393. 

a Le  reste  des  noctivagues,  échappés  au  carnage. 


680 


LE  MABA-BHARATA. 


accourt  brisé  dans  la  ville  et  fait  part  au  monarque  Râ- 
vana  de  ce  qui  était  arrivé.  10,395. 

Il  A |>eiMe  eut-il  appris  d'eux  que  Prahasta  avait  suc- 
combé dans  la  guerre  et  que  les  plus  vaillants  des  singes 
avaient  détruit  le  héros  Uhoûinrâlcsha  et  son  armée,  il 
s'élança  hors  de  son  trône  : « Voici  le  moment  arrivé,  dit- 
il,  de  mettre  A l’ouvrage  Roumbhakarua  ! » 

10.396—16,897. 

Il  Dès  qu'il  eut  ainsi  parlé,  il  fit  réveiller  avec  diveie 
instruments  de  musique  aux  vastes  sons  le  guerrier,  pro- 
fondément endormi  dans  sa  couche.  16,398. 

Il  Enfin  le  monarque  des  Rakshasas,  sous  l'empire  de 
la  crainte,  réveilla  avec  un  grand  elTort  ce  héros  sans 
trouble,  hors  du  sommeil,  assis  et  résolu.  16,399. 

« Heureux  es-tu,  Koumbhakarna,  toi,  qui  peux  jouir 
d'un  tel  sommeil  ! dit  au  colosse  le  souverain  aux  dix 
tètes;  16,600, 

» Toi,  qui  ne  sais  rien  encore  de  ce  grand  danger,  aux 
formes  épouvantables  ! Voici  que  Râma  a traversé  la  mer 
sur  un  pont  avec  une  armée  de  singes.  16,601. 

Il  Nous  ayant  méprisés  tous,  il  répand  un  vaste  effroi. 
J'ai  enlevé  son  épouse,  nommée  Sltâ,  la  fille  du  roi 
DJanaka.  16,602. 

> 11  a jeté  un  pont  sur  la  grande  mer,  et  il  est  venu  ici 
pour  l'emmener  ; il  a tué  Prahasta  et  les  autres,  noti« 
haute  parenté.  10,603. 

» 11  n'est  personne,  si  ce  n'est  toi,  qui  puisse  lui  donner 
lamort,ôtoi,  qui  traînes  les  corps  de  tes  ennemis.  Endosse 
ta  cuirasse  et  sors  à la  tète  d'une  armée,  ô le  plus  fort  des 
forts.  10,60  i.  . 

« Tue  RAma  dans  le  combat  et  tous  les  autres  ennemis. 


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VANA-PARVA. 


m 


dompteur  de  tes  rivaux.  Vadjravéga  et  Pramâtbln  (1),  les 
deux  frères  éminents  de  Doûsh:ina,  te  suivront  tous  deux, 
accompagnés  d'une  grande  armée.  » Quand  le  monarque 
des  Rakshasas  eut  adressé  ce  langage  à l’impétueux 
Koumbhakarna,  il  commanda  à ces  deux  jeunes  béros  ce 
qu’ils  avaient  à faire.  « Qu’il  en  soit  ainsi  1 » répondent  à 
Râvana  les  deux  béros,  frères  puînés  de  Doùshana  et, 
mettant  à leur  tête  Koumbhakarna,  ils  sortent  de  la  ville 
à pas  rapides.  Id.iOô — l«,â06 — 16,407 — 16,408, 

» Aussitôt  qu’il  fut  sorti  de  la  cité,  Koumbhakarna  vit 
avec  ses  suivants  l’armée  victorieuse  des  singes,  qui  se 
tenait  rangée  devant  lui.  16,400. 

n Tandis  qu’il  contemplait  cette  armée  dans  le  désir 
d’y  voir  Râma,  il  apperçut  le  Soumitride , résolu  devant 
lui,' un  arc  à la  main.  16,410. 

U Les  singes  de  s’approcher  à grands  pas;  ils  environ- 
nent le  Rakshasa  de  tous  les  côtés  et  le  frappent  avec  de 
nombreux  arbres  aux  énormes  troncs.  16,411. 

i>  Surmontant  une  peur  extrême , d’autres  le  déchi- 
raient avec  leurs  ongles.  Les  simiens  , combattant  par  les 
dilTéren tes  voies  du  combat,  bles.saient  l’Indrades  Rak- 
shasas avec  des  traits  variés  et  terribles  ; mais  le  monstre 
blessé  dévorait  les  singes  en  riant.  16,412 — 16,413. 

» Il  fait  ï-a  proie  du  simien  Bala,  de  Tchanda-Bala  et 
de  Vadjrabâhou.  A l’aspect  de  ces  actions  douloureuses 
du  Rakshasa  Koumbhakarna , Tara  et  les  autres  de  pous- 
ser des  cris  d’elTroi.  Dès  qu’il  eut  ouï  ces  hautes  clameurs 
jetées  par  les  guerriers  chefs  des  troupeaux  de  singes , 
Sougrtva  fondit,  l’âme  sans  crainte,  sur  Koumbhakarna. 


(I)  ProQOQcex  le  mot  comme  s'il  était  écrit  PramAtkiw. 


582 


LE  MÂHA-BHAllATA. 


Arrivé  rapidemeDt  sur  lui,  le  magnanime  éléphant  des 
singes  le  frappa  vigoureusement  sur  le  front  avec  le  tronc 
■'d’un  shorée.  Le  singe  à la  grande  vitesse  brisa  du  coup 
son  arbre , et  n’en  fut  pas  même  effrayé.  Mais,  réveillé 
soudain  au  contact  de  ce  shorée,  Kouinbhakarna  pousse 
un  c.ri , étreint  Sougrlva  dans  ses  bras  et  l’enlève  malgré 
lui.  Aussitôt  que  le  Soumiiride  l’eut  apperçu,  ce  héros,  la 
-joie  de  ses  amis,  courut  sur  le  Rakshasa,  qui  emportait 
Sougrlva!  Arrivé  près  du  monstre,  le  terrible  Lakshinana 
saisit  une  grande  flèche  empennée  d’or,  à la  grande  vî- 
‘tesse,  et  l’envoie  à Roumbhakarna.  Le  trait  fendit  sa  cui- 
rasse et  son  corps.  ( De  la  stance  16,413  à la  stance 
16,421.) 

» Dégouttant  de'  sang , il  entrouvrit  la  terre  et  s'y 
plongea.  Le  héros  Kouinbhakarna,  le  cœur  brisé,  de 
s’armer  d’une  roche  et  d’abandonner  le  monarque  des  sin- 
ges. Il  courut,  tenant  son  vaste  rocher  en  l’air,  sur  le  fils 
de  Souniitrâ.  16,4*22 — 16,423. 

» Dans  l’instant  qu’il  s’élançait,  celui-ci  trancha  ses 
deux  mains  levées  avec  des  flèches  en  rasoir  au  tranchant 
acéré.  Le  géant  avait  quatre  bras.  16,4*24. 

» Le  Soumitride,  employant  un  prompt  astra,  lui  confia 
de  ses  rasoirs  tous  les  bras,  armés  de  rocs  saisis.  J 6,425. 

» Koumbhakama  était  un  colosse  à beaucoup  de  bras, 
de  têtes  et  de  pieds  : Lakshmana,  aidé  par  l’ astra  de 
Brahma,  le  mit  en  pièces,  tel  qu’un  amas  de  monta- 
/gnes.  16,426. 

» Frappé  de  l’astra  céleste,  le  guerrier  vigoureux 
. tomba , comme  tombe  avec  ses  rameaux  un  arbre  con- 
sumé par  un  grand  coup  de  la  foudre.  16,427. 

» Aussitôt  qu’ils  virent  l’impétueux  Koumbhakama 


VANA-PARVA.  58S 

abattu  sans  vie,  tel  que  Vritra,  sur  la  terre,  la  crainte 
dispersa  les  Rakshasas  de  tous  les  côtés.  16,A28. 

» A peine  ont-ils  vu  leurs  guerriers  s'enfuir,  les  frères 
puînés  de  Doùshana  les  arrêtent  et  courent  irrités  sur  le 
Souiuitride.  16,^29. 

» Voyant  Pranicàthin  et  Vadjravéga  accourir  avec  co- 
lère, celui-ci,  poussant  un  cri,  les  reçut  l’un  et  l'autre 
avec  ses  flèches.  16,A30. 

> Alors  un  combat  très-tuntultueux,  effroi  du  monde, 
üls  de  Kounil , s'éleva  entre  les  deux  frères  puînés  de 
Doùshana  et  le  sage  Lakshmana.  1(5, AHl. 

U 11  fit  pleuvoir  sur  les  deux  Raksbasas  une  grande 
pluie  de  flèches,  et  ces  héros  irrités  firent  crever  sur  lui 
le  nuage  de  leurs  traits.  16,A32. 

U La  batailie  aux  formes  bien  effrayantes  entre  PramA- 
tbin,  Vadjravéga  et  le  Souniitride  aux  longs  bras  dura 
une  heure  d'une  telle  mani>re.  16,é33. 

» Hanoûmat,  le  fils  du  Veut,  saisit  alors  une  ctroe  de 
montagne,  s'élance  avec  elle  et  ravit  le  souffle  de  l'exis- 
tence au  Démon  Vadjravéga.  10,è3è. 

» Mla , singe  à la  grande  force , courut  et  broya  sous 
un  vaste  rocher  Praïuàtbin , le  frère  mineur  de  Doù- 
sbana.  16.A35. 

n Ensuite  s’alluma  de  nouveau  une  bataille  au  lever 
pltin  de  violents  orage*  entre  les  armées  de  Ràma  et  de 
Ràvana,  qui  fondaient  l'une  sur  l'autre.  10,A30. 

» Les  hommes  des  bois  immolaient  par  centaines  les 
Nairritas,  et  ceux-ci  par  centaines  sacrifiaient  les  hommes 
des  bois;  mais  ordinairement  c’étaient  les  Nairritas  et  non 
les  singes,  qui  mouraient.  16,éS7. 

<1  A la  nouvelle  que  Koumbliakama , ayant  succombé 


LE  MAHA-BHARATA. 


68A 

dans  cette  latte  avec  ses  compagnons,  avait  suivi  au  tom- 
beau le  héros  Prahasta  et  Dboümrâksha  à la  grande 
vigueur,  Râvana  dit  au  vaillant  Indradjit,  son  fils  : « Tue, 
immolateur  des  ennemis,  et  Ràma,  et  Sougrlva,  et 
Laltshmana.  16,AS8 — 16,A39. 

U Par  ta  victoire  dans  le  combat  sur  le  Dieu  aux  mille 
regards,  sur  l'époux  de  Çatcht,  qui  tient  la  foudre,  tu  as 
acquis  pour  moi,  noble  lils,  une  gloire  éclatante.  16,AA0. 

» Apparent  ou  caché,  tue  mes  ennemis  avec  ces  flèches, 
dont  la  grâce  te  fut  accordée,  immolateur  de.s  ennemis, 
6 le  plus  excellent  des  hommes  instruits  dans  les  Çâstras. 

» Ràma , Sougrlva  et  Laltshmana  ne  sont  pas  capables 
de  soutenir  le  contact  de  tes  flèches,  guerrier  sans  repro- 
che : à plus  forte  raison , les  hommes,  qui  suivent  leurs 
pas.  16,441-16,4V2. 

n Les  combats  de  Prahasta  et  de  Khoumbbakarna 
n'ont  pas  mis  fin  à mon  inimitié  : marche  l'éteindre,  héros 
aux  longs  bras.  16,443. 

U Que  tes  flèches  acérées,  immolant  mes  ennemis  et 
leurs  armées,  me  réjouissent  aujourd'hui,  mon  fils,  comme 
jadis  ta  victoire  sur  Indra  ! » 16,444. 

» Il  dit.  « Qu'il  en  soit  ainsi  ! » répond  Indradjit, 
qui , revêtu  de  sa  cuirasse  , monte  sur  son  char,  sire  , et 
s'avance  à pas  hâtés  vers  le  champ  de  bataille.  16,445. 

» Le  plus  excellent  des  Kakshasas  proclame  à haute 
voix  son  nom , et  défie  au  combat  I.akshmana,  le  fortuné 
Lakshmana.  16,446. 

Il  Soudain  celui-ci  prend  son  arc  et  sa  flèche  ; il  s’é- 
lance, effrayant  par  ses  cris,  comme  un  lion  épouvante  les 
viles  gazelles  |>ar  le  son  profond  de  sa  voix.  16,447. 

» Aussitét  il  s'élève  un  immense  combat  entre  ces 


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VANA-PARVA. 


586 


deux  rivaux,  qui  rivalisaient  l’un  sur  l'autre,  qui  avaient 
les  astras  divins  et  qui  désiraient  la  victoire.  16,i&8. 

» Quand  le  Ràvanide  vit  qui!  ne  pouvait  triompher 
ainsi  avec  des  (lèches,  il  eut  recours,  le  plus  vigoureux 
des  êtres  vigoureux,  à un  plus  vaste  effort. 

U 11  harcela  son  ennemi  avec  des  h viers  de  fer  à la 
grande  vitesse,  et  le  Soumitride  les  trancha  dans  leur  vol 
avec  des  (lèches  acérées.  16,A50. 

» Coupés  par  les  traits  mordanLs , ils  tombèrent  sur  le 
sol  de  la  terre.  Le  fils  de  Bâli,  le  furtiiné  Angada,  levant 
un  aibre,  court  avec  une  grande  vitesse  et  l'en  frappe  sur 
la  tète.  Le  robuste  liidradjit  n'en  fut  pas  même  ébranlé; 
il  voulait  répondre  au  coup  par  une  (lèche  barbelée,  mais 
Lakshmana  la  trancha  en  deux.  Le  fils  de  Ràvana  frappa 
dans  le  flanc  gauche  le  plus  excellent  des  singes,  le  héros 
Angada,  venu  à la  portée  de  sa  mas.sue.  Le  vigoureux 
enfant  de  Bàli,  sans  penser  à ce  coup,  décharge  irrité  sur 
Indradjit  le  tronc  d'un  shorée.  Cet  arbre,  lancé  parla 
colère  d' Angada  pour  la  mort  d' Indradjit,  frappa,  guerrier 
ué  de  Priihà,  son  char,  sesrdievaux  et  son  cocher.  Le  fils 
de  Ràvana,  sire,  qui  avait  perdu  son  cocher,  s,iuta  à bas  de 
son  char  aux  coursiers  sans  vie,  et  disparut  en  ce  moment 
par  l'effet  de  la  magie.  Dès  que  Râma  sut  que  le  Démon 
s’était  caché  dans  la  magie,  dont  il  était  si  puissamment 
doué,  il  vint  eu  ce  lieu  et  veilla  sur  l'armée.  Le  héros, 
visant  Râma  avec  ses  flèches,  dont  la  grâce  lui  fut  accor- 
dée, le  blessa  dans  tous  ses  membres , lui  et  Lakshmana 
à la  grande  force.  Les  deux  frères  alors  de  combattre  à 
coups  de  flèches  le  Ràvanide  invisible,  enveloppé  dans  sa 
magie  ; et  lui  d'envoyer  encore  plus,  dans  sa  colère,  par 
cen  aines  et  par  milliers,  ses  traits  dans  tous  les  membres 
de  CCS  deux  lions  des  hommes.  Les  singes , pensant  que 


686 


LE  MAHA-BHARATA. 


le  guerrier,  qui  envoyait  continuellement  tous  ces  dards , 
était  caché  dans  l'invisibilité  , prirent  de  grandes  flèches 
et  entrèrent  dans  le  ciel  arfc  elles.  Mais  le  Démon,  fils  de 
Râvana,  entouré  de  sa  magie , sans  laisser  tomber  un 
regard  ni  sur  eux,  ni  sur  les  deux  guerriers,  afliigea  cruel- 
lement et  blessa  de  ses  traits  les  héroïques  frères,  lUma 
et  Laksbmana,  qui,  couverts  de  flèches,  tombèrent  sur  la 
la  terre,  comme  le  soleil  et  la  lune  s’écoulerai  nt  du  ciel. 
(De  la  stance  16,661  à la  stance  16,666.) 

» Dès  qu'il  vit  les  deux  frères  , abattus  sur  le  sol , le 
Râvanide  les  lia  avec  d'autres  flèches,  dont  la  grâce  lui 
avait  été  accordée.  16,666. 

» Attachés  par  Indradjit  dans  le  lien  de  ces  dards , les 
deux  vaillants  tigres  des  hommes  semblaient  sur  le  champ 
de  bataille  deux  oiseaux  liés  dans  leur  cage.  16,666. 

» Quand  il  vit  les  deux  héros  tombés  sur  la  terre  et 
couverts  de  flèches  envoyées  par  centaines,  Sougrlva  de- 
bout les  environna  avec  les  singes.  16,667. 

n Le  monarque  avait  à ses  côtés  Soushéna  , Malnda  et 
Dwivida,  Kouniouda  et  Angada,  Hanoûmat,  Nlla,  Tira  et 
Nala.  16,668. 

» En  ce  lieu  vint  aussi  l'habile  Vibhlshana,  qui  tira  de 
leur  assoupissement  les  deux  héros,  réveillés  parl'astra 
de  la  science.  16,669. 

Il  Au  même  instant . Sougrlva  les  délivra  de  leurs  flè- 
ches avec  le  simple  sublime  Viçalyà  (1),  associé  à une 
formule  céleste.  16,670. 

B Soudain,  ayant  repris  connaissance  et  se  voyant 
dégagés  des  traits,  les  deux  héros  se  lèvent,  secouant  la 
fatigue  et  le  sommeil.  16,671. 

(I)  C'Ht4.<lire,  fm  cow  délivre  dm  fUches. 


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VANA-PARVA. 


587 


» Aussitôt  qu’il  vit  Ràma  guéri , Viblilshana  tint  ce 
langage,  fils  de  Priihà,  les  mains  réunies  au  frunt,  au 
rejeton  d'ikshwâkou  ; 10,572. 

« Gouhyaka,  suivant  l’ordre  du  roi  des  rjis,  a pris 
cette  eau , dompteur  des  ennemis  , et  il  vient  des  monta- 
gnes blanches  en  ta  présence.  10,573. 

» Kouvéra  te  fait  présent  de  cette  onde,  terrible  roi  des 
rois,  pour  quelle  te  procure  la  vue  des  êtres  invisibles. 

Il  L’homme  , à qui  elle  sera  donnée , s'il  lave  ses  jeux 
de  cette  eau,  verra  lesêires,  qui  se  dérobent  aux  regards.  » 

U Bien  I u répondit  Ràma.  Cette  onde  fut  reçue  par 
Lakshmana  à la  grande  àme,  qui  en  frotta  ses  yeux. 

Il  11  est  imité  par  Sougriva  et  Djàmbavat,  par  Hanoû- 
mat  et  .Angada,  par  Mainda,  Dwivida  et  Mla,  par  la  plus 
gran.le  panie  des  plus  excellents  singes,  et  la  chose  arriva 
comme  Vibhishana  l'avait  dite.  Leurs  yeux  devinrent  en 
un  instant , Youddhishthira , le  siège  de  facultés  supé- 
rieures. 10,575 — 10,575 — 10,576—10.577 — 10,578. 

» Quand  Indradjit , ayant  terminé  son  exploit,  eut  an- 
noni'é  àson  père  la  prouesse,  qu’il  avait  exécutée,  il  revint 
à la  hâte  au  front  du  champ  de  bataille.  10,570. 

I)  Dès  que  le  Soumitride,  docile  au  sentiment  de  Vi- 
bhishana , le  vit  accourir  de  nouveau  irrité  , il  fondit  sur 
lui  avec  le  désir  de  le  vaincre.  10,580. 

Il  Aussitôt  qu’il  eut  proclamé  sou  nom , Lakshmana 
irrité  frappa  de  ses  flèches  le  héros  ti  iomphant,  qui  n'avait 
pas  accomp  i ses  exploits  de  chaque  jour.  10,581. 

» Alors  s’alluma  entre  ces  deux  héros,  animés  par  un 
mutuel  désir  de  remporter  la  victoire  , un  combat  extrê- 
mement varié , admirable  et  pareil  à celui  de  Çakra  et  de 
Prahlàda.  10,582. 


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388 


LE  MAHA-BHARATA. 


» Indradjlt  de  blesser  le  Soumitride  avec  ses  dards,  qui 
tranchaient  les  articulations;  et  le  Soumitride  de  blesser 
liidradjit  avec  des  flèches  au  contact  mordant  comme  le 
feu.  16,483. 

» Se  voy.ant  toucher  par  les  traits  de  Lilishmana,  le 
Râvanide,  rempli  de  colère,  lui  envoya  huit  flèches,  sem- 
blables au  venin  des  serpents.  16,484. 

O Écoute  de  ma  bouche  comment  le  héros  Soumitride 
lui  enleva  la  vie  avec  trois  flèches  pareilles  au  feu. 

I)  Avec  l’une,  il  fit  tomber  de  son  corps  le  bras,  qui 
tenait  l’arc  ; avec  l’autre,  il  abattit  sur  la  terre  le  bras , 
armé  de  la  flèche  de  fer.  16,485 — 16,486. 

» .4vec  la  troisième  au  large  et  lumineux  tranchant , il 
enleva  la  tète  au  nez  charmant,  aux  pendeloques  éblouis- 
santes. 16,487. 

» Quand  il  eut  fait  de  son  buste,  hideux  à voir,  un  tronc 
mutilé  de  ses  bras , le  plus  fort  des  forts  tua  son  cocher 
à coups  de  flèches.  16,488. 

» Ses  coursiers  ramenèrent  le  char  dans  Lankâ,  et 
Ràvana  le  contempla  vide  alors  do  son  fils.  16,489. 

» Dès  qu’il  vit  que  ce  fils  n’était  plus,  l’âme  émue  par 
la  terreur,  Râvana,  en  proie  au  délire  du  chagrin,  s’élança 
pour  tuer  la  Vidéhaine.  16,490. 

1)  11  saisit  un  cimeterre  et  courut  avec  vitesse  vers  la 
princesse,  qui , remplie  du  désir  de  voir  son  époux  était 
placée  dans  le  bocage  d’açokas.  16,491. 

U Ayant  vu  la  résolution  criminelle  de  cet  insensé , 
Avindya , ton  minittre , éteignit  le  feu  de  sa  colère. 
Écoute  quelles  raisons  il  fit  valoir.  16,492. 

« Placé  au  sein  d’un  grand,  d’un  éclatant  royaume,  il 
ne  te  sied  pas  de  tuer  une  femme,  surtout  quand  elle  est, 


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VANA-PARVA. 


68» 


cette  femme,  dans  ta  dépendance,  au  milieu  de  tes  prisons. 

» Le  brisement  de  son  corps  ne  suffirait  même  point  à 
la  tuer.  Détruis  son  époux  : lui  une  fois  mort,  elle  meurt. 

16,495—16,494. 

1 Çatakratou  en  personne  n’est  pas  égal  à toi  pour  le 
courage.  Plus  d'une  fois  dans  les  combats,  n’as-tu  pas 
semé  la  terreur  parmi  les  Dieux,  soutenus  par  Indra? 

1)  Avec  ce  langage  et  d’autres  nombreuses  paroles, 
Avindhya  réussit  à calmer  la  colère  de  Râvnna,  et  le  mo- 
narque accepta  ses  raisons.  16,495 — 16,496. 

B Le  noctivague  tourna  sa  pensée  vers  la  sortie;  il  ren- 
gaina son  cimeterre  et  donna  cet  ordre  : « Qu’on  m’ap- 
prête mon  ch.ir  ! » 16,497. 

» Irrité  par  la  mort  de  son  fils  bien-aimé,  le  géant  aux 
dix  têtes  sortit,  monté  sur  son  char,  orné  de  pierreries  et 
d’or.  16,498. 

U Environné  de  Rakshasas  épouvantables,  tenant  h leur 
main  dilTéreiites  armes,  il  fondit  sur  Ràma,  en  attaquant 
les  principaux  des  singes.  16,499. 

» Tandis  qu’il  précipite  sa  course,  Maluda,  Nila  et  Nala, 
Angada,  Hanoûmat  et  DJâmbavat  entourent  avec  leurs 
guerriers  le  monarque  irrité.  16,500. 

» Les  héros  des  singes  et  des  ours  détruisent , sous  les 
yeux  de  ce  roi,  l’armée  du  monstre  aux  dix  têtes  sous  une 
averse  d’arbres.  16, .501. 

B Quand  il  vit  que  son  armée  avait  succombé  sous  les 
ennemis,  le  uionarque  des  Rakshasas,  Ràvana,  le  magi- 
cien, répandit  les  moyens  de  sa  magie.  16,502. 

B On  vit  sortir  de  son  corps  par  centaines  et  par  milliers 
des  noctivagues,  armés  de  glaives,  d’épieux  en  fer  et  de 
flèches.  16,505. 


5«0 


LE  MAHA-BHARATA. 


» R&ma  d'exterminer  tous  ces  Raksbasas  avec  un  astra 
divin  et  leur  souverain  de  mettre  en  jeu  de  nouveau  sa 
magie. 

>>  Il  multiplia,  Bliaratide,  les  formes  de  Râma  et  de 
Lakshmana.  Puis,  le  géant  aux  dix  têtes  courut  .sur  les 
personnes  mêmes  de  Rêma  et  de  Lakshmana,  lb,505. 

» Ensuite,  les  noctivagues  honorent  les  deux  héros  ; 
puis,  saisissant  leurs  arcs,  ils  couient  sur  Râma  (1). 

I)  Quand  le  rejeton  d’ikshwâkou , le  Soumiiride  vit 
cette  magie  de  l’indra  des  Rakshasas,  il  dit  avec  émotion 
cette  grande  parole  à Râma  : 10,506—16,507. 

« Triomphe  de  ces  vils  Rakshasas,  qui  sont  les  images 
de  toi-méme  : tue-les,  ces  trompeu.ses  apparences  de  toi- 
même,  et  les  autres  avec  elles  ! » 16,508. 

» Alors  .Uàtali,  le  cocher  d’Indra,  s’approcha  de  Râma 
sur  le  champ  de  bataille  dans  un  char,  qui  avait  la  splen- 
deur du  soleil  et  que  traînaient  des  cour.siers  fauves. 

» Il  dit  : « Ce  char  sublime,  attelé  de  coursiers  fauves, 
est  Djattra  (2),  le  char  d’Indra.  Monté  sur  cette  magni- 
fique voiture,  puissant  Rakoutsthide,  il  a immolé  dans  la 
bat  .ille  par  centaines  lesDaityas  et  les  Dànavas.  Aidé  par 
mes  elTorta , extermine  donc  bientôt  dans  un  comb.at, 
tigre  des  hommes.  Ràvana,  sans  tarder!  » A ces  mots,  le 
lils  de  Raghou  eut  pour  suspecte  la  parole  sincère  de 
Mâtali.  16,509— 16,510— 16,.'^11— 16,512. 

Cl  Cest  encore  là  un  tour  de  la  magie  du  Raksha.sa!  » 
dit-il;  mais  \ibhishana  d’obseiver  : « Ce  n'est  pas  une 

(1)  Je  ne  BAÎiib  pas  bien  l'cnchatneincnl  de  celle  stance  avec  ce  qui  prê- 
che et  ce  qui  suit.:  U doit  y avoir  ici  une  lacune,  ou  c'est  une  intnisiou 
illogique.  Du  n;stc,  le  çloka  est  traduit  littéralement. 

‘2J  Le  Triomphant  ou  /e  Vktùrieux. 


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VANA-PARVA. 


5M 


illusion,  tigre  des  hommes,  que  fait  paraître  à nos  yeux 
le  méchant  Râvana  ! 16,513. 

n Hàte-toi  donc  de  monter  dans  ce  char  d’Indra,  héros 
à la  grande  splendeur.  » — « Qu'il  en  .soit  ainsi,  Vibht- 
shana  1 » lui  répondit  le  Kaltoutsthide,  transjwrté  d’ar- 
deur. 16,51  A. 

» Aussitét,  rempli  de  colère,  il  fond  avec  ce  char  sur 
le  géant  aux  dix  tètes.  Quand  il  attaqua  Râvana,  tous  les 
êtres  d’éclater  en  de  grandes  clameurs.  16,515. 

» Des  cris  de  guerre  furent  poussés  dans  le  ciel,  les 
tambours  célestes  résonnèrent  dam  les  mies  : un  violent 
combat  s’éleva  entre  le  uion-stre  aux  dix  cous  et  le  fils  des 
rois.  16,616. 

» On  n’eût  trouvé  nulle  part  une  ressemblance  avec 
ces  deux  guerriers.  Le  nociivague  envoie  à Bâma  une 
lance  épouvantable,  semblable  .1  la  foudre,  d Indra,  haute 
comme  le  .sceptre  de  Brahma  ; et  Râma  se  hâte  de  la 
trancher  avec  .ses  flèches  acérées.  16,517 — 16,518. 

» A la  vue  de  cet  exploit  dilhcile,  la  terreur  pénètre  au 
sein  de  Râvana  ; et  le  géant  aux  dix  têtes  dans  sa  colère 
décoche  à la  hâte  des  traits  aigus  et  divers  projectiles  à 
Râma  par  milliers  et  par  myriades,  deè  bhousoundbis, 
des  lances,  des  massues,  des  haches,  des  épieux  de  fer, 
des  çataghnts  aux  formes  diverses  et  des  flèches  acérées. 
A l’aspect  de  cette  hideuse  magie  du  Démon  aux  dix  têtes, 
16,519—16,520—16,621. 

» La  terreur  disperse  tous  les  singes  dans  toutes  les 
parties  de  l’espace.  Rapidement,  le  Kakoutsthide  saisit 
une  flèche  immeuse,  aux  belles  ailes,  au  beau  tranchant, 
empennée  d’or,  et  l’enchante  avec  l’asira  de  Brahma. 
Voyant  Râma,  qui  charme  le  dard  nomparcil  avec  la  for- 


502 


LE  MAHA-BHARATA. 


mule  du  Créateur,  les  Gandharvas  et  les  Dieux,  Indra  àleur 
tète,  frémissent  d’épouvante.  Les  Rinnaras,  les  Dânavas  et’ 
les  Dieux  , aussitôt  qu’ils  entendent  prononcer  l’astra  de 
Brahma,  pensent  qu’ils  reste  peu  de  temps  à vivre  au 
Rakshasa  ennemi.  Râma  lui  décoche  son  trait  à la  force 
incomparable,  16,522 — 16,523 — 16,524 — 16,526. 

» Trait  épouvantable,  haut  comme  le  sceptre  de  Brahma 
et  qui  devait  causer  la  mort  de  Râvana.  A peine  lancé  par 
Râma,  que  sa  haine ^ Bharatide,  lit  venir  de  «f  loin,  le  mo- 
narque des  Rakshasas  flamboya  avec  son  char,  ses  chevaux 
et  son  cocher,  enveloppés  tons  pai*  le  feu  d’une  grande 
flamme.  16,526 — 16,527. 

» Transportés  d’allégresse  à la  vue  de  Râvana  tué  par 
Râma  aux  travaux  infatigables,  les  Tridaças,  avec  les  Gan- 
dharvas, avec  les  Tchâranas,  laissèrent  l’éminent  roi  se 
résoudre  en  les  cinq  éléments  ; et  l’énergie  de  Tastra 
brahmique  le  fit  déchoir  de  tous  les  mondes. 

16,628—16,529. 

» Les  principes  de  son  corps,  la  chair  et  le  sang  ne  do- 
minèrent plus  en  lui  ; et,  consumés  par  l’astrade  Brahma, 
on  n’en  vit  plus  même  la  cendre.  16,530. 

» Quand  il  eut  tué  le  vil  Râvana,  l’indra  des  Rakshasas 
et  l’ennemi  des  Dieux,  Râma  en  fut  comblé  de  joie  avec 
ses  chers  amis,  avec  le  Soumitride.  16,531. 

» Après  la  mort  du  géant  aux  dix  têtes,  les  Dieux,  que 
précédaient  les  rishis,  répandirent  sur  le  héros  aux  longs 
bras  les  bénédictions,  qui  accompagnent  la  victoire. 

» Toutes  les  Divinités,  de  chanter  Râma  aux  yeux  de 
lotus  bleu  ; les  Gandharvas,  habitants  du  ciel,  versent 
sur  lui  des  vœux  et  des  pluies  de  fleurs.  16,532 — 16,533. 

» Lorsqu’ils  eurent  honoré  le  héros,  ils  s’en  retournèrent 


VANA-PAUVA. 


S9S 

comiDe  ils  étaient  venus.  Toute  l’atmosphère,  Atchyouta, 
ofTraitauz  yeux  la  ressemblance  d'une  grande  fête.  1H,53A. 

a Dès  que  Üaçagriva  fut  tombé  sous  ses  coups,  l'au- 
guste Ràma,  l'illustre  vainqueur  des  cités  ennemies,  donna 
Lankâ  è Vibhlshana.  10,536.  ' ^ > 

» Avindhya,  le  vieux  ministre  à la  grande  science,  ayant 
mis  Sttà  devant  lui,  sortit,  précédé  par  elle  ; 10,530. 

» Et,  prenant  une  &me  humble,  il  dit  au  magnanime 
Kakoutsthide  : « Reçois,  magnanime,  cette  reine,  de  qui 
Djanaka  fut  le  père  et  de  qui  la  conduite  fut  vertueuse.  « 

» A ces  mots,  le  rejeton  d’ikshnâkou  descend  de  son 
noble  char  et  voit  StiA  couverte  de  ses  larmes. 

10,537—10,538. 

» Il  voit  cette  femme  aux  membres  tout  charmants,  qui 
se  tenait  sur  un  char,  déchirée  par  le  chagrin,  le  corps 
souillé  de  taches,  les  cheveux  en  gerbe  et  revêtue  d’une 
robe  noire.  10,639. 

» Ràma  lui  dit,  plein  de  douteet  d'une  brûlante  colère  : 
1 Va,  Vidébaine  I tu  es  libre.  J'ai  fait  ce  que  je  devais 
faire.  10,5A0. 

« Toi,  de  qui  je  fus  l’époux,  irais-tu  à la  vieillesse  dans 
l’habitation  d’un  Raksbasa?  » ai-je  pensé,  et  cette  raison 
me  fit  donner  la  mort  au  nociivague.  10,5A1. 

U Comment  un  homme  de  ma  condition,  qui  sait  les 
décisions  sur  le  devoir,  supporterait-il,  ne  fût-ce  qu’une 
heure  seulement,  une  femme  tombée  dans  les  mains  d’un 
étranger?  10,ôA‘2. 

» Que  ta  conduite  ait  été  bonne  ou  mauvaise,  moi,  Mi- 
thilienne,  je  ne  puis  souffrir  d'être  maintenant  ton  maître, 
comme  d’une  oblation  de  beurre  clarifiée,  sur  laquelle  un 
chien  a promené  sa  langue.  » 10,5A3. 

IV 


88 


LE  M ARA-BHARATA. 


&9i 

» A peine  eut-elle  ouï  ces  amères  paroles,  la  jeune  reine 
tomba  soudain  sur  la  terre,  agitée  par  sa  douleur,  telle 
qu’un  bananier  tranché  par  le  pied.  16,5ii. 

» La  rougeur  de  son  visage,  expression  de  sa  joie, 
s’eiïaça  en  un  moment,  comme  un  souille  sur  la  face  d'un 
miroir.  16.Ô&5. 

» Dès  qu'ils  eurent  entendu  ce  langage  de  Rdma,  tous 
les  singes  et  l.akslimana  restèrent  sans  mouvement,  ainsi 
que  des  corps  sans  vie.  16,ôAd. 

a Ensuite  le  Dieu  h l'âme  pure,  aux  quatre  faces,  le 
créateur  du  monde,  qui  eut  un  lotus  pour  son  berceau,  se 
montra  sur  un  char  au  fils  de  llaghou.  16,5â7. 

i>  11  était  accompagné  de  Çakra  et  d’Agni,  du  Vent, 
d'Yama  et  de  V.arouna,  du  souverain  for,uné  des  Yakshas 
et  des  sept  purs  rishis.  I6,ôâ8. 

» I.e  roi  D.açaratha,  revêtu  d'un  corps  radieux  et  céleste, 
apparut  égalemetit  sur  un  char  de  grand  prix,  lumineux, 
attelé  de  cygnes.  16,549. 

» Toute  l'atmosphère  resplendit,  environnée  de  Dieux 
et  de  Gandharvas,  comme,  au  temps  de  l’automne,  la 
voûte  du  ciel  ém.aillée  d'étoilas.  16,650. 

» Alors,  s'étant  levée  au  milieu  d'eux,  la  noble  Vi- 
déhaine  adressa  ces  paroles  à Ràma,  doué  d'une  vaste 
poitrine  : 16,551. 

« Fils  de  roi,  je  n’ai  pas  commis  de  faute  envers  toi.  Tu 
connais  la  route  des  hommes  et  des  femmes  : écoute  cette 
mienne  parole.  16,55î2. 

» Le  vent,  sans  cesse  en  mouvement,  circule  dans  tous 
les  êtres  : qu’il  m'ôte  le  souOle  de  l'existence,  si  je  ne  suis 
pas  innocente.  16,553. 

B Que  le  feu,  l’eau,  l'air,  la  terre  et  le  vent  m’ûtent  le 


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VANA-PAKVA. 


596 


sooflle  de  l’existence,  si  je  ne  suis  pas  innocente.  16,555. 

Il  Telle  que  dans  mes  songes  ma  pensée  ne  fut  jamais 
occupée  d'un  autre  que  toi,  ainsi,  tu  fus  la  Divinité,  qui 
m'était  *nns  eme  montrée.  Sois  donc  mon  époux.  » 

« Une  voix  sainte,  portant  la  joie  au  cœur  de  tous  les 
magnanUiies  simiens,  fit  ensuiterésonnerdans  l’atmosphère 
toutes  les  plages  du  ciel.  16,.’)5.â — 16,55ii. 

(I  Oli  ! oh!  c’est  la  vérité,  lils  de  Raghou.  Je  suis  de 
Vent,  qui  circule  sans  cesse,  dit  Maroote.  La  Mithilienne 
est  innocente,  sire  : veuille  donc  te  réunir  avec  ton 
épouse!»  16,557. 

« Je  suis  placé  dans  le  corps  des  êtres,  au  milieu  d’eux, 
fils  de  Raghou,  fit  d son  tour  le  Feu.  Ta  Mithilienne  n’a 
pas  commis  la  plus  légère  offense  contre  toi,  Kakout- 
sthide.  » 16,558. 

. « (7 est  moi,  qui  suis  le  générateur  des  humides  dans  le 
corps  des  étres,fds  de  Raghou,  reprit  Varouna.  Crois-en 
ma  parole,  reprends  la  Miiliilleune.  » 16,559. 

I)  firahma  dit  : 

« Il  n'y  a rien  dans  ces  événements,  qui  surprenne  en 
toi,  mon  fils,  voué  au  devoir  des  saints  rois.  Écoute  cette 
parole  de  moi,  vertueux  Kakoutsthide,  à la  bonne  conduite. 

» Cet  ennemi  des maharshis,  des  Dùnavas,  des  Yakshas, 
des  serpents,  des  Gandharvas  et  des  Dieux  fut  renversé, 
héros,  sous  tes  coups  ! 16,560 — 16,561. 

. » Il  fut  jadis,  grâce  à ma  faveur,  immortel  contre  tous 
les  êtres  ; on  supporta  ce  pécheur  quelque  temps,  pour 
une  certaine  raison.  16,56S. 

» Poussé  par  une  malédiction  de  Nalakoûvara,  ce  scélérat 
enfin  ravit  Stiâ  pour  sa  mort  : c’est  moi,  qui  l’ai  gardée 
moi-même.  16,56S. 


306 


LE  MAHA-BHARATA. 


O Sa  tête  sera  certainement  brisée  en  cent  parties,  s’il 
aime  la  femme  d'un  autre,  qui  sera  pour  loi  sans  amour  I » 
Voilà  ce  qui  fut  arrêté  jadis.  16,564. 

U Tu  ne  dois  pas  douter  un  instant  ici,  héros  à la  grande 
splendeur  : reçois  ton  épouse.  Tu  as  accomplis  un  grand 
exploit,  ô toi,  qui  es  l'enveloppe  de  la  lumière  immortelle 
des  Dieux.  » 16,565. 

» Daçaratha  prit  ensuite  la  parole  : 

R Je  suis  content,  mon  fils  ; la  félicité  descende  sur  toi  ! 
Je  suis  Daçaratha,  ton  père.  Je  t’accorde  le  royaume  ; 
manie  les  rênes  de  l’empire,  Ole  plus  grand  des  hommes.  » 

» Ràma  lui  répondit  : 

R Je  m'incline  devant  toi,  Indra  des  rois,  si  tu  es  mon 
père.  J’irai,  suivant  ton  ordre,  à la  charmante  ville  d'Ayo- 
dhyà.  » 16,66,5—16,667. 

» Le  père,  enivré  de  joie,  dit  une  seconde  fois  à Ràma, 
aux  angles  rouges  des  yeux  ; « Va  à Ayodhya,  ô le  plus 
excellent  des  Bharatides,  et  occupes-en  le  trône,  16,668. 

» Consume  là  quatorze  années,  prince  à la  grande 
splendeur.  » Alors,  félicité  par  ses  amis,  après  qu’il  eut 
rendu  l’hommage  aux  Dieux,  ce  héros  terrible  aux  ennemis 
s'en  alla  avec  son  épouse,  comme  Mahéndra  avec  la  fille 
de  Pouloma.  Il  combla  d'une  grâce  Avindhya. 

16,669—16,570. 

» Il  répandit  sur  la  Rakshast  Tridjatâ  des  honneurs  et 
des  richesses.  Brahma  lui  dit,  accompagné  des  Dieux, 
Indra  à leur  tète  : 16,571. 

R Fils  de  Kaâuçalyà,  il  faut  que  je  t’accorde  des  grâces; 
lesquelles  te  donnerai-je?  » Ràma  choisit  la  constance  dans 
le  devoir,  l’invincibilité  contre  ses  ennemis  et  la  résur- 
rection des  singes,  tombés  sous  les  coups  des  Raksbasas. 


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VANA-PARVA. 


597 


A peine  eut-il  articulé  ces  mots  : « Qu’il  en  soit  ainsi  ! » 
lui  répondit  Brahma.  16,572 — 16,57S. 

B I.es  singes,  reprenant  la  vie,  revinrent  i l’existence, 
puissant  roi.  La  vertueuse  Sltà  accorda  également  une 
grâce  au  simien  Hanoûmat.  16,574. 

tt  ’fa  vie,  Hanoâmat,  sera  égale  à la  gloire  de  Ràma,  et, 
disposées  par  ma  grâce,  des  jouissances  célestes  accom- 
pagneront tes  jours,  singe  aux  yeux  verd.s  I » Ensuite, 
sous  les  yeux  de  ces  héros  aux  travaux  infatigables,  tous 
les  Dieux,  Indra  à leur  tête,  de  rentrer  dans  l’invisibilité. 
Le  cocher  de  Çakra  au  comble  de  la  joie,  voyant  Ràma 
et  la  Djanakide  maintenant  réunis,  dit  an  magnanime 
prince  ces  paroles,  au  milieu  de  ses  amis,  des  serpents, 
des  .Asouras,  des  hommes,  des  A'akshas,  des  Gandharvas 
et  des  Dieux  : 16,575—16,576—16,577—16,578. 

Il  Tu  as  écarté  cette  infortune,  ô toi,  de  qui  le  courage 
est  infaillible.  Aussi  long-temps  quesubsistera cette  terre, 
les  Pannagas,  les  Rakshasas  et  les  Yakshas,  les  Gan- 
dharvas, les  Asouras  et  les  Dieux  rediront  ta  gloire  avec 
les  mondes.  » Quand  il  eut  parlé  ainsi,  il  demanda  congé 
à Ràma,  le  plus  habile  de  ceux,  qui  portent  les  armes. 

16,579—16,580. 

» 11  lui  rendit  hommage  et  s’en  alla  sur  son  char,  écla- 
tant d’une  splendeur  céleste.  Ràma,  ayant  mis  à sa  tête 
Sltâ  et  le  Soumitride,  accompagné  de  tous  les  singes, 
devant  lesquels  marchait  Sougrlva,  et  'précédé  de  Vibht- 
shana,  qui  avait  préposé  une  garde  à l.ankâ,  repassa  la  mer, 
séjour  des  makaras,  son  armée  sur  le  pont,  et  lui,  le  sage 
héros,  environné,  comme  il  était,  de  scs  principaux  mi- 
nistres, sur  le  radieux  charPoushpaka,  qui  se  mouvait  sui- 
vant la  volonté  et  volait  au  milieu  des  airs.  Accompagné  des 


59S 


LE  H>^HA-BQAR4TA. 


singej,  le  vertueux  prince  de  séjourner  sur  le  rivage  de 
la  mer,  où  déjà  il  avait  campé.  Là,  il  ra.ssembla  ces  guer- 
riers, les  remerda,  les  honora  et  les  congédia,  après  qu'il 
les  eut  entièrenients  satisfaits  de  pierreries.  Eux  partis  et 
quand  les  singes  à queue  de  vache  les  eurent  suivis,  il 
rentra,  accompagné  de  Soiigriva,  dans  la  caverne  Kish- 
kimlhy,à.  Suivi  de  Vibhtshana,  en  compagnie  de  Sougrlva, 
il  fit  contempler  du  char  Puushpaka  la,  forêt  à la  Vi- 
déhaine.  Rentré  dnnsKishkindhyà,  Râma,  le  plus  vaillant 
des  combattants,  sacra  comme  roi  de  la  jeunesse  l’adroit 
Angad.i.  Ensuite,  escorté  d'eux  et  du  Soumitride,  il 
suivit  pour  retourner  à sa  ville  la  route,  par  où  il  était 
venu.  Arrivé  dans  la  cité  d’Ayodhyà,  le  maître  du  royaume 
dépêcha  Hanoùmat  on  courier  à Bharata.  A peine  l’eut-il 
vu,  le  singe  de  lui  annoncer  l'agréable  nouvelle,  tout  ce 
qui  s'était  passé.  (De  la  stance  16,581,  <t  la  stance 
16,59-2.) 

» Quand  le  fils  du  Vent  fut  revenu,  Ràma  se  rendit  à 
Namiigràma,  où  il  vit  Bharata,  vêtu  d’un  habit  d'écorce,, 
le  corps  plein  de  souillures,  assis  sur  un  siège,  les  deux 
pantoufles  de  son  frère  mises  devant  lui.  Le  puissant  fils 
de  Raghou  et  le  Soumitride  avec  lui  se  réjouiient,  ô le 
plus  excellent  des  Bharatides,  de  se  voir  enfin  réunis  à 
Bharata  et  à Çatroughna.  La  vue  de  la  Vidéhaine  sema  la, 
joie  au  cœur  de  ces  derniers,  heureux  de  se  rejoindre  àleuT' 
frère  aîné.  Au  comble  de  la  plus  haute  joie,  Bharata  rendit 
à \ exilé  de  retour  son  royaume,  ce  dépûl  bien  révéré.  De 
concert,  Vaçishiha  et  Vâmadéva  sacrèrent  le  héros  dans, 
un  jour  sanctifié,  sous  une  constellation  dédiée  à Vishnou. 
Une  fois  saci-é,  il  donna  congé  pour  retourner  dans  leurs, 
pulais  au  monarque  des  singes,  Sougrlva,  environné  de  la 


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VANA4>ARVA.  . 


(90 


troupe  de  ses  amis,  et  à Vibhisbana,  le  fils  de  Poulaatya. 
Après  qu’il  les  eut  honorés  par  le  présent  de  diverses  choses 
proposées  à la  jouissance,  il  les  congédia  pleins  de  Joie  et 
çomblés  de  satisfaclion,  quand  il  eut  pensé:  u Voilé  ce 
qui  est  à Taire.  » Le  fils  de  Baghou  fit  scs  houim.iges  au 
char  Pousiipaka,  qu'il  eut  le  plaisir  de  rendre  à Kouvéra. 
Puis,  accompagné  des  Dévarshis,  il  offrit  sans  obstacle, 
sur  la  rive  du  fleuve  Gomatt,  dix  açva-médhas,  unis  aux 
prières  du  soleil.  [Delà  ttmice\<S,hQÏ  à la  stance  10,602.) 

» Voilà,  guerrier  aux  longs  bras,  ce  que  fit  Bàma  à la 
splendeur  sans  mesure.  Cette  dure  infortune,  causée  par 
son  habitation  dans  les  bois,  vinile  frapper  jadis.  16,002. 

(•  Ne  t'afflige  pas,  tigre  des  hommes  ; tu  es  kshatrya, 
fléau  des  ennemis:  tu  es  placé  d.ans  une  route,  où  le  seul 
recours  est  la  force  des  bras  ; tu  es  au  milieu  d’mie 
épreuve  éclatante.  16,603. 

U Ensuite,  il  n'existe  point  ici  de  faute,  quelque  mi- 
nime soit-elle^  commise  par  toi.  Les  Asouras  et  les  Dieux 
avec  Indra  ont  jadis  foulé  cette  pénible  route.  16,60A, 

n Uni  aux  Maroutes,  le  Dieu,  qui  tient  la  foudre,  n’a-t-il 
pas  tué  Vritra,  et  Namoutchi,  et  Dirghadjihwâ,  l'inaffron- 
table  Rakshast?  16,605. 

» Celui,  qui  a de^  alliés,  réunit  entièrement  ici  tous  les 
avantages  : à plus  forte  raison,  la  victoire  dans  le  combat 
appartiendra-t-elle  à celui,  qui  a pour  frères  Dhanandjaya  ? 

» Et  ce  Bhtma  à la  valeur  terrible,  le  plus  fort  des 
hommes  forts,  et  ces  deux  héroïques  jeunes  hommes  au 
grand  arc,  les  fils  de  Madrl?  16,606 — 16,607. 

» Pourquoi  te  désoles-tu,  quand  tu  as  pour  tes  alliés 
ces  héros,  par  qui  serait  vaincu  le  Dieu,  qui  tient  la 
foudre,  avec  la  troupe  des  Maroutes  ? 16,608. 


600 


LE  MAHA-BHARATA. 


• » Secondé  par  ces  héros  aux  formes  célestes,  tu  vaincras 
dans  la  guerre  tous  tes  ennemis,  0 le  plus  grand  des  Bha- 
ratides.  16,609, 

» En  outre,  jette  les  yeux  sur  cette  femme,  que  t’avait 
enlevée  ce  puissant  et  pei*vers  Sindhien  avec  ses  terriers 
magnanimes.  16,610. 

» Tu  as  accompli  un  exploit  bien  diflicile,  quand  tu 
repris  Draâupadî  la  Noire,  et  que  tu  as  fait  ton  esclave  le 
roi  Djayatratha  vaincu  I 16,611. 

» Râma  sans  allié  recouvra  la  Vidéhaine  et  terrassa  dans 
un  combat  le  terrible  Démon  aux  dix  têtes.  16,612. 

» El  cependant,  sire,  il  n’avait  pour  amis  que  des  singes, 
des  ours,  des  animaux  à la  face  noire,  qui  avaient  em- 
brassé sa  cause.  Repasse  donc  tout  cela  dans  la  pensée,  ô 
le  plus  grand  des  Kourouides.  Ne  t’afflige  pas,  taureau  des 
Bharatides.  Les  magnanimes  de  ta  condition  ne  s’aban-  • 
donnent  pas  à la  douleur,  fléau  des  ennemis . •> 

16,613—16,514. 

Ainsi  consolé  par  le  sage  Markândéya,  le  monarque 
abandonna  sa  douleur,  et,  d’une  âme  relevée  de  son  abat- 
tement, lui  adressa  de  nouveau  ces  paroles.  16,515. 


PIN 

DU  QUATRIÈME  VOLUME. 


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ERRATUM. 


Page  8,  stancfî  10,915,  construction  amphibologique,  li- 
sez: Mon  père,  ce  Daily  a fut  tué... 

Page  57,  distique  11,407  : supprimez  le  guillemet  en  Wte 
de  la  stance. 

Page  70,  stance  11,527,  lisez  ; « Maintenant  noue  avons 
atteint  le  roi  des  monts,  le  Swétn... 

Page  71,  stance  11,531,  lisez  : avec  des  personnes,  qui  dé- 
siraient te  voir  réuni  à son  père... 

Page  74,  dernière  ligne,  lisez:  de  ravissants  kadambas... 

Page  98,  stance  11,801,  lisez  : aussi  ne  fera-t-il  qu'obéir  à 
Ion  ordre. 

Page  99,  dernière  ligne,  lisez  : yaradisiurques. 

Page  138,  stance  12,203,  lisez  : Une  Daitéyi... 

Page  144,  stance  12,272,  il  y a un  peu  d’amphibologie, 
lisez  : Tel  il  en  est  des  Yakshas,  des  Asouras  et  des  Gandharvas, 
des  serpents  et  de  la  troupe  des  oiseaux. 

Page  150,  stance  12,320,  lisez  : Six  années  les  avaient  pré- 
cédées, et  les  Pândouides  habitèrent  heureux  ces  dix  ans  au  sein 
des  forêts. 

Page  229,  stance  13,068,  mettez  au  lieu  du  mot  brahmes, 
mal  lu,  barbares,  méchants  pour  ks  êtres  animés... 

Page  245,  stance  13,202,  lisez  : hâte-toi  de  le  tuer  avec  tes 
flèches  dociles,  aux  formes  épouvantables. 

Page  248,  au  lieu  des  deux  lignes,  qui  terminent  la  stance 


«02 


ERRATUM. 


13,234,  lisez  : des  hommes,  privés  de  science  tombent  partout 
sous  les  yeux,  et  des  savants  habiles  sont  en  proie  à t affliction. 

Page  264,  stance  13,356,  lisez:  ou  voleur:...  ou  vicieux. 

Page  281,  stance  13,519,  lisez:  vingt-et-un  mille  fils  étaient 
les  enfants  de  Kouvalûçiea. 

Page  296,  au  commencement  de  la  stance  13,675,  lisez  : 
je  ne  suis  plus  une  grue. 

Page  305,  stance  13,759,  étourderie  du  typographe.  11 
avait  à mettre  ficieux  dans  la  ligne  ; il  oublie  les  quatre  pre- 
mières lettres.  Lisez  donc  : on  trouve  chez  ces  hommes  vicieux 
la  répression... 

Page  328,  stance  13,977,  lisez  : comme  le  feu  placé  sous  la 
chaudière. 

Page  364,  stance  14,340,  faute  d’impression,  lisez  : et  le 
mâle  et  la  femelle  parmi  les  animaux. 

Page  383,  stance  14,521,  supprimez  le  guillemet  à la  fin. 

Les  stances  14,523,  les  deux  suivantes  elle  premier  vers  de 
lu  stance  14,526,  me  semblent  des  intrusions  dans  le  Icxte. 
Lisez  donc  immédiatement  après  le  distique  14,322  : « Qu'il 
en  soit  ainsi!  >>  répondit  Mahâséna. 

Page  415,  commencez  la  stance  14,803,  en  lisant  : Cerne' 
serait,  certes!  une  grande  joie. 

Page  448,  stance  13,139,  lisez  : Celadit,  ils  répondirent  au 
monarque. 

Page  459,  stance  15,254,  lisez  : qui  habitent  dans  cette 
région  du  couchant. 

Page  462,  stance  13,286,  lisez  : et  que  le  plus  grand  des 
rois,  sire,  ton  père  lui-même  respire, , 

Page  484,  stance  13,483,  lisez  : et  que  Moudgala  eut  donné  • 
congé  au  messager  des  Dieux. 


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TABLE  DES  MATIÈRES 


CONTENUES  DANS  CE  PRÉSENT  VOLUME. 


Chapilreti  : ; 

A MES  LECTEURS . . U1 

Le  pèlcriiiagii  aux  tlrthas 1 

Mort  (le  Djatasoura 02 

Le  coiiibal  avec  l' Yaksba . . . . ....  2Û 

Le  combat  avec  les  iNivataLavatcha.s  . .... 

Le  Boa  . . , , , , , , . , ....  IM 

Les  entretiens  deMàrkandéya . 17& 

La  conversation  de  Draâupadl  et  de  Satyabhâinâ.  . .^07 

L’excursion  à Ghosha A08 

I>e  rapt  de  Draâupadl 4M 

Délivrance  de  Djayatratha . 518 

La  légende  de  Râma.  . . â2Z 


flN  DE  LA  TABLE  DES  MATIÈRES. 


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